444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. hier; il n’y a point de discordance eutre M. Rœ-derer et moi, et, quoique j’aie demandé la révocation du décret d’avant-hier, je crois que nous sommes du même avis sur la question actuelle ; il suffit de se rappeler ce qu’on a dit. Il a été dit hier que le décret qui admet l’intervention du Corps législatif pour la révocation des commissaires de la Trésorerie ayant été plusieurs fois ajourné et toujours appuyé et combaltu par de très fortes raisons pour ou contre, il était à regretter qu’il eût été adopté avant-hier sans discussion. Nous n’avons pas demandé qu’on révocât dans son entier le décret concernant les commissaires de la Trésorerie, mais seulement que la dernière disposition adoptée à leur égard fût retranchée; c’est ce qui a été fait et, comme i n prenant cette décision, l’Assemblée n’a pas décrété le principe contraire, la question reste dans son entier, et la prochaine législature conserve toute liberté de prononcer à cet égard ce que bon lui semblera. Nous demandons aujourd’hui qu’on ne nous jette pas dans la discussion sur le fond dans laquelle nous sommes très divisés et qu’on se borne à ce qui a été fait hier : c’est ce que demande M. Rœderer. Plusieurs membres: L’ordre du jour I M. Prieur. Je demande la parole pour combattre MM. Rœderer et d’André. M. le Président. Le procès-verbal d’hier ne doit pas porter un décret exprimant le rapport ou la révocation du décret rendu la veille, car je ne l’ai pas prononcé; la discussion s’est terminée par dire que l’on retrancherait de l’article la dernière disposition qui énonce le droit du roi à la destitution , après en avoir fait connaître les causes à la législature et les avoir fait vérifier et approuver par elle. On se réduisit à cette opinion parce qu’elle ne préjugeait rien et ne faisait le décret ni pour, ni contre. C’est en cet état que doit être le procès-verbal. ( Marques d'assentiment.) On a demandé l’ordre du jour?... (Oui! oui!) Je vais le mettre aux voix. M. Prieur. Monsieur le Président, vous n’avez pas le droit de m’empêcher de parler; je demande à prouver que le décret doit être rétabli. M. Rœderer. Nous sommes d’accord. L’Assemblée a voulu hier que la question ne fût pas préjugée. Je demande qu’elle ne le soit pas aujourd’hui, et que l’Assemblée passe à l’ordre du jour. M. le Président met aux voix la motion de l’ordre du jour. (L’Assemblée décide dépasser à l’ordre du jour.) M. Prieur. Non, Monsieur le Président, vous n’aviez pas le droit de m’ôter la j arole. Je de-demandais que le décret d’avant-hier fût rétabli, et vous m’avez coupé la parole en mettant aux voix la motion de l’ordre du jour. ( Murmures prolongés.) (M. Prieur insiste pour avoir la parole, et enfin quitte la tribune.) M. Goupil-Préfeln. Je demande à l’Assemblée un moment d’attention. Dans les circonstances que tout le monde connaît, il a été décrété que l’Assemblée procéderait à la nomination d'un [28 septembre 1791.] gouverneur au prince royal; je crois que vous devez décider, d’une manière ou d’une autre, si vous entendez procéder à cette nomination. (Murmures.) M. d’André. Ce décret-là n’était que provisoire; il tenait à des circonstances qui n’existent plus; il n’a eu et ne peut avoir aucune exécution. M. Gaultier-Biauzat. Je demande qu’on passe à l’ordre d ; jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Buzot. Messieurs, lorsque vous avez décrété Y amnistie pour les faits relatifs à la Révolution , vous avez voulu que ce décret fût exécuté à l’instant. Cependant, j’ai reçu de divers militaires déserteurs de mon pays, qui sont en prison ici, des lettres par lesque les ils se plaignent qu’à leur égard cette amnistie n’est pas exécutée. Il me semble que ceci est assez pressé pour que les soldats qui ont pu se livrer à quelques mouvements, jouissent à l’instant même de l’amnistie qui, je crois, comprend les déserteurs. M. Emmery. Oui ! oui ! M. Buzot. Je demande donc que Monsieur le Président soit chargé de se retirer vers le roi pour le prier de faire exécuter l’amnistie générale. M. Emmery. Comme plusieurs personnes pourraient n’avoir pas saisi les termes du décret, je demande qu’il soit mis dans le procès-verbal, que, sur l’amnistie, il a été déclaré que la désertion y était comprise. (La motion de M. Emmery est adoptée.) En conséquence, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale décrète que la désertion, depuis le commencement de la Révolution, est comprise dans l’amnistie. » (Ce décret est adopté.) Un membre fait une motion tendant à ce que les soldats du régiment de Châteauvieux qui, pour des faits relatifs à la Révolution, subissent actuellement la peine des galères, bénéficient de l’amnistie accordée par l’Assemblée nationale. Cette motion est mise aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que les commissaires nommés pour porter les décrets à la sanction seront chargés de prier le roi d’ordonner à ses ministres d’exécuter incessamment le décret qui le prie de négocier avec les puissances helvétiques, pour que les soldats du régiment de Châteauvieux qui, pour des faits relatifs à la Révolution, subissent maintenant la peine des galères, soient aussi l’objet du bienfait accordé à tous les Français accusés ou jugés pour des délits qui tiennent a la Révolution. » (Ce décret est adopté.) M. l’abbé Afaury. Je demande la parole sur l’ordre du jour. (Murmures à gauche.) A droite : Oui ! oui ! M. le Président. L’ordre du jour appelle un rapport très court sur l’admission au service mi- 445 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.] litaire. M. l’abbé Maury demande la parole sur cet ordre du jour. Je ne crois pas pouvoir la lui refuser. M. l’abbé Maury. J’ai demandé la parole à M. le président sur une question d’ordre qui est de la plus extrême importance. 