370 [Awemblée nationale . ] ARCHIYE5 PARLEMENTAIRES. [11 noyembre 1790.] semblée de lui permettre de s’absenter pour huit jours. Cette autorisation lui est accordée. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le tribunal de cassation. La question à résoudre est la suivante : Les jugements en dernier ressort des juges de paix seront-ils soumis à la cassation? M. Moreau. Il me semble que cette question n’en doit pas faire une; un particulier qui n’a que 50 francs, s’il n’a pas dû perdre son procès, on ne peut, sans injustice, lui refuser la voie de cassation. M. Chabroud. Vous avez décrété que la cassation ne pourrait avoir lieu que dans le cas de violation des formes ou des principes constitutionnels ; or, les formalités sont bannies du tribunal de paix, et le juge de paix ne pourra pas, dans ses fonctions très circonscrites, heurter les principes constitutionnels. Il ne doit donc pas y avoir lieu à la cassation pour les jugements du tribunal de paix; ce serait donner au plaideur la tentation de se ruiner pour un procès de 50 livres. (L’Assemblée décrète qu’il n’y aura pas lieu en cassation contre les jugements des juges de paix.) Question : Les demandes en renvoi du tribunal de district à un autre, pour cause de suspicion légitime , seront-elles de la compétence de la cour de cassation ? (L’Assemblée décrète l'affirmative sans discussion.) Question : Les demandes en prise a partie seront-elles de la compétence de la cour de cassation ? M. Chabroud. Les demandes en prise à partie contre un tribunal entier et contre les commissaires du roi doivent appartenir à la cour de cassation, mais les demandes contre un seul juge doivent être décidées par les tribunaux dedistricts. M. Couppé. Si cette proposition était adoptée, on accorderait aux commissaires du roi, dans les trois quarts du royaume, le privilège de n’êlre poursuivis dans leurs prévarications qu’à cinquante, cents ou deux cents lieues de justiciables qui auraient à se plaindre d’eux ; ce serait leur donner uti brevet d’impunité. M. Groiipllleau. Je ne suis pas étonné de la tendresse paternelle de M. Chabroud pour les commissaires du roi, dont il est l’inventeur; mais je dois vous prévenir que ces commissaires du roi, qui viennent de naître, menacent déjà les tribunaux de les faire fouetter par le pouvoir exécutif. (On applaudit .) 11 est juste de contenir cette ardeur anticipée en soumettant les commissaires, ainsi que les juges pris individuellement, à être jugés dans les cas de prise à partie par les tribunaux de districts. Après quelques discussions, l’Assemblée décrète que — « les demandes en prise à partie, formées contre un tribunal entier, seront portées à la cour de cassation. Mais celles qui seront dirigées contre un OU plusieurs juges et contre les commissaires du roi seront décidées par les tribunaux de districts .» On demande qbe l’Assemblée décide la question de savoir comment et où seront formées les demandes en requête civile. (Cette proposition est ajournée.) Question : De combien de membres sera composé le tribunal de cassation ? M. d’André. Après avoir fixé la compétence du tribunal de cassation, vous avez à vous occuper de sa composition. Je crois que nous pourrions beaucoup abréger notre travail en décidant une question préliminaire, qui est celle-ci : Ni les législateurs, ni le roi n’auront aucune participation à la nomination du tribunal de cassation. M. lie Chapelier. Votre comité de Constitution pourra proposer de décréter que l’Assemblée nationale choisira quarante sujets tirés sur le tableau qui lui sera présenté, et que, de ces quarante sujets, le roi en choisira trente pour le tribunal de cassation. Si la législature ne doit avoir aucune part aux nominations, le roi ne doit pas y en avoir non plus. On peut donG aller aux voix sur la proposition de M. d’André. M. de Montlosier. Je demande la question préalable sur la proposition de M. d’André, ou du moins la division, parce que, dans mon opinion, le roi doit avoir une influence sur l’élection des membres qui composeront le tribunal de cassation. Vous avez décrété que les juges seraient