55 1 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES j �novembre �793* « Je déclare que mes lettres de prêtrise n’étant pas en mon pouvoir, je les remettrai dès que je les aurai reçues. « Felmon. » « Je fais la même déclaration, et je signe. « Tournaire. » IV. Déclaration de Gay-Vernon, évêque de Limoges et député de la Haute-Vienne (1). « Citoyens, « J’ai toujours soupiré après le moment où nous sommes. En 1790, étant alors curé de Compreignao, je remis mes lettres de curé à mes bons paroissiens et leur dis : « Choisissez un « autre pasteur si quelque autre peut vous « rendre plus heureux. Je ne consentirai à « demeurer au milieu de vous qu’autant que « vous m’élisiez vous-mêmes, toutes les places « doivent être nommées par le peuple. » Ils m’élirent, je cédai à leurs instances fraternelles et je prêtai le serment en 1791. J’acceptai l’épiscopat pour contribuer aux progrès des lumières et hâter l’empire de la raison et le règne de la liberté. Lorsque Torné, évêque du Cher, proposa l’abolition des costumes, je fus le premier à déposer ma croix sur le bureau de l’Assemblée législative; aujourd’hui, libre de suivre l’impulsion de ma conscience sans aucun danger pour ma patrie, et d’exprimer les senti¬ ments de mon âme, j’obéis à la voix de la rai¬ son, de la philosophie et de la liberté, et je déclare à la nation, avec la joie d’un cœur pur et républicain, que je ne veux être que citoyen et que je renonce aux fonctions ecclésiastiques. « Gay-Vernon, député . » Compte rendu du Moniteur universel (2). La Président. J’annonco à la Convention ne les autorités constituées du département et e la commune de Paris, accompagnent à la barre l’évêque Gobet (3), ses vicaires et plu¬ sieurs curés de Paris, et qu’ils demandent à être entendus. La Convention les admet à la barre. Momoro, orateur. Citoyens législateurs, le dé-artement de Paris, la municipalité, les membres es Sociétés populaires, et quelques administra¬ teurs de la Nièvre, qui ont demandé à se réunir à nous, viennent accompagner dans le sein de la Convention des citoyens qui demandent à se régénérer et à redevenir hommes. Vous voyez devant vous l’évêque de Paris, ses grands vi-(1) Archives nationales, carton C 280, dossier 766. (2) Moniteur universel [n° 49 du 19 brumaire an II (samedi 9 novembre 1793), p. 198, col. 3]. D’autre part, voy. ci-après, annexe n° 4, p. 569, le compte rendu de la même discussion d’après le Journal des Débats el des Décrets. (3) On remarquera que le Moniteur, comme d’ail¬ leurs le procès-verbal, écrivent par erreur Gobel au lieu de Gobel. caires et quelques autres prêtres dont la liste vous sera remise. Conduits par la raison, ils viennent se dépouiller du caractère que leur avait donné la superstition. Ce grand exemple sera imité par leurs collègues. C’est ainsi que le fauteurs du despotisme concourent à sa des¬ truction; c’est ainsi que bientôt la République française n’aura d’autre culte que celui de la liberté, de l’égalité et de l’éternelle vérité; culte qui sera bientôt universel, grâce à vos immortels travaux. (Vifs applaudissements.) Gobet. Je prie les représentants du peuple d’entendre ma déclaration. Né plébéien, j’eu3 de bonne heure l’amour de la liberté et de l’égahté; appelé par mes conci¬ toyens à l’Assemblée constituante, je n’attendis pas que la Déclaration des Droits de l’homme fût publiée pour connaître la souveraineté du peuple. J’eus plus d’une occasion de manifester ce principe qui a été depuis la règle constante de ma conduite. La volonté du peuple fut ma première loi, la soumission à sa volonté mon premier devoir; cette volonté m’a élevé au siège épiscopal de Paris. Ma conscience me dit qu’en obéissant au peuple, je ne l’ai pas trompé. J’ai profité de l’influence que me donnait ma place sur le peuple, pour augmenter son amour pour la liberté et l’égalité. Mais aujourd’hui que la fin de la Révolution approche, aujourd’hui que la liberté marche à grands pas, que tous les sentiments se trouvent réunis, aujourd’hui qu’il ne doit y avoir d’autre culte national que celui de la liberté et de l’égalité, je renonce à mes fonctions de ministre du culte catholique; mes vicaires font la même déclaration : nous déposons sur votre bureau nos lettres de prê¬ trise. Puisse cet exemple consolider le règne de la liberté et de l’égalité ! Vive la République ! ( Ges cris sont répétés unanimement par les membres de V Assemblée et les spectateurs, au mi¬ lieu des plus vifs applaudissements. ) Chaumetta. Le jour où la raison reprend son empire mérite une place dans les brillantes époques de la Révolution française. Je fais en ce moment la pétition que la Convention charge son comité d’instruction publique de donner, dans le nouveau calendrier, une place au jour de la raison. (On applaudit.) Le curé de Vaugirard. Revenu des préjugés que le fanatisme avait mis dans mon cœur et dans mon esprit, je dépose mes lettres de prê¬ trise. (On applaudit.) Le Président. Citoyens, l’exemple que vous venez de donner est l’effet des efforts de la phi¬ losophie pour éclairer les humains. Il était ré¬ servé à la commune de Paris de venir la pre¬ mière annoncer le triomphe de la raison. Ci¬ toyens, qui venez de sacrifier sur l’autel de la patrie ces hochets gothiques de la superstition, vous êtes dignes de la République. Citoyens, qui venez d’abjurer l’erreur, vous ne voulez prê¬ cher désormais que la pratique des vertus so¬ ciales et morales, c’est le culte que l’Etre su¬ prême trouve agréable; vous êtes dignes de lui. (Vifs applaudissements.) Les citoyens qui sont à la barre sont admis aux honneurs de la séance au milieu des cris de : Vive la République ! Ils se confondent aveo les membres de la Convention, qui les accueil¬ lent avec transport. On présente le bonnet rouge