648 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] d’un emploi accepté par le commissaire du roi. » {Adopté.) M. Tronehet, rapporteur, soumet ensuite à la délibération la suite des articles du projet de décret, qui sont successivement mis aux voix dans les termes suivants : Art. 6 {art. 4 du projet). « Lorsque le propriétaire d’un fonds situé dans les pays ou les lieux dans lesquels la maxime nulle terre sans seigneur n’était point admise, ignorera quel est le ci-devant fief dont il peut relever, et les droits auxquels son fonds peut être assujetti, et voudra néanmoins libérer ce fonds des charges dont il peut être tenu, il pourra se faire autoriser par le tribunal de district dans le ressort duquel sera situé son fonds, à faire publier et afficher à la porte de l’église paroissiale du lieu où sera situé son fonds, des offres à tout prétendant-droits de ci-devant féodalité sur ledit fonds, de racheter ceux qui pourront lui être dus. Lesdites offres contiendront la déclaration de la situation du fonds, de sa contenance et de ses tenants et aboutissants, ainsi que son évaluation, avec élection de domicile dans l’étendue de ladite paroisse, et sommation à tout prétendant-droits ci-devant seigneuriaux sur ledit fonds, et les faire connaître, au domicile élu, dans la quinzaine ; et, à défaut, par tout prétendant-droits, de faire sa déclaration dans la quinzaine, le redevable jouira, en vertu desdites offres, du bénéfice attribué par l’article 42 du. décret du 3 mai 1790, et par celui du 12 novembre suivant, aux propriétaires qui auront exécuté le rachat, et à ceux qui ont fait des offres valables non acceptées. (Adopté.) Art. 7 {art. b du projet). « Dans les pays où la maxime nulle terre sans seigneur était admise, le rachat qui aura été fait entre les mains de celui qui avait ci-devant le titre de seigneur universel de la paroisse dans laquelle se trouvera situé le fonds racheté, sera valable, s’il n’a point été formé d’opposition de la part d’aucun prétendant-droits de mouvance particulière sur ledit fonds; sauf au propriétaire qui réclamerait après le rachat ladite mouvance, à se pourvoir contre celui qui aura reçu ledit rachat en vertu de son titre universel. » {Adopté.) Art. 8 {art. 6 du projet) . « Les dispositions des 2 articles précédents n’auront point lieu pour ceux qui auront reconnu personnellement un ci-devant seigneur particulier, par aveu, acte de foi, ou reconnaissances, ni pour ceux qui seraient héritiers ou successeurs à titre universel de celui qui aurait ainsi reconnu, depuis 30 ans, un ci-devant seigneur particulier, lesquels ne pourront être valablement libérés que par des offres faites au ci-devant seigneur, ou par un rachat fait entre ses mains. » {Adopté.) Art. 9 {art. 7 du projet). « La disposition de l’article 53 du décret du 3 mai 1790, qui permet de faire des offres au chef-lieu du ci-devant fief, n’ayant pas pu ôter aux redevables la faculté de faire les offres à la personne ou au domicile du propriétaire du ci-devant fief, les redevables continueront d'avoir l’option de faire lesdites offres, soit au chef-lieu du ci-devant fief, soit au domicile du propriétaire. Dans le cas où il n’y aura point de chef-lieu certain et connu dudit ci-devant fief, les offres pourront être faites à la personne ou au domicile de celui qui sera préposé à la recette des droits dudit ci-devant fief ; à son défaut, à la personne ou domicile de l’un des fermiers du domaine ou des domaines dudit ci-devant fief; et, dans le cas où il n’y aurait ni préposé à la recette, ni fermiers, les offres ne pourront être faites qu’à la personne ou au domicile du propriétaire du ci-devant fief, lequel, audit cas, supportera l’excédent des frais que cette circonstance aura occasionnés. » {Adopté.) Art. 10 {art. 8 du projet). « Le défaut de consignation de la somme offerte n’emporte pas la nullité des offres ; mais le propriétaire du droit pourra se pourvoir devant les juges, pour faire ordonner à son profit, provisoirement et sous la réserve de ses droits, la délivrance de la somme offerte, dans le délai d’un mois du jour du jugement ; et, faute de réalisation et d’exécution de la part du débiteur, il sera déchu de ses offres. « En cas d’insuffisance de la somme offerte, l’intérêt du surplus courra du jour de la demande. » {Adopté.) Art. 11 {art. 9 du projet). « Dans le pays et les lieux où l’usage était de ne point payer en argent l’indemnité due par les gens de mainmorte, aux ci-devant seigneurs de fiefs, à raison des acquisitions faites sous leur mouvance, mais où il était d’usage de fournir pour cette indemnité une rente annuelle, soit en argent, soit en grains, la nation demeure chargée de la prestation de ladite rente, jusqu’à la vente des fonds; et, en cas de vente, elle demeure chargée du remboursement de ladite rente, suivant les taux et les modes fixés par le décret du 3 mai 1790. « Il en sera de même dans les pays où l’usage était de payer l’indemnité par une somme d’argent, si ladite indemnité a été convertie en une rente, par convention. » {Adopté.) Art. 12 {art. 10 et dernier du projet). « Dans les pays et les lieux où il était d’usage, pour l’indemnité due par les gens de mainmorte aux ci-devant seigneurs de fiefs, d’accorder à ceux-ci une prestation d’un droit de quint, lods, mi-lods, ou autre prestation quelconque payable à certaines révolutions, telles que 20, 30, 40 ans, ou autre révolution, la nation demeure chargée d'acquitter lesdites prestations à leur échéance, jusqu’à la vente des fonds; et, en cas de vente, elle sera tenue de racheter les droits ci-devant seigneuriaux ou casuels dont lesdits fonds étaient tenus avant l’acquisition faite par la mainmorte, aux taux et aux modes prescrits par le décret du 3 mai 1790. » {Adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité féodal sur le mode et le taux du rachat des droits ci-devant seigneuriaux , soit fixes , soit casuels , dont sont grevés les biens possédés à titre de bail emphytéotique, ou de rente foncière, non perpétuel. M. Tronehet, rapporteur. Messieurs, il s’est élevé dans Paris, sur le rachat des droits ci-devant seigneuriaux, une question qui présentait un intérêt majeur. Il existe dans cette ville des fonds qui ont été aliénés par des baux à rente 649 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] non perpétuels, moyennant une redevance foncière considérable, et, en outre, à la charge par les preneurs de construire des bâtiments qui doivent appartenir au bailleur après l’expiration du bail. Ces fonds, étant situés dans des quartiers fort avantageux, ont acquis, au moyen des constructions qui y ont été faites, une valeur très considérable dans les ventes que font les preneurs de leur droit de jouissance; et ceux-ci ont, par cette raison, un grand intérêt à racheter les droits auxquels les ventes pourraient donner ouverture. L’un de ces preneurs, s’étant présenté au rachat, avait évalué à 180,000 livres environ le prix auquel il pourrait vendre son droit de jouissance. Ses offres ont été refusées sous prétexte qu’il devait faire le rachat, non sur le prix auquel il pourrait vendre son simple droit de jouissance, mais sur le prix auquel pourrait être vendue la pleine propriété, si le bail était expiré, et si le bailleur était rentré dans son fonds; en sorte qu’on élevait au double l’estimation du fonds, et par conséquent le prix du rachat. Une circonstance rendait cette prétention absolument insoutenable dans l’espèce particulière. Le fonds dont il s’agissait, appartenant originairement à un corps ecclésiastique, était une propriété nationale; le ci-devant fief dont il relevait appartenant également à un autre corps ecclésiastique, la mouvance était aussi une propriété nationale. Dès lors, si le bail eût été expiré, et si la nation eût été dans le cas de vendre la pleine propriété rentrée dans ses mains, cette vente n’aurait pu produire aucuns droits. Il était donc évident que ta vente, qui était faite par le preneur, de son simple droit de jouissance, ne pouvait jamais produire de droits, qu’au prorata au prix de cette jouissance, et que le rachat de cette charge éventuelle ne pouvait jamais excéder la valeur de la simple jouissance, à laquelle se réduisait tout le