384 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE 56 Un autre membre [BRIEZ], au nom du même Comité, propose, et la Convention nationale a adopté les trois décrets qui suivent. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des secours publics sur la pétition du citoyen Louis-Pierre Ravelet, officier de santé attaché aux hôpitaux militaires, demeuré en otage à Mayence, et ensuite à Wesel, jusqu’au commencement du mois germinal, avec les autres officiers de santé et les soldats malades, et dont le père est encore détenu à Wesel; qui, en outre, est chargé de sa mère et de deux sœurs, « Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Ravelet la somme de 200 liv., en forme de secours. » Le présent décret ne sera pas imprimé» (1) . 57 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BRIEZ, au nom] de son Comité des secours publics sur la pétition des citoyens Jean-Baptiste Béchereau, cabaretier; François Gourdet, ouvrier tanneur ; Charles Fou trier et Plançon, manouvriers, tous domiciliés dans la commune de Saint-Amand, district de Cosne, département de la Nièvre, lesquels, après environ trois mois de détention, ont été acquittés et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 22 Floréal présent mois, et cependant renvoyés sous la surveillance de la municipalité de leur commune, où ils seront tenus de se représenter sitôt leur arrivée; » Considérant que les citoyens envers lesquels il y a des motifs qui exigent une surveillance particulière, ne peuvent prétendre aux indemnités accordées à ceux qui sont honorablement acquittés par le tribunal révolutionnaire; que néanmoins il est juste d’accorder aux pétitionnaires les secours nécessaires pour se rendre dans leur domicile, et satisfaire au jugement qui les renvoie sous la surveillance de leur municipalité; » Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera à chacun desdits citoyens Béchereau, Gourdet, Foutrier et Plançon, la somme de cent livres, à titre de secours, et pour les aider à retourner dans leur domicile. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (2) . 58 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BRIEZ, au nom de] son Comité des secours publics sur la pétition de la (1) P.V., XXXVII, 256. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1074, p. 6). Décret n° 9180. Reproduit dans Bin, 28 flor. (suppl*). Voir P. Ann. (2) P.V., XXXVII, 257. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1074, p. 7). Décret n° 9182. citoyenne Françoise-Perpétue Foing, veuve Guillaumot, domiciliée à Cosne, département de la Nièvre, qui, après deux mois de détention, a été acquittée et mise en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 15 floréal présent mois; » Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera à la citoyenne veuve Guillaumot la somme de deux cents livres, à titre de secours et indemnité, et pour l’aider à retourner dans son domicile. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (1). 59 On fait lecture d’une lettre du citoyen Poul-lain-Grandprey, qui demande une prolongation de congé de vingt jours. Cette demande est renvoyée au Comité de sûreté générale (2) . 60 Un membre donne lecture d’une pétition des habitans de Guignes-Libre, relative à Bernard et sa femme, réputés émigrés (3) . LECOINTRE (de Versailles) : Les habitans de la commune de Guignes, district de Melun, département de Seine-et-Marne, par l’organe de la Société populaire, exposent par une pétition que je suis chargé de vous présenter qu’ils ne possèdent pas 20 arpens de terre, quoique la population soit de 500 âmes; en conséquence, ils demandent la démolition du château-fort et la vente des terres, par partie d’un arpent et au-dessus, appartenant à Bernard, ci-devant comte de Coubert, émigré, afin que tous les citoyens puissent se dédommager du temps de la tyrannie en acquérant suivant leurs moyens qui ne sont grands qu’en patriotisme. Ledit Bernard est propriétaire, dans la commune de Guignes, d’une ferme appelée Vitry, qui est une ancienne forteresse garnie de tourelles, avec ouvertures pour placer des bouches à feu, qui ont servi de retraite dans les temps de guerres des Lorrains. Ce ci-devant comte de Coubert a été déclaré émigré par ce département, suivant son arrêté, qui paraît être du 8 avril 1793. Prévenu d’émigration dans le département de Paris, il se pourvut en mainlevée de séquestre et en radiation de son nom sur la liste des émigrés; et le département, par son arrêté du 19 juillet 1793, considérant qu’il résultait des pièces par lui produites que le citoyen et la citoyenne Bernard ne se sont absentés de la République, le 7 juillet 1792, qu’en vertu d’un passeport pour aller à Pise en Toscane, auprès de leur mère et belle-mère, et qu’ils ne sont partis que sous la sauvegarde de la loi, a (1) P.V., XXXVII, 258. