[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. bromaire an H. 65 w J t 12 nnvftmhrp 1792. Bourdon (de VOise). Je suis de cet avis; mais je pense que cette mesure est susceptible de plusieurs détails qui ne peuvent être em¬ brassés au premier coup d’œil. Je propose le renvoi au comité de Salut public. (Décrété.) Sur le rapport du comité de marine et des colo¬ nies [Gouly, rapporteur (1)], la Convention natio¬ nale décrète mention honorable de l’adresse du commandant de la République à l’île de la Réu¬ nion, annonçant que le plus grand ordre règne dans cette île; que l’abolition de la royauté y a été apprise avec une joie indicible, et que l’arbre de la liberté a été planté dans tous les cantons; décrète aussi l’insertion au « Bulletin », et que l’expédition du procès-verbal sera adressée à cette colonie; renvoie ladite adresse au comité de Salut public, avec invitation de la prendre dans la plus grande considération (2). Compte rendu du Journal de Perlet (3)- Une lettre datée de l’île de Bourbon porte que les habitants y sont à la hauteur de la Ré¬ volution et que, dans tous les cantons, le ser¬ ment a été prêté à la République ( Applaudisse¬ ments.) Le Président annonce qu’un courrier extraor¬ dinaire vient de lui remettre une lettre de Laplanche, représentant, commissaire à l’armée de l’Ouest. Elle porte que presque tous les défen¬ seurs de la patrie ont déjà vu le feu, et sont dans les meilleures dispositions. Les rapports sur le nombre des brigands varient, la plupart le fixent à 15,000; ils sont suivis d’un grand nombre de femmes, d’enfants, de prêtres et de gens de robe qui sont attachés par la terreur à la partie active des brigands. Le fait le plus positif à leur égard est qu’ils meurent de faim, qu’ils pillent avec la même fureur les aristocrates et les patriotes, et qu’ils traitent avec barbarie les membres des autorités constituées qui tombent en leur pou¬ voir. Dans un post-scriptum, Laplanche dit qu’il vient d’apprendre par une lettre de Lecarpen-tier, qu’une colonne des brigands a marché sur Dol et Saint-Malo, et qu’une autre s’est avancée sur Avranches. Lecarpentier craignait pour le fort Saint-Michel, où il avait fait renfermer un grand nombre de prêtres réfractaires. Il les a fait transférer ailleurs sous une sûre escorte de gendarmerie. « J’appelle toute l’indignation de la Conven¬ tion sur la commune de Fougères. Plusieurs scé¬ lérats, habitants de cette ville ont fusillé les dé-fenseurs de la patrie, au moment où ils traver¬ saient dans les rues, et la garde nationale de Fougères était immobile à son poste. Quoique les brigands aient une artillerie formidable, nous n’en serons pas moins victorieux. Je pars demain matin pour Granville, où je trouverai notre col¬ lègue Lecarpentier; là nous nous concilierons (1) D’après le Moniteur universel [n° 54 du 24 bru¬ maire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 219, col. 1] et d’après le Journal des Débats et des Décrets (bru¬ maire an II, n° 420, p. 293). (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 169. (3) Journal de Perlet [n° 417 du 23 brumaire an II .(mercredi 13 novembre 1793), p. 345], lr« SÉRIE. T. LXXIX, pour effectuer la jonction des deux armées. L’armée de l’Ouest aura le temps d’arriver avec celle de Rennes. Nous pouvons essuyer des re¬ vers, mais nous vaincrons. Vive la liberté et la Convention nationale! » A cette lettre est jointe la copie d’un passe¬ port donné à un prisonnier par les chefs des brigands. Sur la proposition d’un membre [Merlin (de Thionville ) (1)], la Convention nationale décrète le renvoi de la lettre de Laplanche au comité de Salut public, et le charge de prendre dans le jour les mesures convenables pour faire atta¬ quer les brigands dans le même moment par toutes les armées combinées, et pour que leur mouvement soit un et simultané (2). » Suit la lettre de Laplanche (3). Le représentant du peuple dans le département du Calvados et près l'armée des Côtes de Cherbourg, aux représentants du pewple à la Convention nationale. « Vire, le 