688 jAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1790.] M. Bnzot. Je me bornerai à faire quelques observations; j’en ferai entre autres une sur les tribunaux de police, sur lesquels on ne s’est point encore expliqué. Je crois que le pouvoir judiciaire finit là où commence la police. Les juges de police font de simples actes de correction; ainsi il y a une très grande différence entre les juges ordinaires et les juges de police. Il me semble que ces derniers doivent avoir une confiance de tous les jours ; il me semble que, pour l’obtenir, ils doivent souvent être renouvelés, et vous avez décrété que les juges ordinaires rempliraient leurs fonctions pendant six ans. Je pourrais faire beaucoup d’autres obvervations, pour établir les différences qui se trouvent entre ces deux espèces de juges. Quant aux autres objets d’exception, on ne peut admettre des tribunaux séparés, ou bien il en faudrait autant qu’il y a de principes différents en législation. Je passe aux juridictions consulaires : si elles sont utiles, si l’on doit les conserver, il faut en donner à toutes les villes, et ceci me sert de réponse à beaucoup d’objections. Dans les villes qui n’en avaient pas, les tribunaux ordinaires jugeaient, et on ne se plaignait ni de leur ignorance, ni de la lenteur de la justice. Qu’on ne compare pas les juges-consuls aux jurés ; les consuls jugent le fait et le droit ..... Je ne puis donc adopter l’établissement des tribunaux différents des tribunaux ordinaires. Je propose cependant que pour les affaires de commerce, on admette dans ces tribunaux des négociants comme jurés ; c’est un moyen de nous accoutumer peu à peu à celte belle institution. M. Démeunier. Il est d’autant plus nécessaire de bien poser la question, qu’une circonstance particulière paraît l’avoir embrouillée. M. Barère de Vieuzac a proposé une série de questions que vous avez adoptées : il demandait s’il y aurait des tribunaux d’exception. M. Cbabroud l’a posée d’une manière plus générale; il a demandé si les tribunaux ordinaires seraient compétents pour toutes les matières. Prenons garde de juger la question sans en avoir examiné toutes lès branches. Avant tout il ne faut pas s’effaroucher des mots, celui d’exception pourrait peut-être influer sur la délibération ; les tribunaux d’exception nous ont fait tant de mal! Il ne s’agit pas de les maintenir ; ils sont déjà jugés. Il faut examinée si ce ne serait pas surcharger les tribunaux ordinaires, que de leur confier les affaires de commerce. L’année dernière, les consuls de Paris ont jugé 80,000 affaires, ceux de Bordeaux, 16,000. Il est évident que les tribunaux ordinaires n’y pourraient jamais suffire. Ce n’est là cependant qu’une considération préliminaire. Je vous prie d’observer qu’en réformant les ordonnances, et en simplifiant les formes de procédure, vous n’aurez pas pour cela établi la rapidité qu’exigent les affaires de commerce. Je pourrais aussi vous rappeler que ces tribunaux sont les seuls qui n’aient jamais excité de réclamations. Vous avez voulu séparer les pouvoirs, vous av< z pris des précautions sans nombre pour consolider la liberté, il est impossible de régler l’administration d’un grand royaume sans l’établissement de quelques tribunaux particuliers ; il est impossible à des juges d’avoir des connaissances assez détaillées des formes d’administration pour prononcer indistinctement sur tous les faits. Les demandes des villes de commerce ne nous indiquent-elles pas assez le vœu général sur cette matière? Je supplie donc de ne pas prendre aussi promptement une délibération de cette importance. Quanta moi, j’avoue que je regarderais comme un malhenrque les tribunaux ordinaires s’ingérassent dans toutes les affaires. Je proposerais donc, sans rien préjuger sur la question, de décréter que les matières de commerce, de police, etc., pourraient être jugées par d’autres voies que par les tribunaux ordinaires. M. de Saint-Martin. Il est universellement reconnu que toute institution inutile est dangereuse. Rien n’est donc plus contraire à une bonne administration de la justice que la multiplicité des tribunaux : elle donne lieu à des conseils de compétence qui déshonorent la justice. La crainte que les tribunaux n’usurpent l’administration est chimérique. Gomment peut-on concevoir cette crainte, en examinant les règles prudentes et sévères que vous établissez? Ce sont des juges d’at-tribulion pour l’impôt qui sont vraiment redoutables. Sans doute, vous établirez des juges de paix : ils peuvent vous offrir un excellent moyen de juger les affaires du commerce. Réunissez des commerçants aux juges de paix, vous obtiendrez une justice prompte, facile et éclairée. La réunion de quelques commerçants est inadmissible, parce que vous n’aurez des tribunaux que dans les principales villes des départements. M. Garat a dit que les juridictions consulaires sont les seules où l’on ren.de bonne justice aux commerçants. J’en conviens; mais il a oublié que les juridictions ne sont qu’en première instance, et que les juges d’appel sont des parlements. Il ne reste que les affaires de la police : je n’ai pas changé d’opinion, depuis que, sur ma proposition, vous avez provisoirement confié la partie contentieuse de la police aux municipalités; le comité de Constitution est d’avis de la leur conserver. Il y a beaucoup d’arbitraire dans la police-, les tribunaux n’en sont pas susceptibles. Ici les lois doivent être observées dans toute leur rigueur, là elles doivent souvent être mitigées : ici il faut prononcer des peines, là on n’inflige que des corrections. M. iêégouen. Je demande qu’il soit fait lecture des adresses des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France et des représentants du commerce de Paris, par lesquelles ils demandent la conservation des juridictions consulaires et font valoir les moyens sur lesquels ils fondent leur pétition. (La lecture de ces adresses est faite.) fL’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président met aux voix la question en ces termes : y aura-t-il des tribunaux particuliers pour le jugement des matières de commerce ? L’Assemblée décrète qu’il y aura des tribunaux particuliers pour le jugement des matières de commerce. Divers membres proposent l’ajournement et le renvoi des autres questions au comité de Constitution. L’ajournement et le renvoi sont prononcés. M. le Président annonce ensuite que les députés de Perpignan viennent de lui remettre différentes pièces auxquelles est jointe une lettre des officiers municipaux de cette ville. On fait lecture de cette lettre dans laquelle on mande que les 10 et 1 1 dece moisplusieurs ouvriers ont arrêté les transports de quelques voitures de grains destinées au Languedoc, et les ont déposées à l’académie du Manège. D’après les représentations delà municipalité, ils étaient convenus