170 [Assemblée nationale.] M. Vernier. Une incommodité assez grave m’ayant empêché de faire ce rapport, je priai M. Lebrun de me remplacer. Le comité des finances fera imprimer incessamment le compte général des recettes et des dépenses depuis le 1er mai 1789 jusqu'il présent; mais j’ai l’honneur de vous observer que les besoins du Trésor public sont si instants qu’il n’est pas possible d’attendre le moment où ce compte général sera soumis à votre examen : si l’on ne peut délibérer actuellement sur toute la somme jusqu’à ce que le tableau vous ait été mis sous les yeux, il faut au moins accorder dès à présent 15 à 20 millions. Les causes de ces demandes, Messieurs, vous les connaissez : Us payements des rentes étaient retardés de 18, 20, 30 mois; il en était de même des pensions et de toutes les charges de la caisse publique. Votre comité en les payant n’a donc fait que suivre le vœu de l’Assemblée et assurer l’exécution de ces décrets sur les anticipations et autres dépenses dont les payements avaient été arriérés par l’ancien gouvernement. Vous avez raison d’exiger un compte général ; mais il est urgent de délivrer provisoirement au Trésor public la somme nécessaire pour qu’on ne soit pas obligé de dépenser le numéraire qui s’y trouve. M. Goupil de Préfeln. Il est bien étonnant que les besoins du Trésor public soient si pressants qu’il ne soit pas possible d’attendre une heure. M. Vernlei*. Veuillez bien saisir leschosesdans leur sens. Je ne vous dis pas de ne pas attendre une heure, mais je dis que comme une heure ne nous apportera pas de changement sur une chose nécessaire, il faut nous accorder ce qu’on demande. M. le Président. Il ne peut être question dans ce moment de votation; nous ne sommes pas 200. Le vœu de l’Assemblée serait contraire, que je m’y opposerais en mon propre et privé nom. M. de Folleville. Tout en demandant l’impression du rapport, j’appuie la dernière proposition de M. Vernier; je crois que les assignais ne seront pas compromis si vous en délivrez pour une valeur de |16 millions, lorsque vous avez un gage de même somme en écus. Je répondrai d’autre part à M. le Président que je ne lui reconnais pas le droit, sans s’arroger une autorité arbitraire, d’arrêter la délibération sur une question quelconque dès qu'il en a laissé entamer la discussion; il aurait pu r< fuser la parole au rapporteur, mais du moment que le raoport a été fait, il ne peut plus empêcher la délibération . M. le Président. Monsieur, si vous aviez été présent au commencement de la séance, vous n’éprouveriez pas le dissentiment d’opiniou que vous venez de manifester. Un long et non interrompu usage a autorisé le président à laisser pasœr au commencement des séances, et bien que l’Assemblée soit alors composée de moins de 200 membres, des décrets formulaires et de peu d’importance; et cet usage est bien légitimé par l’assiduité de nos travaux et par la fréquence de nos séances. Mais quand un rapporteur vient présenter un projet de décret d’une importance 114 février 1791.] générale, qui touche aux grands intérêts de la nation et surtout ayant pour objet les contributions générales du royaume, le président a le droit de dire : Nous ne sommes pas en nombre légal. — Si vous prétendez le contraire, j’ai en-encore le droit d’exiger que l’Assemblée se compte ; je ne crois pas enfin pouvoir mettre à la votation, lorsque l’Assemblée n’est pas à peu près complète, un objet aussi important que celui qui vous est présenté. Au surplus, il est étrange qu’un esprit aussi sagace que celui de M. de Folleville puisse conclure que le président doit laisser délibérer l’Assemblée en nombre illégal, précisément parce qu’il l’a laissée discuter. Je renvoie donc l’objet qui nous occupe actuellement au milieu de la séance. M. Camus, au nom du comité des pensions. Messieurs, je suis chargé par votre comité des pensions de vous présenter un projet de décret pour le remboursement de plusieurs porteurs de brevets de retenue liquidés. A cet égard, je dois répondre à quelques objections qui m’ont été faites. On a dit que votre comité se mêlait de toutes sortes d’objets administratifs et d’exécution, qui ne devraient pas le concerner. Je-réponds que c’est le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, qui vérifie les titres et qui fait la la liquidation sous sa responsabilité. 