11 sera très facile, quand j’en aurai indiqué l’objet, de m’écarter par l’ordre du jour, mais ce que j’ai à dire est très court, très important, et si l’Assemblée veut m’entendre avec une attention favorable, je la mettrai bientôt à même d’en juger... A gauche : Au fait! M. l’abbé Maury. Je la supplie de vouloir bien ne pas se prévenir contre ce que j’ai à dire, mais de m’écouter avec quelque attention. M. l’abbé Gouttes. Monsieur le président, moi aussi, je demande à faire une motion d’ordre, c’est que l’opinant porte sa motion au comité chargé de présenter l’ordre du jour. A gauche : Non! il faut voir où il en veut venir. M. l’abbé Maury. L’objet dont je vais vous entretenir n’est pas nouveau pour vous, il ne l’est pas surtout pour moi ; j’ai eu l’honneur de vous en parler plusieurs fois et je me flatte que, dans ce moment, vous en sentez toute l’importance. Je demande l’exécution d’un décret du 14 février dernier par lequel vous ne vous sépareriez point sans avoir présenté à la nation le compte de ses finances. (Il s’élève de violentes rumeurs.) Gomme personne n’est intéressé, dans cette Assemblé, à s’opposer à l’exécution de ce décret, je demande la permission de prouver en deux mots deux vérités. La première que l’Assemblée nationale doit un compte, la seconde que le compte de M. de Montesquiou n’est qu’un roman rempli de faussetés et d’impostures. ( Les murmures redoublent.) M. Duport. Je demande l’ordre du jour. M. l’abbé Maury. Après! après ! Vous ne pouvez pas passer à l’ordre du jour sans m’avoir entendu. M. Duport. Je vais vous dire ce que M. l’abbé Maury veut vous dire, et en très peu de mots. M. l’abbé Maury. Je ne fais que réclamer l’exécution de votre décret : vous l’avez rendu, M. d’André le sait. M. Rœderer. M. l’abbé Maury annonce un fait faux. Le décret du 14 février ne porte pas ce qu’il dit. M. Duport. Je demande à interrompre M. l’abbé Maury. M. l’abbé Maury. Monsieur Duport, j’ai la parole que M. le Président m’a donnée; vous ne pouvez pas me l’enlever. Ge que j’ai à présenter est si court et à mon sens si évident, que l’on aura beaucoup plus d’avantage à me répondre lorsque j’aurai parlé. M. Rœderer. Vous avez débuté par une fausse citation. Il n’y a pas de décret qui dise ce que vous dites. M. le Président. Si j’avais connu le motif pour lequel M. l’abbé Maury a demandé la parole, je dois à l’Assemblée et je me dois de déclarer que je ne la iui aurais pas donnée, surtout après la même motion faite ce matin et sur la-uuelle l’Assemblé a passé à l’ordre du jour. Gomme on demande la parole pour proposer la question préalable et que je ne peux pas la mettre aux voix sans qu’elle soit demandé , je donne la parole à M. Duport. ( Violents murmures à droite.) M. Duport. Je ne m’oppose pas à ce qu’on entende M. l’abbé Maury. M. le Président. Si M. Duport ne prend pas la parole, je consulterai l’Assemblée pour savoir si v us, Monsieur l’abbé Maury, vous devez jouir de celte parole que vous n’avez obtenue que pour en expliquer le motif. Je suis dans la règle de l’Assemblée. M. l’abbé Maury. Mais vous n’avez pas le droit de consulter l’Assemblée tandis que je parle. Nous ne pouvons pas opiner deux à la fois. M. Rœderer. On doit la parole à M. l’abbé Maury, parce que c’est lui qui est le peuple souverain. M. l’abbé Maury. On va rendre ma cause meilleure qu’on ne croit. M. Duport parle dans le bruit. M. Malouet. Monsieur le Présideot, je vous demande la parole ; et si vous me la refusez, je vous dis que je l’aurai. MM. Duport et l’abbé Maury continuent à parler dans le tumulte. M. Chabroud. Monsieur le Président, consultez l’Assemblée pour savoir si elle veut entendre M. Duport qui veut la paix ou M. l’abbé Maury qui veut le trouble et la sédition. (. Applaudissements à gauche). MM. de Folleville et Foucault-Fiardi-malie interpellent vivement M. Ghabroud. M. le Président. L’Assemblée a entendu l’objet de la motion de M. l’abbé Maury; elle a entendu plusieurs membres demandant la parole contre ce qu’a dit et ce que doit dire M. l’abbé Maury. A droite : Laissez-le donc parler. M. de Folleville (s'adressant au président). Je demande la parole contre vous. M. l’abbé Maury. Si l’Assemblée ne veut pas m’entendre à présent, qu’elle me dise le jour et l’heure où elle voudra m’entendre. M. Foucault-Liardimalie. L’Assemblée nous met en état d’accusation; nous demandons à répondre et à nous justifier; nous vous sommons, Monsieur le Président, de nous en donner la faculté. On dit que M. l’abbé Maury n’est monté à la tribune que pour y troubler l’ordre, il faut qu’on sache si cela est vrai. (Murmures à gauche.) 11 n’a eu pour objet que d’être l’organe du public. Or, le public, et dans cette occasion, nous reconnaissons ses droits... ( Rires et applaudissements 416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.] ironiques à gauche). Oui, Messieurs, je le répète, le peuple, et c’est le seul et le plus grand de ses droits, celui que particulièrement je lui ai toujours reconnu, le peuple a le droit de demander compte à tous les fonctionnaires publics de leur gestion. M. de Montesquiou en a rendu un qui est faux; l’accusation lancée contre M. l’abbé Maury subsiste; il demande à se justifier et à relever des erreurs graves de tous genres qui se trouvent dans ce compte; il demande à exposer à l’Assemblée la manière de rendre un compte et de mettre ce compte plus à la portée du public qui le réclame et qui a droit de le réclamer. (Applaudissements dans les tribunes.) M. de Folle ville. Entendez-vous la voix du peuple! M. Foucault-JLardimalie. Je demande que l’on fasse droit à la demande de M. l’abbé Maury et que MM. Duport et Ghabroud ne puissent plus interrompre. M. Duport. Je demande à prouver que l’Assemblée doit passer à l’ordre du jour sans entendre M. l’abbé Maury. M. l’abbé Maury. Nous voulons rendre compte, et j’en rendrai un très succinct. M. le Président. On propose de consulter l’Assemblée pour savoir si, sous prétexte de parler sur l’ordre du jour, M. l’abbé Maury, par la manière dont il est à la tribune et par ce qu’il propose, n’est pas contre l’ordre du jour. Il est préalable à toute discussion de savoir si l’Assemblée veut entendre le membre qui propose la question préalable contre cette motion. A droite : Il ne veut pas être entendu. M. Malouet. Je demande la parole pour une proposition. M. de Broglie. Il faut décréter l’ajournement de cette question à jour fixe, on ne peut pas la discuter sur-le-champ. M. Malouet. Je demande la parole. M. Bab aud-Saint-F tienne . Laissez donc, Monsieur Malouet; M. Foucault a parlé, c’est assez. (Bruit). M. l’abbé Maury ( Montrant l'extrême gauche). Monsieur le président, faites-moi taire