droit du preneur. Mais la difficulté, qui s’est élevée dans cette espèce particulière, a fait reconnaître à votre comité qu’il devenait indispensable de vous proposer une loi générale sur le mode ou le taux du rachat des droits ci-devant seigneuriaux dont étaient grevés les fonds qui ne sont aliénés que par des baux emphytéotiques, ou à rente, non perpétuels. Cette loi a paru d’autant plus nécessaire à votre comité, qu’il lui a paru qu’on ne pouvait pas appliquer à ce genre de propriété toutes les règles que vous avez prescrites par le titre IV du décret du 18 septembre 1790, pour le rachat des droits ci-devant seigneuriaux, à l’égard des fonds qui ont été aliénés par un bail à rente perpétuel. Pour reconnaître la différence qui existe entre les deux cas où un fonds n’est aliéné que par un bail à rente à temps, et celui où il est aliéné à perpétuité, il faut se rappeler d’un côté l’analogie qui se trouve, sous certains points de vue, entre ces deux genres d’opérations, et d’un autre côté les différences qui en résultent quant à la manière dont la servitude féodale pesait sur le bailleur, ou sur le preneur, dans ces deux hypothèses. La servitude féodale produisait deux sortes de charges qu’il faut distinguer : les charges fixes, telles que les redevances annuelles en argent, grains ou denrées, et les charges purement casuelles, telles que les droits de quint, de lods ou de reliefs dus en cas de vente, ou de muta-“ tion, dans la propriété. Les charges fixes et annuelles sont une servitude réelle qui affecte et grève le fonds à perpétuité, et dont vous avez voulu procurer aux propriétaires la possibilité de libérer le fonds par un rachat. Dans le cas du bail à rente perpétuel, la charge fixe et annuelle du fonds devient la charge personnelle du preneur qui a acquis une propriété perpétuelle. Cette charge n’intéresse plus en rien le bailleur, dont tout le droit est restreint à la rente foncière qu’il a retenue. Il n’en est pas de même dans le cas du bail à rente à temps non perpétuel : le preneur acquiert une propriété; il est réputé propriétaire pour toute la durée du bail, et, comme tel, il est tenu des charges réelles et annuelles; mais il n’a qu’une propriété résoluble : à l’expiration du bail, le fonds retourne au bailleur, et rentre dans sa main avec la charge annuelle qui le grevait. De là une différence essentiel le dans l’effet que la servitude féodale produit relativement au bailleur et au preneur personnellement, quant à la charge fixe et annuelle qui grève le fonds. A l’égard du preneur, cette charge ne pèse sur lui que momentanément, et pendant la durée de sa jouissance seulement: à l’égard du bailleur, la charge est seulement suspendue pendant la durée du bail. Elle revient peser sur lui au moment où le fonds rentre dans sa main, et alors elle pèse sur lui à perpétuité, sauf le rachat. A l’égard des droits casuels, c’est-à-dire des droits éventuels qui ne sont dus qu’en cas de mutation, voici les effets que produit la servitude féodale relative au bailleur et au preneur : Le bail à rente, quoique non perpétuel, étant regardé comme une aliénation de propriété sous une condition simplement résolutoire, le bailleur et le preneur sont assujettis aux droits casuels pendant la durée du bail, de la même manière qu’ils y sont assujettis dans le cas du bail à rente perpétuel. De même que, dans ce dernier cas, la rente que fait le preneur donne ouverture aux droits casuels au prorata du prix; de même, dans le cas du bail à rente non perpétuel, le preneur est assujetti aux droits casuels au prorata du prix auquel il vend sa propriété résoluble, ou son droit de jouissances. De même que, dans le cas du bail à rente perpétuel, le bailleur doit des droits seigneuriaux au prorata du prix auquel il vend la rente foncière qu’il a réservée; de même aussi, dans le cas du bail à rente non perpétuel, il est dû des droits seigneuriaux au prorata du prix auquel le bailleur vend la rente foncière qu’il a retenue, et le droit de propriété réversible qui lui appartient à l’expiration du bail. Ainsi, dans les deux espèces de baux à rente, il se