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1074, p. 8). Décret n° 9183. Reproduit dans Btn, 28 flor. (suppl4). (2) P.V., XXXVII, 258. (3) P.V., XXXVII, 258. 384 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE 56 Un autre membre [BRIEZ], au nom du même Comité, propose, et la Convention nationale a adopté les trois décrets qui suivent. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des secours publics sur la pétition du citoyen Louis-Pierre Ravelet, officier de santé attaché aux hôpitaux militaires, demeuré en otage à Mayence, et ensuite à Wesel, jusqu’au commencement du mois germinal, avec les autres officiers de santé et les soldats malades, et dont le père est encore détenu à Wesel; qui, en outre, est chargé de sa mère et de deux sœurs, « Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Ravelet la somme de 200 liv., en forme de secours. » Le présent décret ne sera pas imprimé» (1) . 57 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BRIEZ, au nom] de son Comité des secours publics sur la pétition des citoyens Jean-Baptiste Béchereau, cabaretier; François Gourdet, ouvrier tanneur ; Charles Fou trier et Plançon, manouvriers, tous domiciliés dans la commune de Saint-Amand, district de Cosne, département de la Nièvre, lesquels, après environ trois mois de détention, ont été acquittés et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 22 Floréal présent mois, et cependant renvoyés sous la surveillance de la municipalité de leur commune, où ils seront tenus de se représenter sitôt leur arrivée; » Considérant que les citoyens envers lesquels il y a des motifs qui exigent une surveillance particulière, ne peuvent prétendre aux indemnités accordées à ceux qui sont honorablement acquittés par le tribunal révolutionnaire; que néanmoins il est juste d’accorder aux pétitionnaires les secours nécessaires pour se rendre dans leur domicile, et satisfaire au jugement qui les renvoie sous la surveillance de leur municipalité; » Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera à chacun desdits citoyens Béchereau, Gourdet, Foutrier et Plançon, la somme de cent livres, à titre de secours, et pour les aider à retourner dans leur domicile. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (2) . 58 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BRIEZ, au nom de] son Comité des secours publics sur la pétition de la (1) P.V., XXXVII, 256. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1074, p. 6). Décret n° 9180. Reproduit dans Bin, 28 flor. (suppl*). Voir P. Ann. (2) P.V., XXXVII, 257. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1074, p. 7). Décret n° 9182. citoyenne Françoise-Perpétue Foing, veuve Guillaumot, domiciliée à Cosne, département de la Nièvre, qui, après deux mois de détention, a été acquittée et mise en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 15 floréal présent mois; » Décrète que, sur la présentation du présent décret, la trésorerie nationale paiera à la citoyenne veuve Guillaumot la somme de deux cents livres, à titre de secours et indemnité, et pour l’aider à retourner dans son domicile. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (1). 59 On fait lecture d’une lettre du citoyen Poul-lain-Grandprey, qui demande une prolongation de congé de vingt jours. Cette demande est renvoyée au Comité de sûreté générale (2) . 