289 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.] senti que le premier suppléant, M. de Chabrol, fût joint à ce comité, qui, jusqu’alors , n’avait été composé que de huit membres , et qu’il était à propos de porter à neuf, à cause de l’avantage du nombre impair dans les délibérations. 11 est annoncé après, que M. Bordier, lieutenant-particulier-civil au bailliage de Nemours , et dont les pouvoirs ont été trouvés en règle par le comité de vérification , remplace M. Ber-thier, décédé le 10 de ce mois, et il ne s’élève à ce sujet aucune opposition. M. Bordier, en conséquence, est admis. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume. M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution, lit un projet de décret au sujet de la division du département de Toulouse en huit districts, savoir : Toulouse, Muret , Rieux, Saint-Gaudens, Villefranche, Revel, Castel-Sarrazin et Grenade. M. Père* deLagesse s’oppose au projet du comité et demande, d’après la situation et la population de Verdun, un district, préférablement à Beaumont et à Grenade. M. Long défend l’avis du comité et prouve que Beaumont est devenu le chef-lieu de la justice du pays; que cette ville est plus près du centre du district et qu’elle a plus de communication avec les lieux voisins que Verdun, dont elle surpasse la contribution et la population. M. Père* (de Mirande) demande la parole en faveur de Beaumont, mais l’Assemblée ferme la discussion et va aux voix. Le décret suivant est rendu : L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de Constitution , que le département de Toulouse est divisé en huit districts; savoir : « Toulouse, Rieux, Ville-Franche, Gastel-Sar-razin, Muret, Saint-Gaudens, Revel et Grenade, sauf à mettre le tribunal du district à Beaumont-lès-Lomagne ». Il a été question après du département de Tulle, et le projet du comité à ce sujet n’a point essuyé de contradiction. L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de Constitution , que Tulle est le chef-lieu du département du Bas-Limousin , et que ce département est divisé en quatre districts, Tulle, Brive, Uzerche et Ussel. » La division du département de Rennes en districts donne lieu à des débats assez longs. MM. Lanjuinais, Pellerin , Perret de Trégadoret et deux députés du clergé sont entendus. M. Le Chapelier. L’avis de la majorité des députés de Bretagne est d’attacher Redon à Rennes, la Roche-Bernard à Vannes , et Ghâteaubriand à Nantes. La seule opposition est prise de l’interruption du chemin de la Roche-Bernard par un bras de rivière; mais comme la poste y passe, et que les relations du commerce n’en sont pas moins constantes , je demande la priorité pour l’avis de la députation de Bretagne. On va aux voix; l’avis de la députation de Bretagne obtient la priorité, et il est adopté ainsi : L’Assemblée nationale décrète que la Roche-Bernard et les paroisses en dépendant seront du lre Série. T. XI. département de Vannes; que Redon sera dans celui de Rennes, et Chateaubriand dans celui de Nantes. M. Anson fait, au nom du comité des finances , un rapport dans lequel il annonce que le receveur de l’ancien ordre du clergé expose qu’il éprouve des difficultés pour le paiement des six derniers mois des décimes ; pour obvier à ces difficultés, le comité propose un projet de décret M. l’abbé Cousin. Je demande que, dans les provinces, comme en Provence, où les vingtièmes sont confondus avec les autres impositions territoriales, il soit expressément décrété que, dans la répartition des charges sur les biens ecclésiastiques, pour les six derniers mois de l’année 1789, il soit fait distraction du montant des vingtièmes, afin que les ecclésiastiques ne soient pas imposés deux fois pour le même objet. M. Thibault, curé de Souppes. La répartition des décimes se faisait dans la chambre syndicale ecclésiastique, qu’on peut bien appeler chambre secrète , chambre obscure , chambre noire ; les évêques et les chapitres étaient imposés en masse; on refusait constamment aux curés le tableau de l’imposition; les membres qui composaient cette chambre étaient toujours choisis par l’évêque, sans que jamais les contribuables aient eu part à leur élection; je propose en conséquence que, sur les quittances des décimes des bénéficiers pour l’année entière 1789, il leur sera tenu compte de l’excédant de leur paiement, sur la répartition des impôts de 1790. M Mougins de Roquefort. Je demande que les délibérations prises par le ci-devant clergé de France, portant suspension de paiements vis-à-vis de ses créanciers, demeurent révoquées , et qu’il soit tenu d’en acquitter les rentes jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné. M. l’abbè de llontesquiou. L’intérêt des rentiers du feu clergé doit les faire distinguer des créanciers de l’Etat; ils n’ont pas fait travailler leur argent, ils n’ont pas profité des malheurs de l’Etat , et leur intérêt serait compromis si le décret proposé n’est pas adopté. Le clergé faisait quelques actes de bienfaisance. Les pensions alimentaires de 501ivres se portaient à 60,000 livres.; elles sont suspendues. 11 y a encore 40,000 liv. destinées à l’entretien de ce qui reste des jésuites ; en 1785, ils firent entendre leurs réclamations, et le clergé accorda 800 liv. à chacun ; cet objet est suspendu ; si vous ne décrétez pas le paiement des décimes nécessaires, comment pourvoir aux actes de bienfaisance1? Chez les anciens, les paroles des agonisants avaient quelque chose de sacré. Sans doute il y avait parmi nous des abus; nous sommes des hommes; mais si l’on examine la facilité que nous avions de réclamer l’exécution des principes, on verra que nous avons payé notre tribut. Nous ne faisions porter l’imposition que sur l’excédant de celui qui travaillait le moins. Nous avions divisé les ecclésiastiques en huit classes. On imposait au quart les abbés, les prieurs et les bénéficiers simples. L’inégalité est venue de la culture des fonds augmentés dans certaines provinces. Dans la seconde classe étaient les évêchés, les cathédrales et les cures riches. Nous arrivions 19 990 