ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 550 [Assemblée nationale.] des officiers du siège royal et principal de la Basse-Marche, établi en la ville du Dorât, et de ceux de la sénéchaussée delà Basse-Marche, séant à Bellac ; delà municipalité de Monchampsen Poitou ; des officiers municipaux de la ville de Thouart; des communes de la Marche ; de la Gar-nache en Bas-Poitou ; de tous les citoyens de la ville et campagne de Beaufort en Anjou ; de la ville de Charlieu en Lyonnais ; de la ville de Moyenvic ; du comité permanent de la ville de Tours ; de la ville de Compiégne ; des officiers de la justice de Cosne-sur-Loire; du corps municipal de Mabrien en Languedoc; du comité permanent du district de Quincey en Franche-Comté ; de la ville de Mées ; de tous les citoyens de la ville de Gardanne en Provence, et de la ville de Saissac en Languedoc. MM. les secrétaires ont rendu compte de différentes lettres: 1° de M. Tascher, président au parlement de Metz, qui fait hommage à la nation d’un brevet de pension de 1 ,200 livres, et demande qu’une autre pension de 800 livres placée sur sa tète, soit transférée sur celle de sa mère âgée de plus de quatre-vings ans ; 2° de M. le comte de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre ; 3° du sieur Mongeot, directeur d’une instruction gratuite en faveur des ouvriers de Paris; du sieur deMarcombe, de Tours; du sieur Aubry, médecin ordinaire du Roi, qui demande le titre de médecin de l’Assemblée nationale ; enfin, des procès-verbaux de la prestation de serment du premier bataillon de Bassigny, et du bataillon auxiliaire en la ville de Port-Louis enBaetagne; de la prestation de serment des troupes en garnison à Montpellier, et de l’assemblée de la noblesse de la Basse-Marche, qui renouvelle les pouvoirs de son député à l’Assemblée nationale, et l’autorise à délibérer sur tous les objets qui seront proposés. La liste des membres qui ont été élus par les généralités, pour composer le comité des droits féodaux, a été lue à l’Assemblée. 11 a été aussi donné lecture du procès-verbal de la séance du 31 au matin ; et quelques difficultés s’étant élevées au sujet de la rédaction de ce procès-verbal, dont la réforme entière avait été demandée, l’Assemblée a été aux voix, et a décidé que le procès-verbal ne serait point réformé, sauf quelques légères corrections. M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion relative à la sanction royale. M. Crénière. La question que nous agitons a donné lieu à des discussions très-savantes ; l’on a opposé des systèmes à des systèmes contraires ; des opinions différentes à d’autres opinions; les gouvernements ont été jugés; tous les peuples ont été appelés en témoignage ; en un mot. on a tout dit, excepté la vérité, oui, Messieurs, tout dit excepté la vérité; et je vais la faire entendre ; et si mes efforts ne sont pas vains, je ne me plaindrai pas delà tâche qui m’a été laissée. L’on doit d’abord s’apercevoir de la différence qu’il y a entre te veto et la sanction, comme de celle qu’il y a entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; l’un, dit-on, appartient au peuple, l’autre est confié au Roi. L'on avoue ensuite que le peuple a le droit de faire des lois, et que le Roi est chargé de les faire exécuter. Je conclus de tout cela qu’il faut s’armer contre l’évidence meme pour vouloir investir du droit de veto le pouvoir exécutif. 11 est aussi absurde de soutenir une pareille thèse, qu’il le serait de dire : Puisque vous [3 septembre 1789.] accordez au pouvoir exécutif le droit d’empêcher le pouvoir législatif de faire des lois nouvelles, il faut aussi, par une juste réciprocité, que le pouvoir législatif puisse empêcher le pouvoir exécutif de faire exécuter les lois anciennes ; car ces deux pouvoirs étant égaux, ils doivent avoir la même influence, et de là il résultera un très-bel ordre de choses. Mais, dit-on, nous n’accordons pas ce droit, il appartient au Roi; il est partie intégrante du pouvoir législatif. Mais alors que pourra donc le pouvoir législatif s’il ne peut faire des lois? et qu’est-ce qu’un pouvoir qui ne peut rien ? qu’est-ce qu’un Corps législatif qui peut décréter et qui ne le peut pas ? qu’est-ce qu’un législateur qui veut, et un roi qui ne veut pas ? Que l’on m’explique donc toutes ces contradictions! En attendant, je raisonne ainsi : Personne n’a le droit d'empêcher une nation de faire des lois ; une nation peut faire une Constitution, doue personne n’a le droit de l’en empêcher. Ce n’est pas d’aujourd’hui que j’ai démontré qu’aucune aulori té n’est légitime qu’autant qu’elle est nécessaire; que le Roi n’en doit avoir qu’autant qu’elle est suffisante pour défendre notre liberté, et non pour l’attaquer. Eh ! que serait le Roi, s’il pouvait tout contre la nation, s’il pouvait rendre nul à son gré le pouvoir législatif? Souvenez-vous que la souveraineté réside dans le peuple, souvenez-vous que vous avez ordonné la responsabilité des ministres; souvenez-vous aussi des effets du veto, et demandez-vous à vous-mêmes s’il est nécessaire. Le Roi ne pmt empêcher l’exercice du pouvoir législatif. 11 me reste à démontrer s’il faut adopter le veto suspensif. Le Roi ne peut connaître les limites de son autorité qu’après avoir ratifié et sanctionné la Constitution ; que l’on ne s’y méprenne pas : j’entends par sanction l’acte par lequel le souverain s’oblige à la faire publier et la faire exécuter. Je ne distin-ue ici ni le veto absolu ni le veto limitatif ou moitié. Je discute les principes. Ainsi, nous disons tous que la loi est l’expression de la volonté générale; mais chacun adapte cette définition à son système. Les uns entendent la volonté manifestée par des députés ; et c’était là le système des représentants ; d’autres veulent que l’on ajoute la volonté du prince, et, selon eux, l’Etat sera libre ; d’autres enfin veulent un sénat, et le peuple français, dit-on, sera le peuple le plus heureux de la terre. Mais je définis ainsi la volonté générale : c’est celle de la majeure partie des citoyens français. Il est impossible de reconnaître deux volontés générales, et cependant il y aurait celle du peuple et celle du prince; mais il est possible de recueillir les voix des citoyens, et cela vaut mieux que de s’en rapporter à celles des représentants et du Sénat. Or, alors il n’est nullement question de veto ; ce n’est donc que dans le cas où la volonté générale qui fait la loi est maintenue, d’autant qu’il peut y avoir de la difficulté. Or, on considère dans quel embarras jette le désordre de vos délibérations celui qui met de l’ordre dans ses idées. Le veto sera donc conditionnel, et je m’explique. Si le peuple jouit de la liberté de faire des lois, il en doit jouir sans aucune restriction ; si le peuple n’en jouit que par ses représentants, il n’aura pas alors usurpé le pouvoir législatif, et