nommés par le peuple. Mais si l’on voulait bien examiner, il ne serait pas difficile de prouver que vous n’avez pas entendu parler 4e «eux dont il est ici question, attendu que le tribunal de cassation sort des règles ordinaires. Il faut donc que le roi y ait de l’influence, si vous voulez lui rendre ce qui lui appartient. (La discussion est fermée.) « L’Assemblée décrète que la cour de cassation sera formée de membres choisis par le peuple, sans aucune participation du roi ni de l’Assemblée nationale.» M. lie Chapelier. D’après cette disposition, il est nécessaire de recomposer une très grande partie des articles que nous vous avions présentés, et je demande l’ajournement. M. Duport. Je demande que l’Assemblée décide sur-le-champ si le ministre du roi, chargé du département de l’administration de la justice, sera président du tribunal de cassation ; j’imagine que l’Assemblée se décidera aisément sur la négative. M. le Chapelier. Cette question est assez importante pour être ajournée. Je ne dis pas qu’il n’y ait d’excellentes raisons à alléguer; mais il me semble du moins qu’on doit y réfléchir mûrement. M. Malouet. J’insiste sur l’ajournement. Si on nous avait proposé, il y a dix mois, de ne donner au roi aucune influence dans le tribunal de cassation, je doute que cette opinion eût obtenu la majorité. On veut que vous réduisiez les fonctions du garde des sceaux à celles d’un simple avocat de bailliage. Je ne reconnais point là les principes qui constituent la monarchie. M. le Chapelier. Si l’Assemblée croit qu’il serait dangereux de donner au garde des sceaux la présidence du tribunal de cassation, je demanderai que du moins elle décide qu’il y aura auprès de ce tribunal, comme auprès des autres, un commissaire du roi. « L’Assemblée décrète que le garde des sceaux ne sera point président du tribunal de cassation.» M. Barnave. Les jugements des conseils su- (Aftftftmbléo afttioBftlo.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [11 novembre 1790*} 371 périeurs des colonies étaient autrefois sujets à la cassation du conseil. C’est un lien qu’il est nécessaire de conserver entre les colonies et la métropole. Il faut donc que les colonies entrent dans la composition du tribunal de cassation. Je demande que cette proposition soit renvoyée au comité deConstitution. M. Eie Chapelier. Les décrets rendus sur les colonies les autorisent à présenter leurs projets sur le plan de Constitution. Nous ne pouvons donc anticiper sur les pouvoirs que nous leur avons donnés. Le comité ne pourrait présenter que des dispositions provisoires! M. Moreau de Saint*Méry. J’appuie d’autant plus la proposition deM. Barnave qu’elle est conforme au résultat d’une délibération prise par les députés des colonies. M. Barnave. L’Assemblée a renvoyé aux colonies la proposition du plan de leur organisation, mais non pas les règles générales de la Constitution française. M. Tronchet. Si on attendait les élections des colonies, il serait possible que le tribunal de cassation ne fût point en activité dans dix mois. M. Moreau de Saint-Méry. On pourrait décréter que ce tribunal serait installé encore que lés colonies n’eussent pas fait leurs nominations. M. Barnave. Mettre cette proposition en doute, ce serait briser le lien le plus puissant qui attache les colonies à la France. Le décret qui accorde aux colonies le droit de proposer des plans sur leur organisation est tellement relatif aux localités, que les colonies ne l’ont pas en général, mais que chaque colonie l’a en particulier. « L’Assemblée décrète que les tribunaux des colonies seront soumis à la coür de cassation, et que le comité de Constitution fera un rapport sur le nombre des membres que les colonies fourniront à ce tribunal. » M. le Président annonce le décès de M. Antoine Guiot, député d’Auxois. M. Bœderet* représente que le comité d’impositions ne peut terminer son travail si le comité des linances ne fait connaître le tableau des besoins de l’année 1791. (L’Assemblée ordonne que ce tableau lui sera présenté lundi prochain.) M. Gaoltier-BIauzat. Il a transpiré dans le public qu’on allait former