tous ces aboyeurs-là ! ( Murmures à gauche.) M. de Croix. Il faut qu’il soit reconnu si l’Assemblée doit un compte ou non. M. l’abbé Maury a la parole, il faut absolument qu’il soit entendu. M. l’abbé Maury. Je demande à réfuter clairement et invinciblement M. de Montesquiou. M. le Président. Je consulte l’Assemblée pour savoir à qui elle entend donner la parole. (L’Assemblée décrète que M. Duport sera entendu.) A droite : L’appel nominal ! M. l’abbé Jnlien s’approche de M. l’abbé Maury et lui adresse quelques paroles. M. l’abhé Maury. Je vous prie, Monsieur le Président, de rappeler à l’ordre cet ecclésiastique-là, qui a l’impudence de m’appeler un insolent... G’està M. de Montesquiou que je déclare la guerre. M. le Président. Monsieur l’abbé Maury, je vous rappelle à l’ordre; il y a un décret qui donne la parole à M. Duport. M. Duport. Ge qui vient de se passer dans l’Assemblée, ce que vient de dire un honorable membre sur la reconnaissance, un peu tardive, des droits du peuple, n’a pas besoin d’un long discours pour vous prouver où tout cela tend. M. l’abbé Maury. Cela tend à un compte que j’ai demandé depuis plus de 20 mois. A gauche : A l’ordre! à l’ordre! M. Duport. Je répète, Messieurs, que ce qui vient de se passer, que la réunion infiniment plus nombreuse que de coutume et le concert de ceux qui depuis longtemps ont cru devoir s’abstenir de prendre part à nos travaux, rend beaucoup plus facile la tâche que je me suis imposée. M. Foucault-Lardimalie. Nous sommes venus pour demander un compte. M. fiombert. Vous avez protesté; vous n’avez pas le droit de parler. M. Foucault-Lardimalle. Nous sommes accusés, nous voulons nous justifier ; nous n’avons jamais été dans les comités; je demande que vous vous constituiez prisonniers jusqu’à ce que vous ayez rendu vos comptes. M. Duport. Messieurs, toutes les interruptions de ce genre que j’éprouve de la part de ceux qui n’ont pas mis la liberté au nombre des droits les plus précieux du peuple ne m’effraient guère... ( Murmures à droite.) M. l’abbé Maury. Les aristocrates, dites le mot ! M. Duport... Mais je dis... M. l’abbé Maury. Rendez vos comptes et ne dites rien. La métaphysique est finie : c’est de l’argent qu’il faut; et ceux qui vont vous remplacer, ne se chargeront pas des finances, les yeux fermés. Le crédit public, voilà ce qu’il faut rétablir. M. Grombert. Depuis 15 jours, M. l’abbé Maury ne vient point à nos séances ; il était bien inu-ticle qu’il y vînt aujourd’hui pour y amener le désordre. A droite : Rendez le compte de tout ce que vous avez volé à l’Eglise. M. Rœderer. Je demande que M. l’abbé Maury soit rappelé à l’ordre et que le décret soit inséré au procès-verbal. Si l’Assemblée veut l’entendre, elle l’entendra. Jusque-là il ne doit pas troubler l’ordre. ( Murmures à droite.) M. l’abbé Maury. Qui est-ce qui a attaqué la liberté du peuple? C’est vous, calomniateurs. (Rires ironiques à gauche.) ; pour moi, je n’ai ja- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mais rien attaqué ; je n’aime pas les gens quj ne veulent pas rendre compte. A gauche : Al’Àbbqyp! M. Ic Président (S' qdfe�ant q ÆL l'abbé Mqury). L'Assemblée a décidé qu’elle entendrait M. Dupopt ; vous ne deve? pas Tinterromp�e Pt empêcher l'exécution du décret. (ÀpplfluêkM-mgfits à gauche .) M-l’a�bé ifftpry. Pourquoi m’a-t-il interrompu ? A ggyfihe; A l’ordre! à l’ordre! M. l’abbé Maury. Pas tant de bruit et les comptes I Vous les rendrez, allez! M. le Président. Je vous rappelle 4 l’ordre ! 4 droite : Rendez vos comptes! M-le Président. A la première interruption, je mettrai aux voix la motion de M. Rœderer de vous rappeler à l’ordre avec mention dans le procréa-verbal. M. Rœderer. M. Duport doit parler à la tribune; je demande que M. Maury soit tenu de l’évacuer jusqu’à ce que l’Assemblée l’y rappelle. {Applaudissements à gauGhe.) M. l’abbé Maury, après quelque résistance, cède la tribune à M. Duport". M. Duport. Messieurs, un des préopinants a dit que le droit qu’il réclamait était précisément le droit qu’il reconnaissait au peuple ; il me semble que j’ai pu dire avec raison que cette reconnaissance était un peu tardive. A droite : Ne calomniez pas 1 M. Duport. S’il était nécessaire d’ajouter quelques preuves à celles qui peuvent résulter d’une manière très sensible dans la marche combinée de cette attaque commencée dès ce matin, annoncée depuis longtemps; avec laquelle on a cherché à obtenir dans Paris l’effet que tout le monde sait, par des placards affichés avec une étonnante profusion et qui ne sont signés de personne, je prierais d’obsprver le moment choisi, la circonstance, l’objpt, les personnes; pt il serait difficile de douter du but de cette démarche. Maintenant, allons franchement à la question. A droite : Les comptes 1 les comptes! M. d'André. G’est depuis l’acceptation du roi que ces'Messiqurs sont enragés. M. Duport. L’Assemblée nationale qui, dès le premier jour de ses travaux, a désiré que le public en fût témoin et assistât à ses séances, qui a toujours délibéré devant lui, qui a donné la publicité la plus grande à tous ses décrets comme étant le moyen le plus sûr de leur obtenir l’approbation générale ..... M. l’abbé Maury. G’est dans les comptes que cela se fait. M. Duport... l’Assemblée nationale ne peut [28 septembre J791.] 447 être accusée de vouloir jeter un voile sur aucune partie de sa conduite : il serait bien extraordinaire., en effet, que, dans ce moment-ci, elle se refusât à éclRÎrer une partie quelconque dé son administration, Méps, Messieurs, il faut dire ici quel a�us on veut faire du mot ? comptés, » lqrsque l’on pu demande à l’Assemblée nationale. Il est vrai qqp le peuple a le droit dp demander 4 se§ mandataires de lui rendre compte de l’exer-cipe de leurs fqqgtions, et c’est pour cela qu’il 0 nomme des représentants; car, ne pouvant lui-même, dans ses sections particulières ou la lumière générale ne peut lui arriver en masse, où il n’existe pas d’ailleurs de volonté génpraje, mais seulement des volpntés particulières, ne pouvant pas, dis-je, exercer ce droit par les parties dans lesquelles il est distribué, il nomme des représentants pour cet objet spécial de faire rendre compte à tous les mandataires, à tous lès fonctionnaires publics, soit du