[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mai 1790.] 675 rant qui, ne pouvant s’élever à la hauteur des véritables fonctions de l’avocat, se sont enfoncés dans les détouts de la chicane, et ont substitué l’art de ruiner et de s’enrichir à la science de défendre et de s’honorer. Je borne ici mes réflexions et je conclus à ce que le tribunal de cassation soit décidément sédentaire; si cependant vous voulez lui confier une surveillance directe sur les tribunaux de départements et de districts, vous pourriez rétablir l’espèce d’officiers ambulants, connue jadis sous le nom de missi dominid , et en attacher un certain nombre au tribunal de cassation, les charger de recueillir les plaintes, de compulser les greffes, de prendre des notes instructives et de faire ensuite leur rapport au tribunal. Mais alors ces officiers me paraissent devoir ne rendre aucune décision même arbitrale; ils ne doivent donner que des conclusions. Et ces précautions sont d’autant plus nécessaires qu’il ne faut pas oublier que c’est à la création des anciens missi dominici que vous devez les intendants; insensiblement ils devinrent juges et sédentaires, ils formèrent une justice à côté de la justice; ils opprimèrent, ils vexèrent, et cependant ils n’étaient, comme la plupart des abus, qu’un établissement sage dégénéré, parce qu’une surveillance exacte n’a point étouffé les germes de destruction qu’il contenait dans ses principes. M. l’abbé Royer, député d’Arles. Attaché par état au conseil du roi, je ne viens point cependant chercher à intéresser votre justice en faveur des magistrats sur le point de perdre leur état : quelque pénible qu’il soit pour eux de se voir dans l’impossibilité de remplir une carrière à laquelle ils avaient sacrifié leur fortune, ils savent trop ce qu’ils doivent à la Révolution, pour ne pas s’y résigner. Eloignez donc tout soupçon d’intérêt personnel : un sentiment plus digne de vous et de moi m’attire dans cette tribune. Je suis étonné de voir mettre en question s’il sera établi un tribunal de cassation, si les juges de ce tribunal seront permanents ou ambulants, puisque cette fonction a toujours été attribuée au pouvoir exécutif et qu’on ne peut lui ravir ce pouvoir, qui lui a été confié par la nation. Il est bien clair que ce tribunal ne doit être composé que de membres qui aient la confiance du roi. La demande en cassation n’est autre chose qu’un appel au prince : elle ne peut être inséparable de sa personne. Intimement convaincu que ce sont là les caractères qui doivent distinguer la cour plénière (On murmure... On applaudit), je veux dire cour suprême : j’entends répéter si souvent ce mot cour plénière autour de moi, qu’il m’a échappé. J’ai examiné si le Conseil d’Etat s’écarte tellement de ce mode d’organisation, qu’il ne puisse en tenir lieu. Tout ce qui est de matière contentieuse dans l’administration de la justice est de son ressort; il peut arrêter les provisions, reviser les jugements criminels. (On observe que ce n'est pas là l'ordre du jour). La formation du tribunal de cassation ne pourrait être séparée du roi sans altérer sa dignité. Vous l’avez établi pour veiller sur toutes les lois. Que deviendrait cette prérogative, s’il était permis de les enfreindre sans avoir rien à redouter de son autorité? Autrefois les rois rendaient la justice par eux-mêmes; l’étendue de leur empire les a obligés à déléguer ce droit; mais ils ne s’en sont pas totalement dépouillés, et vous-mêmes, pour rendre hommage à ce principe, vous avez décrété que le pouvoir exécutif suprême réside entre les mains du roi. (Il s'élève de nouveaux murmures.) Je ne sais pas pourquoi on refuse d’entendre le seul membre du conseil qui soit dans cette Assemblée, quand il ne demande qu’à faire connaître les règles usitées dans son tribunal. (On observe à l'orateur qu'il s'agit seulement de savoir si les juges du tribunal de cassation seront ambulants ou sédentaires.) C’est concentrer tous les pouvoirs dans le Corps législatif, que de s’arroger le droit de déterminer la manière dont sera composé le tribunal de cassation. Per-mettez-moi, Messieurs, de vous soumettre les règles constamment usitées au conseil. (On réclame l'ordre du jour de toutes les parties de la salle.) Comme membre du conseil, je croyais avoir qualité pour faire ces observations; mais puisque je trouve aussi peu d’indulgence dans cette Assemblée, je me retire. M. de Saint-Martin. Le tribunal de cassation a pour objet de protéger la liberté et d'assurer l’exécution de la loi. Si ce tribunal est sédentaire, il dévorera le pauvre, il ne favorisera que le riche, il ressuscitera le conseil, il sera exposé aux suggestions ministérielles. Il faudrait donc diviser ce tribunal en juges ambulants et en juges sédentaires, ainsi que l’a proposé M. Goupil de Préfeln. Mais ce moyen a encore des inconvénients et présente l’extrême difficulté de faire voyager des juges. Pourquoi donc n’établirait-on pas ce tribunal dans le sein du Corps législatif? Dans les principes, le droit de pronoucer contre la violation de la loi doit appartenir au pouvoir législatif. M. de Robespierre a développé cette idée : je m’arrête et je conclus à ce qu’il n’y ait pas d’autre cour suprême que la législature. (L’Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder au second scrutin pour l’élection d’un président.) La séance est levée à 2 heures ci demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURÈT. Séance du mercredi 26 mai 1790 (i). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Otabroud, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. Il fait ensuite lecture des adresses suivantes : Adresse de la municipalité et des notables de Saint-Sulpice de l’Aigle, qui, jaloux de témoigner leur parfait dévouement à la patrie, déposent sur son autel une somme de 436 livres, produit total du rôle des six derniers mois des ci-devant privilégiés, et regrettent de ne pouvoir faire un plus généreux sacrifice. Autre, des citoyens actifs du canton de Louvres en Parisis, district de Gonesse, département de Versailles, qui expriment leur adhésion à tous les décrets de l’Assemblée, leur disposition à les soutenir de tout leur pouvoir, et de les défendre jusqu’à l’effusion de leur sang ; ils invitent l’Â3- (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.