566 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J* de la Convention, tant pour notre satisfaction personnelle que pour détruire l’opinion que cette méprise pourrait laisser dans l’esprit des personnes qui ne connaissent pas les vrais et bons sans-culottes composant l’administration des hôpitaux de l’armée des Alpes, dévoués à l’unité, à l’indivisibilité de la République, à la Convention nationale et à la Montagne. Salut et fraternité. « Durotjx. » IV. Deux lettres de Garnier de Saintes, un DES REPRÉSENTANTS CHARGÉS DE LA LEVÉE EN MASSE DANS LA MANCHE ET L’ORNE, LA ' PREMIÈRE POUR EXPOSER QUE LA VILLE DE La Flèche est désolée par la famine et LA DYSENTERIE; LA SECONDE POUR RENDRE COMPTE DES MESURES QU’lL A PRISES DANS LA COMMUNE DU MANS APRÈS LE PASSAGE DES BRIGANDS (1). Suit le texte de la 'première lettre d'après l’origi¬ nal gui existe aux Archives nationales (2). Garnier de Saintes, représentant du peuple, à la Convention nationale. « Alençon, le 7 nivôse, l’an II de la République. « Il m’arrive dans ce moment trois commis¬ saires députés de La Flèche pour m’exposer l’état déplorable de leur commune. Il paraît qu’ils sont désolés par les deux plus horiibles fléaux : la famine et la peste, ils ont été trois jours sans manger un morceau de pain, et chaque jour leur moissonne une dizaine de citoyens. « La plus affreuse misère se joint à ces deux calamités, les habitants de La Flèche comme je vous l’ai marqué, se sont battus avec intrépidité à la journée du 17 qui fut si meurtrière pour les brigands quoique nous ne fussions que 6 ou 700 combattants, puisqu’ils ont perdu 10 braves des leurs qui ont été tués sur la place. Ils solli¬ citent des secours de votre justice, et ils ont des droits à les obtenir : deux fois ravagés par les bri¬ gands, ils ont tout perdu, hors l’amour de la patrie. « Je vais m’occuper du soin de les mettre momentanément à l’abri de la famine. « C’est à votre bienfaisance qu’appartient celui d’en arrêter les horreurs. Quant à la conta¬ gion qui les ravage, je ne connais de remède que les soins mêmes des habitants; les médecins m’attestent que les rassemblements de plusieurs individus dans un même lieu contribueront beaucoup à propager les germes pestilentiels. « Les détenus mis en liberté par les brigands, se sont rendus sur mes ordres pour réintégrer la maison d’arrêt. Cette réintégration jette d’au¬ tant plus d’alarme dans La Flèche que la ma¬ jeure partie des habitants et des détenus sont (1) Les deux lettres de Garnier (de Saintes) ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 12 nivôse an II; mais on en trouve des extraits dans les comptes rendus de cette séance publiés par la plupart des journaux de l’époque. (2) Archives nationales, carton AFn 171, pla¬ quette 1404, pièce 18. atteints de la dysenterie, et que leur réunion rendrait nécessairement ce mal plus contagieux, D’après ces considérations, j’ai arrêté qu’ils seraient seulement retenus dans la ville sous la surveillance des autorités constituées et du comité. Cette mesure est commandée par les circonstances, et j’ose croire que vous en approu¬ verez les motifs. « Salut et fraternité. « Garnier (de Saintes). Suit le texte de la deuxième lettre de Garnier (de Saintes) d’après le Bulletin de la Conven¬ tion (1). Le représentant du peuple, Garnier (de Saintes ) écrit d’Alençon le 7 nivôse, que le pas¬ sage des brigands dans la commune du Mans, y a laissé l’horreur de leur nom avec le souvenir de leurs brigandages, sans distinction d’aristo¬ crates et de patriotes ; ils ont commis tant de for¬ faits, que tous les citoyens généralement sentent le besoin et l’intérêt de se rallier autour de l’arbre de la liberté. Ceux qui se sont le plus distingués, par leur férocité, sont les prêtres. « J’ai pris des mesures pour procurer du pain au peuple. J’ai promis des secours aux plus mal¬ heureux; et dans trois jours j’ai