(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 février 1791.) 49I du département de l’Eure, et du procès-verbal de l’élection et proclamation de M. Licdet, curé delà paroisse de Sainte-Croix de Bernay, député à l’Assemblée, à l’évêché de ce département. La même lettre annonce que M. Antoine-Claude de Morceng, juge-président du tribunal du district de Pont-Audemer, a été élu membre du tribunal de cassation, et M. Louis-Jacques Sa-vary, homme de loi, administrateur du département de l’Eure à Evreux, son suppléant. MM. Expilly, évêque du département du Finistère, et Marolles, évêque du département de V Aisne, sacrés ce matin dans la chapelle de l’Oratoire, par MM. l’ancien évêque d’Autun et les évêques de Lydda et de Babylone, entrent dans la salle, revêtus des marques de leur dignité ecclésiastique. Us sont accueillis par de nombreux applaudissements. M. le Président. J’ai reçu de M. le mini-tre de la guerre la lettre suivante, relative au départ de Mesdames , tantes du roi : « Monsieur le Président, plusieurs papiers annonçant que l’Assemblée nationale a décrété hier qu’il serait demandé au ministre de la guerre s’il a donné des ordres aux chasseurs de Lorraine de marcher vers Muret, je crois de mon devoir de ne pas attendre que ce décret m’ait été officiellement adressé, pour déclarer que je n’ai donné aucun ordre aux chasseurs de Lorraine, et que je n’ai pris aucune espèce de part à ce qui s’est passé à Moret. J’ai l’honneur de vous prier, Monsieur le Président, de vouloir bien en informer l’Assemblée nationale. « Je suis avec respect, etc. « Signé : DU PORTAIL. » M. de Mirabeau. Monsieur le Président, je demande si le décret qui a été l’occasion de ia lettre du ministre de la guerre dont ou vient de nous donner lecture, ne tend qu’à savoir si l’ordre qui a occasionné l’incroyable invasion des chasseurs de Lorraine est contresigné par le ministre de la guerre. Si, dis-je, le décret n’énonce que celte interrogation, je demande qu’il soit amplié. La lettre de M. Du Portail nous apprend seulement que le ministre de la guerre n’a pas donné d’ordre ; nous devons connaître celui qui a donné l’ordre. C’est là ma réflexion. (Applaudissements.) M. Le Déist de SSotîdoux. Je demande que le comité des recherches nous fasse samedi prochain le rapport de l’affaire de Moret. M. de Mirabeau. Ce n’est pas le comité des recherches qui peut répondre à cette question : il fera le rapport qui lui a été enjoint, mais cette question ne peut être faite qu’au gouvernement. Le gouvernement doit répondre et je fais la motion expresse qu’il soit interrogé officiellement. M. de Montlosier, de sa place. Je demande la question préalable sur la motion faite par M-de Mirabeau. ( Violentes interruptions.) Voie v nombreuses ; A la tribune ! M. de M ou tf osier, à la tribune. Je [demande la question préalable sur la motion de M. de Mirabeau, et je pense, Messieurs, qu’il est inutile de demander quels sont ceux, dans le ministère, qui peuvent avoir donné des ordres pour faire accompagner Mesdames, tantes du roi. Il n’est pas besoin d’ordres... (Murmures à gauche.) Je crois, Messieurs, qu’il n’est pas nécessaire de donner des ordres dans de pareilles circonstances, et je suis persuadé que tout ce qui existe de braves militaires dans le royaume, attachés au roi et à la famille royale, se seraient empressés de leur donner tous les secours et toutes les marques de respect, de zèle et de dévouement qui dépendent d'eux. Je demande donc la question préalable. M. d’André. J’appuie la motion proposée par M. de Mirabeau et je m’expii jue. D’abord, je m’oppose à la question préalable demandée par M. de Montlosier, en ce qu’il n’a pas saisi le véritable point de la question. Appa-remm mt ie préopinant n’était pas hier à l’Assemblée quand on a lu le procès-verbal de la muni ipalité de Moret; il résulte de ce procès-verbal que les portes de cette vil e ont