11 en fait ensuite son rapport au comité qui vérifie l’application de la loi, et soumet les liquidations à la sanction de l’Assemblée. Le commissaire du roi n’en demeure pas moins responsable de son travail, quoique votre comité soit l’organe par lequel il vous le présente. Les fonctions de vos commissaire� se bornent à une simple surveillance ..... Voici le projet de décret : » L’Assemblée nationale, ouï le rapport de sou comité des pensions, qui a rendu compte des vérifications faites par le directeur général de la liquidation. « Décrète qu’en conformité de l’article 3 de la loi du 1er décembre 1790, il sera payé aux porteurs des brevets de retenue dont les noms vont suivre des indemnités qui seront pareillement désignées, avec les intérêts, à compter du jour de la remise et, enregistrement de leurs mémoires et pièces, conformément à l’article 4 de la loi du 9 janvier dernier, savoir : « A Nicolas-Denis-François Brison t, dit de Bar-neville, commissaire des guerres, 70,000 livres, avec les intérêts à compter du 25 janvier 1791. « A Charles-François de Lobel, dit Dalancy, commissaire des guerres, 70,000 livres, avec les intérêts à compter du 14 janvier 1791. A Pierre-Philippe-Clément Lançon , procureur général au ci-devant parlement de Metz, 60,000 livres, avec les intérêts à compter du 21 janvier 1791. « A Louis Thiroux, dit de Crosne, ci-devant lieutenant général de police à Paris, 230,000 livres, avec les intérêts à compter du 20 janvier 1791, à la charge, par chacun des dénommés, de se conformer aux lois de l’Etat, pour obtenir sa reconnaissance de liquidation et le payement des sommes qui y seront portées. » (Ce décret est adopté.) M. Camus. Messieurs, lors du décret que vous avez rendu sur le timbre, vous avez décidé que \ les actes du Corps législatif ne seraient point as-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 171 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 février 1791.] sujettis à cetle formalité ; toutefois, cette décision n’a pas été insérée dans le décret. Je demande donc que, suivant l’intention première de l’Assemblée, vous adoptiez l’addition suivante : « Les actes et expéditions du Corps législatif seront exempts du timbre. » (Cette addition est mise aux voix et décrétée!. M. Camus, au nom des commissaires de l’extraordinaire. M» ssieurs, j’ai à vous rendre compte maintenant de ce qui a été fait à ia caisse de l’extraordinaire. Vos commissaires ont assisté le 12 de ce mois au brûlement, fait en public, de 4 millions d’assignats rentrés à la caisse pour nrix d’acquisitions des domaines nationaux. Vendredi prochain, 18 de ce mois, il sera également brûlé 3 autres millions d’assignats rentrés par la même voie. On ne peut pas en brûler davantage, parce que le travail de décharger les registi es, de constater par des procès-verbaux l’extinction des assignats est très long. Cependant nous croyons parvenir à en pouvoir brûler pour 4 ou 5 millions par semaine. D’autre part, il a été remboursé à la caisse de l’extraordinaire, du 1er au 12 de ce mois, une somme de 13,41 3,757 livres. Le compte général et particulier de toutes les opérations de cette caisse et son état au 31 janvier dernier sont à l’impression depuis plusieurs jours et seront distribués dans le commencement de cette semaine. M. «le Lachèze. J’ai une demande à faire à Monsieur le rapporteur. Je le prie de me dire si, lors des brûlements d’assignats, il se fait un procès-verbal qui constate le brûlement et le numéro des assignats brûlés. M. Camus, rapporteur. Oui, Monsieur, il se fait un procès-verbal de ces brûlements et l’on y joint le numéro des a-signats. Et non seulement on en tient registre, mais encore un de ces registres est déposé à la Bourse où tout le monde peut en prend re connaissance. Cette publicité sera même désormais indiquée sur les affiches qui annonceront les brûlements. M. «le Folleville. Je voudrais qu’il fût fait un