réorganisé et épuré tous les corps constitués et fonctionnaires publics. « C’est en présence du peuple que tous les changements se sont opérés. Sévère, mais plein de justice, il n’a pas rejeté un seul individu, sans motiver les causes de son opinion. Inflexible contre les modérés, il les a éloignés de l’adminis¬ tration des affaires; plus inflexible contre les intrigants, il les a couverts de son mépris. « Plusieurs sans-culottes s'exprimant avec énergie, ont fortement annoncé qu’ils ne vou¬ laient laisser d’accès à aucune passion; et, alliant la justice à la sévérité, ils ont éloigné, comme cause de réjection, le reproche vague d’aristocratie, lorsqu’ aucun fait, n’a pu le jus¬ tifier; enfin la vertu du peuple a brillé dans tout son éclat. « Le patriotisme seul n’a pas été un titre suffisant à la confiance du peuple ; il a voulu des mœurs dans ceux à qui il l’accordait ; et l’homme immoral a été repoussé. « La ville du Mans a des droits à votre justice ; c’était chez les sans-culottes que le patriotisme était le plus pur; ce sont eux qui ont plus par¬ faitement éprouvé le ravage des brigands. Il en est qui, en rentrant chez eux, n’ont pas même trouvé un siège pour s’asseoir. Il en est d’autres qui, en perdant leur fortune, ont également perdu la vie, laissant des femmes et des enfants dans la douleur et dans la misère. Il en est enfin qui ont fait des actions d’héroïsme et de bravoure qui ont honoré les habitants de cette cité; ils sont morts au champ de l’honneur, lais¬ sant à la générosité de la nation à veiller sur le sort de leurs malheureuses épouses. « J’ai vu un détachement de première réquisi¬ tion du bataillon de Fresne, qui n’avait pour toutes armes que des piqués, intrépide au poste périlleux où le général l’avait placé, non seule-(1) Bulletin de la Convention, séance du 3* jour de la 2e décade du 4e mois de l'an II de la Répu¬ blique une et indivisible (jeudi 2 janvier 1794). [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j JE l'�iee* 1794 567 ment ne pas s’ébranler lorsque l’ennemi, qui avait repoussé nos troupes, était prêt à tomber sur lui, mais leur reprocher même amèrement leur fuite, et garder fièrement leur même con¬ tenance. Je ne crus pas que des hommes si dignes d’être soldats dussent devenir la victime d’une bravoure en ce moment impuissante; je leur donnai l’ordre de se retirer, et il me fallut le réitérer pour être obéi. « Je sollicite un secours provisoire de 100,000 livres en faveur des plus infortunés de la commune du Mans, dont pas un seul habitant ne s’est associé au sort des brigands. » Renvoyé au comité de Salut public. V. Lettre des représentants Fouché, La¬ porte et Albitte, commissaires envoyés a Commune-Affranchie (Lyon) pour pro¬ tester contre la pétition lue a la barre de la Convention par une députation de Lyonnais (1). Suit le texte de cette lettre d’après l’original qui existe aux Archives nationales (2). Les représentants du peuple envoyés dans la Commune-Affranchie pour y assurer le bonheur du peuple avec le triomphe de la République, dans tous les départements environnants, et près de l’armée des Alpes, à la Convention natio¬ nale. « Citoyens collègues, « Nous ne descendrons point de la hauteur où le peuple nous a placés pour répondre à la calomnie jérémiade que les complices des re¬ belles de Lyon ont eu l’insolente audace de pré¬ senter à votre barre (3). Une analyse fidèle de nos sentiments et de nos opérations vous a été faite par notre collègue Collot-d’Herbois et vous y avez applaudi. « Mais, qu’il nous soit permis de vous le dire, nous avons été aussi étonnés qu’affligés de l’in¬ dulgence extrême avec laquelle vous avez accueilli ces perfides ennemis du peuple. Vous ignoriez sans doute que ce sont leurs correspon¬ dants, leurs amis, quelques-uns d’eux peut-être, qui firent éclater la révolte dans les murs de Lyon en créant, avec leurs richesses, la