trouve cette similitude, que le bailleur et le preneur ne doivent de droits qu’en cas d’aliénation du genre de droit qui leur appartient, et de la portion qu’ils ont dans la propriété du fonds; que la charge est purement casuelle et éventuelle, et qu’elle est seulement proportionnée à la valeur de leur propriété. Mais, sous un autre point de vue, il existe une grande différence quant à l’étendue de la charge des droits casuels, et à la manière dont elle pèse sur le bailleur et sur le preneur, quand le bail à rente n’est pas perpétuel : 1° Dans le cas du bail à rente perpétuel la charge pèse à perpétuité sur le bailleur et sur le preneur, qui sont tous deux tenus divisement, mais à perpétuité, de la charge des droits casuels. 6K0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791,] 2° Cette charge, pour l’un et l’autre, est invariable, en ce qu’elle est proportionnée à la valeur de leur propriété, qui est fixe, et qui n’augmente point et ne diminue point, ou du moins n’est susceptible que des augmentations ou des diminutions que le taux du commerce donne à la valeur des fonds ; en sorte que la charge peut toujours être susceptible d’une évaluation certaine, comme la propriété elle-même. Au contraire, dans le bail à rente non perpétuel : 1° Le preneur n’est tenu de la charge des droits casuels que momentanément et pendant la durée de sa jouissance. Ce n’est aussi, à l’égard du bailleur, que momentanément qu’il n’est tenu des droits casuels que pour une portion : pendant la durée du bail, il ne les doit qu’au prorata de la valeur de la rente; mais, après l’expiration du bail, la charge reprend toute son étendue : il doit les droits à raison de la valeur entière du fonds qui est rentré dans sa main. Dans le cas du bail à rente non perpétuel, la charge des droits casuels, soit relativement au bailleur, soit relativement au preneur, est susceptible d’une grande variation, attendu la variation nécessaire qu’éprouve la valeur de leurs propriétés. Le droit de jouissance du preneur reçoit une valeur et un prix bien différents, selon que la durée du bail est plus ou moins longue au moment de la vente. Il en est de même de la valeur du droit du bailleur, dont le prix augmente nécessairement, selon que le moment de l’expiration du bail s’éloigne ou s’approche, et rend plus important le droit réversible à la propriété. Après avoir exposé les points dans lesquels la servitude féodale agit avec quelque similitude, et ceux dans lesquels elle produit des effets différents, dans les deux cas du bail à rente perpétuel, ou non perpétuel, il sera facile d’établir les motifs qui ont fait penser au comité qu'il était nécessaire d’admettre quelque différence dans les règles relatives au rachat des droits ci-devant seigneuriaux qui concernent les fonds aliénés par simple bail à rente non perpétuel, et celles qui ont été établies par le décret du 18 décembre 1790, pour les fonds aliénés par bail à rente perpétuel. Les règles établies par ce décret pour le rachat des droits ci-devant seigneuriaux sur les fonds aliénés à rente perpétuelle se réduisent à trois principales : 1° Le preneur est seul obligé de racheter les charges üxes et annuelles, puisqu’elles sont une charge réelle du fonds dont il a acquis la propriété perpétuelle ; 2° Quant aux droits casuels, le bailleur et le preneur ont chacun la faculté de racheter la totalité des droits casuels, eu égard à la valeur intrinsèque du fonds, en se faisant subroger à cet égard aux droits du ci-devant seigneur, pour les exercer, soit par le bailleur contre le preneur, soit par le preneur contre le bailleur, jusqu’au rachat que pourra toujours faire celui contre lequel la subrogation a été acquise ; 3° Ni le bailleur ni le preneur ne sont point obligés de faire le rachat intégral : chacun d’eux à la liberté de ne racheter les droits casuels, que dans la proportion dont il est chargé. Le preneur peut ne les rembourser que eu égard à la valeur des fonds, déduction faite de la rente; le bailleur peut ne les rembourser que eu égard à la valeur de la rente qui forme toute sa propriété, et le ci-devant seigneur