[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { �“�”1793 290 régénérées à Nantes, une société antipopulaire a été dissoute, des conciliabules clandestins appelés chambres littéraires ont été brisés ; les fédéralistes, les feuillants, les royalistes, les accapareurs en tout genre sont sous la main de la justice nationale. Des commissions révo¬ lutionnaires exercent la vigilance la plus active, la justice la plus prompte contre tous les ennemis de la République. L’apostolat de la raison éclairant, électrisant tous les esprits, les élève au niveau de la révolution : préjugés, superstition, fanatisme, tout se dissipe devant le flambeau de la philosophie. Hier, 26 brumaire, la société Vincent-la-Montagne a changé ses séances dans un local plus vaste que celui qu’elle occupait aupara¬ vant. Tous les corps administratifs, une foule immense de citoyens, une grande partie de la garnison ont assisté à l’inauguration qui s’est faite aux cris d’allégresse mille fois répétés de Vive la République! vive la Montagne! Une musique guerrière n’a pas peu concouru à rendre la fête intéréssante. J’ai partagé toute la joie qu’elle inspirait par ma présence. J’ai ouvert la séance par un discours sur le fana¬ tisme et la superstition, et à l’instant le citoyen Minée, naguère évêque et aujourd’hui prési¬ dent du département, a attaqué, dans un dis¬ cours plein de philosophie, toutes les erreurs et les crimes du sacerdoce et a abjuré sa qualité de prêtre. 500 curés l’ont suivi à la tribune et ont rendu le même hommage à la raison. « Un événement d’un autre genre semble avoir voulu diminuer à son tour le nombre des Ïuêtres. 90 de ceux que nous désignons sous e nom de réfractaires étaient enfermés dans un bateau sur la Loire; j’apprends à l’instant, et la nouvelle en est très sûre, qu’ils ont tous péri dans la rivière : quelle triste catastrophe ! « Salut et fraternité. (ï CaBBIEB. )) Les citoyens de Beauvais, la Société républi¬ caine de Salies (1), département de Haute-Ga¬ ronne, la Société républicaine et le comité de surveillance d’Etain (2), la municipalité de Main-tenon, district de Chartres (3), le conseil général du département de la Haute-Saône, la Société républicaine de Mont-de-Marsan et la Société populaire de Douamenez, applaudissent aux tra¬ vaux de la Convention, et l’invitent à rester à son poste. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (4). Adresse des citoyens de Beauvais (5). Les citoyens de Beauvais, à la Convention nationale. « C’est du temple de la Raison, sur son autel, près du feu sacré qui brûle devant elle que les (1) Cette adresse a été insérée ci-dessus p. 284. (2) Ibid. (3; Ibid. (4 , Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 197. (5; Archives nationales, carton C 285, dossier 829. Bulletin de la Convention du 8e jour de la lre dé¬ cade du 3e mois de l’an II (jeudi 28 novembre 1793). citoyens de Beauvais t’envoient l’expression de leur vœu. « Du haut de la Montagne sainte où tu es assise pour le bonheur des Français, tes regards voient la superstition fuir le sol de la France; c’est le fruit de tes glorieux travaux. Ce n’est pas assez, tu dois donner la paix et la liberté au monde, mais c’est du sein de la Convention qu’elles doivent se répandre dans l’univers. « Les citoyens de Beauvais ne te diront pas de rester à ton poste, tu as juré de sauver la France et tu ne jures pas en vain. » (Suivent 503 signatures.) Solennité de la 3e décade de brumaire, an II de la République française ( 1 ). La raison vient enfin, après des siècles d’er¬ reur, rendre à l’homme sa véritable dignité; des imposteurs à gages avaient usurpé un empire que la faiblesse et la corruption des mœurs semblaient devoir perpétuer longtemps. Les derniers événements de la Révolution ont fait tomber le masque de l’hypocrisie, la vérité est venue délivrer les mortels du joug honteux des préjugés. Les fondements de la République sont posés et les vertus ont enfin retrouvé leur empire. Ces charlatans de morale, corrupteurs des résultats de la nature, ont avoué