maniement de l’argent qui leur est confié, soit de l’exercice de leur autorité; et c’est ainsi qu’exerçant ce devoir qui vous est imposé par la natioh, vous avez mit rendre des comptes si importants aux trésoriers et à tous ceux qui abusàient des grâces dé la eour; c’est ainsi que vous avez porté dans toutes les parties de �administration cet œil sévère qui devait faire cesser les abus qui existaient avant vous. Cétait là votre mission spéciale et vous l’avez glorieusement remplie, en ordonnant, en exigeant le compte que la nation avait le droit de demander à ceux qui l’avaient gouvernée jusqu’à présent. Mais l’Assemblée nationale, après avoir resti-r tué à la nation les biens destinés aux cultes, après lui qvoir restitué d’autres biens également destinés à des fonctions publiques, tels que les domaines et autres, l’Assemblée nationale a voulu, non seulement détruire les anciens abus, mais encore liquider les dettes de l’Etat et, en supprimant la vénalité, rembourser les charges qui devaient l’être. v A droite : Au fait! M. Duport. Pour y parvenir elle a créé une monnaie représentative avec laquelle ont été opérés ces divers remboursements ; voilà tout që qu’elle a fait. Quel est maintenant le compte qu’elle a à rendre relativement à l’emploi de ce papier 7 Ge compte, le public le copnaît déjà: il résulte de tous les décrets qui ont ordonné les diverses émissions d’assignats et qui en ont ordonné successivement l'application aux diverses dépenses et liquidations décrétées. Gértes, relativement a cet objet, on peut regretter et la nation regrettera sans doute que les efforts de ses ennemis aient exigés d’elle, pour maintenir la Constitution, un déploiement de puissance qui a été la cause de dépenses considérables..., ments à gauche.) A droite : Ce n’est pas le compte ! M. Duport. Mais ces dépenses, quels que soient les motifs qui les aient occasionnées, ont été réglées par dés décrets et les sommes qui ont dû y subvenir y ont été également appliquées par des décrets ; voilà, Messieurs, la seule part que l’Assemblée nationale ait prise... M. de Folle ville. Qu’est-ce donc alors que le compte de M. de Montesquiou? 448 [Assemblée nationale.] ARCHIVEE PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.] A gauche : A l’ordre ! à l’ordre 1 M. Duport. Reconnaître les besoins, établir et ordonner les dépenses, y appliquer les sommes nécessaires n’entraîue doue la reddition d’aucun compte financier de la part de l’Assembée qui, malgré ce que l’on voudrait malicieusement faire entendre, n’a eu aucune gestion dans ses mains; car c’est bien là l’équivoque sur laquelle on se pose, quand on répète d’une manière si ridicule à l’Assemblée nationale de rendre ses comptes. ( Murmures à droite.) M. de Folleville vient de demander : pourciuoi M. de Montesquiou a-t-il rendu un compte? — M. de Montesquiou n’a point rendu de compte. (Murmures et interruptions à droite.) L’interruption que j’éprouve annonce bien de l’ignorance ou de la mauvaise foi ; je ne décide pas entre les deux ; je répète seulement que M. de Montesquiou n’a pas rendu de compte, qu’il ne devait pas en rendre, que l'Assemblée n’aurait pas souffert qu’il en rendît un, ni au nom du comité des finances, ni en son nom, parce que, lorsqu’on n’a pas touché ce deniers, lorsqu’on n’a eu aucune gestion de fonds, on ne doit rendre aucun compte : or, ni le comité des finances, ni l’Assemblée nationale, n’ont jamais eu l’administration des deniers publics. (Applaudissements à gauche.) Qu’a fait M. de Montesquiou ? Il a, d’après les ordres de l’Assemblée, présenté un travail qui a pour titre : « Mémoire sur les finances » ; il y a joint un état des dépenses publiques de l’année 1791 et un état des diverses re -ettes. Voilà ce que l’Assemblée nationale se devait à elle-même pour son honneur, pour éclairer le public ; et pour suivre le principe qu’elle a introduit dans l’administration des finances de ce pays, elle a eu soin de donner à ce travail la plus grande publicité et elle a désiré qu’avant de se séparer, il fût mis sous ses yeux et sous ceux du public, un détail exact des différentes dépenses qu’elle a successivement ordonnées et un état des recettes effectuées. Voilà ce que l’Assemblée nationale devait faire, voilà ce qu’elle a fait, voilà la seule chose à laquelle elle était assujettie envers l’opinion publique. Mais quant à rendre un compte, c’est ici, je le répète, où l’on cherche à induire le peuple en erreur, on veut lui persuader que l’Assemblée nationale qui a, comme je l’ai dit, toujours agi en public, qui n’a délégué à ses comités que le droit de lui préparer son travail, et qui a toujours exigé que ce travail lui fût soumis pour acquérir une exécution quelconque ; on veut persuader, dis-je, au peup e que -l’Assemblée nationale a manié des deniers ou des assignats; qu’en conséquence, elle est soumise, comme tous les fonctionnaires publics qui ont une gestion particulière, à rendre des comptes, c’est-à-dire à prouver qu’elle a reçu tant, qu’elle a dépensé tant. Or, cette assertion insidieuse par laquelle on veut égarer la multitude, ne vaut pas même une réponse ; il n’est pas un homme de bonne foi qui puisse en être un moment la dupe. Je l’ai dit : l’Assemblée doit un état de situation des finances au moment où elle se sépare... A droite : On ne demande que cela. M. Duport. Cet état de situation est imprimé... M. FoucauIt-JLardimalie. Il est faux. M. l’abbé Maury. 