reste conservé dans ses, droits, vis-à-vis de celui des deux qui n’a point racheté. Tels sont les éléments et les bases du décret du 18 décembre 1790, en ce qui concerne les baux à rente perpétuels. Dans le cas du bail à rente non perpétuel, il n’était pas possible d’admettre le preneur à ne rembourser les droits fixes et annuels que eu égard à la durée de son bail. Il serait trop difficile de faire une évaluation juste de la valeur d’une charge perpétuelle, eu égard à une simple durée de 10, 20 ou 30 ans. D’ailleurs c’eût été diviser, à l’égard du ci-devant seigneur, une redevance qui est réelle et indivisible à son égard. Enfin il n’y avait aucun inconvénient à obliger celui du preneur ou du bailleur qui se présenterait au rachat, à racheter en entier les redevances fixes et annuelles. Le preneur, qui en est tenu pendant sa jouissance, trouvera dans la décharge dont il jouira pendant sa jouissance, l’intérêt de son capital; et, après la cessation de sa jouissance, il retrouvera le même intérêt, au moyen de la subrogation qu’il aura acquise au droit du ci-devant seigneur, contre le bailleur qui sera obligé de lui continuer la rente, si mieux il n’aime la racheter. Il en sera de même du bailleur qui, pendant la durée du bail, jouira de l’intérêt de son capital, au moyen de ce que le premier sera obligé d’ajouter à la rente foncière stipulée par le bail, les rentes seigneuriales fixes dont le bailleur l’aura déchargé. Après l’expiration du bail le bailleur trouvera l’intérêt de son capital, en ce qu’il aura libéré son fonds de la charge qui aurait repris contre lui sou effet, si elle n’avait pas été rachetée. Ainsi la loi diffère dans le cas du bail à rente non perpétuel, de celle faite pour le cas du bail à rente perpétuel, quant au rachat des droits fixes et annuels, en ce que, dans le second cas, c’est le preneur qui en est seul chargé, au lieu que, dans le premier, le bailleur et le preneur en sont également chargés, sauf l’indemnité que la subrogation procurera à celui des deux qui aura fait le rachat. A l’égard des droits casuels, le comité a d’abord pensé qu’il n’y avait aucun inconvénient dans le cas du bail à rente non perpétuel, comme dans celui du bail perpétuel, à laisser au bailleur et au preneur la faculté de les racheter eu totalité, avec l’indemnité de la subrogation. Il est vrai que la spéculation peut être bien différente dans les deux cas, et que le bénéfice de la subrogation est bien plus incertain dans un cas que dans l’autre, puisqu’il est évident que la durée plus ou moins longue du bail non perpétue peut donner des chances plus ou moins fortes sur le bénéfice de cette subrogation. Mais cette spéculation doit être abandonnée aux parties intéressées ; elles seront ce qu’elles croiront plus avantageux pour elles; une simple faculté ne gêne point leur liberté ; chacun calculera et opérera suivant ses intérêts. La seule difficulté qui pourrait exister quant au rachat des droits casuels, se réduisait ici à savoir si l’on devait laisser au bailleur comme au preneur, la faculté de racheter divisément les droits casuels, et eu égard seulement à ce dont ils en sont tenus pendant la durée du bail. Quant au preneur, il était impossible de lui enlever la faculté de se racheter divisément. La charge des droits casuels ne pèse sur lui 'que momentanément; il peut avoir intérêt de s’en libérer personnellement. Ce serait souvent le grever au delà de la charge légale, de l’obliger à [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1191.] Agj racheter les droits casuels sur le pied de leur valeur perpétuelle et de la yaleur intégrale du fonds. Ce serait souvent le mettre dans l’impossibilité de faire le rachat. On en a vu un exemple dans le fait dont on a rendu compte au commencement de ce rapport. Tel qui peut débourser le capital suffisant pour racheter les droits casuels sur une valeur de 180,000 livres, ne le peut pas sur une valeur de 400,000 livres. Le bénéfice de la subrogation aux droits casuels contre le bailleur pourrait paraître à bien des personnes une indemnité trop incertaine, ou un genre de propriété peu