30 [Etats fin. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Comté do Comminges.l La plupart des chapitres du royaume possèdent cette classe de bénéfices, où les besoins de l’Etat laissent à peine de quoi vivre à une foule d’ecclésiastiques destinés à la célébration de l’office divin, auquel ils sont tenus par un service assidu, tandis que les chanoines de toutes les églises ont des biens d’ailleurs attachés à leurs dignités, outre ceux qu’ils ont à partager avec les pré-bendés. Cette partie du clergé du second ordre, ainsi amoindri dans ses revenus, a encore à souffrir les exactions qu’on emploie dans la répartition peu ou point du tout proportionnée des impositions, au point qu’ils vont être dépourvus de subsistances, sans qu’il soit possible de faire accueillir aucune réclamation de leur part, puisqu’il ne leur est pas permis d’envoyer de députés à l’assemblée qui se tient tous les ans dans chaque diocèse. Il serait vrai de dire qu’il y a un tiers-état dans le clergé, quoiqu’on ne lui donne que deux états différents ; car cette opinion semble d’autant plus s’accréditer, que le clergé même voit, sans aucun intérêt dans cette classe, ies prébendés des cha-{ûtres, les curés congruistes et les vicaires, qui, es uns et les autres, étant seuls chargés du plus grand poids qu’offrent les devoirs pénibles du ministère, ont cependant des revenus si minces qu’ils ne peuvent pas leur donner de quoi vivre, contre cette belle métaphore de l’Ecriture : Non li-gàbiS os boni tritiiranti. C’est avec cette confiance soutenue par l’amour quê nous avons pour notre Souverain, que la communauté des prébendiers du chapitre de bombez a l’honneur de présenter ses doléances, comme l’ensuit : Observations * î* Que lè chapitre de l’église cathédrale de tombez, composé de douze chanoines et de vingt-quatre prébêndés, jouissent ensemble d’un même revenu, qui appartient aux uns et aux autres par là fondation. Que la distribution S’en fait de cette manière, savoir : un tiers aux dignités et payement des grosses, et les autres deux tiers, après avoir Î'tfélévé le montant des charges, sont distribués, a moitié aux chanoines, êt la moitié aux prébendiers, ce qui forme Un très-petit revenu pour chaque prébendier. Au lieu que ce même revenu pourrait être suffisant, si l’assemblée des Etats généraux voulait y admettre une distribution relative et commune. 3° Que, dans l’état actuel du chapitre, les chanoines ont puissamment le nécessaire pour leur entretien, et que les prébendiers ne l’ont pas , Ge qui donne lieu à des procès et des contestations peu édifiantes, à raison des intérêts qui les divisent. Demandent ; 1° Que les chapitres des églises cathédrales, dont les revenus appartiennent, tant aüx Chanoines qu’aux prébendiers par la fondation, ne soient composés que d’un seul ordre de titulaires, où seront compris tous les prébendiers et les chanoines, sous une même dénomination. 2P Que leur revenu soit également partagé entre eux tous, et qu’il soit amélioré parla réunion des pensions, des grosses et des dimaires, attachés aux dignités, pour rentrer à la mense commune lui ayant ci-devant appartenu, en annulant et révoquant toutes concessions, titres ou autres lois à ce contraires. 3° Qu’ils portent tous !• mêm« habit ; qu’ils aient les mêmes devoirs à remplir pour la célébration dé l’office divin, et qu'ils jouissent des mêmes titres honorifiques, afin que l’uniformité qui. sera établie entre eux, soit le gage de la paix et de l’union qui doit lier les membres d’un même corps. Signé DüPUŸ. CAHIER Des plaintes et doléances de la communauté de Saubens , délibérées en assemblé $ générale audit Saubens (1). Art. ier. À été délibéré que nous reôonbaissons que c’est le propre des grandes âmes, comme celle de notre souverain Roi, de favoriser des sujets qui ne veulent tenir la vie que de sa