[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mars 1791.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-DE NOAILLES. Séance du vendredi 4 mars 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. de Sillery, secrétaire , fait lecture des procès-verbaux des séances d’hier au matin et au soir, qui sont adoptés. M. Hébrard. Je prie l’Assemblée de charger son comité de Constitution de lui proposer une décision sur la contest tion qui divise en ce moment Àuriüac et Saint-Flour, au sujet de la fixation de celui des deux endroits où doit se faire la nomination de l’évêque, et celle du membre du tribunal de cassation. D’après votre décret sur l’alternat, la prochaine session électorale devrait se tenir à Saint-Flour ; mais l’impossibilité de faire une élection libre dans cette ville, inaccessib e par les neiges, et que l’on ne saurait regarder que comme une des bizarreries de la nature, s’oppose à ce qu’en ce moment le tour de l’alternat soit suivi. Je demande que le comité fasse, demain matin au plus tard, le rapport de cette affaire. (Cette motion est décrétée.) M. de Dortan. Je suis chargé de vous rendre compte des vexations qui s'exercent dans la ci-devant province de Franche-Comté : les gardes nationaux de Dôle obligent les prêtres à monter la garde. Il y a quelques jours, vous avez décrété que tout homme âgé de 60 ans serait exempt du service personnel; je demande que vous décidiez pareiliemeut que les prêtres en sont exempts. J’ai encore à vous entretenir d’un autre objet intéressant. Dans la ville ue Pontarlier, on arrêrn tous les voyageurs; on conli-que le numéraire qu’on trouve sur eux et on leur laisse ensuite la liberté d’émigrer. La preuve de ce que j’avance, c’est que le 11 février dernier, un citoyen du Canton, muni d’un passeport de la municipalité, allait en Suisse avec son épouse, pour y passer quelque temps ; la municipalité de Pontariier l’a arrêté : on l’a fouillé et, après lui avoir pris 200 louis qu’il portait sur lui, on l’a laissé libre de continuer sa route. Un membre à gauche : Le plaignant oublie de dire que les 200 louis ont été officieusement changés pour des assignats, afin que le voyageur fût moins incommodé du poids de sa somme, ce qui n’est pas une grande offense. (L’Assemblée renvoie au comité de Constitution la plainte relative aux ecclésiastiques de Dôle.) M. Bouche. Je propose que l’Assemblée charge son comité des monnaies de lui proposer, dans trois jours, une loi qui statuera « où, par qui, et devant qui », les matières d’or et d’argent, provenant de l’argenterie des églises, seront pesées, et les lieux où il seia dressé procès-verbal du poids et prix de ces matières, ainsi que les per-637 sonnes qui seront chargées de rédiger ce procès-verbal. (Cette motion est décrétée.) M. Mïougins de Roquefort. L’Assemblée, par ses précédents décrets, a autorisé l’établissement de la juridiction des prud’hommes patrons pêcheurs, dans toutes les villes et lieux maritimes qui en formeraient la pétition. Je n’ai pas besoin de rappeler en ce moment les motifs de cette institution bienfaisa t te et salutaire ; je demande seulement que les patrons pêcheurs de la vi le de Cannes, district de Grasse, département du Var, soient autorisés à jouir du bienfait de la loi. Voici, en conséquence, le projet de décret que je vous propose ; « L’Assemblée nationale, en conformité de son décret nu 9 janvier' dernier, décrète que la juri-d ciion des patrons pêcheurs de la ville de Cannes, district de Grasse, département du Vaif" est confirmée définitivement. » (Ce décret est adopté.) M. Lanjuinais, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif à la réduction et à la nouvelle circonscription des paroisses de Nantes et de Clisson. Ce projet de dé ret est ainsi conçu : L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, des procès-verbaux des directoires des districts de Nantes et de Clisson, et du directoire du département de la Loire-Inférieure, concernant les réduction et circonscription des églises paroissiales des villes et faubourgs de N mies et de Clisson, en date des 1, 7, 8, 9, 10, 11 et 24 février dernier, et des sommations d’y concourir faites les 4 et 14 dudit mois à M. l’évêque de Nantes, décrète : Art. lw. « Il y aura 8 paroisses dans la ville et les faubourgs de Nantes; savoir : 1° la paroisse cathédrale, sous l’invocation de Saint-Pierre ; 2° les paroisses de Sainte-Croix ; 3° de Saint-Jacques; 4° de Saint-Nicolas; 5° de Notre-Dame; 6° de Saint-Similien ; 7° de Saint-Clément et 8° de Saint-Donatien. Art. 2. « Lesdites paroisses seront desservies dans les églises indiquées au procès-verbal du directoire du département, et auront les limites énoucées dans ledit procès-verbal. Art. 3. « Les autres paroisses de la ville et des faubourgs de Nantes sont supprimées. Art. 4. « L’église de Toussaint et l’église qui formait la chapelle des capucins de l’Hermitage, seront conservées comme oratoires ou chapelles de secours ; la première, de la paroisse de Suint-Jacques; et la seconde , de la paroisse de Notre-Dame ; les curés desdites paroisses enverront , les dimanches et fêrns, chacun un de scs vicaires, célébrer, dans les li es chapelles, l’oifice divin, et y faire des instructions publiques, saüs pouvoir y exercer les fonctions curiales. Art. 5. « Les paroisses de la Trinité, de Saint-Jacques, 42 (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 1" Série. T. XXIII. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mars 1791.] et la Madeleine de la ville de Clisson, sont supprimées et réunies en une seule, qui sera desservie dans l’église de Notre-Dame de ladite ville ; les faubourgs de Saint-Anioine , la porte Pal-quaire, la Grenauderie, le bourg Cornu, et la portion de la paroisse de Saint-Georges, enclavée entre les rivières de Sèvres et de la Moine, sont démembrés des paroisses dont ils dépendaient, et réunis à ladite paroisse de Notre-Dame. Art. 6. « L’église de la Trinité de Clisson sera conservée comme oratoire ou chapelle de secours de ladite paroisse de Notre-Dame ; le curé de cette paroisse enverra, les dimanches et fêtes, l’un de ses vicaires célébrer le service divin, et faire les instructions nécessaires dans ladite chapelle ; mais ledit vicaire n’y fera point de fonctions curiales. » (Ce décret est adopté.) M. Einmery, au nom du comité militaire, Messieurs, depuis le commencement de la Révolution, un grand nombre d’officiers en pied et de remplacement ont quitté leurs drapeaux sans permission légale et n’ont pas reparu dans leurs corps respectifs depuis cette époque. Des capitaines de réforme ont été appelés par le roi pour remplir ces places qui étaient restées sans chefs et ont servi constamment et avec un zèle qui mérite l’attention de l’Assemblée. Beaucoup de ces braves militaires, à qui il ne manquait que d�s quartiers pour être gens à talents, demandèrent du service dans l’expédition d’Amérique; ils se comportèrent avec distinction pendant le cours de la guerre, mais la paix fut proclamée ; ils revinrent en France et furent remplacés par des nobles. Ils s’adressèrent alors aux puissances étrangères qui les accueillirent et leur confièrent des postes importants. Aujourd’hui que d’injustes préférences ne souillent plus le choix qui doit élever les hommes de mérite aux différentes places de l’Empire, ils demandent à servir leur patrie et à lui consacrer leurs talents et leur vie. Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les capitaines en pied et les capitaines de remplacement qui n’auront pas rejoint leur régiment depuis le 1er octobre 1789 jusqu’au 1er janvier 1791, sans avoir eu de congé ou une permission légale, ne seront point susceptibles d’obtenir des places d’aides de camp. Art. 2. c Les capitaines, dits de réforme, qui auront été employés par le roi dans l’activité de leur rade, en 1789 et 1790, sont déclarés susceptibles 'obtenir des places d’aides de camp ; mais pour le premier choix seulement. Art. 3. « Les Français qui, sous l’ancien régime, ont été exclus des emplois militaires, parce qu’ils n’étaient pas nés nobles, mais qui, ayant servi la cause de la liberté en Amérique aussitôt que l’armée française y est arrivée, et, conjointement avec elle, ont obtenu un grade d’officier supérieur chez quelque puissance étrangère, amie de la France, seront susceptibles d’obtenir des places de l’armée qui sont à la disposition du roi, et concourron t avec les officiers du grade immédiatement inférieur à celui qu’ils avaient chez la puissance amie, pourvu toutefois qu’ils aient manifesté, avant lVpoque du 1er janvier de la présente année, l’intention d’ent er au service de leur patrie ; ce qui sera constaté par un état nominatif, qui sera remis dans 3 jours par le ministre de la guerre, pour rester annexé au présent décret, lequel ne pourra s’appliquer qu’aux personnes comprises dans cet état. » (Ce décret est adopté.) M. Roussillon, au nom du comité d’agriculture et de commerce. Messieurs, dans votre séance du 1er mars, au soir, vous avez renvoyé à votre comité d’agriculture et de commercé l’article suivant qui vous avait été présenté : « Ne seront réputés bâtiments nationaux que ceux construits en France, commandes par des Français, et dont au moins les deux tiers de l’équipage seront composés de Français. » Sur les observations de MM. Gurat et Castelia-net, votre comité a examiné de nouveau cet article. Il a appelé dans son sein les députés de Bordeaux, Nantes, Saint-Malo, Marseille et autres villes maritimes : tous sont convenus que la manufacture de navires est une entreprise des plus intéressantes et qui mérite le plus votre protection et des encouragements, et c’est d’après leur avis que nous vous proposons d’adopter l’article tel qu’il vous avait été présenté tout d’abord, et de décréter en plus la prohibition de tout navire de construction étrangère. Vous vous occupez, tous les jours, Messieurs, de pourvoir aux besoins des pauvres; je pense que votre première attention doit être de leur donner du travail, et vous ne pouvez pas donner un plus grand secours à la classe des citoyens pauvres qu’en fournissant des travaux sur les bâtiments de construction française, en encourageant vos constructeurs dont les talents sont enviés parles nations étrangères. Nous avons un grand nombre de bras oisifs qui demandent à être occupés et qui attendent avec impatiente le décret bienfaisant qu * je vous propose. Nos ports sont pleins de vaisseaux que les étrangers vous ont construits à gran is frais et au détri rn*-nt de l’industrie nationale. Il est temps de faire c sserces abus qui arrachent aux ouvriers leur subsistance et à la nation son numéraire, et qui font émigrer tant d’ouvriers utiles que nous avons lant d’intérêt de retenir parmi nous. On vous a dit que vous n’avez pas de bois de construction. Je réaonds que les Hollandais n’en ont pas, qu * les Anglais eu ont bien moins que vous; ils ont l’att niion de le cher ber dans le Nord; iis gagnent le fret; ils font des échanges utiles. Isni o is leur exemple, et nous donnerons une plus grande activité à no!re marine marchande; nous occuperons plus de matelots, nous ferons gagner à nos ouvriers la main-d’œuvre que nous payons actuellement aux étrangers. D’après ces considérations, le comité persiste à maintenir l’article tel qu’il vous a été présenté et il vous demande d’ajouter qu’à l’avenir tout navire de construction étrangère sera prohibé. Il vous propose, en conséquence, de décréter que : « 1° Ne seront réputés bâtiments nationaux que ceux construits en France, commandés par des Français et dont au moins les deux tiers