[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1*™�* “1793 707 p alité a commencé à me citer à sa barre pour avoir osé annoncer la suppression des droits féodaux avant la notification officielle du décret. J’étais à Beaugency, des deux paroisses on n’én a fait qu’une, mon collègue a été préféré, parce qu’il convenait mieux à la noblesse bourgeoise, et moi je suis devenu vicaire. Mais la fortune de mon collègue ne s’est pas soutenue, il a été des¬ titué. « Depuis deux ans que j’étais à la ci-devant abbaye de Saint-Germain, je n’ai cessé de montrer le même zèle et dans mes instructions et dans toute ma conduite. Un des fondateurs du club, à Beaugency, j’ai toujours été Jacobin, j’ai paru dans toutes les occasions du danger de la patrie, notamment les 26 et 27 de mai, comme président des commissaires des sections, et, en cette qualité, signataire de la pétition pour de¬ mander l’élargissement d’Hébert et la cassation de la Commission des douze. J’ai signé des premiers la pétition pour purger la Convention, j’en ai fait la proclamation et j’ai harangué le peuple dans les rues et places de l’étendue de la section. « J’ai prononcé un discours à la tribune des Jacobins au mois d’octobre 1792, pour deman¬ der la mort du tyran. J’insistais que son crime était avéré, qu’il avait été pris les armes à la main, que l’opinion publique l’avait déjà con¬ damné et qu’il était absurde de s’embarrasser dans les formalités d’une procédure. « Vous voudrez bien m’excuser, citoyens représentants, je n’ai pas voulu me rendre im¬ portant en vous entretenant de moi, mais il faut bien que les patriotes se connaissent. Je suis devenu d’évêque, meunier, je n’en ai point eu de peine. A présent je ne suis rien, je désirerais payer ma nourriture à la République par les services dont je peux être capable. « À Paris, le 3 de frimaire, Tan II de la Répu¬ blique, une et indivisible. « Cazalis. » V. Lettre du représentant Fréron par la¬ quelle IL TRANSMET UNE DÉPÊCHE DU GÉNɬ RAL DE BRIGADE La BARRE, RENDANT COMPTE DE L’ATTAQUE D’UN BATIMENT TURC PAR LES Anglais (1). Suit la teneur de ces pièces d'après des docu¬ ments des Archives nationales (2). Les représentants du peuple dans les départe¬ ments méridionaux, au citoyen Président de la Convention nationale. « Marseille, le 26e jour de brumaire, de l’an II de la République française, une et indivisible. « Nous vous envoyons, citoyen Président, une copie des dépêches que nous avons reçues du (1) La lettre de Fréron et les pièces qui l’accom¬ pagnent ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 3 frimaire an II; mais en marge de l’original, qui existe aux Archives nationales, on lit l’indication suivante i « Renvoyé au comité de Salut public le 3 frimaire, Tan II de la République fran¬ çaise. » (2) Archives nationales, carton AFn 299, pla¬ quette 24 95, pièce 13. général de brigade André La Barre, relative ment à un acte d’agression qui vient d’être exercé-par les Anglais envers la Porte ottomane. Le bâtiment turc qui était en quarantaine sous la protection du fort de Brigançon, transportait en France le citoyen Truillet, expédié par le citoyen Descorches, envoyé de la République française à Constantinople et muni de dépêches importantes pour la Convention nationale et pour le ministre-des affaires étrangères. Vous verrez avec admiration, citoyen Président, la bravoure avec laquelle s’est conduit le citoyen Truillet; ce républicain aura bientôt l’entrée, sa quarantaine tendant à sa fin. « Veuillez, citoyen Président, instruire la Convention nationale de ces faits, dont les suites peuvent opérer dans la Méditerranée une puis¬ sante diversion, et l’inviter à prononcer sur le sort de l’équipage grec qui s’est si bien montré dans cette affaire périlleuse. Nous attendons les ordres de la Convention à cet égard. « Salut et fraternité. « Fréron. « P.