11 n’y a que 4 jours qu’il a paru. M. Duport... Cet état a été demandé au comité d* s finances, il a été présenté à l’Assemblée il a été imprimé par son ordre ; il est le relevé des divers comptes particuliers tous en ordre et signés par des agents responsables : voilà ce que l’Assemblée nationale devait et pouvait faire. Maintenant on voudrait bien ouvrir une discussion sur les divers détails de cet état de situation, et cela pour plusieurs motifs ; il est clair que notre session étant sur le point de finir (Exclamations à droite.), il sera facile d’élever des difficultés de chiffres qui demanderont un calcul et plus de temps qu’il ne vous en reste pour être résolues... M. l’abbé Maury. Je vous trouverai le remède à cela. M. Duport. On voudrait donc qu’après notre séparation, il restât contre l’état de situation des finances que vous donnez au public, des objections mal fondées, il est vrai, mais que le temps ne vous aurait pas permis de résoudre; de ces débats i complets il pourrait résulter un affaiblissement sensible du crédit public : voilà ce que l’ou espérait. Et, lorsque l’on a été par l’acceptation du roi déjoué dans toutes les espérances qu’on pouvait avoir de changer les bases de la Constitution, on voudrait au moins user du seul moyen qui reste de nuire à la chose publique. (Applaudissements à gauche.) L’Assemblée nationale représente le peuple français; et comme il n’est personne qui puisse nier que ce ne soit le seul désir de rendre ses opérations publiques qui la décide à publier un état de situation des finances, et que, d’autre part, tl n’existe aucune espèce de pouvoir supérieur qui ait le droit de le lui ordonner, qui puisse l’y contraindre ou l’y assujettir ..... A droite : Et les commettants? M. de Montlausier. Vous êtes plus aristocrates que nous. M. Duport. Je l’ignore, mais je n’ai pas fait comme vous un ouvrage pour démontrer au public la nécessité d’une c, outre-r évolution. ( Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) Je disais, Messieurs, que, puisqu’il n’existe aucune espèce de pouvoir supérieur à 1 Assemblée, qui ait le droit de lui ordonner et de l'astreindre à publier un état de situation des finances qu’elle a fait paraître de son plein gré ; comme d’autre part la seule chose que demande M. l’abbé Maury, c’est d’ouvrir une discussion sur cet état de situation, il n’y a plus qu’une question à décider; c’est de savoir si, dans l’espace d’aujourd’hui et demain, qui sont les seules journées données encore à l’Assemblée nationale actuelle pour faire des décrets, il est plus important d’entendre le comité des contributions nous proposer des décrets, pour assurer la perception des impôts avec lesquels, seuls, le gouvernement peut aller et la tranquilité publique peut s’établir, ou bien s’il vaut mieux, pour l’intérêt national, que nous ne cesserons de stipuler jusqu’au moment de notre séparation, perdant les précieux moments qui nous rt stent en débats inutiles et oiseux. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (Applaudissements à gauche.) [Assemblée nationale.] M. l’abbé Manry. Je demande la parole. A gauche : Non ! non ! à l’ordre du jour ! M. de Montesquiou-Fezensac. Je demande que l’on ne passe pas à l’ordre du jour. Les motifs de cette discussion ne sont plus un mystère, et sont suffisamment développés aujourd’hui; et puisque cette discussion, contraire à toutes les règles, à tous les principes, s’est établie, je pense qu’il faut qu’elle soit coulée à fond ; et je demande que M. Maury soit entendu. ( Applaudissements .) M. Rewbell. Pour appuyer la réflexion de M. de Montesquiou sur la nécessité de continuer la discussion, je vais vous faire part d’un fait ; c’est que, de toutes mes correspondances il résulte que le jour même où la pétition dont il s’agit a été placardée à Paris, on en connaissait le contenu à cent vingt lieues d’ici;... A gauche : Dans les départements du Nord et du Midi également. M. d’André. Et moi je m’oppose à la motion de M. de Montesquiou et je demande la parole. (Exclamations à droite.) M. Rebwell... et dans nos villes, ceux qui se sont toujours montrés hautement les ennemis de la Constitution, en ont pris prétexte pour dire hautement qu’il y aurait, le 28, du tapage à Paris, qui empêcherait l’Assemblée de se dissoudre et de céder la place à la législature. ( Murmures à droite.) M. liavie. Voici une lettre de M. Kellermann du 22. Elle est de Landau. Il me marque, dans cette lettre, la même nouvelle ; mais aussi j’en fais le cas quMle mérite; elle annonce que, pour le 28, les mêmes scélérats, car je ne les appellerai plus mauvais citoyens, les mêmes scélérats qui cherchent à troubler l’Etat (Il fixe le côté droit) cherchent aussi à intimider nos provinces. A droite : Regardez le côté gauche. M. Lavie ( toujours tourné vers la droite). Je fixe ceux qui ne valent rien, et je respecte les bons citoyens qui ont pour vos efforts le plus profond mépris. ( Murmures à droite.) M. le Président. La parole est d’abord à M. Malouet sur la motion de M. de Montesquiou et ensuite à M. d’André. M. Malouet. La chaleur qu’a excitée la demande des comptes de cette Assemblée et tous les commentaires qui en ont résulté, n’auraient certainement pas eu lieu si vous aviez ad opté le décret si simple que j’ai proposé il y a six semaines, et qui contient en effet tout ce que la nation a le droit d’attendre. Il est très certain, et je ne pense pas non plus que l’Assemblée nationale ne doit pas de compte de gestion, mais je ne pense pas non plus que, dans l’état où sont les affaires, elle n’eût pas très bien fait avant de se séparer de présenter un compte de ses opérations. Un membre à gauche : Lisez les procès-verbaux; c’est là le compte des opérations de l’Assemblée. Là son t consignées toutes les dépenses ordonnées; lro Sérié. T. XXXI. [28 septembre 1191. J 449 quant au reste, l’Assemblée n’a pas le maniement des finances. M. Malouet. La chaleur avec laquelle on demande des comptes s’adresse particulièrement aux comptes en finances; or, ces comptes en finances sont précisément ceux que vous avez ordonné aux commissaires de la trésorerie et aux différents ordonnateurs de vous rendre. Si, lorsque j’ai fait la motion de les communiquer à l’Assemblée et d’ouvrir là-dessus la discussion, vous ne m’aviez pas repoussé par des phrases déclamatoires, par des inculpations insidieuses de mauvais citoyen , de contre-révolutionnaire qui changeront peut-être un jour d’adresse... ( Mur - mures à gauche.) Non, Messieurs, je n’accepte aucune de ces accusations et il n’est personne ici dont j’envie la gloire et les suffrages. Si, encore une fois, la motion très sage que j’ai faite et qui ne pouvait pas égarer le public, comme cela est arrivé par le refus opiniâtre d’y acquiescer, si cette motion, dis-je, avait été reçue comme elle devait l’être, l’objet de l’attente publique serait rempli... A gauche : Le public! c’est vous. M. Malouet...; vous auriez communiqué les pièces des hommes responsables et on n’avait pas autre chose à vous demander. Mais vous avez repoussé cette motion ; ou a dit