[Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.J 269 DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 FÉVRIER 1791- ADRESSE présentée à l'Assemblée nationale par la majorité des sections de Paris. Le drapeau de la liberté n’est point encore arboré sur tous les murs français; il est des villes, au delà des mers, qui tiennent à cet Empire, qui renferment des esclaves et des tyrans ; et quand des millions d’hommes sentent déjà l’heureuse influence de vos décrets, quelques malheureux, épars dans nos colonies, restent encore opprimés sous la verge infatigable du despotisme. Le sieur Jobal, commandant de l’île de Tabago en l’absence de M. de Dillon qui en est le gouverneur, est un de ces hommes que nous pourrions dénoncer comme effrayés du cri qui proclama la liberté, de ce cri qui demanda avec tant de force qu’il n’y eût plus de maître que la loi. . . et c’est aussi lui que nous vous dénonçons. Il a proscrit de Tabago tous les citoyens *qui, en admirant votre sagesse, puisaient leur conduite dans vos décrets. Nous avons trouvé la preuve des délits graves, des délits publics qui ont compromis l’honneur de la nation française, insulté l’étendard de la liberté et attaqué dans ses fondements la Constitution. La colonie de Tabago, depuis sa conquête, est restée sous le régime des lois anglaises et soumise à nos principes d’administration. Oubliée par le ministre, elle aurait ignoré vos décrets si les nouvelles de différents ports des îles voisines ne lui eussent appris ce qui se passait en France. Le sieur Jobal commandait alors dans cette île pour faire exécuter la loi, et chaque jour il l’enfreignait; il opposait sa seule volonté aux lois qu’il ne devait pas même interpréter; la justice parvenait quelquefois à dicter ses arrêts, mais bientôt il en suspendait l’exécution ; 2 officiers publics sont emprisonnés pour l’avoir invoquée en faveur d’un opprimé; un arpenteur, accusé du crime de faux et interdit légalement par les tribunaux, est rétabli par l’autorité de ce commandant, pour donner lieu à un nouveau crime. Ne respectant pas même les bienséances, il se transporte chez le trésorier de la colonie, à la tête de 4 fusiliers, et lui enlève une pièce de comptabilité qui appartient exclusivement à son collègue l’ordonnateur. Il ne souffre pas qu’un homme condamné par les premiers juges en appelle aux seconds, c’est-à-dire qu’il veut des juges et qu’il n’en veut pas ; ainsi, par cet acte de despotisme le plus insensé, il prouve lui-même que les premiers juges étaient à sa dévotion. Il commande pour protéger les citoyens, pour assurer à tous leur état et leur propriété, il est le premier à les leur enlever, et lorsqu’un homme de loi réclame contre une pareille tyrannie, il lui défend d’exercer ses fonctions, sous prétexte qu’il ne doit compte de sa conduite qu’au roi, c’est-à-dire au ministre. 7 familles indiennes sont dépouillées du terrain dont il avait lui-même confirmé la propriété sous la protection spéciale du roi ; d’un terrain qu’elles avaient défriché, sur lequel elles avaient construit leurs habitations; d’un terrain dont elles étaient en possession avant que l’île de Tabago fut réunie à la France. Tel est l’empire qu’exerce le sieur Jobal, depuis qu’il a entre les mains les rêoes du gouvernement. Au moment que des citoyens de Tabago, animés du même esprit qui transportait et électrisait toute la France, se forment en assemblée patriotique, c’est un crime aux yeux du sieur Jobal de porter des cocardes, de recevoir, pour la nation, pour la loi et pour le roi, le serment des citoyens et des soldats; ceux qui excitent le plus son indignation sont les président, vice-président et secrétaire de cette assemblée. Nous ne nous arrêterons pas, Messieurs, à vous faire ici une peinture circonstanciée des crimes détaillés dans les mémoires du sieur Bosque, présentés à l’Assemblée nationale, et dans le rapport des commissaires de la section de la bibliothèque, et que nous avons vérifié sur les originaux; mais quand le sieur Jobal, ayant fait condamner par un tribunal de sa création le sieur Bosque à 6 mois de prison, à une heure de carcan, le tire de son cachot, au bout de 6 semaines, pour lui donner l’option du carcan ou de l’exil. vous attendez-vous que, refusant de le laisser passer dans une colonie française, par un raffinement de cruauté, il le fera jeter à la pointe de la Trinité espagnole, sur une plage déserte, où il n’a d’autre compagnon qu’un meurtrier anglais et la triste perspective d’habiter parmi les sauvages de cette contrée. Nous devons, Messieurs, vous montrer ces sauvages embarqués dans un frêle canot, bravant les flots orageux, pour conduire au port un infortuné. Ces sauvages, qui transportent ainsi l’opprimé pour l’opposeraujourd’huià son oppresseur, nous semblent tellement conduits par la Providence que nous croyons devoir nous arrêter sur ce tableau. Cette même Providence, qui ne laisse rien d’impuni, amène encore sur cette terre éclairée des rayons de la liberté, les président, vice président de l'assemblée patriotique de Tabago, et autres victimes de l’autorité arbitraire du sieur Jobal, pour réclamer la justice que tous les Français ont droit d’attendre de l’Assemblée nationale. La majorité des sections de Paris vous supplie, en conséquence, Messieurs, d’ordonner: 1° Le renvoi de cette affaire devant les commissaires pris dans votre sein, pour, sur les mémoires et pièces qui leur seront fournis, vous en faire leur rapport, et vous mettre en état, dans le plus court délai, d’ordonner et de décréter ce qu’il appartiendra, en ce qui intéresse la nation ; 2° De décréter que le roi sera supplié d’envoyer un autre officier à Tabago, pour remplacer le sieur Jobal, lequel sera mandé pour rendre compte de sa conduite ; 3° D’indiquer à quel tribunal le sieur Bosque, les président, vice-président jde rassemblée patriotique de Tabago, et tous les autres habitants de cette île, s’adresseront pour faire statuer et prononcer sur ce qui leur est personnel et obtenir prompte et brève justice. Signé : M. À. Bourdon-Vatry, commissaire de la section du faubourg Saint-Denis. J. B. Laffite, commissaire de la section de l’Observatoire. Alletz le jeune, commissaire de la section Grange-Batelière. Bonvalet, commissaire de la section des Lombards. 