-S. — L’on vient de nous apporter le verbal d’un capitaine des batteries qui annonce s’être emparé d’un chébec espagnol, parti de Citadella, île de Minorque, chargé de vin, ail, fruits de grenades et fromages, destinés pour Toulon. Les braves soldats de la République ont été avec une chaloupe et à force de rames s’emparer de ce chébec que le mauvais temps avait forcé de mouiller sur nos côtes. » Copie de la lettre du général de brigade comman¬ dant la division de gauche de l'armée révolu¬ tionnaire du Midi, aux représentants du peuple Barras et Fréron ( 1 ). « Du quartier général de la Farlède, le 22 du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyens, « J’ai l’honneur de vous informer que le bâti¬ ment turc arrivé le 19 du mois dernier, qui était en quarantaine sous la protection du fort de Brigançon, qui a conduit en France le citoyen Truillet, chargépar le citoyen Deschorches, chargé d’affaires à la Porte, de porter des dépêches à la Convention nationale et au ministère des affaires étrangères, a été attaqué dans la nuit du vingt au vingt-un par les Anglais. Je joins ici le détail de l’attaque pour vous mettre à même de juger du courage du brave sans-culotte Truillet, qui, sous peu de jours, pourra avoir l’entrée, ayant été en quarantaine dix-huit jours sans avoir eu le moindre malade depuis sa traversée et depuis� qu’il est arrivé sous le fort de Brigançon. « Le commandant du fort Quevilli me mande aujourd’hui que le bâtiment turc échoué sur le sable n’avait pu résister à la violence du vent de la nuit, qu’il s’est crevé sur le côté et que le citoyen venait de lui dire qu’il y va mettre le feu, afin d’ôter à l’ennemi ce plaisir; on a débar¬ qué tout ce qu’il y avait de plus précieux pour le porter au fort. « La blessure du citoyen Truillet n’est rien; le garde de santé est mort hier matin des suites (1) Archives nationales, carton AFn 299, pla¬ quette 2495, pièce 14. 708 [Convention nationale.] ARCHIVES 1 de ses blessures; tout le reste de l’équipage se porte à merveille. « Le brave Truillet me mande qu’ après la mort du garde de santé, ce qui le fâche le plus c’est la perte du bâtiment. En effet, ces braves Grecs ne peuvent pas perdre leur bâtiment parce qu’ils ont défendu la cause de la République avec le même courage et le même intérêt qu’üs auraient défendu le leur propre. Il désirerait que la République pût venir à leur secours. L’équipage est réfugié avec lui dans le fort de Brigançon avec toutes les précautions que requiert la santé. « Veuillez, citoyens représentants, me dicter la conduite que je dois tenir vis-à-vis de l’équipage du bâtiment turc qui, sous peu de jours, va être libre et purifié. « L’émigration des Toulonnais est plus forte que jamais; à les entendre ils sont des patriotes persécutés, sortis des prisons; je ne crois pas à tous leurs contes. Je voudrais bien, citoyens représentants, recevoir sur ce sujet vos ordres, pour régler ma conduite. « Salut et fraternité, « Signé : André La Barbe. « J’apprends avec plaisir du commandant du 15e régiment de dragons que je dois à vos bontés celui d’avoir encore sous mes ordres mes enfants chéris. Micas me charge de joindre ses remerciements aux miens : il vous présente ses hommages. » Détail de Vattaque qu'a eue le bâtiment grec sur lequel était embarqué le citoyen Truillet, sous le fort de Brigançon (1). Dans la nuit du 20e du 2e mois de l’an II de la République française, à 3 heures du matin, deux hommes de l’équipage du bâtiment grec, qui étaient de garde ordinaire avec le fusil, ne s’aperçurent d’un canot armé d’Anglais qu’au moment où les ennemis furent dans le bord, les armes à la main, au nombre de 20 au moins. L’un d’eux qui avaient la garde se précipite dans la mer, et l’autre dans la chambre en criant, ce qui éveille le citoyen Truillet, le capitaine du navire et le garde de santé qui y étaient couchés. A ce bruit, ils sautent aux armes; Truillet paraît le premier à l’écoutille où il aperçoit sept à huit ennemis qui la gardaient, les armes levées ; il se retire, le capitaine du navire use de la même prudence et le gardien, qui vint après, sans plus de