223 SÉANCE DU 9 MESSIDOR AN II (27 JUIN 1794) - Nos 36-37 « II. Les officiers de santé attachés aux corps, et connus sous le nom de chirurgiens-majors, seront officiers de santé de seconde classe, d’après le tableau annexé au décret du 3 ventôse; et ceux connus sous le nom d’élèves, seront officiers de santé de 3e classe. «III. Ces officiers de santé seront, comme tous ceux des armées et des hôpitaux militaires, sous l’inspection de la commission de santé, ainsi que sous la surveillance des officiers de santé en chef leurs collaborateurs. Lorsque l’urgence du service l’exigera, et d’après les réquisitions de l’officier de santé en chef, visées par le commissaire-ordonnateur et approuvées du général divisionnaire, ils doivent faire le service dans les hôpitaux ambulans ou sédentaires de la division de l’armée à laquelle ils sont employés. « IV. La commission de santé est chargée de prendre sans délai les mesures les plus expéditives pour s’assurer des connoissances et du civisme des officiers de santé attachés aux corps» (1). 36 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation; « Déclare que dans l’article XXV de la lre section du titre IIe de la 2 onde partie du code pénal, la disjonctive ou a été, par erreur de copistes, substituée à la conjonctive et En conséquence décrète que cette erreur sera rectifiée tant sur la minute que sur les expéditions du code pénal, et que les tribunaux criminels sont tenus de réformer les extensions de peine auxquelles elle a pu donner lieu dans les condamnations prononcées par eux jusqu’à ce jour » (2) . 37 BEZARD, au nom du comité de législation : L’objet du rapport que je suis chargé de vous faire sur les réclamations des Pèlerins dits de Saint-Jacques est l’examen d’un arrêté du conseil des dépêches du 11 mai 1790, qui paraît les avoir dépouillés avant leur suppression, de manière que, s’il est juste, ils n’auront pas de pensions à prétendre, puisque la nation n’aura profité d’aucun bien venant d’eux, et si l’arrêt est illégal et injuste, le comité de liquidation pourra s’occuper de la concession des pensions auxquelles les pèlerins prétendent avoir droit. Voilà les 2 questions à résoudre : Premièrement , à l’époque de l’arrêté, les pèlerins jouissaient-ils de leurs biens ? (1) P.V., XL, 227. Minute de la main de Guil-lemardet. Décret n° 9697. Reproduit dans Mon., XXI, 81; Ann. patr., n° DXXXXIH; Débats, n° 645; J. Lois, n° 637; J. -S. Culottes, n°498; Rép., n°191; C. Eg., n° 679; M.17., XU, 170; J. Mont., n°63. Mentionné par C. Eg., n° 678. (2) P.V., XL, 228. Minute de la main de Merlin de Douai. Décret n° 9700. M.U., XLI, 171. Secondement, l’arrêt a-t-il pu les en dépouiller? Nous aurons rempli l’objet qui nous est soumis lorsqu’après avoir jeté un coup d’œil rapide sur l’établissement des Pèlerins, à l’époque de la suppression de toutes les corporations, et sur l’existence des Pèlerins et de leurs possessions à ce moment, nous aurons démontré que les lois constitutionnelles ne permettaient plus l’abus de pouvoir dont l’arrêt du conseil des dépêches est un monument. Pour faciliter le parti que devait prendre votre comité de législation, et pour que les représentants du peuple apprécient ses motifs, il a pensé qu’il était nécessaire que le rapport présentât à la Convention un narré succinct qui constatera les faits avec un rapprochement des lois constitutionnelles enfreintes par l’arrêt, qui démontrera la nullité de cette œuvre de l’arbitraire royal. A la fureur des croisades succéda chez nos crédules ancêtres la manie des pèlerinages; l’esprit de fainéantise et de vagabondage ne fut pas le seul vice qu’elle retint de son origine; les croisés ne s’étaient jamais fait scrupule d’extorquer leurs subsistances dans les endroits de leur passage : les pèlerins firent vœu de ne prendre d’autre nourriture que