analogue à son goût, ou peu convenable à la situation de ses affaires. Enfin la loi ne peut point aggraver la charge de qui que ce soit : elle ne peut donc point obliger le preneur, qui n’est tenu de la servitude féodale que pour un temps, à la racheter comme perpétuelle, même avec l’offre d’une indemnité qui deviendrait une acquisition forcée. Par toutes ces considérations, le comité a pensé que la loi devait ici, comme dans le cas du bail à rente perpétuel, conserver au preneur la faculté de ne racheter que divisement sa charge personnelle, c’est-à-dire les droits casuels, sur le pied seulement de la valeur de son droit de jouissance. Quoique le droit de jouissance soit susceptible d’une valeur plus ou moins considérable, selon qu’elle a plus ou moins de durée, ce droit est commerçable. Il se commerce journellement, et par conséquent, il est susceptible d’une évaluation qui peut se faire en raison inverse de celle que le décret du 18 avril 1791 a donnée à l’évaluation des propriétés grevées de baux à vie ou de baux à rente non perpétuels. Rien ne s’oppose donc dans le fait à ce que la loi conserve, à celui qui n’a pris un fonds qu’à bail à rente non perpétuel, la faculté qui lui appartient de droit de ne racheter les droits casuels que sous la proportion dans laquelle ils pèseût sur lui personnellement. Mais cette même faculté de diviser le rachat des droits casuels, doit-elle être conservée au propriétaire qui n’a aliéné son fonds que pour un temps limité? le comité ne Ta point pensé. Il y a une grande différence entre ce cas et celui où le fonds a été aliéné à rente perpétuelle. Dans ce second cas, le bailleur n’a plus d’intérêt au fonds sur lequel il a aliéné ses droits. Sa propriété se trouve restreinte à la rente. Il ne peut jamais être tenu de droits casuels qu’à raison de cette rente. 11 eût été injuste de t’obliger à ne pouvoir libérer sa rente, qu’en libérant le fonds qui lui est étranger, et de le forcer, pour obtenir sa libération personnelle, d’acquérir par la voie de la subrogation, des droits casuels sur le fonds, qui peuvent ne pas convenir à son goût ou à la position de ses affaires. La position de celui, qui n’a aliéné son fonds que pour un temps limité, est bien différente. La rente qu’il s'est réservée n’est qu’une propriété momentanée. Sa véritable propriété, c’est la propriété réversible du fonds qui doit lui rentrer dans son intégrité à l’expiration du bail. La charge des droits casuels, qui pèse sur lui personnellement à raison de la rente, n’est qu’un accident momentané, La servitude féodale qui grève le fonds même dans son intégrité et perpétuellement, n’est que suspendue à son égard; elle doit retomber un jour sur lui ou sur ses successeurs, dans toute son étendue. Comme propriétaire certain du fonds, c’est le fonds même qu’il doit libérer, il ne peut être admis qu’à racheter le fonds, et non une propriété purement momentanée telle que la rente. S’il ne rachetait d’abord les droits casuels que eu égard à la valeur de la rente, il faudrait qu’il rachetât un jour les mêmes droits eu égard à la valeur excédante du fonds. Il serait trop embarrassant et même absurde de diviser en deux une opération qui doit avoir pour objet l’utilité perpétuelle du fonds. C’est la libération des fonds que l’Assemblée nationale a voulu, et c’est à cet objet que doivent tendre toutes ses lois et tous ses règlements. Si le bailleur se trouve obligé d’avancer en faveur du fonds, au delà de ce qui suffirait à la libération de la rente à laquelle se réduit sa propriété actuelle, il en trouvera l’indemnité dans la subrogation aux droits du ci-devant seigneur, qui lui transférera le droit de percevoir sur le preneur les droits casuels pendant la durée du bail, ou d’en recevoir le rachat. Tels sont donc, Messieurs, les éléments et les bases du décret que j’ai l’honneur de vous présenter au nom du comité, relativement au mode et au taux particulier du rachat des droits ci-devant seigneuriaux dont sont grevés les fonds qui n’ont été aliénés qu’à titre de bail emphytéotique, ou à rente, non perpétuel. 