60 Un membre donne lecture d’une pétition des habitans de Guignes-Libre, relative à Bernard et sa femme, réputés émigrés (3) . LECOINTRE (de Versailles) : Les habitans de la commune de Guignes, district de Melun, département de Seine-et-Marne, par l’organe de la Société populaire, exposent par une pétition que je suis chargé de vous présenter qu’ils ne possèdent pas 20 arpens de terre, quoique la population soit de 500 âmes; en conséquence, ils demandent la démolition du château-fort et la vente des terres, par partie d’un arpent et au-dessus, appartenant à Bernard, ci-devant comte de Coubert, émigré, afin que tous les citoyens puissent se dédommager du temps de la tyrannie en acquérant suivant leurs moyens qui ne sont grands qu’en patriotisme. Ledit Bernard est propriétaire, dans la commune de Guignes, d’une ferme appelée Vitry, qui est une ancienne forteresse garnie de tourelles, avec ouvertures pour placer des bouches à feu, qui ont servi de retraite dans les temps de guerres des Lorrains. Ce ci-devant comte de Coubert a été déclaré émigré par ce département, suivant son arrêté, qui paraît être du 8 avril 1793. Prévenu d’émigration dans le département de Paris, il se pourvut en mainlevée de séquestre et en radiation de son nom sur la liste des émigrés; et le département, par son arrêté du 19 juillet 1793, considérant qu’il résultait des pièces par lui produites que le citoyen et la citoyenne Bernard ne se sont absentés de la République, le 7 juillet 1792, qu’en vertu d’un passeport pour aller à Pise en Toscane, auprès de leur mère et belle-mère, et qu’ils ne sont partis que sous la sauvegarde de la loi, a (1) P.V., XXXVII, 258. Minute de la main de Briez (C 301, pl. 1074, p. 8). Décret n° 9183. Reproduit dans Btn, 28 flor. (suppl4). (2) P.V., XXXVII, 258. (3) P.V., XXXVII, 258. SÉANCE DU 27 FLORÉAL AN II (16 MAI 1794) - N° 60 385 arrêté que leur absence ne pouvait être réputée émigration, en conséquence, que le scellé apposé dans leur domicile, cloitre Notre-Dame serait levé sans description et qu’après avoir payé les frais de séquestre et d’administration, ils seraient réintégrés dans la possession et jouissance des meubles et effets étant dans leur domicile, lesquels leur seront réunis sur leur décharge ou celle de leur fondé de pouvoir. Il paraît que, le 23 juillet dernier, le ministre de l’intérieur prévint le département de Seine-et-Marne de l’arrêté ci-dessus cité du département de Paris, et qu’attendu la contradiction des deux arrêtés, l’un du département de Paris, favorable aux citoyen et citoyenne Bernard, et l’autre du département de Seine-et-Marne, défavorable, il enjoignit au département de Seine-et-Marne de suspendre toute poursuite ou vente qui pourrait résulter de son arrêté du 8 avril dernier. Il paraît aussi que le 28 juillet, il fut procédé par le district de Melun à la vente du mobilier appartenant au citoyen Bernard Cou-bert, et que le citoyen Dupont s’est rendu adjudicataire de différents objets moyennant 20,250 liv. outre les charges et conditions de l’adjudication; que, le 2 août, le département fit passer une lettre du ministre de l’intérieur au district de Melun, en le priant de faire surseoir à toute vente. Il paraît enfin que le 12 août, le fondé de pouvoirs des citoyen et citoyenne Bernard forma opposition à ce que le citoyen Dupont enlevât aucun des meubles et effets dont il s’est rendu adjudicataire. Les choses en cet état, le département de Seine-et-Marne, par son arrêté du 21 août, considérant qu’aux termes de l’article LXVII de la loi du 28 mars dernier, l’exécution de l’arrêté du 8 avril doit demeurer suspendue jusqu’après la décision du conseil exécutif, le département ayant pris un arrêté contradictoire; Arrête qu’il n’y avait lieu à la délivrance des orangers et autres effets mobiliers adjugés au citoyen Dupont, suivant le procès-verbal de vente ci-dessus relaté. Depuis cet arrêté, il paraît que le citoyen Dupont présenta une pétition au département de Seine-et-Marne, par laquelle il demanda : 1° la restitution d’une somme de 7,901 liv. par lui payée à compter sur le prix total desdits orangers, oui ne lui ont pas été livrés, et qui n’ont pu l’être d’après l’arrêté du département du 21 août 1793, ci-dessus relaté; 2° le remboursement des sommes par lui payées tant pour le rencaissement de quelques-uns desdits orangers que pour les gages du jardinier à la surveillance duquel ils les avait confiés. Sur cette pétition le département arrêta que sa délibération serait envoyée au conseil exécutif, avec invitation d’autoriser dans le plus bref délai le département à la délivrance des objets vendus, et cependant arrêté que jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, il serait par le receveur des droits d’enregistrement sursis à toutes poursuites contre le citoyen Dupont, auquel il est enjoint de veiller à la conservation des orangers dont il s’agit. Aux termes de l’article LXVII de la loi du 28 mars, relative aux émigrés, attendu la contradiction des deux arrêtés des départements de Seine-et-Marne et de Paris, la question de savoir lequel des deux départements a bien ou mal jugé est soumise à la discussion du conseil, et actuellement à la commission qui le remplacera en cette partie. Le citoyen Bernard Coubert n’est pas encore porté sur aucun des états nominatifs des personnes qui ont obtenu des arrêtés du département, lesquels doivent être dressés par le conseil exécutif avant de prononcer définitivement après le délai de 2 mois, conformément aux art. LXVIII et LXIX de la même loi. C’est dans cette position que vous avez à prononcer sur la pétition des habitants de Guignes. La solution de cette question dépend de celle de savoir si vous considérez Bernard Coubert comme émigré, conformément à l’arrêté du département de Seine-et-Mame, ou si vous jugerez, au contraire, comme l’a fait le département de Paris, que l’absence de Bernard Coubert, depuis le mois de juillet 1792, pour aller à Pise, en Toscane, ne peut être réputée émigration, attendu qu’il n’est parti que sous la sauvegarde de la loi, ayant obtenu un passeport. D’abord, aux termes de la loi du 28 mars 1793, attendu la contradiction des deux arrêtés ci-dessus énoncés, au conseil exécutif, appartenait seul le droit de prononcer lequel des deux départements avait bien ou mal jugé. Il ne l’a pu jusquà l’instant de la suppression, et la commission qui le remplace en cette partie ne le peut encore, parce que les formalités exigées par la loi ne sont pas remplies, ni les délais expirés pour pouvoir statuer définitivement. Dérogeant, dans l’espèce, aux formalités que prescrit la loi, et la Convention se déterminant à statuer sur le fond, il reste à examiner si les motifs qui ont déterminé le département de Paris à accorder à Bernard Coubert mainlevée du séquestre opposé sur ses biens sont précisés dans la loi. La loi du 28 mars 1792, relative aux passeports, s’exprime ainsi : « Les Français ou étrangers qui voudront » sortir du royaume le déclareront à la muni-» cipalité du lieu de leur résidence, et il sera » fait mention de leur déclaration dans le pas-» seport. » Il paraît qu’en exécution de cette loi, Bernard Coubert se présenta, le 12 juin 1792, à la section dite Notre Dame, aujourd’hui la Cité, dans laquelle il demeurait, et déclara qu’il était dans l’intention d’aller à Pise, en Toscane, pour y prendre les eaux, et que la section déclara qu’il n’y avait nul inconvénient de lui accorder un passeport. A la suite de cette déclaration, la municipalité lui accorda un passeport, le 12 juin 1792. H parait que Bernard Coubert et sa femme, munis de ce passeport, sont partis le 7 juillet 1792. Le 28 juillet même mois est intervenu un décret portant : Art. 1er « Jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait déclaré que la patrie n’est plus en danger, il ne pourra plus être délivré de passeport pour sortir du royaume à aucun citoyen français. Les passeports qui auraient été accordés jusqu’à ce jour pour sortir du royaume et dont il n’aurait pas été fait usage sont déclarés nuis ». SÉANCE DU 27 FLORÉAL AN II (16 MAI 1794) - N° 60 385 arrêté que leur absence ne pouvait être réputée émigration, en conséquence, que le scellé apposé dans leur domicile, cloitre Notre-Dame serait levé sans description et qu’après avoir payé les frais de séquestre et d’administration, ils seraient réintégrés dans la possession et jouissance des meubles et effets étant dans leur domicile, lesquels leur seront réunis sur leur décharge ou celle de leur fondé de pouvoir. Il paraît que, le 23 juillet dernier, le ministre de l’intérieur prévint le département de Seine-et-Marne de l’arrêté ci-dessus cité du département de Paris, et qu’attendu la contradiction des deux arrêtés, l’un du département de Paris, favorable aux citoyen et citoyenne Bernard, et l’autre du département de Seine-et-Marne, défavorable, il enjoignit au département de Seine-et-Marne de suspendre