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.] graduellement jusqu’à la frjiitième classe, qui était composée des congruistes, des hôpitaux, des bénéficiers et des collégiales de 3 ou 400 livres de rente. Il n’y a pas de chambre ecclésiastique qui n’ait montré les principes sur lesquels elle répartissait. Je propose, pour amendement, qu’on lèvera les décimes nécessaires pour les créanciers du clergé et les actes de bienfaisance usités dans l’ancienne administration du clergé. M. Anson. Cet amendement n’est pas nécessaire; le décret, en ordonnant que les décimes des six derniers mois seraient payés, a tout prévu, et ces décimes suffiront aux dépenses du clergé. M. de Custine. Je demande que l’article II du projet de décret soit supprimé. Un membre. La portion congrue n’étant qu’une pensjon alimentaire, on ne peut pas y asseoir une imposition ; il faut la décharger de cette imposition. Plusieurs membres, curés congruistes, réclament contre cet amendement déjà rejeté par un décret antérieur. Ils veulent payer l’impôt comme citoyens, et être éligibles aux assemblées nationales. M. Granger propose un autre amendement ; mais la question préalable est admise, ils sont tous rejetés. Le projet donné par le comité est mis aux voix et décrété en ces termes : « Sur les représentations qui ont été faites à l’Assemblée nationale par le receveur général, chargé ci-devant du recouvrement des décimes et autres impositions du clergé de France, qu’un grand nombre d’ecclésiastiques se refusent au paiement des six derniers mois de leurs décimes de 1789, sur le fondement qu’ils sont compris pour les six derniers mois de ladite année dans les rôles de supplément des impositions ordinaires, en vertu du décret du 26 septembre der-dier, et des décrets subséquents, l’Assemblée nationale, voulant faire cesser toutes difficultés à cet égard, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. Ier. Les contribuables aux décimes, pour l’année 1789, les acquitteront en entier entre les mains des receveurs des décimes. « 2. Les collecteurs ou autres préposés à la perception des impositions ordinaires de 1789 seront tenus de recevoir pour comptant les quittances des sommes payées par les contribuables aux décimes, pour la moitié desdits décimes de l’année 1789. « 3. Si le montant de la moitié des décimes de 1789 excédait le montant de l’imposition ordinaire des six derniers mois de ladite année, les quittances de cette moitié desdits décimes ne seront reçues que jusqu’à concurrence dudit montant de l’imposition. » M. Ànson demande à faire un deuxième rapport. M. Anson. Les assignats sur les immeubles domaniaux et ecclésiastiques commencent à être demandés ; c’est sur leur succès, sur le crédit tout neuf, et qui peut devenir si important pour la France, que reposent dans le moment le service de l’année 1790, le paiement des créanciers de l’Etat, et la Constitution elle-même, dont l'édifice serait ébranlé si les finances éprouvaient une grande secousse ; il est à désirer qu’une des premières opérations des assemblées de département soit d’afficher des ventes des domaines de la couronne et de ceux des domaines ecclésiastiques qu’elles regarderont comme devant être aliénés les premiers. On vous a parlé des immeubles des réguliers situés dans les villes, et on n’a donné aucune suite à cette idée ; quelque doive être le sort de cette proposition, il est instant de la discuter ; et pour y parvenir promptement, il faut que le comité des domaines et le comité ecclésiastique vous remettent incessamment le résultat des travaux qu’ils ont sans doute préparés d’après les décrets du mois de décembre dernier. M. Anson propose ensuite un projet de décret. M. Dupont (de Nemours ). Je demande l’impression et la distribution des rapports du comité des finances et de celui des domaines avant qu’ils soient discutés. Cet amendement est adopté, et l’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète qu’à l’avenir le jeudi de chaque semaine sera consacré à entendre le résultat des travaux du comité des domaines et du comité ecclésiastique ; que ces deux comités présenteront les moyens les plus prompts d’exécuter les décrets des 19 et 21 décembre 1789, sanctionnés par le Roi, concernant la vente des domaines de la couronne et des domaines ecclésiastiques ; que jeudi prochain, l’un et l’autre comité présenteront un tableau tant des domaines de la courçnne qui peuvent être mis en vente dès à présent, que de ceux des domaines ecclésiastiques qui pourront être aliénés aussitôt que les assemblées de département seront en activité ; et que le comité féodal remettra également son travail sur le taux auquel pourront être rachetés les droits ou rentes dus au domaine de la couronne, et ceux dus aux domaines ecclésiastiques, et que les rapports à faire par les comités seront imprimés et distribués avant la séance dans laquelle ils devront être faits. » M. Anson demande de nouveau la parole et, au nom du comité des finances, fait .'un rapport sur la perception des impositions de 1790. Ce rapport est ainsi conçu (1) : Messieurs, nous ne cessons de remettre sous vos yeux la nécessité de seconder de toutes manières la marche de l’année 1790, dont les besoins sont si grands et les ressources si incertaines. Ge n’est point sur la perception des droits que nous fixerons aujourd’hui vos regards ; c’est sur la perception des impositions directes, c’est-à-dire de celles dénommées ci-devant tailles et capitations, ainsi que des vingtièmes, confiée jusqu’à présent aux receveurs généraux et particuliers. 11 ne faut pas perdre de vue que ces impositions ont été consommées d’avance par anticipation ; que des rescriptions équivalentes au montant de chaque mois d’impositions, ont été données en paiement dans le courant de l’année dernière ; que leurs échéances arrivent de mois en mois, et que, sans le paiement exact des impositions dans les provinces, sans le versement des provinces au Trésor public, il serait impossible de soutenir Je fardeau, qui retomberait sur (I) Le Moniteur se borne à mentionner le rapport de M. Anson.