210 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 118 février 1791. Chappion, président et commissaire de la section des Termes de Julien. La Rivière Semur, commissaire de la section de la Bibliothèque. Roland-Huguet, commissaire de la section des Gobelins. Bourderelle, commissaire de la section de la Place royale. Quiret, commissaire de la section des Quatre-Nations. Adam, commissaire de la section de Popincourt. Leroy, commissaire de la section de l’Ile Saint-Louis. Gardon, commissaire de la section Poissonnière. Fauché, commissaire de la section des Gravil-liers. L. Lanelle du Mesnil, commissaire de la section du Temple. Desvieux, commissaire de la section ;des Postes. Petit de La Fosse, commissaire de la section du Louvre. De La Poize, commissaire de la section Mau-conseil. Cauthion, commissaire de la section des Quinze-Yingts. Sauhier, commissaire de la section du faubourg Montmartre. Viilain d’Auhigni, commissaire de la section des Tuileries. Léger, commissaire de la section de l’Oratoire. Le Monnier, commissaire de la section de PHôtel de Ville. Eynaud, commissaire de la section. Chevallerie, commissaire de la section des Champs-Elysées. Bayard , commissaire de la section de Sainte-Geneviève. Bourgeois, commissaire de la section de Montmorency. D’Auxon, président. Meunier Descloseaux, commissaire de la section de l’Arsenal et secrétaire. N. J. Hugou (de Bassville), commissaire rapporteur de la section de la Bibliothèque. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du vendredi 18 février 1791. La séance est ouverte à dix heures du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture des procès-verbaux des deux séances d’hier au matin et au soir, qui sont adoptés. M. Bouche. Dans l'article 16 du décret que vous avez rendu hier concernant le droit de patente, le mot comestibles me paraît trop vague et susceptible d’amener dans la suite, suivant l’in— terpiétation qu’on en voudra donner, une diminution du revenu de l’impôt que vous avez établi; il est à craindre, en effet, qu’un grand nombre d’objets que l’Assemblée n’a pas prétendu exempter du droit, ne soient soustraits à la perception. Pour prévenir toute difficulté, la loi devrait renfermer une nomenclature exacte de tous les objets qui pourront être vendus sans que les vendeurs soient tenus de payer le droit d patente. Je propose, en conséquence, qu’au mot trop énergique de comestibles , on substitue ceux de fruits , légumes , poissons , beurre , œufs, etc. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). J’appuie l’opinion de M. Bouche; il est important d’indiquer au peuple les objets qui ne seront pas atteints par l’impôt. J’observerai de plus qu’il se vend dans les rues des objets uniquement destinés à la table des riches, tels que certains poissons qui valent quelquefois jusqu’à 50 écus la pièce; il faut que ces poissons-là soientimposés. Il faut enfin faire connaître au peuple que la Révolution est particulièrement faite pour lui et tend à son soulagement. Je demande le renvoi au comité en le chargeant de nous présenter ses vues dans le plus court délai. M. Martineau. L’Assemblée n’a entendu par 1er que des menus comestibles. M. Bouche. On pourra aussi mettre un bœuf dans la classe des menus comestibles en le vendant par morceaux. J’insiste sur ma proposition. (L’Assemblée renvoie la motion au comité d’imposition pour présenter ses vues et un decret déterminant les objets qu’on pourra vendre ou revendre dans les halles, places et marchés publics.) Un membre : Je demande que le comité soit aussi chargé de vous présenter une disposition particulière pour les patentes des maîtres d’hôtels garnis. Les limonadiers, les traiteurs ne font que des avances qu’ils recouvrent avec le temps sur les particuliers sur lesquels seuls cet impôt tombe; mais il n’en est pas ainsi des loueurs d’hôtels garnis dont les logements sont vides la moitié de l’année et qui n’auront jamais le moyen de récupérer les avances qu’ils auront faites pour leurs patentes. D’autre part, les hôtels garnis sont, dans les mains de ceux qui les exploitent, ce qu’est la marchandise entre les mains des marchands. Vous ne faites payer le marchand qu’en raison de son loyer; serait-il juste d’adopUr pour le maître d’hôtel garni une autre mesure et de le faire payer à raison de toute la valeur qu’il exploite? (Murmures.) M. Begnaud (de Saint-Jean-d’Angélij). Avec de pareilles réclamations, tous les décrets finiraient par n’avoir plus aucune consistance; l’Assemblée ne peut pas ainsi revenir légèrement sur une disposition qu’elle a adoptée. D’ailleurs, à l’egard de l’article dont il s’agit, les hôteliers et aubergistes ne manqueront pas de répartir le montant de leur impôt sur le prix de leurs différents loyers, et de cette façon le droit se trouvera toujours à la charge d< s étrangers qu’on ne peut saisir d’une autre manière. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président donne lecture à l’Assemblée d’une lettre de M. Bouchotte, député, qui demande, pour raison de santé, un congé de deux mois. (Ce congé est accordé.) Un de MM. les secrétaires donne lecture de la note suivante adressée par le ministre de la justice à M. le président de l’Assemblée :