celle arrachée par leur importune mendicité aux habitants de leur route. Le nombre des frelons eut bientôt desséché cette ruche, quoique secondée par la superstition; ils furent obligés de subvenir autrement aux besoins de leurs courses, et, ce qui est plus excusable aux yeux de l’humanité, de pourvoir à la subsistance d’une vieillesse anticipée, au soulagement de l’indigence qui les attendait. Us se cotisèrent; les coureurs eurent des caravansérails, et ceux qui échappaient aux dangers des caravanes, un asile dans les hôpitaux. Les pèlerins dits de Saint-Jacques de Com-postelle formèrent un de ces établissements à Paris, pour faciliter le roulage pieux de France en Espagne; il a subsisté jusqu’à ce moment, rue Denis, sous le nom de Saint-Jacques de VHôpital. H ne paraît pas que cette fondation reçut de grands secours des tyrans couronnés et mitrés; elle naquit du fonds même des pèlerins : seulement le sceptre la permit, et la tiare l’encouragea dans l’espoir d’en détourner bientôt la source dans l’absorbant océan des usurpations royales et cléricales. Cela ne manqua pas. Les pèlerins s’étaient donné des serviteurs sous le nom de chapelains; le nombre en pullula de 3 a près de 30, et attira sur l’hospice le regard des prélats. Ceux-ci passèrent bientôt du régime de chapelains au désir de gouverner les biens de la chapelle, et ensuite, d’un saut rapide, à la faculté d’en disposer et de les approprier à des objets confiés à leur administration immédiate, et dont les revenus étaient laissés à la pleine liberté d’eux ou de leurs affidés. Leurs tentatives donnèrent aussi l’éveil au ministère, de sorte que pendant 4 siècles les pèlerins présentent de règne en règne l’exemple d’une lutte toujours renaissante entre eux et leurs ravisseurs, où toujours ils triomphent pour être attaqués de nouveau. 223 SÉANCE DU 9 MESSIDOR AN II (27 JUIN 1794) - Nos 36-37 « II. Les officiers de santé attachés aux corps, et connus sous le nom de chirurgiens-majors, seront officiers de santé de seconde classe, d’après le tableau annexé au décret du 3 ventôse; et ceux connus sous le nom d’élèves, seront officiers de santé de 3e classe. «III. Ces officiers de santé seront, comme tous ceux des armées et des hôpitaux militaires, sous l’inspection de la commission de santé, ainsi que sous la surveillance des officiers de santé en chef leurs collaborateurs. Lorsque l’urgence du service l’exigera, et d’après les réquisitions de l’officier de santé en chef, visées par le commissaire-ordonnateur et approuvées du général divisionnaire, ils doivent faire le service dans les hôpitaux ambulans ou sédentaires de la division de l’armée à laquelle ils sont employés. « IV. La commission de santé est chargée de prendre sans délai les mesures les plus expéditives pour s’assurer des connoissances et du civisme des officiers de santé attachés aux corps» (1). 36 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation; « Déclare que dans l’article XXV de la lre section du titre IIe de la 2 onde partie du code pénal, la disjonctive ou a été, par erreur de copistes, substituée à la conjonctive et En conséquence décrète que cette erreur sera rectifiée tant sur la minute que sur les expéditions du code pénal, et que les tribunaux criminels sont tenus de réformer les extensions de peine auxquelles elle a pu donner lieu dans les condamnations prononcées par eux jusqu’à ce jour » (2) . 