bonté, et que leurs Vœüx sincères Sont de concourir, avec ceux qui auront un zèle de probité, aux édits, règlements et ordonnances de Sa Majesté; reconnaissant que c’est de sa puissante bonté que nous avons à espérer, par sa main secourable, tous les moyens nécessaires, nous trouvant depuis longtemps épuisés sous le poids des charges mal administrées, nombre desquelles sont injustes, et dont le tiers-état a été, jusqu’à présent, dans l’impossibilité de pouvoir se faire rendre justice. Mais, pour le présent, nous demandons toutes lés prospérités qui peuvent se désirer pour l’augmentation de la monarchie, en nous confiant à notre Roi, par l’amour que nous aurons pour toujours pour sa personne et pouf sa gloire. Art. 2, De supplier les Etats généraux de représenter au Roi qu’il convient d’éteindre la loi des coutumes. Elle a varié et changé toujours au préjudice du tiers-état ; et qu’à l’avenir une loi fixe règle le royaume. Art, 3. Qu’il n’y ait d’autre Seigneur que le Roi; ni, à l’avenir, d’autres charges à payer que celles qu’il plaira à Sa Majesté d’ordonner. . Àrt. 4. De représenter que le seigneUr dudit lieu exige que lès habitants aillent faire cuire le pain à un four qui lui appartient, et où, d’autres fois, on allait à Vue d’œil ; et que, depuis environ douze années, on a mis un timon audit four, et on y fait payer à la rigueur du poids lè seizième du pain, avant de le faire cuire, et puis on y fait une quête injuste ; elle devient forcée de même que le restant, jusques aux plus pauvres qui n’osent se refuser, à cause qu’on affecte de mal arranger le pain à ceux qui ne la donnent pas. Les habitants n’ayant jamais connu titre de banalité, demandent à être autoriés à se faire un four, et se faire cuire le pain là où ils le jugeront à propos, attendu qu’on exige environ le doublé de ce qu’il conviendrait de payer pour la cuisson dudit pain, et que certains sont obligés à faire un trajet désagréable à cet effet; observant qu’il n’y a que huit maisons, qui, ayant contracté avec ledit seigneur, se sont obligées à aller à son four ; ce qui ne doit pas faire un titre pour tous les habitants. Art B. De représenter que ledit seigneur a trouvé le moyen de se faire payer une afferme, pour le droit de passer la rivière. Autrefois, les habitants passaient gratis, et à présent on exige qu’ils payent au delà des règlements, afin de trouver le moyen de paver ladite afferme, sur quoi les habitants demandent que la communauté (1) Nous publions ce cahièr d'après ùn iûanuscrit des Archive» d» i’JBmpir*. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Comté de Comminges.] ait la liberté d’établir, pour son compte ou pour | le Roi, un batelier qui les passe gratis, comme c’était l’ancien usage, et comme il l’ont encore, à Muret et autres environs. Art. 6. De représenter que le seigneur du lieu fait payer aux habitants 15 livres par année, par main des collecteurs, auxquels il retient les-dites 15 livres, sans que jamais il y ait eu d’impositions à cet égard. Art. 7. De représenter que le seigneur du lieu, madame d’Erce et M. de Lespinasse, possèdent, comme biens nobles, environ le cinquième dü territoire. On ne connaît pas leurs droits ; s’ils en ont, ils ne peuvent être qu’injustes. 11 faut les mettre au rang des bureaux, et demander que, pour le surplus des charges que le seigneur exige, il ait à produire ses litres devant Sa Majesté pour y être dit droit, et, en défaut, être déclarés nuis, et les habitants libérés de tout droit au seigneur. Art. 8. De représenter qu’une grande partie des biens du royaume, et notamment dans cette communauté, sont en rente colloquée et autres ; et dont une partie observe ce que le terrain peut ou pourrait produire. Mais les rentiers, parla grande agriculture, forcent la terre à leur donner quelque production favorable. Cependant, ceux qui ont