été forcées par environ cent chasseurs de Lorraine qui ont avancé dans la ville au galop et les armes hautes contre les citoyens. Or, il est certain que ce fait ne peut être justifié par personne : il ne s’agit pas là d’accompagner, d’escorter, de défendre, de protéger ; il s’agit d’une infraction à toutes les lois. Voilà, certes, un attentat dont il faut connaître les auteurs pour les punir! Autrement, si vous autorisiez, par votre silence, les troupes de ligne à se porter avec leurs armes contre les citoyens, la Constitution serait impunément violée, la liberté publique anéantie ; il n’y aurait plus de sûreté en France. Puisque le ministre de la guerre dit n’avoir pas donné d’ordres, il faut savoir quelles sont les personnes qui eu ont donné. Les éclaircissements présentés par le comité pourront fournir quelques renseignements qui conduiront à connaître l’auteur de ce fait ; mais il est indispensable que l’Assemblée le sache. C’est pourquoi je demande que M. le Président se retire par devers le roi pour lui demander le nom de celui qui, contre toutes les lois, a donné aux chasseurs de Lorraine l’ordre d’eutrer dans la ville de Moret. M. Eoucault-Eardimnlie. Ce ne peut être que le capitaine des chasseurs qui a donné l’ordre. M. de Montlosier. C’est parce que j’étais parfaitement instruit de ce qui s’était passé à Mmvt que j’ai demandé la question préalable sur la motion de M. de Mirabeau. Messieurs, le résultat de ce dont on a instruit officiellement i’A-semblée nationale, est que les troupes de ligne ont protégé le passage de Mesdames contre les mouvements séditieux de la plus vile populace. Elles ont maintenu le serment qu’elles ont fait de protéger tous les citoyens et, à plus forte raison, des princesses attachées au roi par les liens du sang; c’est leur devoir seul qui les a guidées. Nous savons que le premier mouvement des troupes de ligne a été de dissiper des attroupements séditieux de la plus ba-se classe du peuple. La plus forte raison pour prouver qu’oa n’a pas forcé de porte, c’est qu’il n’y en a pas. J’insiste sur la question préalable et je de- 492 [Assemblée nationale.] mande qu’il soit voté des remerciements et des hommages po ;r ceux qui ont protège Mesdames. M. de FoUeville. La proposition de M. de Mirabeau est prématurée et pourrait avoir des conséquences affligeantes et contraires au vœu de la Constit tion. La Constitution veut la responsabilité, l’officier qui commandait est responsable; lors du compte qui vous sera rendu de cette affaire, vous exercerez la responsabilité. M. Foucault-Lardimalie. J’ai des vues différentes de celles du préopinant. Je ne m’oppose point à la motion de M. de Mirabeau, mais je réclame contre une erreur grave qui s’est glissée dans cette discussion. M. d’André vous a dit que les chasseurs de Lorraine étaient entrés àMoret les armes hautes; le procès-verbal de la municipalité dit simplement qu’ils y sont entrés les armes à la main. Il n’y est pas dit pour cela qu’ils aient commis aucun délit, et la position de toute troupe en corps est toujours d’avoir les armes à la main. M. l’abbé Maury. Je demande la parole. M. de Mirabeau. A entendre la manière dont on attaque ma motion, il semblerait que j’ai demandé à l’Assemblée nationale de préjuger la ca »se des chasseurs de Lorraine et de punir, avant aucune information préalable, l’officier qui les commandait. Je n’ai rien demandé de cela. M. Foucault-Lardimalie. Ce n’est pas moi qui ..... M. de Mirabeau. Messieurs, lien n’est plus clairement déterminé par la Constitution que l'inviolabilité d’un territoire. Chaque territoire a constitutionnellement un pouvoir administratif qui répond du respect dû aux lois dans sa juridiction . Certainement je crois que personne n’appuiera l’étrange doctrine avec laquelle M. de Montlosier voudrait vous conduire à voter des remerciements pour l’invasion du territoire de Moret. M. de