toute poursuite ou vente qui pourrait résulter de son arrêté du 8 avril dernier. Il paraît aussi que le 28 juillet, il fut procédé par le district de Melun à la vente du mobilier appartenant au citoyen Bernard Cou-bert, et que le citoyen Dupont s’est rendu adjudicataire de différents objets moyennant 20,250 liv. outre les charges et conditions de l’adjudication; que, le 2 août, le département fit passer une lettre du ministre de l’intérieur au district de Melun, en le priant de faire surseoir à toute vente. Il paraît enfin que le 12 août, le fondé de pouvoirs des citoyen et citoyenne Bernard forma opposition à ce que le citoyen Dupont enlevât aucun des meubles et effets dont il s’est rendu adjudicataire. Les choses en cet état, le département de Seine-et-Marne, par son arrêté du 21 août, considérant qu’aux termes de l’article LXVII de la loi du 28 mars dernier, l’exécution de l’arrêté du 8 avril doit demeurer suspendue jusqu’après la décision du conseil exécutif, le département ayant pris un arrêté contradictoire; Arrête qu’il n’y avait lieu à la délivrance des orangers et autres effets mobiliers adjugés au citoyen Dupont, suivant le procès-verbal de vente ci-dessus relaté. Depuis cet arrêté, il paraît que le citoyen Dupont présenta une pétition au département de Seine-et-Marne, par laquelle il demanda : 1° la restitution d’une somme de 7,901 liv. par lui payée à compter sur le prix total desdits orangers, oui ne lui ont pas été livrés, et qui n’ont pu l’être d’après l’arrêté du département du 21 août 1793, ci-dessus relaté; 2° le remboursement des sommes par lui payées tant pour le rencaissement de quelques-uns desdits orangers que pour les gages du jardinier à la surveillance duquel ils les avait confiés. Sur cette pétition le département arrêta que sa délibération serait envoyée au conseil exécutif, avec invitation d’autoriser dans le plus bref délai le département à la délivrance des objets vendus, et cependant arrêté que jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, il serait par le receveur des droits d’enregistrement sursis à toutes poursuites contre le citoyen Dupont, auquel il est enjoint de veiller à la conservation des orangers dont il s’agit. Aux termes de l’article LXVII de la loi du 28 mars, relative aux émigrés, attendu la contradiction des deux arrêtés des départements de Seine-et-Marne et de Paris, la question de savoir lequel des deux départements a bien ou mal jugé est soumise à la discussion du conseil, et actuellement à la commission qui le remplacera en cette partie. Le citoyen Bernard Coubert n’est pas encore porté sur aucun des états nominatifs des personnes qui ont obtenu des arrêtés du département, lesquels doivent être dressés par le conseil exécutif avant de prononcer définitivement après le délai de 2 mois, conformément aux art. LXVIII et LXIX de la même loi. C’est dans cette position que vous avez à prononcer sur la pétition des habitants de Guignes. La solution de cette question dépend de celle de savoir si vous considérez Bernard Coubert comme émigré, conformément à l’arrêté du département de Seine-et-Mame, ou si vous jugerez, au contraire, comme l’a fait le département de Paris, que l’absence de Bernard Coubert, depuis le mois de juillet 1792, pour aller à Pise, en Toscane, ne peut être réputée émigration, attendu qu’il n’est parti que sous la sauvegarde de la loi, ayant obtenu un passeport. D’abord, aux termes de la loi du 28 mars 1793, attendu la contradiction des deux arrêtés ci-dessus énoncés, au conseil exécutif, appartenait seul le droit de prononcer lequel des deux départements avait bien ou mal jugé. Il ne l’a pu jusquà l’instant de la suppression, et la commission qui le remplace en cette partie ne le peut encore, parce que les formalités exigées par la loi ne sont pas remplies, ni les délais expirés pour pouvoir statuer définitivement. Dérogeant, dans l’espèce, aux formalités que prescrit la loi, et la Convention se déterminant à statuer sur le fond, il reste à examiner si les motifs qui ont déterminé le département de Paris à accorder à Bernard Coubert mainlevée du séquestre opposé sur ses biens sont précisés dans la loi. La loi du 28 mars 1792, relative aux passeports, s’exprime ainsi : « Les Français ou étrangers qui voudront » sortir