les rentes, ont un grand revenu et ne payent aucune charge. Il convient donc de demander qu’à l’avenir un chacun paye à proportion des biens et revenus, et que les propriétaires desdites rentes soient tenus de rembourser auxdits rentiers les vingtièmes qu’ils auraient dû payer, et que ces derniers ont payé sans connaissance de cause -, comme aussi que les rentiers puissent se libérer en payant le capital des rentes en la forme qu’il plaira à Sa Majesté ordonner. Art. 9. De représenter que la vénérable chartreuse de Toulouse, seigneuresse de Rouquettes, tient dans le territoire de Saubens un canal et ramier, formés sur le bien commun, par des prétentions entées sur de faux titres, et qu’ils n’ont jamais payé ni tailles, ni vingtième, ni aucune imposition ; qu’à ces causes, elle ait à produire ses titres devant Sa Majesté pour y être dit droit -, et en défaut, être dépossédée, et payer à la communauté tout ce qui par Sa Majesté sera ordonné pour l’indemnité des impôts et jouissances. Art. 10. Ce qui vient d’être dit pour le particulier, indique ce qui peut en être pour le général. Les seigneurs ont des grands biens, possèdent de grands revenus, payent peu de taille, exigent de leurs vassaux, par leur autorité, tout ce qu’ils veulent, et se font payer ce qu’il plaît à un féo-diste de demander, ce qui devient très-onéreux à l’Etat, et mérite d’être réformé. Art. 11. De représenter qu’on a fait des chaussées à la gauche et dans le lit de la rivière de Garonne, et par ce moyen forcé ladite rivière , et à ces causes, demander l’indemnité d’un si grand préjudice, et que lesdites chaussées soient arrachées, et l’ancien lit de la rivière ouvert à travers un ramier, que lesdites chaussées ont fait former ; et le tout aux frais et dépens du sieur Duran, possesseur dudit ramier et chaussées. Art. 12. De représenter qu’il n’y a ni moulin, ni tuilerie dans ledit lieu, et que les habitants demandent qu’il soit loisible à la communauté d’en faire construire, savoir : moulin sur Garonne, et tuilerie sur les biens communs. Art. 13. De représenter que la communauté a fait, pendant longues années, beaucoup de corvées, et que les chemins dudit lieu sont devenus, en grande partie, impraticables ; à cet effet, demander, pour l’avenir, être à eux à faire sa corvée aux chemins dudit lieu, et être exempts de toute autre, jusqu’à ce qu’ils seront parvenus à avoir mis lesdits chemins praticables,- ce qui sera très-dispendieux à cause de la Garonne. Art. 14. De représenter qu’il y a plusieurs personnes qui ont pris du bien commun, et demander qu’elles [aient à payer à l’estimation en capital et intérêts, ou à le rendre et restituer les fruits. Art. 15. De représenter qu’il y â eu de tous temps un curé et un vicaire dans ladite communauté, et demander qu’ils y soient maintenus, et que leurs revenus et maisons soient fixés par Sa Majesté à un honnête nécessaire, pour qu’a l’avenir il n’y ait plus de procès à cette occasion4, et que la dîme soit au quinze du blé, seigle, avoine et vin, qui sont les productions du lieu, et qu'on üe puisse pas en demander du restant. Art. 16. De représenter que cette communauté est fort chargée dé taille, et qu’il y à des communautés qui en payent fort peu, et d’autres qui n’en payent pas du tout; et qu’il serait juste qü’il y eut une juste proportion suivant la valeur des fonds pour la taille, et suivant la proximité des commerces pour la capitation. Art. 17. De représenter qu’il convient d’établir un bureau pour les pauvres, et demander que les décimateurs soient tenus de payer audit bureau 1,000 livres, qui est, à peu près, le tiers de leurs revenus d’une année. Plus 600 livres pour le prix de sermons et passion du carême, qu’on a manqué de prêcher pendant dix années. Plus, que M. le curé soit tenu de payer audit bureau sa portion du louage du sol de la rente