37 BEZARD, au nom du comité de législation : L’objet du rapport que je suis chargé de vous faire sur les réclamations des Pèlerins dits de Saint-Jacques est l’examen d’un arrêté du conseil des dépêches du 11 mai 1790, qui paraît les avoir dépouillés avant leur suppression, de manière que, s’il est juste, ils n’auront pas de pensions à prétendre, puisque la nation n’aura profité d’aucun bien venant d’eux, et si l’arrêt est illégal et injuste, le comité de liquidation pourra s’occuper de la concession des pensions auxquelles les pèlerins prétendent avoir droit. Voilà les 2 questions à résoudre : Premièrement , à l’époque de l’arrêté, les pèlerins jouissaient-ils de leurs biens ? (1) P.V., XL, 227. Minute de la main de Guil-lemardet. Décret n° 9697. Reproduit dans Mon., XXI, 81; Ann. patr., n° DXXXXIH; Débats, n° 645; J. Lois, n° 637; J. -S. Culottes, n°498; Rép., n°191; C. Eg., n° 679; M.17., XU, 170; J. Mont., n°63. Mentionné par C. Eg., n° 678. (2) P.V., XL, 228. Minute de la main de Merlin de Douai. Décret n° 9700. M.U., XLI, 171. Secondement, l’arrêt a-t-il pu les en dépouiller? Nous aurons rempli l’objet qui nous est soumis lorsqu’après avoir jeté un coup d’œil rapide sur l’établissement des Pèlerins, à l’époque de la suppression de toutes les corporations, et sur l’existence des Pèlerins et de leurs possessions à ce moment, nous aurons démontré que les lois constitutionnelles ne permettaient plus l’abus de pouvoir dont l’arrêt du conseil des dépêches est un monument. Pour faciliter le parti que devait prendre votre comité de législation, et pour que les représentants du peuple apprécient ses motifs, il a pensé qu’il était nécessaire que le rapport présentât à la Convention un narré succinct qui constatera les faits avec un rapprochement des lois constitutionnelles enfreintes par l’arrêt, qui démontrera la nullité de cette œuvre de l’arbitraire royal. A la fureur des croisades succéda chez nos crédules ancêtres la manie des pèlerinages; l’esprit de fainéantise et de vagabondage ne fut pas le seul vice qu’elle retint de son origine; les croisés ne s’étaient jamais fait scrupule d’extorquer leurs subsistances dans les endroits de leur passage : les pèlerins firent vœu de ne prendre d’autre nourriture que celle arrachée par leur importune mendicité aux habitants de leur route. Le nombre des frelons eut bientôt desséché cette ruche, quoique secondée par la superstition; ils furent obligés de subvenir autrement aux besoins de leurs courses, et, ce qui est plus excusable aux yeux de l’humanité, de pourvoir à la subsistance d’une vieillesse anticipée, au soulagement de l’indigence qui les attendait. Us se cotisèrent; les coureurs eurent des caravansérails, et ceux qui échappaient aux dangers des caravanes, un asile dans les hôpitaux. Les pèlerins dits de Saint-Jacques de Com-postelle formèrent un de ces établissements à Paris, pour faciliter le roulage pieux de France en Espagne; il a subsisté jusqu’à ce moment, rue Denis, sous le nom de Saint-Jacques de VHôpital. H ne paraît pas que cette fondation reçut de grands secours des tyrans couronnés et mitrés; elle naquit du fonds même des pèlerins : seulement le sceptre la permit, et la tiare l’encouragea dans l’espoir d’en détourner bientôt la source dans l’absorbant océan des usurpations royales et cléricales. Cela ne manqua pas. Les pèlerins s’étaient donné des serviteurs sous le nom de chapelains; le nombre en pullula de 3 a près de 30, et attira sur l’hospice le regard des prélats. Ceux-ci passèrent bientôt du régime de chapelains au désir de gouverner les biens de la chapelle, et ensuite, d’un saut rapide, à la faculté d’en disposer et de les approprier à des objets confiés à leur administration immédiate, et dont les revenus étaient laissés à la pleine liberté d’eux ou de leurs affidés. Leurs tentatives donnèrent aussi l’éveil au ministère, de sorte que pendant 4 siècles les pèlerins présentent de règne en règne l’exemple d’une lutte toujours renaissante entre eux et leurs ravisseurs, où toujours ils triomphent pour être attaqués de nouveau. 