tableau comparatif des assignats mis chaque mois en circulation, et de ceux qui rentrent à la caisse de l’extraordinaire. M. Camus, rapporteur. L’objet de la demande du préopinant va être rempli. D’un côté, le comité d’aliénation a arrêté qu’il serait imprimé, à la fin de chaque mois, l’état des biens nationaux vendus aux particuliers, et le prix de ces ventes définitives ; i’état de celles faites jusqu’à ce jour va paraître. D’un autre côté, vos commissaires de l’extraordinaire font imprimer l’état de la caisse de l'extraordinaire, le compte exact et détaillé de ses recettes et de ses dépenses jusqu’à ce jour, l’état de la fabrication des assignats, l’état en masse du papier enfermé dans le coffre à trois clefs, et ils continueront ainsi mois par mois. La nation pourra vérifier toutes les opérations de la caisse de l’extraordinaire, ainsi que celles du Trésor public. M. Camus, au nom du comité des pensions. Plusieurs personnes se sont plaintes de ce que les pensions de 1789 n’étaient pas encore acquittées et que, d’un autre côté, on laissait les pensionnaires dans une trop longue incertitude sur leur sort. Je crois à propos d’annoncer publiquement que les arrérages des pensions échus pour l’année 1789 ont été payés à toutes les personnes qui se sont présentées. Le fait m’a été assuré il y a plus de deux mois par le directeur du Trésor public; ainsi, le premier sujet de plainte n’a plus d’objet. Relativement au sort des pensionnaires, je n’ai pas oublié, Messieurs, que vous avez rendu un décret qui ordonne au comité des pensions de vous présenter incessamment un rapport pour procurer des secours aux pensionnaires dont le sort ne peut pas être fixé définitivement en ce moment. Ce rapport sera lu au comité des pensions ce soir, et immédiatement mis à l’impression; lorsqu’il aura été distribué, nous vous demanderons vos ordres : c’est un document d’une feuille qui ne souffrira pas grand retard. Il en est de même d’un autre rapport de votre comité sur les gouvernements. M. de Ca Rochefoucauld, au nom du comité des impositions. Messieurs, votre comité des impositions m’a chargé de vous présenter un arrêté pris par la société des amis de la Constitution de Loches, qui s’offre à aider gratuitement les municipalités de campagne pour toutes les opérations relatives à l’assiette de la contribution foncière en 1791. Je demande à l’Assemblée de lui faire lecture de ce document : « Du premier février 1791. « La société des amis de la Constitution de Loches, craignant que les officiers municipaux des campagnes ne puissent pas terminer aussi promptement qu’il est à désirer les opérations relatives à l’assiette de la contribution foncière pour 1791 , surtout s’ils sont privés d’avoir, dans l’étendue de leurs paroisses, des propriétaires cultivateurs qui soient en état de concourir à la rédaction des états qui sont exigés, vient d’adresser à toutes les municipalités du district, une circulaire dans laquelle cette société leur offre, à ce sujet, gratuitement ses services : « Vous trouverez, leur » disent ces amis de la Constitution, dans notre » sein, plusieurs membres qui se feront un de-» voir de vous donner tous les éclaircissements » dont vous pourrez avoir besoin, non seulement » dans le lieu de nos séances, mais encore sur » les lieux, où ils se transporteront avec plaisir. » Ils s’interdiront cependant de coopérer en quoi » que ce soit à l’évaluation du revenu net des » térres imposables en 1791, ce qui ne doit » appartenir qu’aux commissaires. Si vous dési-» rez donc, Messieurs, profiter des offres que vous » fait la société, vous voudrez bien lui faire con-» naître vos intentions, en prenant une délibéra - » tion que vous lui adresserez, et l’un des socié-» taires se rendra aussitôt auprès de vous. » (. Applaudissements . ) Messieurs, le comité a cru que l’acte donné par les amis de la Constitution de Loches, acte vraiment patriotique, mérite de votre part une approbation expresse. Je vous demande donc, pour donner à cette société un témoignage de satisfaction, d’ordonner l’insertion de cet arrêté dans le procès-verbal. Voix nombreuses : Oui 1 oui !