20e jour du 2& mois de l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Citoyens collègues, « Je suis arrivé ici hier au soir de Noireau par des chemins de traverse et une pluie con¬ tinuelle; ce que la route a eu de fatiguant pour la troupe n’a point altéré son ardeur. La ma¬ jeure partie de l’armée a déjà vu le feu, et tous les braves qui la composent n’aspirent qu’au moment de se mesurer avec les rebelles. Nous nous porterons en avant aussitôt que ma jonction avec notre collègue Le Carpentier aura été effectuée, nous donnons respectivement nos soins pour l’opérer le plus tôt possible, et don¬ ner en masse au gré des soldats. « A chaque instant je reçois des nouvelles des points environnant les lieux occupés par les brigands. Les rapports sur leurs forces va¬ rient tellement qu’il est impossible de s’arrêter à tout ce qui se répand à ce sujet; les uns les disent considérables ; d’autres ne les portent qu’à 15,000 combattants ; mais tous s’accordent à dire que leur armée est suivie d’un nombre prodi¬ gieux de femmes, d’enfants, de ci-devant no¬ bles, de prêtres et de gens de robe; et c’est probablement la présence de cette foule d’indi¬ vidus coupables, qui ont cru chercher leur sa¬ lut en suivant la partie active des rebelles, qui détermine quelques patriotes, qui n’auront pas pris la peine de bien observer,� à venir me rap¬ porter à chaque instant que l’armée des re¬ belles est au moins forte de 80,000 hommes. « Une vérité généralement reconnue, c’est qu’ils meurent de faim, et que pour la satis¬ faire ils pillent indistinctement et patriotes et aristocrates : ceux-ci ne sont pas plus épargnés que les premiers. « La haine qu’ils ont vouée aux autorités constituées est toujours la même; tout adminis¬ trateur de département, de district, ou tout of-(1) D’après les journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 170. (3) Archives du ministère de la guerre, armée des côtes de Cherbourg, carton 5/17. ô [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» { SovSnWe 17� 66 ûcier municipal qui tombe entre leurs mains est fusillé. Le maire de Fougères a éprouvé ce sort après la prise de cette ville; il était encore réservé, il n’y a pas longtemps, aux prisonniers qu’ils faisaient; le soldat pris les armes à la main périssait de cette manière, après avoir es¬ suyé avant le coup de la mort, les exhortations d’un prêtre et d’une religieuse qui, la croix à la main, lui promettaient la palme du martyre. Maintenant, après avoir fusillé de suite une soixantaine de nos volontaires sous les yeux de leurs camarades, ils renvoient presque tous leurs prisonniers, parce que probablement ils ne peu¬ vent pas les nourrir; mais ils ne manquent pas, avant de leur rendre la liberté, de les engager à prendre parti parmi eux. « Je vous envoie une permission de se reti¬ rer qui est le modèle de celles qu’ils donnent à tous ceux qu’ils renvoient; ils l’ont remise, ainsi qu’aux autres, à un citoyen qu’ils avaient fait prisonnier, et qui m’a donné une partie des détails que je vous transmets; il est resté assez longtemps avec eux pour avoir observé que le nombre des étrangers égale au moins celui des rebelles français; parmi leur armée il y a re¬ marqué entre autres des Russes, des Polonais, des Allemands et beaucoup de juifs. « Ils occupent toujours Fougères et ses en¬ virons, on ne peut trop déterminer quels sont leurs projets; le Calvados ne les tente pas. S’il était possible cependant d’asseoir une sorte de jugement sur leurs nouvelles tentatives, après qu’ils auront évacué cette ville, on serait porté. à croire qu’ils se dirigeront sur les départements formés de la ci-devant Bretagne, dans lesquels tous les gens instruits s’accordent à dire qu’ils ont conservé des intelligences, ou sur Avranches et Granville. * Je fais, de concert avec le général Sépher, les plans que détermine notre position par rap¬ port à celle des rebelles, j’en transmets les dé¬ veloppements au comité de Salut public. « Le représentant du peuple, « L APL ANCHE. « P. S. J’allais fermer ma