224 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La dernière enfin qu’ils sentirent fut terminée par arrêt du ci-devant parlement de Paris, rendu entre les pétitionnaires d’une part, l’administration des enfants-trouvés et le ci-devant archevêque de Paris d’autre part. Le crédit de ce puissant adversaire n’a pas cette fois contre-balancé les droits des pétitionnaires; ils sont maintenus, par l’arrêt du ci-devant parlement, en leur qualité de pèlerins, « dans la propriété, possession et jouissance, pleine et entière administration des biens appartenant à l’église et hôpital Saint-Jacques, à Paris». Respirant un moment par les actes du ci-devant parlement, dont le mobile était peut-être moins alors la justice que le système de contrarier le ministère dans ses projets de changer la destination des domaines des corporations, projet manifesté à cette époque au sujet des Saintes-Chapelles, les pèlerins ne jouirent pas encore d’un long repos : les colosses qui poursuivaient les pygmées ne furent arrêtés qu’un moment. Croisés par la force parlementaire, ils s’adjoignirent les secours ministériels; l’arrêt du parlement fut cassé par celui rendu au conseil des dépêches le 11 mai 1790. Ici se représente un des milliers d’exemples de ce fatal veto, de cette sanction meurtrière, serpent que l’intrigue était parvenue à réchauffer dans le berceau de la liberté. Les 15 et 20 octobre 1789, l’Assemblée nationale, en autorisant le conseil du tyran à continuer ses fonctions comme par le passé, en avait excepté les arrêts de propre mouvement, évocations, et généralement toute connaissance du fond des affaires. On ne prévoit pas comment, après cela, a pu intervenir l’arrêt du 11 mai 1790, qui non-seulement casse celui du parlement, mais qui en outre, sans renvoyer dans aucun tribunal, juge le fond, accueille les conclusions de Juigné et ses consorts, et condamne les pèlerins aux dépens. La Convention s’en étonnerait sans doute si déjà elle ne s’attendait à apprendre que la promulgation des 2 décrets du mois d’octobre, retardée de 10 mois, n’a été faite que postérieurement à l’arrêt du conseil. Peut-il naître d’autorisation d’excuses légitimes à l’infraction de la loi, fondées sur le retard de promulgation, quand l’infracteur est en même temps le promulgateur ? Quel motif ferait adopter l’indulgence fondée sur le retard envers un simple citoyen? La présomption légale d’ignorance existe-t’elle à l’égard du tyran ? Ce prétexte n’est-il pas plutôt un crime, quand au lieu de l’ignorance il fait découvrir la perfidie ? Maître de donner la publicité à la loi s’il ne voulait pas l’enfreindre, ou de l’enfreindre avant de la publier, l’affectation de l’éluder par une infraction intermédiaire de l’émission à la publication décèle une lâcheté sans innocenter la scélératesse. Au surplus, le prétexte ne suffirait pas pour soutenir l’existence de l’arrêt du conseil. L’article XIX de la constitution de 1789 avait été sanctionné le 5 octobre de la même année. Cette constitution, en enfermant follement dans le bercail l’ennemi féroce de toute liberté, avait essayé de l’assujettir au frein, et l’article XIX défendait au pouvoir exécutif d’envahir jamais le pouvoir judiciaire. Vaine précaution sans doute. Le despotisme, déguisé sous le masque insignifiant de monarchie ne pouvait être réprimé : le peuple français l’a détruit. S’il importe à son salut, s’il appartient à sa justice d’en effacer aussi toutes les traces, l’arrêt du conseil des dépêches du 11 mai 1790 ne peut se soustraire à l’anéantissement. Illégal au fond par l’usurpation des pouvoirs, illégal en la forme parce qu’il ne rappelle aucun moyen de cassation, cet arrêt ne pouvait même assujettir la ci-devant corporation des pèlerins à un nouveau jugement devant les tribunaux. Avant de vous proposer le projet de décret, votre comité de législation ne doit pas vous laisser ignorer que celui de liquidation, à qui originairement les pèlerins de Saint-Jacques ont été renvoyés pour fixer leurs