SÉANCE DU 2 THERMIDOR AN II (20 JUILLET 1794) - Nos 53-54 367 et circonstancié par l’acte d’accusation, et le condamnera à la peine portée contre ce délit. « XII. - Cette condamnation sera, dans les cinq jours de la prononciation, et à la diligence de l’accusateur public, affichée, par l’exécuteur des jugements criminels, à un poteau qui sera planté au milieu de la place publique du lieu où s’est tenue l’assemblée du juré d’accusation. « XIII. - En aucun cas, la contumace d’un accusé ne pourra suspendre ni retarder l’instruction à l’égard de ses co-accusés présens. » Elle ne pourra pas non plus, après le jugement de ceux-ci, empêcher la remise des effets déposés au greffe comme pièces de conviction, lorsqu’ils seront réclamés par les propriétaires intéressés à cette remise. » Cette remise sera précédée d’un procès-verbal de description, dressé par le président ou par un juge qu’il aura commis à cette fin. « XIV. - Tous les fruits, revenus et produits qui seront, en exécution de l’ordonnance mentionnée dans l’article IV, perçus par les receveurs des droits d’enregistrement, et par eux versés dans les caisses de district, appartiendront irrévocablement à la République, sauf les secours à accorder à la femme, aux enfants, au père ou à la mère de l’accusé, s’ils sont dans le besoin. » Les secours seront réglés par le corps législatif. « XV. - Si l’accusé se constitue prisonnier, ou s’il est pris et arrêté, le jugement rendu et les procédures faites contre lui depuis l’ordonnance de prise de corps seront anéantis de plein droit, et il sera procédé à son égard dans la forme ordinaire. « XVI. - Néanmoins les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence seront lues aux jurés, qui y auront tel égard que de raison en observant toujours que les preuves écrites ne sont pas la règle unique de leurs décisions et qu’elles ne leur servent que de renseignements. « XVII. - L’accusé contumax, à compter soit du jour où il aura été arrêté, soit de celui où il se sera lui-même constitué prisonnier, rentrera dans l’exercice de tous ses droits; et ses biens, à l’exception des fruits perçus ou échus antérieurement, lui seront rendus. « XVIII. - Dans le cas même d’absolution, l’accusé qui a été contumax sera condamné, par forme de correction, à garder la prison pendant une décade : le juge lui fera, en public, une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens; et il ne lui sera accordé aucun recours contre son dénonciateur. « XIX. - La peine infligée par la loi au délit dont le contumax est accusé, sera prescrite par vingt ans, à compter de la date de la condamnation. « XX. - Mais, ce temps passé, il ne sera plus reçu à se présenter pour purger sa contumace. « XXI. - Après la mort du contumax prouvée légalement, ou après cinquante ans de la date de la condamnation, ses biens, à l’exception des fruits perçus ou échus antérieurement, seront restitués à ses héritiers légitimes. « XXII. - Toutes les procédures contre des accusés absens, qui à l’époque de la publication de la présente loi, auront été faites d’après le titre IX de la deuxième partie de la loi du 16 septembre 1791, et qui ne seront pas terminées par des jugements définitifs de contumace, seront recommencées suivant le mode ci-dessus prescrit. « XXIII. - Il n’est point dérogé, par la présente loi, aux dispositions de celles relatives aux émigrés. » (l). 53 Sur la proposition d’un membre [GOSSUIN], la Convention nationale décrète que le rapport fait au nom des comités de salut public, des finances, de l’examen des marchés et de la guerre, et qui a précédé la loi rendue ce-jourd’hui sur la solde des troupes, sera imprimé en tête de ladite loi et envoyé aux armées (2). 