592 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 avril 1790. jurisprudence uniforme dans tout le royaume, telle qu’elle existe en Angleterre et en Amérique. Dans les affaires criminelles, j’ai déjà dit, et je me plais à le répéter, que dans tous les délits communs, le jugement par jurés est la sauvegarde de l’innocent accusé, et cette considération doit suffire pour le faire adopter; mais si je considère la liberté et l’ordre public dans les atteintes qu’ils peuvent recevoir des passions, des violences, des préventions, des mouvements impétueux du peuple, je ne vois plus, en certains cas, une garantie suffisante contre l’oppression par le jugement des jurés; et je sens alors le besoin d’un tribunal supérieur indépendant, responsable au Corps législatif, mais plus fort que ses justiciables. Je ne m’explique point dans cette séance sur l’organisation d’un tel tribunal, parce qu’il fait partie d’un système complet de l’ordre judiciaire, dont je ne prétends point analyser aujourd’hui tous les plans. En me bornant donc à la seule question des jurés d’après les considérations que je vous ai exposées, je demande pour les affaires civiles que la question soit ajournée à dix années. Dans les affaires criminelles, j’admets le jugement parjurés pour tous les délits communs et dans toute plainte où il y aura moins de dix coaccusés, auquel cas et dans tous ceux qui résulteraient d’attroupements séditieux, violences commises par un corps armé (1) ou par un corps administratif, je demande que de tels délits soient poursuivis à la requête du ministère public par devant un tribunal supérieur, indépendant, aux ordres duquel serait la force armée pendant l’exercice de ses fonctions. C’est à ces conditions seulement que je vois la liberté publique et individuelle assurée par l’établissement des jurés. M. de Cussy, député de Caen, demande et obtient un congé de quinze jours pour cause d’affaires de famille. M. le garde des sceaux fait part à l’Assemblée que M. le président d’Augeard a reçu les ordres en vertu desquels il se rendra ce soir à la barre de l’Assemblée. Il annonce, par le même billet, que le roi a donné sa sanction : 1° Au décret du 30 mars concernant les coupes de bois pour le service des salines de Moyenvic ; 2° Au décret du 25 mars, qui ordonne le paiement des lettres de change expédiées pour le service de la marine et des colonies; Et son acceptation au décret du 23 janvier, qui prescrit que tous les citoyens sans distinction seront soumis au logement des gens de guerre. M. le Président lève la séance à trois heures et demie. (1) J’ai parlé à la fin de la séance, après six heures de discussion, ce qui m’a forcé d’abréger mon opinion et de m’interdire tous les développements qu’elle exigeait; mais je me reproche de n’avoir pas fait remarquer que si la France devait être toujours distribuée en corps armés, telle qu’elle l’est aujourd’hui, et si ces corps avaient le droit qu’ils exercent et que l’on parait confirmer de se confédérer, de délibérer, de requérir, d’avoir des comités dirigeants, non seulement le jugement par jurés serait dangereux et oppressif, mais on ne pourrait S rendre confiance dans aucune espèce de tribunal. — ï. Pitt a dit une grande vérité dont nous devrions profiter : Nous passons au travers de la liberté , où arriverons-nous ? ASSEMBLÉE NATIONALE. [PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du jeudi 8 avril 1790, au soir (1). M. le Président ouvre la séance à 6 heures du soir. M. le marquis de Bonnay, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du matin, il ne s’élève aucune réclamation. Il est donné lecture de plusieurs adresses dont la teneur suit : Adresse d’adhésion, de félicitation et de reconnaissance des maire el officiers municipaux de Trecon en Champagne. Adresse de la compagnie militaire nationale des arquebusiers royaux de la ville de Vertus en Champagne, lesquels, en adhérant avec dévouement à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et en offrant de concourir à leur exécution, même au péril de leur vie, demandent à être conservés danslanouvelle organisation de lamilice nationale et compagnie d’arquebusiers, mise en corps avec tous les arquebusiers royaux et nationaux des autres provinces du royaume. Adresse des habitants de la paroisse de Flori-gnac en Angoumois, lesquels, par l’organe de leur maire, font, pour les besoins de l’Etat, le don patriotique de la contribution de leurs ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789; la dite contribution montant à 441 livres. Adresse des curé et marguilliers du village d’Odeuq en Bruy, diocèse de Beauvais, qui offrent un don patriotique de deux calices, deux patènes et deux burettes d’argent. Don patriotique fait par un enfant de quatre ans et demi, fils du sieur Caron du Goudray, négociant à Beauvais, d’une tasse d’argent qui est toute sa propriété. Un autre secrétaire donne ensuite lecture à l’Assemblée d’un extrait du registre de la municipalité de Joncy, département de Dijon, district a’Arnay-le-Due, qui annonce que l’Assemblée de la commune dudit lieu, après avoir prêté solennellement le serment civique, a résolu d’offrir à la patrie une somme de 500 livres sur celle de 5,500 livres qui lui reste due sur le prix d’un bois de haute futaie, vendu il y a huit ans, et qui sont déposés depuis cette époque dans la caisse du receveur des domaines de Dijon. Le village de Blangey , annexé à la même paroisse, offre aussi un don patriotique de 100 livres, et gémit de ce que sa pauvreté ne lui permet pas de faire un plus grand sacrifice. La communauté des boulangers de la ville d’Ar-nay, animée du même patriotisme, fait aussi un don patriotique d’une partie de finances de 640 livres, produisant 32 livres de gages annuels, ensemble tous les arrérages qui sont dus. Adresse de marchands , entrepreneurs , manufacturiers , ouvriers, etc., exposant les inconvénients fâcheux de l'établissement d'un papier-monnaie à intérêt . Cette adresse est ainsi conçue : En France, quoique la balance du commerce, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.