du royaume le déclareront à la muni-» cipalité du lieu de leur résidence, et il sera » fait mention de leur déclaration dans le pas-» seport. » Il paraît qu’en exécution de cette loi, Bernard Coubert se présenta, le 12 juin 1792, à la section dite Notre Dame, aujourd’hui la Cité, dans laquelle il demeurait, et déclara qu’il était dans l’intention d’aller à Pise, en Toscane, pour y prendre les eaux, et que la section déclara qu’il n’y avait nul inconvénient de lui accorder un passeport. A la suite de cette déclaration, la municipalité lui accorda un passeport, le 12 juin 1792. H parait que Bernard Coubert et sa femme, munis de ce passeport, sont partis le 7 juillet 1792. Le 28 juillet même mois est intervenu un décret portant : Art. 1er « Jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait déclaré que la patrie n’est plus en danger, il ne pourra plus être délivré de passeport pour sortir du royaume à aucun citoyen français. Les passeports qui auraient été accordés jusqu’à ce jour pour sortir du royaume et dont il n’aurait pas été fait usage sont déclarés nuis ». 386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette loi ne peut s’appliquer à Bernard Cou-bert, puisqu’il est parti le 7 juillet, c’est-à-dire antérieurement à la loi du 28. Celle du 28 mars 1793 porte, section III, art. VI, § III : « Que tout Français qui s’est absenté du lieu de son domicile, et qui ne justifiera pas d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792 est émigré ». Mais le § IV porte aussi : « Sont émigrés ceux qui sortiront du territoire de la République sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi ». Bernard Coubert ne peut justifier d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792, conformément au § III, mais n’est-il pas fondé à dire : « J’ai rempli, conformément au § IV de cette même loi, les formalités que me prescrivait la loi du 28 mars 1792 : j’ai obtenu un passeport au mois de juin, je suis parti sous la sauvegarde de la loi ». C’est sur ce fondement sans doute que le département de Paris a prononcé la mainlevée du séquestre. Il n’existe aucune loi qui décide d’une manière précise cette question importante. Cependant beaucoup d’émigrés pourraient se soustraire aux peines justement prononcées contre eux par toutes les lois sur les émigrés, si l’on admettait qu’un particulier sorti du territoire français dans l’intervalle du 28 mars 1792, date de la loi qui permet d’accorder des passeports pour aller dans l’étranger, au 29 juillet, date de celle qui interdit cette faculté, pût dire en rentrant : « Je ne peux pas être réputé émigré, car je suis parti à une époque où la loi me le permettait, et j’ai rempli les formalités qu’elle me prescrivait. Une réflexion importante se présente cependant. Ni la loi du 28 mars 1792, ni celle du 28 mars 1793, n’ont mis les maladies au nombre des causes qui peuvent autoriser les citoyens à sortir de la République, par conséquent le besoin de prendre les eaux pour une cause de santé ne peut justifier une longue absence; d’où l’on pourrait conclure que le département de Paris a contrevenu aux dispositions de la loi du 28 mars en admettant comme excuse légitime le passeport par lui obtenu pour aller prendre les eaux. Le conseil exécutif provisoire l’a ainsi jugé suivant la proclamation par lui faite, le 9 septembre 1792, relativement à la famille d’Harcourt, qui était sortie du royaume en 1790 pour aller à Aix-la-Chapelle, et qui obtint, le 7 août 1792, un arrêté du département de Paris, qui fut cassé par cette proclamation, et qui ordonna à l’égard de la famille d’Harcourt que les lois des 12 février et 8 avril seraient exécutées. Cette réflexion acquiert plus de force encore quand on considère que Bernard Coubert et sa femme n’ont pas reparu depuis le mois de juillet 1792 qu’ils sont partis, d’où l’on peut avec raison conclure qu’ils sont émigrés de fait et d’intention (1) . [Sur la proposition de LECOINTRE] la Convention nationale décrète ce qui suit : « La Convention nationale décrète le renvoi de la pétition des habitans de Guignes-Libre; (1) Mon., XX, 494. relativement à Bernard et sa femme, réputés émigrés, au Comité de législation et commission des émigrés, réunis, pour en faire un rapport dans le courant de la décade prochaine, eu égard à l’urgence, les biens immeubles et meubles en question étant dans un état de dépérissement » (1) . 