449 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 octobre 1789.] «>■ Que le Roi a sanctionné le décret concernant l’intérét de l’argent et celui qui règle plusieurs points importants sur la procédure criminelle ; « Qu’il va faire expédier ces deux lois, les faire sceller tout de suite et qu’il les enverra demain à l’Assemblée nationale.» M. le garde des sceaux a visité lui-même le Châtelet pour accélérer la préparation des locaux, et les adapter aux nouvelles formes, spécialement à l’admission du public. U annonce également qu’il a ressenti une vraie satisfaction en entrant dans la chambre de la question, en pensant que, grâce au zèle et à l’humanité de l’Assemblée nationale, elle n’aura plus lieu. Il ajoute finalement que le Roi a pareillement sanctionné le décret de l’impôt patriotique. M. le Président donne lecture d’une lettre par laquelle M. de Cassini offre, comme don patriotique, un exemplaire de la carte générale de la France en 180 feuilles et un exemplaire de la carte réduite en 18 feuilles. On applaudit au dévouement de ce citoyen et on l’autorise à assister à la séance. MM. Dccrétot, le comte Destutt de Tracy, le duc de Mortemart, de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims, demandent et obtiennent des passeports ; les trois premiers pour une absence de quelques jours, et le dernier pour cause de maladie. M. le marquis de Saint-Afaixant, député de la Haute-Marne , déclare que sa santé J’oblige à donner sa démission : en conséquence, M. le Président est autorisé à lui délivrer un passe-port. La discussion est reprise sur les biens ecclésiastiques. M. l’abbé d’Eymar (1). Messieurs, il est donc vrai que le patriotisme a son ivresse aussi, comme les autres passions; mais tel est l’avantage de celle-là qu’elle prend son origine dans la source la plus respectable, l’intention, et qu’à ce titre des éloges lui sont dus : il faut donc prodiguer à l’intention le tribut mérité; mais ne partageons ni l’illusion qui en est la suite, ni l’erreur injuste dans laquelle elle précipite: posons des principes, discutons-les de sang-froid; établissons des faits réels et prouvés, et vouons-nous surtout à dire la vérité. S’il était démontré que les biens ecclésiastiques n’appartien uent point au clergé, et que la nation en est propriétaire, on nous aurait ravi, on nous ravirait encore une grande satisfaction, attachée à tous les sacrifices faits, et à faire, puisque l’abandon de ce qui n’est point à nous ne saurait être appelé un sacrifice. J’observerai seulementque dans les circonstances où on s’est attendu avec raison à nous voir concourir au bien général de la patrie, où nous avons librement et volontairement au milieu des assemblées élémentaires, prononcé des renonciations qui nous ont mérité le cri et l’expression de la reconnaissance, il n’était pas dans la pensée des Français alors de croire que notre bonne volonté et notre zèle fussent illusoires, et qu’ils eussent à s’appliquer sur des possessions et sur des propriétés dont il fut libre à la nation de dépouiller cette portion de citoyens qui, si elle n’avait pas sa subsistance (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. l’abbé d’Eymar. assignée sur des biens ecclésiastiques, aurait nécessairement à la réclamer sur la masse patrimoniale des autres biens. J’observerai que telle que puisse être la source des dotations de toutes les églises du royaume, tels qu’en aient été jusqu’à ce jour le partage et la division, l’un et i’autre ont eu lieu sous l’empire des lois existantes, qu’il a même été créé un code particulier, consenti, avoué de la nation, pouf régler les différents que cette administration étendue devait nécessairement occasionner dans les variations de son régime, et des tribunaux pour les juger. Mais enfin le temps est venu, dit-on, de déclarer et de consacrer en maxime que la nation étant l’unique et la vraie propriétaire des biens ecclésiastiques, elle peut en disposer à son gré. Il est donc temps aussi, Messieurs, et vous devez nous le permettre, d’interroger votre raison avec toute la franchise de la vérité, et d’éclairer votre justice au flambeau de cette même raison : nous ne nous persuaderons jamais que des motifs aussi puissants, aussi sacrés, soient nuis ou d’un poids indifférent aux yeux de nos concitoyens représentants, ainsi que nous, de la nation française : je leur demande attention et justice, leur urbanité me répond de l’une, et leur équitable droiture doit m’assurer l’autre. Je le répète, Messieurs, c’est avec des principes que je veux défendre notre cause, c’est avec des principes que je crois la faire trioihpher : il est indispensable de n’en pas marquer la série, parce que cette liaison sert de réponse aux conséquences qui n’en dérivent nas. Qu’est-ce que la propriété? C’est la relation morale et politique des hommes, aux choses qui leur appartiennent personnellement, c’est proprement la source de la propriété ; mais la pro-priété est véritablement la possession d’une chose en propre et exclusivement : ainsi l’acte fondamental de la propriété est la possession ; et ce qui la caractérise essentiellement, c’est le droit d’exclure tout autre de la possession du même objet. Une possession commune et indivise forme une copropriété par exclusion de toüs ceux qui sont étrangers à la communauté et à l’indivision. Dans l’origine et suivant les principes du droit naturel, le premier titre de propriété est la possession d’où naît le droit de premier occupant. Avant la formation des sociétés, tout homme sans doute a eu droit de s’emparer des terres et des productions que la nature a mises sous sa main : lorsqu’il s’en est emparé, il les a regardées et les a défendues comme son propre bien contre tout agresseur qui aurait voulu lès lui ravir par violence ou par la loi du plus fort, le premier de tous les despotismes : le propriétaire v oppose la résistance à l’oppression. De là l’état de guerre qui n’a pu cesser parmi les hommes isolés, comme aujourd’hui encore entre les nations séparées, que par des transactions et des traités de paix. Mais l’exécution de ces traités est toujours trop mal assurée, lorsqu’ils ne sont pas revêtus d’une garantie commune, pourvue d’une force supérieure à celle des parties. C’est pour sortir de cet état de guerre, et pour obtenir cette garantie tutélaire que les hommes dispersés se sont réunis en société, et qu’ils ont formé un corps de nation ou un état composé de plusieurs familles régies par le même gouvernement. La forme de ce gouvernement convenue par tous les membres du corps de la nation, est ce