lettre lorsque j’ap¬ prends à l’instant par notre collègue Le Car¬ pentier que les rebelles dirigeaient une colonne sur Dol et Saint-Malo et une autre sur Avran¬ ches. On assure la prise de Dol, tandis que d’un autre côté ils ont pris Sainte-Jamès, qui n’est qu’à deux lieues d’ Avranches. Leur projet est de prendre le mont Saint-Michel, dans la vue, sans doute, de rendre la liberté aux prêtres renfermés dans ce fort, et en fanatiser de plus en plus leur armée par cette horde de scélé-• rats. Mais Le Carpentier me mande qu’il vient de les faire retirer de ce fort par la gendar¬ merie. « J’appelle, citoyens collègues, toute l’indi¬ gnation de la Convention et la justice nationale sur la ville de Fougères; plusieurs habitants de cette commune ont eu l’inhumanité de fusiller, à travers les fenêtres, beaucoup de nos frères armés, lorsqu’ils traversaient cette ville pour effectuer leur retraite ; le même sort nous serait réservé ioi, si nous éprouvions un échec, tant la majorité des habitants de cette partie du dé¬ partement du Calvados est éloignée d’être dans les principes républicains; et pendant qu’on les massacrait ainsi, la garde nationale de Fou¬ gères était fort tranquille à son poste. « J’ajouterai encore que les rebelles ont une artillerie si formidable et si nombreuse, qu’ils brisent les canons qu’ils nous prennent, de crainte qu’ils ne les embarrassent. Nous n’en serons pas moins victorieux, citoyens collègues. « D’après un conseil de guerre tenu à l’ins¬ tant entre les généraux Sépher et Tilly, je pars demain matin pour Granville avec le général Vial, à l’effet de concerter, avec mon collègue Le Carpentier, la jonction de nos troupes. Nous couvrirons ainsi les départements de la Manche et du Calvados. Nous presserons les rebelles at¬ tendus de pied ferme par Saint-Malo. L’armée de l’Ouest aura le temps d’arriver avec celle de Rennes pour leur donner le dernier coup de massue, ou les précipiter dans la mer. Nous pouvons essuyer quelques revers; mais la Ré¬ publique sera toujours impérissable. « Vive la liberté et la Convention nationale / « Laplanche. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Le Président. Un courrier extraordinaire vient de me remettre la lettre suivante. (Suit un extrait de la lettre de Laplanche que nous reproduisons ci-dessus d'après un document des Archives de la guerre.) On demande le renvoi au comité de Salut public. Merlin {de TMonville). J’appuie cette pro¬ position, et j’accuse les chefs qui commandaient les postes de Yarades d’avoir laissé passer les brigands. Je demande que le comité de Salut public s’occupe de diriger une action générale de toutes les armées de la République contre les rebelles. Je pense que c’est le seul moyen de terminer une guerre qui ne s’est prolongée que par les trahisons; j’insiste sur la punition des traîtres. Fhilippeaux. La Convention n’aurait pas dû rapporter son décret qui ordonnait l’examen de la conduite de Ronsin et de Rossignol. Je me souviens qu’à cette époque un commis des bu¬ reaux de la guerre me dit que l’on venait de former en vain une Commission, que les géné¬ raux qu’ils protégeaient étaient à l’abri de toute recherche et de toute poursuite, et que l’on saurait bien faire ébouler les despotes assez au¬ dacieux pour former de pareilles Commissions. Clauzel. Je demande que Philippeaux nomme celui qu’il dénonce. Merlin (de TMonville.) Je demande que Phi-lippeaux passe au comité de sûreté générale, qu’il y écrive sa dénonciation, qu’il la signe, et qu’elle soit poursuivie. Le renvoi au comité de sûreté générale est décrété. La lettre de Laplanche est renvoyée au co¬ mité de Salut public. Un membre [Barbeau du Barran (2)], au nom du comité de sûreté générale, fait le rap-(1) Moniteur universel |jn° 54 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 219, col. 2]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 1, page 1, le compte rendu, d’après divers journaux, de la lettre de Laplanche et de la discussion à laquelle elle donna heu. (2) D’après les journaux de l’époque.