d’une manière très extraordinaire que ces comptes étaient aux archives et au comité des finances, que l’on pouvait y aller prendre communication, — communication des pièces et non pas des comptes. — L’espèce de compte que vous avez ordonnée a été reudue par les commissaires delà trésorerie; je le crois, mais d’après le rejet de ma motion, je ne le sais pas officiellement. Lorsque ces états vous ont été annoncés par les hommes qui en étaient responsables, lorsqu’ils ont été mis sur le bureau, la marche naturelle était d’en donner communication à l’Assemblée et si là quelqu’un avait des observations à faire, des renseignements plus détaillés à demander, il les aurait demandés publiquement, et le public n’aurait point eu l’inquiétude qu’a excitée le refus de les donner... A gauche : C’est vous et les vôtres qui avez fait naître l’inquiétude. M. Malouet. Voilà, Messieurs, tout ce que je me suis borné à demander. Maintenant M. Duport dit que le rapport de M. de Montesquiou est tout ce que l’Assemblée doit au public. C’est sur quoi je ne suis pas de son avis; car le rapport de M. de Montesquiou est en son nom et au nom du comité des finances, il est adopté comme une pièce authentique, ou il ne l’est pas. S’il est adopté par l’Assemblée comme une pièce authentique, alors nos successeurs trouveront dans le mémoire de M. de Montesquiou, l’état de la fortune publique. Véritablement, Messieurs, vous deviez cette espèce de compte à vos assesseurs; vous deviez leur dire : Voilà l’état dans lequel nous laissons la fortune publique. Nous avions supprimé tant d’impôts, nous les avons remplacés par d’autres impôts, la recette ordinaire monte à tant; les dettes que nous avons remboursées montent à tant; celles que nous avons à rembourser montent à tant; les ressources que nous vous laissons montentà tant. Voilà le compte que vous deviez rendre ; ce qui est très différent de l’espèce de compte que demande le public. 29 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 450 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.1 M. I�anjuinals. C’est vous, lâches conspirateurs, qui demandez ce compte et non le public. M. Malouet. Eh bien, si vous le voulez, M. Duport a eu raison de dire que le Corps législatif ne devait point de compte en finances, car je sais que le corps administratif n’a pas administré immédiatement les finances. M. de Montlausier. Si, si, Monsieur Malouet, les comités ont administré directement eux-mêmes. M. Malouet. En supposant que les comités eussent administré, il se trouve encore d’autres hommes que les hommes des comités qui sont responsables. Il y a des ministres, des commissaires de la trésorerie, des ordonnateurs comp-tableset qui fontalors disparaître l’administration prétendue des comités. Et c’est à ces administrateurs, à ces ministres, à ces hommes responsables que la nation peut demander compte. Je distingue donc, Messieurs, dans l’état actuel de la question, deux choses sur lesquelles il importe de ne plus laisseraucune équivoque, savoir le compte de gestion qui est rendu, et remarquez bien que c’était le seul que le public paraissait vouloir vous demander, et' le compte de M-de Mon'esquiou. Sur cet objet-ci, voici comme je raisonne : ou son rapport, ses mémoires présentent un autre objet, ou ce rapport, ces mé-üioires dé M. de Montesquieu présentent un récit historique de toutes vos opérations et de votre état de situation, et c’est là ce qui est contesté, Je ne me charge point de cette contestation, je n’ai rien vérifié, mais la contestation peut se terminer toqt de suite, si le comité des finances Adopte les assertions, les détails, le çécit historique dès opérations de l’Àssernblée par M. de ÎÆontesquiou ; alors cette pièce devient authentique, alors vos successeurs pourront en constater les résultats et dire : l’Assemblée nous transmet tant de recettes, tant de dettes, tant de moyen s pour les acquitter 1 11 est certain que, si les mémoires (je’M. de Montesquieu sont adoptés par l’ Assemblée et garantis par le comité des finances, il n’y a plus lieu à discussion, mais ils peuvent n’être que le résultat dé son travail particulier, dans lequel, au milieu de beaucoup de recherches utiles, il pourrait s’être trompé, sans être néanmoins personnellement responsable' si ces mémoires ne sont pas authentiques; alors je dis contradictoirement à M. Duport qu’un Corps légistatif, après une Révolution aussi complète, aussi étendpe que celle-ci, doit à ses successeurs tine notice authentique de ses opérations en finances, surtout lorsque tout l’ancien régime des finances est bouleversé, lorsque la masse des dettes se trouve augmentée d’un tiers, lorsque les impôts ne sont pas en pleine perception. 4 gauche : C’est vous qui en êtes cause ! M. Malouet. Je dis que l’Assemblée nationale ?[ui se sépare doit, non pas le compte d’une ges-ion de deniers qu’elle n’a pas reçus ; car je reste bien convaincu que l’Assemblée n’a pas fait de dépenses, n’a paè distribué d’assignats ; certainement de pareils faits ne peuvent pas être adoptés par tout homme qui a suivi la marche de l’Assemblée nationale ; mais je dis que, tout inviolables que nous sommes, que, quoique renaissant paf la représentation du peuplé, nous n’en sommes pas moins soungis à une responsabilité effective; car, si nous avions bouleversé complètement les finances ; si nous les laissions sans ressource, ce que je ne crois pas ; si nous les laissions sans moyens pour les acquitter; si nous laissions la France sans numéraire, et sans un papier qui n’aurait pas grande confiance... (Murmures à gauche .), est-ce que nos commettants et nos successeurs n’auraient pas le droit de nous en demander compte? Certainement nous sommes soumis à cette responsabilité ; nous y sommes soumis collectivement et individuellement. Par cette responsabilité, je n’entends pas celle que l’on peut exercer contre un comptable prévaricateur ; mais j’entends celle d’une opinion redoutable, exercée sur des hommes qui ont abusé de leurs pouvoirs et de la confiance de leurs commettants. D’après cela, Messieurs, je résume ainsi ma proposition. Si M. l’abbé Maury veut attaquer le compte des commissaires de la trésorerie, vous devez l’entendre ; si M. l’abbé Maury veut attaquer le rapport de M. de