54 Un membre [MERLIN (de Douai)], fait un rapport, au nom du comité de législation, sur les idiomes étrangers employés dans les actes. Merlin (de Douai) : Citoyens, vous avez pris des mesures, le 8 pluviôse (3), pour faire insensiblement disparaître la diversité des idiomes et ramener tous les citoyens à l’unité de langage, signe précieux de l’unité de gouvernement. Mais ces mesures seraient bien illusoires si vous ne vous empressiez d’arrêter, dans plusieurs départements de la République, un abus qui tend, non-seulement à perpétuer, mais même à nécessiter, à rendre indispensable l’intelligence des idiomes barbares qu’on y parle encore. Votre comité de législation a eu plusieurs fois occasion de remarquer que, dans les départements du Haut et du Bas -Rhin, ou se permet de rédiger en allemand les actes les plus importants de la procédure criminelle. Le commissaire national du district de Bergues, séant à Dunkerque, nous mande que dans cette partie du département du Nord on ne se fait aucun scrupule d’enregistrer des actes écrits en langue (l) P.V., XLII, 69-75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n°10 011. Voir ci-après, séances des 3 therm., n° 58 et 4 therm., n° 46. Débats, n°669; J. S. Culottes, nos521, 522; J. Paris, nos568, 569; J. Perlet, n° 666 ; Ann. R.F., nos230, 231; Rép., nos213, 215, 216; Audit, nat., n° 665 ; C. Univ., n° 932 ; J. Sablier, n° 1450 ; J. Fr., n° 665 (sic pour 666). Mentionné par Mess. Soir, n° 701 ; J. Mont., n° 85; -J. Lois, n° 661. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Gossuin. Décret n° 10 012. Voir, ci-dessus, n° 50 et, ci-après, séances du 3 therm., nos57 et 59; du 4 therm., n° 36. (3) Voir Arch. pari., T. LXXXIII, séance du 8 pluviôse, n° 18. SÉANCE DU 2 THERMIDOR AN II (20 JUILLET 1794) - Nos 53-54 367 et circonstancié par l’acte d’accusation, et le condamnera à la peine portée contre ce délit. « XII. - Cette condamnation sera, dans les cinq jours de la prononciation, et à la diligence de l’accusateur public, affichée, par l’exécuteur des jugements criminels, à un poteau qui sera planté au milieu de la place publique du lieu où s’est tenue l’assemblée du juré d’accusation. « XIII. - En aucun cas, la contumace d’un accusé ne pourra suspendre ni retarder l’instruction à l’égard de ses co-accusés présens. » Elle ne pourra pas non plus, après le jugement de ceux-ci, empêcher la remise des effets déposés au greffe comme pièces de conviction, lorsqu’ils seront réclamés par les propriétaires intéressés à cette remise. » Cette remise sera précédée d’un procès-verbal de description, dressé par le président ou par un juge qu’il aura commis à cette fin. « XIV. - Tous les fruits, revenus et produits qui seront, en exécution de l’ordonnance mentionnée dans l’article IV, perçus par les receveurs des droits d’enregistrement, et par eux versés dans les caisses de district, appartiendront irrévocablement à la République, sauf les secours à accorder à la femme, aux enfants, au père ou à la mère de l’accusé, s’ils sont dans le besoin. » Les secours seront réglés par le corps législatif. « XV. - Si l’accusé se constitue prisonnier, ou s’il est pris et arrêté, le jugement rendu et les procédures faites contre lui depuis l’ordonnance de prise de corps seront anéantis de plein droit, et il sera procédé à son égard dans la forme ordinaire. « XVI. - Néanmoins les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence seront lues aux jurés, qui y auront tel égard que de raison en observant toujours que les preuves écrites ne sont pas la règle unique de leurs décisions et qu’elles ne leur servent que de renseignements. « XVII. - L’accusé contumax, à compter soit du jour où il aura été arrêté, soit de celui où il se sera lui-même constitué prisonnier, rentrera dans l’exercice de tous ses droits; et ses biens, à l’exception des fruits perçus ou échus antérieurement, lui seront rendus. « XVIII. - Dans le cas même d’absolution, l’accusé qui a été contumax sera condamné, par forme de correction, à garder la prison pendant une décade : le juge lui fera, en public, une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens; et il ne lui sera accordé aucun recours contre son dénonciateur. « XIX. - La peine infligée par la loi au délit dont le contumax est accusé, sera prescrite par vingt ans, à compter de la date de la condamnation. « XX. - Mais, ce temps passé, il ne sera plus reçu à se présenter pour purger sa contumace. « XXI. - Après la mort du contumax prouvée légalement, ou après cinquante ans de la date de la condamnation, ses biens, à l’exception des fruits perçus ou échus antérieurement, seront restitués à ses héritiers légitimes. « XXII. - Toutes les procédures contre des accusés absens, qui à l’époque de la publication de la présente loi, auront été faites d’après le titre IX de la deuxième partie de la loi du 16 septembre 1791, et qui ne seront pas terminées par des jugements définitifs de contumace, seront recommencées suivant le mode ci-dessus prescrit. « XXIII. - Il n’est point dérogé, par la présente loi, aux dispositions de celles relatives aux émigrés. » (l). 