694 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville.] tivement à l’admission et à la proportion des trois ordres, en sorte qu’il y ait nombre égal de con* seillers clercs et de nobles et nombre double de conseillers du tiers-état. 5° Le clergé demande la réduction du nombre des bailliages, beaucoup trop multipliés en Lorraine, et celle des huissiers, beaucoup trop multipliés dans lesdits bailliages ; toutes ces inventions fiscales épuisent la province et ne sont excusées par aucune apparence d’utilité. 6° Le clergé demandera suppression de la maîtrise des eaux et forêts et propose de confier celte manutention aux officiers des tribunaux ordinaires, tels qu’ils resteront après la réforme dont il convient de s’occuper. 7° Il demande la suppression de la ferme générale et de celle des droits unis, à l’effet de procurer une libre circulation dans toutes les parties du royaume-; c’est alors seulement que l’agriculture , l’industrie et le commerce reprendront de l’activité et mettront la province en état de porter sa part de la charge publique. 8° 11 demande la suppression des jurés-priseurs, dont les fonctions inutiles en elles-mêmes, mais odieuses par les abus qu’elles entraînent, ne tendent qu’à dépouiller la veuve et l’orphelin. 9° Il demande que Sa Majesté daigne pourvoir à ce que le peuple lorrain ne soit plus exposé, comme dans ces dernières années, à manquer du bois nécessaire à son chauffage; et pour cela de réduire à un nombre convenable les usines trop multipliées dans cette province, de réduire de même les affectations des bois concédés trop facilement et avec une trop grande extension à ces usines, de réduire de même les salines à la seule consommation de la province, si mieux n’aime Sa Majesté les supprimer totalement, car il est criant que la province n’ait cessé de fournir les plus beaux bois pour cuire du sel qu’on vendait aux étrangers à dix fois meilleur marché qu’aux sujets de Sa Majesté. 10° Il demande le suppression des intendants, subdélégués, ingénieurs et autres officiers de ce genre d’administration, dont l’utilité peut être aisément remplacée par les délégués des Etats généraux, lesquels peuvent aviser sur les demandes des communautés, ou sur les plaintes publiques, aux constructions et réparations de chemins, de bâtiments, d’églises, de presbytères, maisons d’école, moulins, conduites d’eaux, fossés, clôtures, etc.; et dans les cas qui exigeraient des soins et des talents particuliers, les Etats autoriseraient à recourir à des ouvriers habiles qui leur soumettraient leurs plans et leurs devis. 11° Ledit clergé supplie Sa Majesté de défendre l’introduction des familles juives au delà du nombre toléré par les ordonnances et de mettre un frein aux usures et aux vexations qu’elles exercent dans les campagnes. 12° Le clergé du bailliage de Boulay supplie Sa Majesté de confier les économats dans chaque province à l’administration des Etats provinciaux. i3° Il la supplie d’employer à l’augmentation des portions congrues les oblats des abbayes et autres bénéfices sujets à cette charge. 14° II la supplie de venir au secours des curés à portion congrue, qui se trouvent hors d’état de remplir leurs fonctions et qui sont dans l’impossibilité de payer des vicaires. Sa Majesté pourrait leur réserver un ou deux canonicats dans chaque collégiale ; elle y trouverait le double avantage de récompenser de bons prêtres et de donner aux paroisses des . pasteurs plus en état de les desservir, ou si le Roi l’aimait mieux, il pourrait donner des vicaires à ces curés à la demande de l’évêque, et les faire payer sur les abbayes com-mendataires. 15° Il la supplie de faire pourvoir sur les économats à la subsistance des anciens vicaires qui ont vieilli avant de pouvoir être placés. 16° Il supplie Sa Majesté de régler que les curés privés des novales et d’ailleurs chargés par la dernière augmentation de la portion congrue, soient au moins exempts de toute nouvelle augmentation dans le payement de leurs vicaires, ainsi que de la reconstruction des chœurs, et que ces dépenses soient désormais affectées aux économats. 17° Le clergé supplie Sa Majesté de vouloir bien ne plus soumettre les modiques successions de la plupart des curés à la formalité ruineuse des inventaires privilégiés; mais d’ordonner que dans ces cas les inventaires soient faits dans la forme la plus simple, et d’abolir en même temps les inventaires des fabriques en usage à chaque décès, attendu que la fabrique ne meurt point, qu’elle est toujours entre les mains de deux éche-vins et d’un comptable juré, et que le curé n’en est aucunement responsable. 