Montesquiou, l’Assemblée doit auparavant déclarer si elle admet le rapport garanti par le comité des finances. Sans partager ni les soupçons, ni la surveillance de qui que ce soit, je maintiens que vous devez à vos successeurs non pas un compte, mais une notice authentique de l’état dans lequel Vous laissez la fortune publique. M. d’André. Le discours du préopinant ne s’écarte pas beaucoup des véritables principes; et je me plais à lui rendre hommage à cet égard aujourd’hui. (Rines.) Eu effet, le préopinant a dit une chose très vraie en annonçant que la comptabilité responsable ne pouvait nullement regarder l’Assemblée. J’entends comme lui par comptabilité responsable les comptes Pendus par les administrateurs de district, par ceux qui ont reçu les sommes provenant des impositions, etc., et qui en font ensuite emploi en vertu de vos décrets. : Qqant au compte de l’état de vos finances, il se trouve exactement dans vos décreis; c’est là qu’il doit se trouver. Depuis que M. Necker est parti, vous avez eu un état exact de tous les comptes du Trésor public, imprimé, et distribué à tous les membres' dé l’Assemblée et de plus certifié par l’ordonnateur du Trésor public, et par les commissaire de la trésorerie. ’ ; Cet état contient les recettes et les dépenses mois par mois. Ce compte contient dé plus l’emploi des biens nationaux. Au surplus, Vous êtes comptables à l’opinion publique, relativement aux finances, comme vous lui êtes comptables sur tout le reste. C’est ainsi que vous êtes comptables à la nation d’avoir détruit les anciens abus (Applaudissements) ; c’est ainsi que vous êtes comptables à la nation d’avoir fait disparaître toutes les anciennes dilapidations des finances (Applaudissements) ; c’est ainsi que vous lui êtes comptables d’avoir rendu à tous les Français les droits de citoyens, la liberté et l’égalité (Applaudissements)-, c’est ainsi que vous lui êtes responsables d’avoir établi un mode de gouvernement et d’institut national par lequel tous les citoyens qui ont des talents et des vertus peuvent aspirer aux places, et qu’elles ne sont blus destinées à ceux qui n’en ont pas. (Applaudissements.) Voilà fine partie du compte que vous rendrez à la nation ; elle vous jugera sur ces objets-là comme sur tous les autres. Si vous a,yez fait quelques mauvaises opérations datis’ vôtre Constitution et dans vos lois, l’opinion publique [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.] 4SI les improuvera, et par les moyens constitutionnels ils seront réformés. Si vous avez fait une mauvaise opération en finance, vous devez agir comme législateurs et comme représentants de la nation ; la nation vous jugera sur ces objets-là. A présent je demande à rendre compte d’une partie des motifs qui ont amené la réclamation actuelle. Le roi a accepté (a Constitution ; il l’a acceptée très librement ( Rires à droite et applaudissements à gauche ) ; il a donné depuis des preuves de sa loyauté en �acceptant (Applaudissements) et de la liberté dont il jouissait ; il en donne tous les jours des preuves nouvelles. Ce n’est pas tout ; on a vu que les efforts qu’on faisait chez les étrangers, pour les engager à venir soutenir en France les débris d’une cause absolument désespérée, que ces efforts, dis-je, étaient absolument infructueux, qu’ils ne produiraient rien. ( Rires à droite.) C'est un second motif d’exciter l’inquiétude. On a vu que l’Assemblée nationale, ferme dans ses principes, invariable dans la Constitution, ne se laissait ébranler par aucune menace; qu’elle repoussait également tous les ennemis de la Constitution... A droite : Les comptes ! les comptes ! M. d’André. On a vu qu’elle leur opposait une fermeté inébranlable... A droite : Les comptes ! M. d’André. Il a bien fallu alors chercher à exciter les troubles intérieurs, car comment aurait-on pu espérer attaquer encore la Constitution dans la situation actuelle du royaume quand tous les Français, ou presque tous, sont réunis avec le roi pour la défendre? ( Vifs applaudissements à gauche.) Il a bien fallu, dis-je, tâcher de répandre des troubles intérieurs; il a bien fallu alors prendre le nom du peuple qui rejette avec indignation ces placards pour tâcher d’exprimer une volonté qui excite de l’inquiétude; il a bien fallu tâcher de diviser entre nous pour détruire cet ouvrage qui, j’espère, sera inébranlable. Eh! voilà les moyens qu’on prend pour parvenir à faire crouler le crédit public, à renverser l’édifice de la Constitution, à nous diviser parmi nous-mêmes. Eh bien ! moi, Messieurs, qui ai des commettants, moi, qui suis le représentant du peuple comme les autres, je certifie ici au nom de toute la nation française... (Exclamations à droite.) A gauche : Oui ! oui ! M. d’André... que tous ces vains subterfuges n’écarteront pas les véritables amis de la Constitution de la marche qui leur est indiquée... A droite : Oui, les Jacobins ! M. d’André. Nous ne laisserons point ébranler la Constitution : la nation et son chef sont indivisibles; nous la défendrons contre les ennemis extérieurs, nous la défendrons contre les ennemis intérieurs, et ils mourront de dépit et de rage. (Applaudissements à gauche.) A droite : Il ne s’agit pas de révolution ni de Constitution. M. d’André. Mais qui est-ce qui fait donc ces réclamations, si ce ne sont les ennemis de la Constitution ? (Applaudissements à gauche.) M. Prieur. Allez montrer vos protestations à vos commettants. M. d’André. Je demande, attendu que tous ces pièges sont trop grossiers pour qu’aucun citoyen tant soit peu éclairé s’y laisse prendre, attendu que l’on cherche à nous faire perdre en discussions inutiles les 2 jours qui nous restent encore, et qui peuvent être employés plus utilement; je demande que l’Assemblée, sans s’arrêter à toutes ces réclamations insidieuses, passe à l’ordre du jour. (Vifs applaudissements à gauche .) (L’Assemblée, consultée, décrète quelle passe à l’ordre du jour.) M. l’abbé Maury (à la tribune.) Messieurs, je respecte le décret qui vient d’être rendu... M. Boutteville-Dumetz. Respectez-le en nous faisant grâce de votre opinion. M. l’abbé Maury. Je ne me plains pas de ce qu’on cherche à interpréter mes motifs au lieu de répondre à mes moyens. . . A gauche : L’ordre du jourl M. l’abbé