53 Sur la proposition d’un membre [GOSSUIN], la Convention nationale décrète que le rapport fait au nom des comités de salut public, des finances, de l’examen des marchés et de la guerre, et qui a précédé la loi rendue ce-jourd’hui sur la solde des troupes, sera imprimé en tête de ladite loi et envoyé aux armées (2). 54 Un membre [MERLIN (de Douai)], fait un rapport, au nom du comité de législation, sur les idiomes étrangers employés dans les actes. Merlin (de Douai) : Citoyens, vous avez pris des mesures, le 8 pluviôse (3), pour faire insensiblement disparaître la diversité des idiomes et ramener tous les citoyens à l’unité de langage, signe précieux de l’unité de gouvernement. Mais ces mesures seraient bien illusoires si vous ne vous empressiez d’arrêter, dans plusieurs départements de la République, un abus qui tend, non-seulement à perpétuer, mais même à nécessiter, à rendre indispensable l’intelligence des idiomes barbares qu’on y parle encore. Votre comité de législation a eu plusieurs fois occasion de remarquer que, dans les départements du Haut et du Bas -Rhin, ou se permet de rédiger en allemand les actes les plus importants de la procédure criminelle. Le commissaire national du district de Bergues, séant à Dunkerque, nous mande que dans cette partie du département du Nord on ne se fait aucun scrupule d’enregistrer des actes écrits en langue (l) P.V., XLII, 69-75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n°10 011. Voir ci-après, séances des 3 therm., n° 58 et 4 therm., n° 46. Débats, n°669; J. S. Culottes, nos521, 522; J. Paris, nos568, 569; J. Perlet, n° 666 ; Ann. R.F., nos230, 231; Rép., nos213, 215, 216; Audit, nat., n° 665 ; C. Univ., n° 932 ; J. Sablier, n° 1450 ; J. Fr., n° 665 (sic pour 666). Mentionné par Mess. Soir, n° 701 ; J. Mont., n° 85; -J. Lois, n° 661. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Gossuin. Décret n° 10 012. Voir, ci-dessus, n° 50 et, ci-après, séances du 3 therm., nos57 et 59; du 4 therm., n° 36. (3) Voir Arch. pari., T. LXXXIII, séance du 8 pluviôse, n° 18. 368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE flamande. Et sans doute, ni le département du Morbihan ni celui du Finistère ne sont exempts du. même reproche, quant à l’usage du bas-breton. Je n’ai pas besoin de vous faire sentir combien peuvent être funestes à la liberté nationale les conséquences de ces usages monstrueux. Les considérations majeures qui vous ont été exposées sur cette grande matière, par votre comité de salut public, à la séance du 8 pluviôse, sont encore présentes à vos esprits. Je dirai seulement que si les tyrans François Ier, Charles IX et Louis XIII ont cru nécessaire, pour détacher de la cour de Rome ceux qu’ils osaient appeler leurs sujets, d’interdire l’usage du latin dans les actes publics, et de consacrer cette défense par l’article III de l’ordonnance de 1539, par l’art. XXXV de celle de 1563, et par l’art. XXVII de celle de 1629 ; si le tyran Louis XIV a jugé utile, pour faire oublier la domination espagnole aux habitants du Roussillon, de rendre, en février 1700, un édit qui leur a défendu l’usage du catalan dans les procédures et dans les contrats notariés; si le même despote a cru que, pour effacer dans l’esprit des Alsaciens et des Flamands les relations qui les avaient si longtemps liés à la maison d’Autriche, il était à propos de ne leur permettre de plaider ni en flamand, ni en allemand, nous pouvons bien, pour consolider la liberté du peuple, employer de semblable mesures, et à notre tour nous devons faire servir à l’affermissement de la République ce qui autrefois n’a fait que river les fers de nos ancêtres. Votre comité de législation me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant (l) : [MERLIN (de Douai] propose et la Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. - A compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française. « II. - Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française. « III. - Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira dans l’exercice de ses fonctions des procès-verbaux, jugemens, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué. « IV. - La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiômes ou langues autres que la française. » (2). (1) Mon., XXI, 273. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 010. J. Paris, nos567, 568; J. Jacquin, n° 724 ; -J. Perlet, n° 667 ; M.U., XLIII, 55 ; -J. Fr., nos 664, 55 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public et de sûreté générale, fait un rapport sur les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêt et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés (l). BarÈRE. Tremblez, tyrans de l’Europe, si enfin les peuples du Nord, assoupis dans leurs fers, s’éveillent pour les briser. Bientôt les secours et les victoires deviendront solidaires entre les peuples libres; il faut que la tyrannie, à son dernier soupir, entende leur proclamation solennelle au nom de la première, de la seule véritable république qui ait existé, la république démocratique des Français. Et vous, hommes du Nord, ressaisissez-vous de votre courage, élevez-vous à la dignité des nations : ne comptez plus vos ennemis, ils sont moins nombreux que les hommes libres, et ils sont lâches comme des rois. (Vifs applaudissements.) Comptez plutôt les crimes des monarchies et les forfaits de la tyrannie; achevez d’écraser les satellites que la France chasse devant elle, comme le vent chasse une vile poussière. Jurez d’être libres, et vous serez vainqueurs comme nous. (On applaudit.) Cependant ne nous laissons pas endormir au milieu des succès; que la victoire ne corrompe ni le législateur ni l’armée. Capoue perdit Carthage, et la bataille de Cannes n’était pas sans gloire. Les victoires militaires renversent quelques soldats et détruisent l’effroyable mécanique des rois; mais les victoires morales renversent la royauté et ses odieuses institutions. (On applaudit.) Nous aurions beau triompher de la politique extérieure, de quelques hordes étrangères, si nous ne triomphons pas des ennemis domestiques et des passions de l’intérieur. (On applaudit.) Quand vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, ce ne sont pas ces deux mots que vous avez mis à l’ordre du jour, mais la justice qui a ses preuves, et la probité qui a son caractère. (Nouveaux applaudissements.) Ce n’est point un décret pompeux que vous avez proclamé, mais des vertus républicaines dont vous avez voulu ordonner la pratique et recommander les bienfaits. (Les applaudissements recommencent.) Quel est celui qui n’a pas remarqué que l’amour de la liberté s’est accru à mesure que les lumières se propageaient ? Et cependant on veut proscrire les hommes éclairés ! Qui n’a pas senti que la république se fortifiait chaque jour par les vertus quelle enfante ? et cependant tous les jours des corrupteurs publics cherchent à démoraliser le peuple, à emdormir son courage, à annuler son énergie; des patriotes égarés par une sensibilité mal entendue, ou trompés par des propos mensongers, prennent pour eux la terreur qui n’appartient qu’aux coupables, et laissent échapper quelques mouvements de pitié pour ceux qui nous égorgeraient sans exception s’ils avaient un instant de puissance ou de liberté. 665 ; C. Eg., n° 702 ; F. S. P., n° 382 ; Ann. patr., n° DLXVIII. Mentionné par J. S. Culottes, n° 522; Audit. nat., n° 665. Voir, ci-après, séance du 3 therm., n° 57. (l) P.V., XLII, 77. 368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE flamande. Et sans doute, ni le département du Morbihan ni celui du Finistère ne sont exempts du. même reproche, quant à l’usage du bas-breton. Je n’ai pas besoin de vous faire sentir combien peuvent être funestes à la liberté nationale les conséquences de ces usages monstrueux. Les considérations majeures qui vous ont été exposées sur cette grande matière, par votre comité de salut public, à la séance du 8 pluviôse, sont encore présentes à vos esprits. Je dirai seulement que si les tyrans François Ier, Charles IX et Louis XIII ont cru nécessaire, pour détacher de la cour de Rome ceux qu’ils osaient appeler leurs sujets, d’interdire l’usage du latin dans les actes publics, et de consacrer cette défense par l’article III de l’ordonnance de 1539, par l’art. XXXV de celle de 1563, et par l’art. XXVII de celle de 1629 ; si le tyran Louis XIV a jugé utile, pour faire oublier la domination espagnole aux habitants du Roussillon, de rendre, en février 1700, un édit qui leur a défendu l’usage du catalan dans