18° Il supplie Sa Majesté d’ordonner qu’à l’avenir le choix et le renvoi des maîtres et maîtresses d’école dépendra seulement des municipalités présidées parles curés, ces assemblées étant plus à portée que le reste de la paroisse de juger du mérite des sujets destinés à ces fonctions ; cette disposition, peu importante en apparence, doit beaucoup influer sur l’éducation et par conséquent sur les mœurs des habitants des campagnes. Telles sont les justes demandes du clergé du bailliage de Boulay. Enjoignons à nos députés de les exposer et d’en solliciter l’effet avec tout le zèle et toute la constance que l’on doit à la bonne cause ; leur interdisons de consentir à aucun impôt ni emprunt national avant d’avoir ,eu satisfaction sur tous ces articles, et notamment sur ceux qui intéressent directement tous les sujets du Roi; leur permettons néanmoins de donner leur voix pour accorder au gouvernement tel secours provisoire qui pourra être jugé nécessaire pour maintenir le bon ordre dans le royaume pendant les trois premiers mois qui suivent l’ouverture des Etats généraux et non au delà, nous reposant du tout sur leur fidélité , sagesse et dévouement aux intérêts de l’ordre qui leur confie ses pouvoirs. CAHIER Des doléances , vœux, plaintes et remontrances du clergé , tant régulier que séculier , du bailliage royal de Bouzonville, convoqué en ladite ville, le 11 du présent mois de mars , en conformité de la lettre du Roi donnée à Versailles le 7 février aussi dernier , relativement à la Lorraine, pour la convocation des trois ordres, et en vertu de V ordonnance de M. le grand bailli dudit bailliage, par nous, baron deZeveyER, grand commandeur de l'ordre teutonique, résidant à Bec-king, président dudit clergé, coté par première et dernière page, paraphé au bas d'icelles, ne varietur, contenant huit feuillets , le 13 dudit mois de mars 1789 (1). 1° Le vœu du clergé séculier et régulier tend (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. [Etats gén. 1789. Cahiers.] . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville ] gQK à voir fixer l’ordre hiérarchique et ses degrés pour évitér des discussions; 2° Le clergé séculier et régulier désire vivement l’ancienne tenue des conciles nationaux et provinciaux, lesquels, suivant le droit ecclésiastique et suivant les canons, statueront sur les différents degrés qui forment la hiérarchie; il désire également la tenue actuelle des synodes diocésains, avec la clause et réserve expresse que les curés auront aux conciles tant nationaux que provinciaux, aussi bien qu’aux synodes diocésains, un nombre proportionné de députés à ces assemblées graduelles, pour concourir par voix non-seulement consultative, mais encore délibérative, à la rédaction des canons de discipline, comme aussi des statuts diocésains. 3° Dans lesquels conciles on avisera de parvenir à la suppression des empêchements de consanguinité et d’affinité au troisième et quatrième degré, de même qu’à la suppression de l’empêchement de l’honnêteté publique, manutention de la loi qui prescrit la publication des bans, avec défense d’en accorder jamais la dispense ; de suppression du ternpus vetitum. Les autres dispenses à demander seront données gratis, sauf une rétribution modique pour l’expédition. 4° Tant pour l’édification ,de la religion que -pour l’utilité des peuples, il soit ordonné à tous bénéficiers sans exception d’observer exactement la résidence, sous peine de privation du temporel. 5° Les séminaires étant les pépinières et lieux d’éducation et instruction des prêtres séculiers destinés à la charge d’âmes, le vœu général est d’en voir confier la direction aux seuls prêtres séculiers. 6° Pour l’éducation de la jeunesse, il est préalablement nécessaire qu’il soit établi une ou plusieurs maisons, dans lesquelles les régents d’école soient formés dans les sciences requises à leur état. 7° La liberté de la presse est absolument indispensable, à charge que les noms de l’auteur, de l’imprimeur et du lieu de l’impression seront mis sur chaque ouvrage. 8° Les résignations quelconques ne pourront désormais se faire que devant les ordinaires respectifs. 9° 11 sera établi dans chaque diocèse une commission de concours dont la formation sera fixée au premier synode diocésain, sauf à la perfectionner, le cas échéant, dans les synodes subséquents; tous les aspirants aux bénéfices à charge d’âmes se trouverontà ce concours annuel. D’après l’examen de leur science, comme de leur conduite, on en formera trois classes, et tous collateurs laïques comme ecclésiastiques, seront tenus de nommer un sujet de la première classe, et celle-ci se trouvant épuisée, avant le nouveau concours, un sujet de la seconde classe, et ainsi de suite. 10° L’édit sur la discipline ecclésiastique publié en France en l’année 1695, et rendu commun à la Lorraine en 1784, ayant été donné à la seule demande de MM. les évêques, et les droits des curés s’y trouvant notablement lésés, on demande la révision de cet édit, et notamment le rapport des articles 15 et 53. 