178 [Assemblée nationale.) pénétrer que c’est à une association de 24 millions d’hommes, à qui ils sont chargés de rendre justice sur un des points sur lequel il leur importe le plus de l’obtenir. J’ajouterai encore une considération très propre à faire désirer d’adopter un mode qui, du moins, sans avoir de grands inconvénients, rende justice prompte à chaque contribuable. On sait que le vexin français, l’ile de France et quelques autres provinces sont trop taxées par l’imposition faite sur les anciens privilégiés en 1790, pour en voir prolonger la méthode injuste pendant l’année 1791 ; ce qui ne manquerait pas d’arriver, si l’on tarde à prendre un parti sur cet important objet. Il y a des propriétaires dans ces provinces, qui payent la moitié ou le tiers de leur revenu. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du vendredi 24 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Gillet-Lajacquemiiiière, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Il est adopté. Un de MM. les secrétaires annonce une adresse des marchands armuriers de la ville de Paris, qui demandent une indemnité pour les dommages qui furent causés chez eux les 13 et 14 juillet 1789, lorsqu’on s’empara de leurs magasins. Cette adresse, avec les pièces qui y sont jointes, est renvoyée à la municipalité de la ville de Paris. Adresse des négociants de Cette, par laquelle ils demandent à l’Assemblée nationale la faculté d'établir une chambre de commerce et une bourse, pour se réunir journellement, comme dans les autres villes maritimes, et d’imposer, en conséquence, et lever sur les négociants telle somme qu’ils aviseront nécessaire pour l’achat ou louage d’une maison ou lieu qui sera appelé Bourse, et autres frais indispensables; ils démontrent, très au long, l’avantage qui résulterait d’une telle réunion, pour l’accroissement du commerce dans les ports de mer : ils protestent de leur entier dévouement pour les décrets de l’Assemblée nationale, et la préviennent qu’ils ont formé provisoirement, du consentement de la municipalité, un directoire composé de sept membres, pour la décision des seuls objets qui ne pourraient souffrir aucun délai, lesquels sont en grand nombre dans les circonstances présentes. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la liquidation de la dette publique. M. d’Elbecq. Je ne connais pas assez les grandes opérations de finances pour vous présenter mon opinion particulière sur la grande et importante question qui est soumise aujourd’hui (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . (24 septembre 1190.) à votre délibération ; mais il est de mon devoir de vous faire connaître le vœu de la ville de Lille, une des plus grandes et dés plus florissantes du nord de la France, par son commerce et ses manufactures. Elle m’a chargé de vous faire part de ses inquiétudes sur l’émission de 2 milliards d’assignats-monnaie, et voici comment elle se résume dans un mémoire que vous ont envoyé à chacun en particulier ses députés extraordinaires (1) : « En payant en assignats forcés la dette nationale exigible, tout l’argent disparaît, tous les ateliers se ferment, les ouvriers de toutes les classes se trouvent sans travail et sans pain, les denrées et les marchandises augmentent, de manière que toute balance est rompue au dehors comme au dedans; enfin le commerce national est anéanti. Si la nation se libère, au contraire, par des quittances de finances, tous nos maux sont finis, la confiance renaît, le capitaliste ouvre ses coffres, le fabricant rappelle tous ses ouvriers, et tous les Français heureux bénissent la Constitution. » M. de Foucault. Je demande qu'on indique une assemblée extraordinaire ce soir, pour lire les adresses de province que nous recevons tous les jours, pour, sur et contre les assignats, afin que l’Assemblée soit à portée de connaître le vœu de la nation entière, avant de se déterminer sur un objet aussi important. (L’Assemblée, consultée, remet cette lecture à l’ordre de deux heures.) M. de La Galissonnière (2). Messieurs, votre comité des finances vous a présenté un aperçu approximatif de la dette exigible, montant à 1,900 millions; il vous propose deux moyens pour la payer : Le premier, une émission de 1,900 millions d’assignats en papier-monnaie forcé, ne portant pas intérêt; Le second, une émission de quittances de finance de pareille somme, portant intérêt à 5 0/0. Les opinions sont partagées sur ces deux moyens, et dans cette Assemblée même les idées ne sont pas fixées. Celles du public sont flottantes; il n’est personne qui ne soit effrayé sur un résultat dont les effets, en changeant la face du royaume, vont prononcer sur les destinées de la France. L’opinion de Paris semble pencher vers les assignats : l’opinion de la grande majorité des provinces y est formellement contraire. Nous ne pouvons nous dissimuler que les provinces constituent le royaume ; sa capitale, quelque intéressante qu’elle soit, ne peut être qu’un objet de considération, mais non un motif déterminant, le vœu des provinces doit donc être consulté ; car, en dernière analyse, leur volonté fera toujours la loi : et, à cette occasion, Messieurs, je ne dois pas cacher mon étonnement d’avoir entendu un membre de cette Assemblée, avancer, dans la séance du 10, des idées totalement destructives de la soumission et du respect que des représentants doivent aux représentés. Dire que nous voulons des lumières , mais non de corps , parce que nous n'en connaissons plus ; des lumières pétitionnelles , car nous n'avons jamais voulu, nous ne voulons pas, et nous ne voudrons jamais de lois ; (1) Voyez aux Annexes le mémoire de la ville de Lille. (2) Le discours de M. de La Galissonnière n’est que mentionné au Moniteur . ARCHIVES PARLEMENTAIRES.