[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 août 1791.] 664 soumise n’est point en faveur des législatures contre le roi. Le délai de 2 mois que nous proposons est, au contraire, en faveur du roi contre les législatures. C’est pour ne pas le laisser abandonner au Corps législatif et au peuple dans des moments critiques; il faut, d’autre part, une latitude suffisante, pour qu'il ne soit pas forcé de ne rentrer qu’à la tête d’une armée ; dans le cas où il en aurait levé une, ce ne serait pas vos décrets mais la force qui prévaudrait. Je n’adopte pas la proposition de M. Prieur, tendant à laisser aux législatures le droit de déterminer le délai dans lequel le roi devra rentrer dans le royaume, mais comme nous touchons à une discussion délicate, il faut porter beaucoup de circonspection dans la délibération. Je pense donc qu’il est possible de marier la proposition de M. Prieur avec celle des comités et de dire : « Si le roi ne rentre pas dans le délai fixé par le Corps législatif, qui ne pourra être moindre de 2 mois, il sera censé avoir abdiqué. » ( Marques d'assentiment.) Quant au pouvoir constituant, il concentre en lui seul tout le salut de la chose publique ; il ne peut être entravé en aucune manière, et il a le degré d’autorité nécessaire pour prendre telle précaution qu’il juge convenable. M. Rœderer. Vous avez répondu à l’observation de M. Regnaud ; mais je vois ici une vraie difficulté, c’est de savoir si,’ pendant le temps que le roi pourra être absent, il tiendra toujours les rênes du gouvernement, s’il pourra commander comme chef du pouvoir exécutif; si l’avis des comités était pour l’affirmative, le délai ne pourrait être trop réduit. M. Thonret, rapporteur. Nous croyons qu’en principe, le seul fait de la sortie du roi du royaume, ne le suspend pas un seul instant de ses fonctions ; mais nous pensons aussi que, du moment que la proclamation du Corps législatif est publiée pour l’inviter à rentrer dans le royaume, le pouvoir exécutif doit être suspendu dans sa main. Voilà l’opinion des comités. M. Rœderer. Il faut l’exprimer dans l’article. M. Thoaret, rapporteur. On peut l’y ajouter. (La discussion est fermée.) L’article est mis aux voix avec les amendements de MM. Prieur, Guillaume et Rœderer, dans les termes suivants : Art. 2. « Si le roi étant sorti du royaume n’y rentrait pas après l’invitation qui lui en serait faite par le Corps législatif, et dans le délai qui serait fixé par la proclamation, lequel ne pourra être moindre de 2 mois, il serait censé avoir abdiqué la la royauté. « Le délai commencera à courir du jour que la proclamation du Corps législatif aura été publiée dans le lieu de ses séances ; et les ministres seront tenus de faire, sous leur responsabilité, tous les actes du pouvoir exécutif, dont l’exercice sera suspendu dans la main du roi. » (Adopté.) M. le Président. L’Assemblée nationale a décrété hier que le ministre de la marine serait entendu pour lui rendre compte des mesures qu'il a prises en vue d’assurer l’exécution des décrets des 13 et 15 mai derniers sur les colonies. Quoique malade, M. le ministre s’est rendu hier à l’Assemblée ; mais votre discussion s’est tellement prolongée qu’il lui a été impossible d’être entendu. Il est maintenant ici ; je prie l’Assemblée de vouloir bien l’entendre. M. Thévenard, ministre de la marine , a la parole et s’exprime ainsi : « Je prie l’Assemblée d’excuser ma diction; je n’ai pas l’habitude de parler en public et les ma rins ne sont pas éloquents. » Il donne ensuite lecture du mémoire suivant : « Monsieur le Président, « L’Assemblée nationale, par le décret du 1er février, sanctionné le 11, en arrêtant, qu’il serait envoyé 3 commissaires civils à Saint-Domingue, a eu particulièrement en vue d’accélérer l’organisation de cette colonie, puisqu’elle dit (art. 2,) que l’assemblée coloniale qui aura dû être formée, suivant le décret du 12 février 1790, ne pourra mettre à exécution aucun de ses arrêtés avant l’arrivée des instructions qui lui seront incessamment adressées. « Les 3 commissaires ont été nommés à la fin du mois de mars. « Il leur a été donné connaissante de toutes les pièces relatives aux troubles de Saint-Domingue depuis leur origine, pour qu’ils pussent y puiser des connaissances qui devaient les rendre plus utiles, en attendant qu’ils reçussent les instructions qui devaient être arrêtées chaque jour. C'est alors que les décrets des 13 et 15 mai ont été rendus; et l’Assemblée nationale a cru devoir y joindre, le 29 du même mois, un exposé des motifs qui les lui ont dictés. « Ces décrets, sanctionnés le 1er juin, n’ont été mis en forme et imprimés que quelques jours après; et alors il était entendu qu’ils ne devraient être envoyés qu’avec les instructions dont l’exposé du 29 mai fait mention. « Les mesures prises pour l’exécution de décrets relatifs aux colonies, ont été les mêmes pour toutes celles des îles du Vent et sous le vent, c’est-à-dire, que l’on a tenu prêts depuis plusieurs mois ; « 1° Une frégate à Brest pour transporter les commissaires à Saint-Domingue, avec les décrets et instructions; « 2° Un bâtiment àLorient, pour transporter les commissaires à Cayenne avec lesdits décrets et quelques recrues, ou autres troupes destinées depuis quelque temps pour cette colonie; « 3° Un aviso à Lorient pour porter les décrets et instructions destinés pour la Martinique, la Guadeloupe et Tabago. « Ces bâtiments armés depuis plusieurs mois, dans l’attente des décrets et instructions, m’ont déterminé à écrire, le 8 juin dernier, au comité des colonies pour le prier de presser les travaux relatifs aux instructions destinées pour les colonies, à l’effet de faire partir les commissaires, les décrets et instructions pour ces différents endroits, et de diminuer les frais occasionnés par les bâtiments armés pour le transport dès objets ci-dessus. « J’eus l’honneur de réunir chez moi, le 28 du même mois, quelques membres de l’Assemblée nationale avec les commissaires destinés pour les colonies; et il fut convenu que les commissaires devaient emporter avec eux l’instruction de l’Assemblée nationale, arrêtée le 15 juin. Cette instruction dont on hâtait les copies, et dont les expéditions et les signatures furent retardées