Montlosier. C’est mon avis. M. de Mirabeau. Une violation de territoire vous a été dénoncée, non par cUs bruits publics, mais par un procès-verbal, par une pièce légale; vous avez déjà statué, dans votre décret d’biér, que ce fait serait éclairci. Quel est à présent le fait à éclaircir ? C’est de savoir de quelles mains est parti l’ordre, incontestablement inconstitutionnel, qui vous est dénoncé. On vous a dit que vous aviez un moyen bien simple et que l’officier qui commandait le déia-chement est responsable. S’il fallait disputer de doctrine, je répondrais que la responsabilité va toujours en haut et non en bas ; et, si l’on insistait, je dirais que l’officier qui commandait ne doit pas être responsable, mais que le seul responsable doit être le premier qui a donné la première impulsion. Par la mesure que je propose, je soutiens que vous ne préjugez rien, pas même l’invasion du territoire; je demande seulement qu’on s’assure du nom du donneur d’ordre qui se trouve incriminé dans la municipalité de Moret. Cette demande est irréfusable. D’ailleurs, le décret rendu hier va nous mettre d’accord; tout y est prévu. En effet, l’Assemblée 124 février 1791.] a décrété de demander au ministre de la guerre quel est celui qui a donné aux chasseurs de Lorraine l’ordre de marcher sur Moret. Le ministre de la guerre s’est justifié en répondant que ce n’était pas lui ; mais ce n’est pas assez : il n’a pas éclairci le fait ; il faut qu’il recherche et qu’il nous dise qui a donné cet ordre. Tout est donc bien prévu et je demande de passer à i’ordre du jour. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. de Mirabeau. Je demande que votre énonciation soit celle-ci ; « L’Assemblée nationale, considérant que le décret qu’elle a rendu hier a imposé l’ordre suffisant pour connaître celui qui a signé J’ordre et contre lequel ou a porté plainte, passe à l’ordre du jour, après l’observation qui lui en a été faite.» M. l’abbé Maury. Je demande la parole. (La discussion est fermée.) M. le Président. Je vais mettre aux voix la motion de M. de Mirabeau. (La motion de M. de Mirabeau est décrétée.) M. le Président. Je viens de recevoir, à l’instant, de M. le ministre de l’intérieur la lettre suivante, relative à l’arrestation de Mesdames, à Arnay-le-Duc : « Monsieur le Président, le roi m’a ordonné d’informer l’Assemblée nationale que Mesdames, tantes de Sa Majesté, ont été retenues à Arnay-le-Duc.il a été dressé à cette occasion, par la commune d’Ar-nay-le-Duc, un procès-verbal qui contient les motifs sur lesquels cette commune a cru pouvoir se fonder ; et Mesdames ayant écrit à M. le Président de l’Assemblée nationale pour lui faire part de cette circonstance. « Le roi me charge de vous adresser la lettre de Mesdames, ainsi qu’une expédition du procès-verbal de la commune d’Arnay-le-Üuc, pour que vous puissiez en donner connaissance à l’Assemblée nationale. « Le roi ne peut regarder l’obstacle que Mesdames éprouvent, que comme un acte conlraire à la liberté qui est assurée à tous les citoyens, et dont Sa Majesté pense que, dans l’état actuel des choses, Mesdames ne peuvent être privées. « Sa Majesté, qui doit protéger également la liberté de tous, désire donc que l’Assemblée nationale prenne les mesures nécessaires pour lever les doutes d’après lesquels la commune d’ Arnay-le-Duc a cru devoir retenir Mesdames. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, « votre, etc. « Signé : de Lessart» . Lettre de Mesdames. « Arnay-le-Duc, le 22 février 1791. « Monsieur le Président parties de Bellevue avec une permission et un passeport du roi, et avec une délibération de la municipalité de Paris, qui constate le droit que nous avons de traverser la France, nous sommes aujourd’hui arrêtées à Arnay-le-Duc, malgré le vœu de la municipalité et du district, sur les raisons éooncées dans le procès-verbal que nous avons l'honneur archives parlementaires.