1° Soit que ce soit le bailleur ou le preneur qui se présente au rachat, l’un ou l’autre sera tenu de racheter intégralement les droits fixes et annuels, en acquérant à cet égard te bénéfice de la subrogation aux droits du ci-devant seigneur, pour jouir de la redevance comme simple rente foncière de la part du bailleur vis-à-vis du preneur pendant la durée du bail seulement, et de la part du preneur vis-à-vis du bailleur jusqu’au rachat. 2° Le bailleur et le preneur auront indistinctement la faculté ‘de racheter les droits casuels intégralement, en acquérant la subrogation aux droits du ci-devant seigneur. 3° Le preneur aura seul le droit de diviser le rachat des droits casuels, et de ne les racheter que eu égard à la valeur de son droit de jouissance. 4° Mais le bailleur ne pourra racheter les droits casuels, qu’inlégralement et eu égard à la valeur intrinsèque du fonds, sauf la subrogation aux droits du ci-devant seigneur pour les exercer contre le preneur pendant la durée du bail seulement. Les articles de détail n’étant que la conséquence et l’application de ces bases, n’exigent point de développement particulier. 11 me reste une dernière observation à présenter. Les fonds, qui sont aliénés à titre de bail emphytéotique, ou à rente, non perpétuel , peuvent être rangés sous deux classes principales. La première est celle des fonds qui appartiennent pa-trimoniatement à des particuliers, et qui ont été aliénés à des particuliers. La seconde est celle des fonds qui appartenaient à des bénéficiers ou à des corps dont les propriétés ont été déclarées nationales, ou des fonds qui ont été aliénés par des particuliers à des bénéficiers, ou des corps dont les droits sont devenus nationaux ; en sorte que le droit de jouissance résultant des baux est aujourd’hui une propriété nationale pour la durée de ces baux. Les règles, qui concernent le mode et le taux du rachat des charges ci-devant seigneuriales, sont les mêmes pour ces deux classes de fonds ; mais leur application, à l’égard des fonds de la 652 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] seconde classe, a exigé des distinctions et des décisions particulières. À l’égard de ces fonds il a fallu, dans l’exécution, distinguer : 1° les fonds nationaux qui ont été aliénés par bail emphytéotique, ou à rente, non perpétuel, à des particuliers ; 2° les fonds nationaux aliénés à des bénéficiers ou des corps dont les droits forment des propriétés nationales ; 3° les fonds aliénés au même titre par des particuliers à des bénéficiers ou à des corps dont les droits forment des propriétés nationales. Enfin, à l’égard de tous ces fonds, il a fallu distinguer le cas où les fonds étaient sous la mouvance de fiefs appartenant à des particuliers, et celui où ils étaient sous la mouvance de fiefs nationaux. Toutes ces hypothèses exigeant des décisions spéciales et particulières, le comité a divisé en deux sections le décret qu’il a l’honneur de présenter. La première concerne les fonds 'patrimoniaux des particuliers , aliénés à bail emphytéotique , ou à rente, non perpétuel. La seconde concerne les fonds nationaux , soit aliénés à titre de bail emphytéotique , ou à rente , non perpétuel , soit possédés au même titre par la nation , comme subrogée au lieu et place des bénéficiers , corps et communautés séculières ou régulières. La première section contient les règles communes à ces 2 espèces de fonds. La seconde contient l’application de ces mêmes règles aux fonds nationaux, avec les distinctions et les modifications que cette seconde nature de biens exigeait. Ces modifications ne paraissent pas avoir besoin d’un développement particulier, leur motif se faisant sentir de lui-même à la seule lecture des articles. Voici notre projet de décret : Section I. Des fonds patrimoniaux des particuliers, aliénés à bail emphytéotique , ou à rente perpétuelle. Art. 1er. « Il sera libre, soit au preneur, possesseur actuel du fonds à titre de bail emphytéotique, ou à rente non perpétuelle, soit au bailleur propriétaire de la rente et ayant droit à la propriété réversible, de racheter les droits ci-devant seigneuriaux, fixes ou casuels, dont