réflexion, se montre, reçoit d’abord un coup terrible de hache d’armes sur la tête, ui le renverse. On le traîne dehors et comme Îaraît mort, on le laisse sur la couverte. ■e premier soin de l’ennemi a été de mettre de bonnes gardes à l’écoutille pour empêcher que personne de l’équipage ne sortît, lorsque d’autres coupant les quatre câbles à la fois, où était amarré le navire, et déployant les voiles pour faire route à la faveur d’un vent fort, avec la pluie qui sortait (sic) le navire en poupe. Le citoyen Truillet, se voyant pris de tous cô¬ tés, sans espoir de se sauver, désespéré, ôte tous ses habits, va se précipiter dans la mer par lès fenêtres de la chambre, dans le dessein de se (1) Archives nationales , carton AFii 299, pla¬ quette 2495, pièce 15. .ELEMENTAIRES. j ; noyer plutôt que de tomber entre les mains de ses ennemis implacables, lorsque le capitaine le retient, ce qui donne à Truillet l’occasion de ranimer le courage du capitaine et du matelot qui étaient dans la chambre; passe de l’avant par une communication, excite les autres à se battre. L’un d’eux lâche un tromblon, ren¬ verse trois Anglais. Truillet, armé d’un autre tromblon, sort de la chambre avec fureur, on lui lâche un coup de pistolet, il l’évite. Les Anglais, voyant paraître du monde de tous côtés, se précipitent dans le canot ; l’un, en passant, donne un coup de sabre à Truillet, qui le blesse légè¬ rement, lorsqu’il tire son tromblon dans le canot, qui en renverse cinq à la fois; tous les Grecs se servirent de leurs armes avec beaucoup d’ac¬ tivité et de bravoure, le canot resta immobile avec deux hommes sur pied, lorsque le bâtiment, qui marchait, l’eut mis hors de la portée de nos armes ; tout l’équipage voulait de force aller sur lui avec la chaloupe pour le prendre, mais le citoyen Truillet et le capitaine les en empêchè¬ rent pour tâcher de sauver le navire qui n’avait plus à bord ni câbles, ni ancres, avec un grand vent et une grosse mer. Ils firent mettre des voiles et louvoyèrent pour reprendre le port de Brigançon, lorsque Truillet s’embarqua, avec quatre matelots, dans la chaloupe, pour aller chercher une ancre et la remettre au navire quand il approcherait du port pour pouvoir mouiller. Mais le capitaine, tirant sa bordée au large, et se trouvant sous une frégate, révisa à terre où il fut obligé d’échouer le navire, n’ayant plus d’ancres. Le citoyen Truillet, n’apercevant plus le navire, resta sous le fort de Brigançon avec la chaloupe. Le fort n’avait pas laissé de tirer pour défendre le navire, qu’il allait même couler bas lorsqu’il s’écartait, le croyant au pouvoir de l’ennemi, si le citoyen Truillet n’avait crié qu’il était au sien. Il ne peut donner trop de louanges à la pro¬ tection soigneuse que le commandant du fort lui a donnée en tirant, çà et là, pour écarter et éloigner l’ennemi, dans une obscurité profonde, faisant toujours attention aux signaux du bâti¬ ment, dont le capitaine et l’équipage se sont comportés d’une manière héroïque dans une affaire qui leur était étrangère, car il paraît impossible que, pris par un nombre supérieur, renfermés dans des trous bien gardés, nous ayons forcé l’ennemi à abandonner la prise et que nous l’ayons détruit ; car il est à croire que le canot a coulé bas, en ce que nous avons pris sur l’eau des rames qui y flottaient; il est resté à bord 3 haches d’armes, un sabre et un prisonnier anglais. L’affaire n’a duré que cinq minutes, le brave gardien est mort de ses blessures, et la grosse mer, qui a duré tout le jour et toute la nuit, a brisé le bâtiment, bien qu’échoué sur le sable. Le commandant de Brigançon y envoya d’abord, pour le garder, un détachement de 15 volontaires, le commandant d’Hyères 40, et la municipalité de Bonnes 25 autres braves sans -culottes qui y ont été de bonne volonté. L’équipage travaille à en retirer tous les effets à l’abri de cette garde. Signé : Truillet. Pour copie conforme à l'original : Le chef provisoire de l'état-major, Signé : Micas.