pensions, s’il y avait lieu, nous a renvoyé lui-même l’examen de la question que nous venons de traiter, et dont la solution doit précéder son travail. Nous vous proposons en conséquence de déclarer que l’arrêt du ci-devant conseil des dépêches, rendu le 11 mai 1790, entre les ci-devant pèlerins de Saint-Jacques, le ci-devant archevêque de Paris (Juigné) et les administrateurs des enfants-trouvés, est nul et comme non avenu; en conséquence renvoyer la pétition et les pièces jointes au comité de liquidation, pour vous en faire un rapport incessament (1) . « La Convention nationale, sur le rapport de [BEZARD, au nom de] son comité de législation, déclare nul et comme non-avenu l’arrêté du ci-devant conseil des dépêches, du 11 mai 1790, rendu entre le ci-devant archevêque de Paris et les ci-devant pèlerins de Saint-Jacques; «Et renvoie la pétition de ces derniers au comité de liquidation. «Un membre propose la question préalable contre le projet de décret, attendu qu’il ne produiroit aucun effet, les pèlerins ayant été déchus des droits qu’ils prétendent. «Un autre dit que le comité de législation a été saisi de cette affaire par un décret et un renvoi fait en conséquence par le comité de liquidation; qu’il convient de rapporter le décret, et de passer à l’ordre du jour sur le projet présenté. «Ces 2 dernières propositions sont adoptées» (2). 38 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des secours publics et de liquidation réunis, sur la pétition de la citoyenne Louise-Charlotte Delaferrière, domiciliée à Paris, dans la section de l’Unité, (1) Mon., XXI, 81. (2) P.V., XL, 229. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9702. Reproduit dans M.U., XLI, 171; Mess. Soir, n° 678. Mentionné par J. Mont., n° 62; C. Eg., n° 678; C. univ., n° 909; J. -S. Culottes, n° 498; J. Sablier, n° 1404. 224 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La dernière enfin qu’ils sentirent fut terminée par arrêt du ci-devant parlement de Paris, rendu entre les pétitionnaires d’une part, l’administration des enfants-trouvés et le ci-devant archevêque de Paris d’autre part. Le crédit de ce puissant adversaire n’a pas cette fois contre-balancé les droits des pétitionnaires; ils sont maintenus, par l’arrêt du ci-devant parlement, en leur qualité de pèlerins, « dans la propriété, possession et jouissance, pleine et entière administration des biens appartenant à l’église et hôpital Saint-Jacques, à Paris». Respirant un moment par les actes du ci-devant parlement, dont le mobile était peut-être moins alors la justice que le système de contrarier le ministère dans ses projets de changer la destination des domaines des corporations, projet manifesté à cette époque au sujet des Saintes-Chapelles, les pèlerins ne jouirent pas encore d’un long repos : les colosses qui poursuivaient les pygmées ne furent arrêtés qu’un moment. Croisés par la force parlementaire, ils s’adjoignirent les secours ministériels; l’arrêt du parlement fut cassé par celui rendu au conseil des dépêches le 11 mai 1790. Ici se représente un des milliers d’exemples de ce fatal veto, de cette sanction meurtrière, serpent que l’intrigue était parvenue à réchauffer dans le berceau de la liberté. Les 15 et 20 octobre 1789, l’Assemblée nationale, en autorisant le conseil du tyran à continuer ses fonctions comme par le passé, en avait excepté les arrêts de propre mouvement, évocations, et généralement toute connaissance du fond des affaires. On ne prévoit pas comment, après cela, a pu intervenir l’arrêt du 11 mai 1790, qui non-seulement casse celui du parlement, mais qui en outre, sans renvoyer dans aucun tribunal, juge le fond, accueille les conclusions de Juigné et ses consorts, et condamne les pèlerins aux dépens. La Convention s’en étonnerait sans doute si déjà elle ne s’attendait à apprendre que