61 Au nom du Comité de législation, un autre membre [BEZARD] fait rendre le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition du citoyen Rixain, cultivateur à Villemont, district de Clermont, qui réclame contre un jugement du tribunal de police correctionnelle du canton hors la commune d’ Aigue-Perse, du 21 pluviôse dernier, par lequel ce tribunal a prononcé la confiscation des bleds, tant en paille qu’en grains, appartenans au pétitionnaire, ou qui lui sont dus par ses sous-fermiers, au profit de la commune de Saint-Julien de Venssat, distraction faite de ce qui sera nécessaire pour la consommation de sa maison et l’ensemencement de ses terres, aux dépens, impression et affiche du jugement : « Considérant, 1°) qu’il résulte du procès-verbal fait dans la commune de Venssat par les commissaires de l’administration du district de Clermont, que la municipalité dudit Venssat, loin de se conformer à l’article XX de la loi du 29 septembre, qui lui prescrit de déférer, sans délai, aux réquisitions des directoires de dépar-temens et de districts, a déclaré, par l’organe du nommé Clément, ci-devant curé et notable, qu’elle ne croyoit pas devoir satisfaire à la réquisition du 24 brumaire, attendu qu’il y en avoit de postérieure et que s’il restoit du grain, elle ne demandoit pas mieux de les toutes remplir; « 2°) Que des dépositions de divers citoyens, consignées au même procès-verbal, il résulte aussi que le pétitionnaire ne s’est refusé aux réquisitions multipliées de la municipalité, que parce qu’elles étoient trop fortes; qu’il a offert d’en donner une mine à chacun, sauf à revenir quand il seroit nécessaire, et qu’en cela, il ne pouvoit encourir la peine de la confiscation, puisque l’article XI de la deuxième section de la loi citée, veut que les manouvriers habitans des campagnes où il n’y a point de marchés puissent s’approvisionner chez les cultivateurs, pour un mois au plus, et que ces réquisitions particulières, émanées de la municipalité, l’em-pêchoient de satisfaire à celle de 400 quintaux pour Clermont : « Déclare nul le jugement du 21 pluviôse dont il s’agit, et ordonne que les bleds, grains et paille confisqués seront restitués, sans délai, au pétitionnaire, sous la responsabilité solidaire du membre de la municipalité de Venssat et du nommé Clément, ex-curé, ainsi que toutes les autres condamnations portées en ce jugement, dépens, frais d’affiche et impression. (1) P.V., XXXVII, 258. Minute de la main de Le-cointre (C 301, pl. 1074, p. 9). Décret n° 9184. Mentions dans C. Eg., n° 637; J. Mont., n° 21. 386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Cette loi ne peut s’appliquer à Bernard Cou-bert, puisqu’il est parti le 7 juillet, c’est-à-dire antérieurement à la loi du 28. Celle du 28 mars 1793 porte, section III, art. VI, § III : « Que tout Français qui s’est absenté du lieu de son domicile, et qui ne justifiera pas d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792 est émigré ». Mais le § IV porte aussi : « Sont émigrés ceux qui sortiront du territoire de la République sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi ». Bernard Coubert ne peut justifier d’une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792, conformément au § III, mais n’est-il pas fondé à dire : « J’ai rempli, conformément au § IV de cette même loi, les formalités que me prescrivait la loi du 28 mars 1792 : j’ai obtenu un passeport au mois de juin, je suis parti sous la sauvegarde de la loi ». C’est sur ce fondement sans doute que le département de Paris a prononcé la mainlevée du séquestre. Il n’existe aucune loi qui décide d’une manière précise cette question importante. Cependant beaucoup d’émigrés pourraient se soustraire aux peines justement prononcées contre eux par toutes les lois sur les émigrés, si l’on admettait qu’un particulier sorti du territoire français dans l’intervalle du 28 mars 1792, date de la loi qui permet d’accorder des passeports pour aller dans l’étranger, au 29 juillet, date de celle qui interdit cette faculté, pût dire en rentrant : « Je ne peux pas être réputé émigré, car je suis parti à une époque où la loi me le permettait, et j’ai