ledit fonds se trouvera chargé, et dont lesdits bailleur et preneur sont respectivement tenus, en se conformant pour chacun d’eux aux règles ci-après.» (Adopté.) Art. 2. < Le preneur, possesseur actuel du fonds, qui voudra ne racheter que les droits dont il peut être tenu pendant sa jouissance, sera tenu de faire le rachat des droits fixes et annuels, eu égard à leur valeur totale et perpétuelle, d’après le mode et les taux prescrits par le décret du 3 mai 1790 ; et au moyen dudit rachat, il demeurera subrogé au droit du ci-devant seigneur, quant à la propriété de ladite rente seulement, dont il pourra se faire payer, après l’expiration du bail, par le bailleur qui sera rentré dans son fonds, si mieux n’aime celui-ci rembourser au premier la somme qui lui aura été payée pour ledit rachat. « Quant aux droits casuels dont le preneur peut être tenu pendant sa jouissance, pour en liquider le rachat : 1°, il sera fait une évaluation du prix auquel le fonds pourrait être vendu, déduction faite de la rente ou canon emphytéotique, eu égard au nombre des années de jouissance qui resteront à courir ; 2°, le rachat desdits droits casuels sera ensuite fixé d’après ledit capital, conformément au mode et aux taux prescrits par le décret du 3 mai 1790 ; 3°, au moyen dudit rachat, le ci-devant seigneur, pendant la durée du bail, ne pourra plus jouir des droits casuels, que vis-à-vis du bailleur, et en cas de vente ou autre mutation de la rente et du droit à la propriété réversible, dans les pays et les cas où ladite vente et lesdites mutations donnent ouverture à un droit ; 4°, après l’expiration du bail, le propriétaire, qui sera rentré dans son fonds, demeurera chargé de la totalité des droits casuels, en cas de mutation, jusqu'au rachat d’iceux. » (Adopté.) Art. 3. « Le preneur, possesseur actuel du fonds, pourra néanmoins, s’il le juge à propos, racheter les droits casuels, eu égard à leur valeur entière et perpétuelle ; auquel cas, il sera tenu de les racheter sur le pied de la valeur totale du fonds, sans déduction de la rente annuelle portée au bail emphytéotique, ou de la rente non perpétuelle ; audit cas, le premier sera et demeurera subrogé au droit du ci-devant seigneur, pour exercer lesdits droits casuels contre le bailleur; savoir : pendant la durée du bail, en cas de vente ou mutation de la rente, dans les pays, et les cas dans lesquels cette vente ou mutation donne ouverture auxdits droits, et après l’expiration du bail, en cas de vente ou mutation du fonds, conformément à la coutume, ou aux titres particuliers, et ce, jusqu’au rachat que le bailleur en pourra faire, ainsi qu’il sera dit ci-après. » (Adopté.) Art. 4. « Si le bailleur, propriétaire de la rente et du droit de la propriété réversible, se présente au rachat avant que le preneur ait fait les rachats qui lui sont permis par les articles 2 et 3 ci-dessus, le bailleur sera tenu de racheter tant les droits fixes que les droits casuels en totalité, et de la même manière que s’il était rentré dans la pleine propriété, conformément au mode et aux taux prescrits par le décret du 3 mai 1790; et en ce faisant, il sera subrogé au droit du ci-devant seigneur, soit quant aux droits fixes, soit quant aux droits casuels, pour les exercer contre le preneur pendant la durée du bail seulement, dans les mêmes cas et de la manière que le ci-devant seigneur aurait pu les exercer contre ledit preneur. » (Adopté.) Art. 6. « Si le bailleur, propriétaire de la rente et du droit de propriété réversible, ne se présente au rachat qu’après que le preneur aura lui-même uséde la faculté qui lui est accordée par l’article 2 ci-dessus; audit cas, le bailleur ne sera tenu de racheter au ci-devant seigneur que les droits casuels ; et sur l’estimation qui en sera faite, conformément à l’article 4 çi-dessus, il lui sera fait déduction de la somme qui aura été payée par le preneur pour le rachat desdits droits casuels relatifs à la durée de sa jouissance. « A l’égard des droits fixes et annuels qui auront été rachetés par le preneur, aux termes de l’article 2 ci-dessus, le bailleur, après l’expiration