ÜVaury. Je ne discute rien, parce que je ne puis rien opposer à la force; mais pour m’acquitter d’un devoir sacré, je déclare à l’Assemblée nationale que Fintention du côté droit, qui vous parle par ma bouche, est de rendre des comptes. (Rires à gauche.) A droite ; Oui ! oui ! M. Moreau. Je suis du côté droit; mais je ne rends point de compte. M. l’abbé Maury. Nous avons des comptes; nous voulons les rendre. Nous avons des accusations à intenter. . , A gauche : A l’ordre ! à l’ordre ! M. Delavigne. Je demande qpe RJ. Maury quitte la tribuue. M. l’abbé Maury. Je ne dois la quitter que par un décret. . . (Murmures.) Faites m’en descendre par un décret; c’est un ordre et un devoir. . . (Bruit.) Il faut nous séparer comme nous avons vécu. M. Favie. C’est des déprédations anciennes qu’il faut rendre compte. (M. l’abbé Maury descend de la tribune au milieu des applaudissements de la partie droite, des huées de la partie gauGhe et des tribunes.) (Une grande agitation règne dans les différentes parties de l’Assemblée.) M. de Follevllle. Je demande la parole. Il faut que l’Assemblée se prononce sur la motion de M. Malouet et déclare si elle adopte ou non le rapport de M. de Montesquiou. M. le Président. Je yous refuse la parole; l’Assemblée a passé à l’ordre du jour sur toutes ses motions. A droite : Non ! non 1 452 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES M. de Montlausier. Non, Monsieur, ce n’est que sur la motion de M. l’abbé Maury. Je vous donne un démenti formel. M. le Président. Je ne répondrai pas aussi i mpertinemment qu’on m’en donne le droit; passons à l’ordre du jour. M. Eavie. Je fais la motion, qu’on remercie le côté droit de donner à nos successeurs, un exemple de sa modération et de la conduite qu’il a tenue pendant 2 ans et demi. (Se tournant vers les tribunes où se trouvent les députés à la prochaine législature.) Profitez de cet exemple, Messieurs, pour vous conduire en conséquence. ( Applaudissements à gauche.) A droite : Nous vous remercions aussi. M. Eavie (s'adressant à la droite). Nous vous recommanderons en province. A droite : Nous demandons l’explication de ce que dit M. Lavie. M. le Président. L'ordre du jour appelle.... M. Duval d’Eprémesnil.M. Lavie a dit qu’il nous recommanderait en province; nous demandons l’explication de ces mots. M. Eavie. Et certainement oui. M. de Guilhermy. Nous demandons justice de M. Lavie. M. de Faucigny - Lucinge. Il faut que M. Lavie s’explique sur sa recommaudation. A droite: Justice 1 justice l M. Eavie (à la tribune). Me voilà pour m’expliquer. M. le Président. Allons, Messieurs, passons à l’ordre du jour. M. Duval-d’Eprémesnil. Nous demandons justice de l’infâme propos de M. Lavie. M. Eavie (se tournant vers la droite). Il n’y a d’infâmes dans l’Assemblée que ceux qui me parlent. (Montrant le côté droit.) Voilà les brigands ! A droite : A l’ordre! à l’ordre! M. de Guilhermy. Qu’est-ce qu’un gueux comme cela ! Un membre à droite : Je réclame la justice la plus sévère de l’Assemblée contre M. Lavie qui nous a traités d’inlâmes et de brigands. A droite : Oui ! oui ! M. Eavie. Monsieur le président, je demande un moment d’attention. Lorsque je suis entré dans l’Assemblée, j’ai vu qu’elle était dans un état tumultueux indigne de sa majesté; j’ai vu que le trouble était excité par des membres du côté droit chez lesquels j’ai retrouvé le même esprit d’acharnemeut qu’ils mettent depuis 2 ans et demi à persécuter les [28 septembre 1791. J bons citoyens. J’ai saisi cette occasion pour avertir nos successeurs et leur donner un exemple de ce que nous avons souffert depuis si longtemps. (Nouveaux applaudissements.) Mon intention a été de leur faire entendre combien ils devaient prendre garde à êt-e fermes contre ceux qui, après avoir dépouillé la nation, sont réduits au désespoir de ne pouvoir plus l’opprimer. J’en ai pris occasion de dire, non pas au côté droit, mais à quelques personnes du côté droit, car il y en a d’infiniment respectables... (Murmures à droite.)... que ceux qui insultaient l’Assemblée seraient recommandés aux électeurs de nos provinces; et ils le seront pour qu’ils prennent bien garde que, sous le voile d’un patriotisme simulé, ils ne nous envoient plus de gens pareils pour défendre les droits du peuple. (Applaudissements à gauche ; murmures à droite.). Cet avertissement d’un bon citoyen a été traité d’infâme par M. d’E-prémesnil.... M. Duval -d’Fprémesnil. Vous avez dit : nous vous recommanderons aux provinces. M. Eavie... Gela veut dire que moi qui avertis mes concitoyens de ne pas choisir des hommes capables de les opprimer encore, je suis un infâme ! J’ai répondu à cet ancien suppôt des parlements, toujours accoutumés à dépouiller et à opprimer le peuple, que ceux qui parlaient ainsi étaient des infâmes et des brigands. A droite : A l’Abbaye ! à l’Abbaye 1 A gauche : A l’ordre du jour ! (L’Assemblée décrète de nouveau qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président. La parole est à M. Victor de Broglie pour faire un rapport sur le mode provisoire d’admission au service militaire en qualité d'officier. M. Fictor de Broglie, au nom du comité militaire. Messieurs, pour faire regagner à l’Assemblée un temps trop long qu’elle vient de perdre, je vais, dans le plus court rapport possible, lui exposer la situation des choses pour lesquelles je suis chargé de vous proposer un projet de décret. Le comité militaire a été chargé de présenter à l’Assemblée nationale un mode d’admission au service en qualité d’officier. Ge mode était nécessairement. subordonné à des concours et à des examens. Ges concours et ces examens devaient l’être à des établissements publics d’institutions militaires. Ge travail a été rédigé par le comité militaire, il sera demain distribué en entier à l’Assemblée (1); mais, comme il est fort étendu et que les moments de l’Assemblée ne lui permettaient pas de l’examiner, le comité militaire a cru nécessaire de vous présenter un mode d’admission provisoire qui fait l’objet du projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le mode provisoire de nom nation aux emplois de sous-lieutenant dans l’aimée, qui a été fixé par le décret du 1er août 1791, n’aura son (1) Voir ce document ci-après, aux annexes de la séance.