les procédures et dans les contrats notariés; si le même despote a cru que, pour effacer dans l’esprit des Alsaciens et des Flamands les relations qui les avaient si longtemps liés à la maison d’Autriche, il était à propos de ne leur permettre de plaider ni en flamand, ni en allemand, nous pouvons bien, pour consolider la liberté du peuple, employer de semblable mesures, et à notre tour nous devons faire servir à l’affermissement de la République ce qui autrefois n’a fait que river les fers de nos ancêtres. Votre comité de législation me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant (l) : [MERLIN (de Douai] propose et la Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. - A compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française. « II. - Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française. « III. - Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira dans l’exercice de ses fonctions des procès-verbaux, jugemens, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué. « IV. - La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiômes ou langues autres que la française. » (2). (1) Mon., XXI, 273. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 010. J. Paris, nos567, 568; J. Jacquin, n° 724 ; -J. Perlet, n° 667 ; M.U., XLIII, 55 ; -J. Fr., nos 664, 55 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public et de sûreté générale, fait un rapport sur les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêt et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés (l). BarÈRE. Tremblez, tyrans de l’Europe, si enfin les peuples du Nord, assoupis dans leurs fers, s’éveillent pour les briser. Bientôt les secours et les victoires deviendront solidaires entre les peuples libres; il faut que la tyrannie, à son dernier soupir, entende leur proclamation solennelle au nom de la première, de la seule véritable république qui ait existé, la république démocratique des Français. Et vous, hommes du Nord, ressaisissez-vous de votre courage, élevez-vous à la dignité des nations : ne comptez plus vos ennemis, ils sont moins nombreux que les hommes libres, et ils sont lâches comme des rois. (Vifs applaudissements.) Comptez plutôt les crimes des monarchies et les forfaits de la tyrannie; achevez d’écraser les satellites que la France chasse devant elle, comme le vent chasse une vile poussière. Jurez d’être libres, et vous serez vainqueurs comme nous. (On applaudit.) Cependant ne nous laissons pas endormir au milieu des succès; que la victoire ne corrompe ni le législateur ni l’armée. Capoue perdit Carthage, et la bataille de Cannes n’était pas sans gloire. Les victoires militaires renversent quelques soldats et détruisent l’effroyable mécanique des rois; mais les victoires morales renversent la royauté et ses odieuses institutions. (On applaudit.) Nous aurions beau triompher de la politique extérieure, de quelques hordes étrangères, si nous ne triomphons pas des ennemis domestiques et des passions de l’intérieur. (On applaudit.) Quand vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, ce ne sont pas ces deux mots que vous avez mis à l’ordre du jour, mais la justice qui a ses preuves, et la probité qui a son caractère. (Nouveaux applaudissements.) Ce n’est point un décret pompeux que vous avez proclamé, mais des vertus républicaines dont vous avez voulu ordonner la pratique et recommander les bienfaits. (Les applaudissements recommencent.) Quel est celui qui n’a pas remarqué que l’amour de la liberté s’est accru à mesure que les lumières se propageaient ? Et cependant on veut proscrire les hommes éclairés ! Qui n’a pas senti que la république se fortifiait chaque jour par les vertus quelle enfante ? et cependant tous les jours des corrupteurs publics cherchent à démoraliser le peuple, à emdormir son courage, à annuler son énergie; des patriotes égarés par une sensibilité mal entendue, ou trompés par des propos mensongers, prennent pour eux la terreur qui n’appartient qu’aux coupables, et laissent échapper quelques mouvements de pitié pour ceux qui nous égorgeraient sans exception s’ils avaient un instant de puissance ou de liberté. 665 ; C. Eg., n° 702 ; F. S. P., n° 382 ; Ann. patr., n° DLXVIII. Mentionné par J. S. Culottes, n° 522; Audit. nat., n° 665. Voir, ci-après, séance du 3 therm., n° 57. (l) P.V., XLII, 77.