la turpi¬ tude de leur existence; le bandeau qui couvrait le peuple s’est soulevé; l’aurore du bonheur a paru, parce que la révolution s’est accomplie et que l’homme, rendu à sa dignité, a pu un instant calculer sa force et contempler ses destinées. Il était du devoir des magistrats populaires de signaler le jour qui restitue à l’homme la portion la plus précieuse de son existence; ils ont ordonné les dispositions d’une réunion fra¬ ternelle propre à retracer aux souvenirs la destruction du fanatisme, l’anéantissement de la superstition, et l’établissement du règne de la raison. Il a paru utile d’annoncer le moment de la’ vérité; une plus grande solennité caractérisera cette importante époque de notre histoire; tout se dispose pour la préparer; maintenant on brise l’idole de l’erreur pour poser la première pierre du véritable autel de la patrie. Tel est le but et l’esprit de la réunion dont l’ordre suit : A 9 heures du matin du jour de la dernière décade de brumaire, toutes les autorités établies par le peuple se réunissent à la maison com¬ mune de Beauvais. La garde nationale a été avertie et s’est for¬ mée sans armes sur la place commune. Les volontaires de la réquisition du 23 août, les cavaliers de l’escadron de l’Oise, les cavaliers des dépôts stationnés à Beauvais, les vétérans, la gendarmerie nationale, les artistes musiciens se sont également groupés sur cette place, au milieu de laquelle est élevé un énorme bûcher couvert de mitres, de crosses, de chasubles, de croix et de tout l’attirail du fanatisme. Des fanfares se font entendre; on voit des¬ cendre de la maison commune et s’avancer vers (1) Archives nationales, carton C 285, dossier 829, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “93 le bûcher, la Liberté, tenant en main une pique surmontée du bonnet rouge; l’Égalité, figurée par une femme vêtue de blanc et tenant un niveau; la Raison, tenant un flambeau à la main. Ces images des vraies divinités sont entou¬ rées des instituteurs et institutrices condui¬ sant leurs élèves, et des citoyennes vêtues de blanc qui sont invitées à orner cette pompe civique. Arrivés près du bûcher apprêté par la philoso¬ phie, la Raison y met le feu, et les attirails odieux de l’erreur, de la superstition et de l’in¬ tolérance se consument aux cris mille fois répétés de Vive la République ! vive la liberté ! Les citoyens portent néanmoins leurs pas vers le temple de la Raison. Il est établi dans la ci-devant cathédrale; cet édifice avait été élevé pour un culte particulier, maintenu trop long¬ temps par l’hypocrisie afin de favoriser l’am¬ bition, à l’abri duquel les tyrans osaient im¬ punément justifier l’avilissement et méditer froidement l’esclavage des humains. Les autorités constituées se sont toutes mêlées . avec le peuple et les Sociétés populaires; tous les citoyens se sont confondus, les défenseurs de la patrie ont seuls gardé un ordre de marche, image de la discipline et de la subordination des camps, sous l’égide desquels la victoire ne trompa jamais nos étendards. On arrive au temple de la Raison. Il n’y a qu’un instant, on y trompait encore le peuple, on l’avilissait en contraignant son bon sens de céder aux fables absurdes imaginées par des fourbes, afin de commander au nom de l’Etre qui nous fit tous égaux. Des philosophes avaient précédé la marche; ils avaient balayé les immon¬ dices des prêtres, aussi les degrés extérieurs du bâtiment étaient-ils chargés de calottes, soutanes, débris d’ornements, attirails men¬ songers d’un système théocrate, substitué aux bienfaits de l’égâlité, afin de consommer .L’in¬ famie des peuples, et servir les oppresseurs de l’humanité. Dans l’intérieur du temple, on aperçoit un autel simple consacré à la prospérité de la patrie, sur lequel un feu pur, symbole de la généra¬ tion, brûle en l’honneur du premier don de la nature, celui de la Raison. La Liberté, l’Egalité se placent à droite et à gauche de l’autel; la Raison est à côté du feu allumé en son honneur. Les citoyens sont dans le silence le plus