[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 décembre 1790.] M. de ffiiehier. L’ordre du jour, c’est l’imposition; je demande qu’on délibère sur l’imposition. M. Rœderer. L’Assemblée nous a renvoyé le tarif pour ie déterminer suivant les principes qa’elle a adoptés. M. le Président se dispose, de nouveau, à mettre la question principale aux voix. M. lladier de llontjau. Que tous les capitalistes proprii taires de rentes sur l'Etat se retirent pour ne pas opiner dans leur propre cause. M. le Président met la question principale aux voix, et le projet de décret de M. Baroave est adopté à une très grande majorité en ces termes : « L’Assemblée nationale, se référant à ses décrets en date des 17 juin, 28 août et 7 octobre, qui consacrent ses principes invariables sur la foi publique, et à l’intention qu’elle a toujours manifestée de faire contribuer les créanciers de l’Etat comme citoyens dans l’impôt personnel, en proportion de toutes leurs facultés, déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la mution qui lui a été présentée, tendant à établir une imposition particulière sur les rentes dues par l’Etat ». M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination d’un nouveau président et de trois secrétaires. (La séance est levée à deux heures et demie.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 DÉCEMBRE 1790. DISCOURS DE M. DE Mirabeau L’AINÉ sur la proposition de M . Lavenue d'imposer les renies sur l'Étal (1). Messieurs, si je parais à la tribune, au sujet de la proposition qui vous a été faite d 'impo&er les rentes dues par l’Etat, ce n’est pas que je ( e flatte d’y porter des ventés nouvelles pour v (1) Ce discours devait être prononcé à l’Assemblée nationale. Le comité d’imposition a reconnu, dans le rapport qu’il a été chargé de iatre au sujet de la pro-posiiiou d’imposer les routes, que cette imposition particulière serait contraire à la justice et aux décrets de l’Assemblée. je ne doutais point que ce rapport ne fût combattu par les auteurs de la motion ; et j’avais résolu de traiter ce sujet, de manière à ne laisser aucune obscurité sur les principes, et aucune couleur aux objections. La discussion a été lermôe, avant que j’aie pu prononcer le discours que j’avais préparé. Mais les singuliers arneu-dements proposes en foule sur le sage decret qui a été rendu m’ont prouve que la principale question avait besoin encore d’ètre éclaircie, et qu’il fallait ôter à nos adversaires ie prétexte de dire qu’on n’avait pas répondu à M. Lavenue. Une autre raison m’a déterminé à publier ce discours. On voudrait laire croire aux departements, que le parti populaire de l’Assemblée a moins à cœur leurs intérêts que ceux de la capitale ; et l’on prétendra peut-êire leur en fournir un exemple par le décret du 4 décembre. Je ne crains pas, je demande même avec couliance, que 207 Il est peu de réflexions fondamentales sur cette matière qui ne vous aient été présentées en différents temps. Je veux seulement les rappeler à votre esprit : réunies en un faisceau, elles en seront plus lumineuses et plus sensibles; et vous vous étonnerez peut-être qu'on reproduise encore une proposition, je ne dirai pas si souvent écartée par ceue Assemblée, mais repoussée tant de lois avec toute l’éuergie de sa vertu et ue sa justice. Nous travaillons à un système général d'impositions ; n ms cherchons à les répartir convenablement sur les diverses classes de propriétaires; et quelques membres ont saisi cette circonstance, pour traduire de nouveau devant vous un ordre particulier de créanciers publics, comme devant subir, dans leurs créances, cet impôt dont vous discutiez les bases. Or, Messieurs, je pense qu’il y a dans cette opinion de grandes erreurs, des erreurs funestes, telles, eu un mot, que, pour l’honneur de cette Assemblée, de sa morale et de ses principes, on ne peut les dévoiler avec trop de soin. La nalion peut être envisagée ici sous deux rapports, qui sont absolument étrangers l’nn à l’autre. Gomme souveraine, elle règle les impôts, elle les ordonne, elle les étend sur tous les sujets de l’Empire; comme débitrice, elle a un compte exact à rendre à ses ciéanciers; et les obligations à cet égard ne diffèrent point de celles de tout débiteur particulier. Cependant, nous voyons ici qu’ou abuse de cette double qualité reunie dans la nation : d’un côté, elle doit; de l’autre, elle impose; il a paru commode et facile qu’elle imposât ce qu’elle doit. Mats il ue s’ensuit pas de ce qu’une chose est à notre portée, de ce qu’elle est aisee à exécuter, qu’elle soit juste et convenable. Souvent même, cette facilité ne fait que rendre l’injustice d’autant plus choquante; et c’est précisément ie cas dont il s’agit. Les rentiers, au lieu de nous confier leurs capitaux, en auraient pu faire toute autre disposition, les destiner à des entreprises, les prêter à lies manufacturiers, à des commerçants, les placer dans lis tonds étrangers ; enfin, les employer de manière qu ils n’eussent éié exposés à aucune réduction. Mat-leurs propriétaires se confient à notre gouvernement; ils mettent leur fortune dans nos mains, à des conditions déterminées ; et par cela seul que nous en sommes les dépositaires, on veut que nous prou lions de les départements soient juges dans leur propre cause. Us ne sépareront pas plus que moi une partie de la France d’une autre partie. Us ne voudront pas distinguer, dans l’unité de notre Constitution, les départements d’avec la capitale, quand il s'agit de l'intérêt commun et do l’honneur de tout le royaume. Ou ne leur persuadera pas que ce qui est juste en soi, ce qui tient à la fidélité nationale, et à tous les grands principes de crédit public, puisse être envisagé différemment par des Français atnotes, selon les déférentes partie� du royaume qu’ils ha-Ueut. Ei s’ils descendent de ces grands principes de justice générale, qui smit les premières bases d’une administration florissante, à des intérêts particuliers : ils verront que ces intérêts bien entendus donnent le même résultat que la justice. Ue n’est pas aujourd’hui que l’un peut douter que flaris et le reste de l’Empire ayant des rapports intimes et nécessaires, ce ne fut bien mal entendre les avantages de l’un, que de prétendre le servir aux dépens de l’autre. Enfin, j’espere que l’on trouvera dans cet écrit tout ce qui est nécessaire pour l’éclaircissement d’une question assez peu connue.