de nouveau un corps de troupes pour la garde du roi ; cette nouvelle a agité les esprits, et le secret des mesures qui ont été prises a causé des inquiétudes. L’inquiétude a fait naître des soupçons contre des personnes en place ; c’est toujours un grand mal que ces soupçons, mais Cë mal est plus grand encore quand ils portent sur un homme qui a donné de grandes preuves de prudence et de patriotisme. J’ai aperçu, dans ce projet, de fâcheux résultats qui vous commandent de prendre des mesures pour arrêter son exécution. Il suffit d’annoncer que l’Assemblée nationale s’occupera de déterminer par qui et comment la garde du roi sera composée. Je ne propose pas que l’Assemblée rende aujourd’hui un décret sur cette question ; mais j’ai deux considérations fort simples à présenter pour établir qu’elle doit en assurer la discussion. Sous le règne du despotisme, le despote avait besoin de soldats pour faire exécuter ses volontés arbitraires ; sa sûreté n’intéressait que lui et les mercenaires complices de la tyrannie : c’était à lui, c’étaient à eux à y pourvoir. Mais dans un Etat libre, où chaque individu, où le roi même est soumis à la volonté de tous, où c’est par la volonté générale que le monarque règne, il ne doit rester aucune crainte; le roi des Français est cher à tous les Français, tous voudraient concourir à sa sûreté ; une distinction quelconque serait affligeante, et la garde du roi des Français n’est qu’une garde d’honneur : je ne puis considérer une maison militaire que comme une maisort armée; or, je n’aime pas une maison armée pour un roi chéri de tous les citoyens de l’Empire. Je demande que les comités militaire et de Gonsti-tion réunis soient chargés de noüs faire un rapport sur la question de savoir s’il convient de créer une garde d’honneur pour le roi, et, dans le cas de l’affirmation, par qui et de quelle manière elle doit être organisée! (On demande à aller aux voix.) M. de Beauliarnais. J’ai demandé la parole pour appuyer la proposition de M. Biauzat. Cette motion ayant pour objet d’assurer les justes limites du pouvoir exécutif, d’offrir des vues réfléchies sur un point qui tient essentiellement à la liberté, et de donner constitutionnellement un garant de plus à là Constitution ; cette motion, dis-je, paraît mériter la plus grande attention. Mais puisqu’on s’est borné à en demander le renvoi à un comité, je me bornerai également à l’énonciation simple d’une réflexion, d’un principe. Dans une Constitution libre, la force militaire ne doit pas être assez considérable pour nuire à la liberté, et doit l’être assez pour la défense de l’Etat. Eh bien ! une maison militaire destinée à l’exécution de la volonté d’un seul homme rompt la balance nécessaire de tous les pouvoirs, sans aucun profit pour là tranquillité publique, et avec des dangers certains pour la liberté nationale. Je crois donc que l’Assemblée doit décréter le renvoi aux comités militaire et de Constitution réunis, dont l’avis sera probablement que le roi ne doit pas avoir de maison militaire. Alors j’appuierai mon opinion si cet avis est contesté. J’ai une autre réflexion à vous présenter. Il est important de décréter que jamais, et dans aucune circonstance, le roi ne commandera les troupes en personne. (Il s’élève beaucoup de murmures dans la partie droite .) Cette question de droit public cause un étonnement qu’il serait difficile de dissiper ; mais en ce moment, pour soutenir mon opinion, je ne citerai qu’un exemple. Il est bien certain que c’est la responsabilité des agents qui nous garantit la paix; vous avez décrété que la guerre ne pourrait être faite que ar la concurrence du pouvoir exécutif et du orps législatif. Si un ministre, si un général d’armée commençait des hostilités, il payerait ce crime de sa tête: mais un roi pourrait nous entraîner dans une guerre désastreuse sans qu’il fût possible de sévir contre quelque coupable... attendu l’inviolabilité de la personne du roi. (Une grande partie de l’Assemblée applaudit.) Vu l’importance de la motion de M-Biauzat, et l’intérêt qu’on me semble devoir attacher à ma proposition, je me réduis