religieux. L’étonnement dont ils sont saisis commande leur attention. Un orateur paraît à une tribune; il parle des charmes de la Raison; les citoyens ont à peine entendu ses accents, qu’ils élèvent vivement la voix en criant : Vive la République ! Un hymne à la Raison est chanté et répété avec l’enthousiasme qu’excite une si heureuse régénération. Cependant, d’autres orateurs se succèdent; ils parlent des bienfaits de la Liberté, des dou¬ ceurs de l’ Egalité. Et les mêmes témoignages d’allégresse couronnent les justes réflexions qu’ils présentent à l’assemblée. Des chants patriotiques terminent ce rassem¬ blement civique ; on se sépare enfin, et chacun remporte dans son âme la consolante comparai¬ son des jouissances qu’il vient d’éprouver, avec l’odieux souvenir de l’abrutissement et de la sottise dont on l’avait perfidement rendu le sectaire. L’époux retrouve de nouvelles douceurs dans le sein de ses foyers; le père se repose sur l’espérance du bonheur qui attend ses enfants; 291 le vieillard, courbé sous le poids des ans, se con¬ sole d’avoir vécu, puisqu’il a contemplé le bon¬ heur doses frères; tous bénissent l’Ordonnateur des choses, le Moteur éternel des mondes, et ressentent pour la première fois au fond de leur âme cette jouissance inexprimable que cause au philosophe le bonheur de ses semblables et l’espérance de la liberté de l’univers (1). Adresse du conseil général du département de la Haute-Saône, à la Convention nationale (2). « Citoyens représentants, « Nous avons lu l’adresse qui vous a été pré¬ sentée par la Société des Amis de la liberté et de l’égalité séant aux Jacobins, à votre séance du 23 brumaire. Nous venons vous déclarer que les principes de ces sans-culottes sont aussi les nôtres et que nous adhérons à toutes les demandes qu’ils vous ont faites. « Oui, représentants, les Jacobins, nos amis, vous ont dit la vérité; oui, les ennemis inté¬ rieurs, les fédéralistes et ceux qui les soutien¬ nent ont déjà cherché à comprimer les mesures révolutionnaires que vous avez adoptées. « Déjà ces vils animaux suspects, séquestrés de la société, comptaient sur un triomphe pro¬ chain, nous sommes assurés que certains d’entre eux criaient du fond de leurs prisons que dans peu ils auront leur tour et que les patriotes seront sacrifiés. « Quel est donc cet espoir? Quels sont donc ces hommes assez lâches pour promettre encore protection à des scélérats qui ont fait tous leurs efforts pour détruire la liberté? S’en trouve¬ rait-il encore parmi vous? Oui, il existe encore des traîtres jusqu’au sein de là Convention ! Qu’attendez-vous, représentants, de chasser de votre sein tous ces mandataires perfides, qui ont trompé et peut-être vendu les intérêts du peuple? Qu’ attendez-vous de livrer au tribu¬ nal révolutionnaire tous ceux d’entre eux qui sont convaincus d’avoir favorisé le fédéralisme et les projets des tyrans : qu’ils disparaissent tous du sol de la liberté. Ce sont nos plus cruels ennemis, nous demandons, leur punition. « Nous demandons que la Convention s’oc-cupe enfin de l’examen de la conduite d s fonc¬ tionnaires destitués; nous demandons aussi que les mesures révolutionnaires ne soient modifiées qu’après une paix générale; mais nous deman¬ dons surtout que la Convention déclare à ses délégués dans les départements, que son inten¬ tion n’est pas qu’après avoir destitué des fédéralistes, ils les rétablissent dans leurs fonc¬ tions sur des protestations de civisme, car ce serait porter le plus grand coup à la République que de remettre de nouveau ses intérêts en des mains 'aussi perfides, ce serait anéantir l’effet des mesures énergiques sorties du sein de cette Montagne sacrée que nous révérons. Redonnez donc à vos délégués, citoyens représentants, toute la force et l’ énergie nécessaires pour résister à toutes les demandes qui leur sont faites par les destitués et par les gens suspects. Tous . (IJ A Beauvais, de l’imprimerie de P. C. D. Des¬ jardins,- imprimeur du département de l’Oise. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier R20.