misère et le malheur qu’ils vous attribuaient, qui oppri¬ mèrent et chargèrent de chaînes les patriotes, qui trompèrent la conscience du peuple, sur le compte de son meilleur ami; qui inspirèrent les juges de Chalier, qui les pressèrent de consom¬ mer leur crime, et qui dirigèrent ses bourreaux dans le raffinement sacrilège de son supplice. « Citoyens collègues, ces mêmes hypocrites (1) La lettre des représentants Fouché, Laporte et Albitte n'est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 12 nivôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit la note suivante ; « Renvoyé au comité de Salut public, insertion au Bullein, le 12 nivôse, 2e année républicaine. » (2) Archives nationales, carton G 287, dossier 861, pièce 8. Aulard ; Recueil des actes et de la correspon¬ dance du comité de Salut public, t. 9, p. 713. (3) Voy. ci-dessus, séance du 30 frimaire an II, p. 33, l’admission à la barre de la députation des citoyens de Lyon. ont cherché à émouvoir notre sensibilité, ils ont employé auprès de nous tous les moyens de séduction pour nous arracher à la méditation de nos devoirs et à la sévère fidélité de la mis¬ sion que vous nous avez confiée : telle est leur atroce politique; ne pouvant réussir à nous avilir pour nous faire mépriser, ils ont voulu nous peindre comme des hommes féroces et sanguinaires pour nous rendre odieux. « Oui, nous osons l’avouer, nous faisons répandre beaucoup de sang impur, mais c’est par l’humanité, par devoir. Représentants du peuple, nous ne trahirons point sa volonté, nous devons partager tous ses sentiments et ne déposer la foudre qu’il a mise entre nos mains que lorsqu’il nous l’aura ordonné par votre organe. Jusqu’à cette époque, nous continue¬ rons sans interruption à frapper ses ennemis; nous les anéantissons de la manière la plus éclatante, la plus terrible et la plus prompte; il n’appartient qu’aux tyrans d’ajouter aux supplices de la mort des scélérats. « Cette mission est la plus pénible et la plus difficile; il n’y a qu’un amour ardent de la patrie qui puisse consoler, dédommager l’homme qui, renonçant à toutes les affections que la nature et une douce habitude ont rendues chères à son cœur, à toute sensibilité personnelle, à son existence entière, ne pense, n’agit et n’existe que dans le peuple et avec le peuple; et, fer¬ mant les yeux sur tout ce qui l’entoure, ne voit que la République s’élevant dans la postérité sur les tombeaux des conspirateurs et sur les tronçons de la tyrannie. « Commune-Affranchie, ee 7 nivôse, l’an II de la République française, une et indivisible. « Fouché; Laporte; Albitte. » VI. Le ministre de la justice dénonce trois FEMMES QUI ONT SEMÉ DE L’iVRAIE (1). Compte rendu du Moniteur universel (2) Le ministre de la justice dénonce à l’Assemblée un crime d’un nouveau genre. Trois femmes dans le département du Nord ont semé de l’ivraie dans une pièce de terre mise en culture. Le ministre demande devant quel tribunal ces femmes doivent être traduites. Renvoyé aux comités de législation et de Salut public. (1) La dénonciation du ministre de la justice n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 12 nivôse an II; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par le Moniteur universel et le Mercure universel. (2) Moniteur universel [n° 104 du 14 nivôse an II (vendredi 3 janvier 1794), p. 419, col 2.] D’autre part, le Mercure universel [13 nivôse an II (jeudi 2 janvier 1794), p. 205, col. 1] rend compte de la dénonciation du ministre de la justice dans les termes suivants : « Le ministre de la justice dénonce à la Con¬ vention un crime d’un nouveau genre. Dans le département des Côtes-du-Nord, le 1er frimaire trois femmes allèrent dans un champ ensemencé de blé et y semèrent profusément de l’ivraie. Le ministre demande que la Convention statue sur ce délit. « Renvoyé aux comités de Salut public et de' législation. »