qu’il a sur le bien commun, et qui monte, pour cinq années, à 75 livres, pour lesdites sommes par ledit bureau être distribuées aux pauvres. Art. 18. De représenter qu’il convient de donner aux pauvres le tiers du remboursement des biens communs, indemnités et restitutions, qui se feront à la-communauté. Art. 19. De représenter que les pauvres dudit lieu ont des droits considérables par des testaments de plusieurs curés, qui leur ont laissé leur mobilier, dans lequel était comprise une bibliothèque d’un prix de 24,000 livres, qui a disparu depuis environ cinq années; et qu’il y a d’autres testaments en faveur des pauvres, et que, cependant, lesdits pauvres sont privés de ce qui leur appartient par l’indigence des mauvaises administrations, et d’autant qu’il importe de donner un prompt secours aux pauvres, les Etats généraux sont priés de se souvenir d’eux lorsqu’ils seront auprès du trône. Et le sieur La vergue, syndic, et MM. les consuls sont priés de présenter, requête à monseigneur de Necker, ministre d’Etat, aux fins de demander son secours et son assistance, pour faire payer aux pauvres tout ce qui leur est dû; et de joindre à sa requête copie du présent cahier et délibérations et autres éclaircissements. Art. 20. De représenter que la noblesse est l’ornement du royaume par l’apparence, et le tiers-état par le fait, notamment la partie des agriculteurs, qui, par leurs travaux, procurent le bien de tous, et devraient être encouragés à ce nécessaire ouvrage, si leurs moyens étaient suffisamment honnêtes; que la noblesse et le clergé ne tinssent pas une si grande quantité de domestiques; qu’il n’y eût pas une quantité de personnes occupées à des choses inutiles; qu’on leur laissât les soins nécessaires pour l’entretien des bestiaux de labourage, sans les dîmer; qu’on leur laissât les 32 [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Comté de Comminges.] légumes sans les dîmer; qu’on n’affectât pas de les mettre au rang des premiers capités, pour soulager les riches, qui devraient tous, sans exception, payer à proportion des richesses ; qu’ils ne fussent pas obligés à payer les mêmes charges, lorsqu’ils ont eu des cas fortuits: qu’on leur laissât la liberté de retirer toutes leurs récoltes au fur et à mesure qu’ils les connaissent prêtes, sans aucun retardement; et qu’il y eût une visite tous les trois mois de l’année pour reconnaître l’état des agriculteurs, celui des bestiaux et la culture des biens, pour en rendre compte au ministre de Sa Majesté. Il est assuré que les productions de la terre augmenteraient tous les ans d’un tiers en sus de ce qui est ordinaire. D’un côté, les moyens manquent aux agriculteurs; d’autre côté, les sujets; et pour parvenir à leur projet, ui mieux que notre bon Roi, par la sagesse de évoiler la vérité à travers tous les voiles, et par un ordre public, pourrait encourager les agriculteurs français? Art. 21 . De représenter que si nous avons mal dressé nos plaintes et doléances, c’est que nous ne sommes pas versés à ces sortes d’écritures; et que nous avons supprimé à dessein plusieurs autres choses, afin que si nous ne réussissions pas, on puisse attribuer la cause à ce que nous avons mai défendu. Et que si, au contraire, nous sommes alloués, il paraisse que nous n’en sommes redevables qu’à la seule clémence du Roi et à la pénétration de son esprit, qui aura connu, mieux que nous-mêmes, les raisons qui peuvent servir à nos besoins. Et comme elles sont fondées sur le devoir d’un père de famille, et que notre bon Roi le remplit en entier, les agriculteurs osent se flatter qu’ils doivent être placés au rang de ses premiers sujets, et ont signé ceux qui ont su. Laviguerie, juge, signé ; Broustel, consul, signé; Lavergne , syndic, signé; Gambajon; Monjuif; Serré; Fratié ; Fajeau ; Bories; Martres; Cousses, signés à l’original.