la promulgation des 2 décrets du mois d’octobre, retardée de 10 mois, n’a été faite que postérieurement à l’arrêt du conseil. Peut-il naître d’autorisation d’excuses légitimes à l’infraction de la loi, fondées sur le retard de promulgation, quand l’infracteur est en même temps le promulgateur ? Quel motif ferait adopter l’indulgence fondée sur le retard envers un simple citoyen? La présomption légale d’ignorance existe-t’elle à l’égard du tyran ? Ce prétexte n’est-il pas plutôt un crime, quand au lieu de l’ignorance il fait découvrir la perfidie ? Maître de donner la publicité à la loi s’il ne voulait pas l’enfreindre, ou de l’enfreindre avant de la publier, l’affectation de l’éluder par une infraction intermédiaire de l’émission à la publication décèle une lâcheté sans innocenter la scélératesse. Au surplus, le prétexte ne suffirait pas pour soutenir l’existence de l’arrêt du conseil. L’article XIX de la constitution de 1789 avait été sanctionné le 5 octobre de la même année. Cette constitution, en enfermant follement dans le bercail l’ennemi féroce de toute liberté, avait essayé de l’assujettir au frein, et l’article XIX défendait au pouvoir exécutif d’envahir jamais le pouvoir judiciaire. Vaine précaution sans doute. Le despotisme, déguisé sous le masque insignifiant de monarchie ne pouvait être réprimé : le peuple français l’a détruit. S’il importe à son salut, s’il appartient à sa justice d’en effacer aussi toutes les traces, l’arrêt du conseil des dépêches du 11 mai 1790 ne peut se soustraire à l’anéantissement. Illégal au fond par l’usurpation des pouvoirs, illégal en la forme parce qu’il ne rappelle aucun moyen de cassation, cet arrêt ne pouvait même assujettir la ci-devant corporation des pèlerins à un nouveau jugement devant les tribunaux. Avant de vous proposer le projet de décret, votre comité de législation ne doit pas vous laisser ignorer que celui de liquidation, à qui originairement les pèlerins de Saint-Jacques ont été renvoyés pour fixer leurs pensions, s’il y avait lieu, nous a renvoyé lui-même l’examen de la question que nous venons de traiter, et dont la solution doit précéder son travail. Nous vous proposons en conséquence de déclarer que l’arrêt du ci-devant conseil des dépêches, rendu le 11 mai 1790, entre les ci-devant pèlerins de Saint-Jacques, le ci-devant archevêque de Paris (Juigné) et les administrateurs des enfants-trouvés, est nul et comme non avenu; en conséquence renvoyer la pétition et les pièces jointes au comité de liquidation, pour vous en faire un rapport incessament (1) . « La Convention nationale, sur le rapport de [BEZARD, au nom de] son comité de législation, déclare nul et comme non-avenu l’arrêté du ci-devant conseil des dépêches, du 11 mai 1790, rendu entre le ci-devant archevêque de Paris et les ci-devant pèlerins de Saint-Jacques; «Et renvoie la pétition de ces derniers au comité de liquidation. «Un membre propose la question préalable contre le projet de décret, attendu qu’il ne produiroit aucun effet, les pèlerins ayant été déchus des droits qu’ils prétendent. «Un autre dit que le comité de législation a été saisi de cette affaire par un décret et un renvoi fait en conséquence par le comité de liquidation; qu’il convient de rapporter le décret, et de passer à l’ordre du jour sur le projet présenté. «Ces 2 dernières propositions sont adoptées» (2). 38 « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des secours publics et de liquidation réunis, sur la pétition de la citoyenne Louise-Charlotte Delaferrière, domiciliée à Paris, dans la section de l’Unité, (1) Mon., XXI, 81. (2) P.V., XL, 229. Minute de la main de Bézard. Décret n° 9702. Reproduit dans M.U., XLI, 171; Mess. Soir, n° 678. Mentionné par J. Mont., n° 62; C. Eg., n° 678; C. univ., n° 909; J. -S. Culottes, n° 498; J. Sablier, n° 1404.