rempli les formalités qu’elle me prescrivait. Une réflexion importante se présente cependant. Ni la loi du 28 mars 1792, ni celle du 28 mars 1793, n’ont mis les maladies au nombre des causes qui peuvent autoriser les citoyens à sortir de la République, par conséquent le besoin de prendre les eaux pour une cause de santé ne peut justifier une longue absence; d’où l’on pourrait conclure que le département de Paris a contrevenu aux dispositions de la loi du 28 mars en admettant comme excuse légitime le passeport par lui obtenu pour aller prendre les eaux. Le conseil exécutif provisoire l’a ainsi jugé suivant la proclamation par lui faite, le 9 septembre 1792, relativement à la famille d’Harcourt, qui était sortie du royaume en 1790 pour aller à Aix-la-Chapelle, et qui obtint, le 7 août 1792, un arrêté du département de Paris, qui fut cassé par cette proclamation, et qui ordonna à l’égard de la famille d’Harcourt que les lois des 12 février et 8 avril seraient exécutées. Cette réflexion acquiert plus de force encore quand on considère que Bernard Coubert et sa femme n’ont pas reparu depuis le mois de juillet 1792 qu’ils sont partis, d’où l’on peut avec raison conclure qu’ils sont émigrés de fait et d’intention (1) . [Sur la proposition de LECOINTRE] la Convention nationale décrète ce qui suit : « La Convention nationale décrète le renvoi de la pétition des habitans de Guignes-Libre; (1) Mon., XX, 494. relativement à Bernard et sa femme, réputés émigrés, au Comité de législation et commission des émigrés, réunis, pour en faire un rapport dans le courant de la décade prochaine, eu égard à l’urgence, les biens immeubles et meubles en question étant dans un état de dépérissement » (1) . 61 Au nom du Comité de législation, un autre membre [BEZARD] fait rendre le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition du citoyen Rixain, cultivateur à Villemont, district de Clermont, qui réclame contre un jugement du tribunal de police correctionnelle du canton hors la commune d’ Aigue-Perse, du 21 pluviôse dernier, par lequel ce tribunal a prononcé la confiscation des bleds, tant en paille qu’en grains, appartenans au pétitionnaire, ou qui lui sont dus par ses sous-fermiers, au profit de la commune de Saint-Julien de Venssat, distraction faite de ce qui sera nécessaire pour la consommation de sa maison et l’ensemencement de ses terres, aux dépens, impression et affiche du jugement : « Considérant, 1°) qu’il résulte du procès-verbal fait dans la commune de Venssat par les commissaires de l’administration du district de Clermont, que la municipalité dudit Venssat, loin de se conformer à l’article XX de la loi du 29 septembre, qui lui prescrit de déférer, sans délai, aux réquisitions des directoires de dépar-temens et de districts, a déclaré, par l’organe du nommé Clément, ci-devant curé et notable, qu’elle ne croyoit pas devoir satisfaire à la réquisition du 24 brumaire, attendu qu’il y en avoit de postérieure et que s’il restoit du grain, elle ne demandoit pas mieux de les toutes remplir; « 2°) Que des dépositions de divers citoyens, consignées au même procès-verbal, il résulte aussi que le pétitionnaire ne s’est refusé aux réquisitions multipliées de la municipalité, que parce qu’elles étoient trop fortes; qu’il a offert d’en donner une mine à chacun, sauf à revenir quand il seroit nécessaire, et qu’en cela, il ne pouvoit encourir la peine de la confiscation, puisque l’article XI de la deuxième section de la loi citée, veut que les manouvriers habitans des campagnes où il n’y a point de marchés puissent s’approvisionner chez les cultivateurs, pour un mois au plus, et que ces réquisitions particulières, émanées de la municipalité, l’em-pêchoient de satisfaire à celle de 400 quintaux pour Clermont : « Déclare nul le jugement du 21 pluviôse dont il s’agit, et ordonne que les bleds, grains et paille confisqués seront restitués, sans délai, au pétitionnaire, sous la responsabilité solidaire du membre de la municipalité de Venssat et du nommé Clément, ex-curé, ainsi que toutes les autres condamnations portées en ce jugement, dépens, frais d’affiche et impression. (1) P.V., XXXVII, 258. Minute de la main de Le-cointre (C 301, pl. 1074, p. 9). Décret n° 9184. Mentions dans C. Eg., n° 637; J. Mont., n° 21.