11° Le vœu du clergé tend à ce que la liberté des élections, quant aux dignités de l’Eglise, soit rétablie par dérogation au Concordat d'entre le roi François Ier et Léon X; de plus, qu’en l'assena* blée des Etats généraux, l’on s’appesantisse sur le droit des annates payées au pape, ainsi que sur le droit de déport, pour en pénétrer les abus. 12° Les abbayes en commende doivent toutes entrer en une caisse d’économat, pour le produit d’icelles être employé à la décharge de l’Etat. 13° L’on espère que si, lors de l’assemblée des Etats généraux , l’on ne juge point à propos d’aviser à des moyens de sustentation pour les religieux appelés mendiants, les Etats provinciaux seront spécialement chargés de réfléchir sur cet article et d’aviser aux susdits moyens. 14° Le vœu général est de voir augmenter, tant pour les curés que pour les vicaires résidents, la portion congrue, laquelle n’a pas encore été por tée à une somme suffisante à la sustentation honnête et décente de cette espèce de citoyens et à certaines charités indispensables qu’ils sont dans le cas de faire. 15° Les curés désirent être déchargés de la fourniture et l’entretien des bêtes mâles, avec offre de leur part de s’en rédimer au moyeu d’une somme à fixer équitablement. 16° Lesdécimateurs demandent et espèrent voir intervenir une loi qui fixera clairement : 1° ce que l’on doit entendre par dîmes insolites ; 2° le mode uniforme et invariable de percevoir cette espèce de dîme, afin d’obvier, par un règlement fixe et stable, à la multiplicité des procès qui s’élèven t incessamment sur cette matière, et prévenir les variations continuelles de la jurisprudence des cours souveraines à cet égard. 17° Le clergé régulier se croit fondé à remontrer à Sa Majesté et à ses Etats assemblés que dans le règlement de convocation, la représentation du premier ordre eût été plus exacte si l’on eût distingué les différents corps dont il est composé, qui, outre les intérêts généraux, en ont chacun des particuliers. Le clergé régulier formant corps à part, ainsi que MM. les évêques, les chapitres et collégiales, et enfin les curés espérant également obtenir cette prérogative, il semble qu’il eût été juste de prendre des mesures propres à procurer à chacun de ces corps des représentants naturels. 18° Les membres du même clergé régulier désirent des règlements fixes, stables et uniformes pour le régime intérieur de leurs maisons, et quant à l’extérieur, ils offrent tous les services d’utilité publique que la nation croira pouvoir en attendre. Un point essentiel des règlements susdits, serait l’élection libre de leurs chefs et supérieurs naturels, 19° Comme c’est une vérité bien constante qüe la vraie cause de la pauvreté de la plupart des mendiants qui vont de porte en porte est moins le malheur des circonstances, souvent aussi imprévues qu’inévitables, que le dégoût du travail et l’habitude d’une vie fainéante prise dès leur enfance à l’exemple de leurs parents, il importe d’aviser à des moyens de discerner d’entre le grand nombre de "ces mendiants ceux qui méritent réellement du secours, comme aussi à ceux de leur appliquer ce secours, sans qu’ils soient dans le cas de le demander de porte en porte. Il a depuis peu paru d’excellents projets pour satisfaire à cette double fin. Toutefois l’exécution de ces projets présuppose des établissements à certain égard dispendieux. On pense devoir en pro poser un fort simple, d’une exécution facile, et qui paraît très-applicable, surtout aux campagnes. Ce projet est une loi qui : 1° défendrait, sous peine d’emprisonnement pour une année, de mendier aux portesoudans les maisons autres quecelle du curé de la paroisse ; 2° sous peine de 3 livres d’amende au profit des pauvres, de donner la moindre aumône, soit à la porte, soit dans les maisons, 696 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville. aussi autres que celle du pasteur, auquel on adresserait les pauvres passants malades, pour, après connaissance de cause, en recevoir l’aumône s’ils le méritent; 3° ordonnerait que de trois en trois mois l’un des échevins synodaux fera une quête générale dans la paroisse, pour le produit en être remis au receveur comptable en présence du curé et des autres synodaux, lesquels en feront note sur un registre double dont l’un demeurera entre les mains du curé et l’autre en celles du receveur ; 4° ordonnerait qu’aux jours de dimanches et fêtes, il se fera une quête pendant la messe paroissiale pour les pauvres de la paroisse ; 5° astreindrait les décimateurs de chaque paroisse à donner une somme d’aumônes proportionnée à sa portion de dîmes, et sera cette somme mise entre les mains du curé pour être portée au registre ; 6° ordonnerait que tous les trois mois, à un jour de dimanche ou fête, le curé et les échevins synodaux feront de concert un état des pauvres et fixeront la distribution des aumônes, pour cette distribution être effectuée par les mains du curé à un jour annoncé au prône, un quart ou cinquième des mêmes aumônes demeurant néanmoins chaque fois réservé en caisse, pour en être pourvu par le curé aux nécessités qui peuvent survenir, comme pour pauvres malades ; de cette façon les aumônes seraient appliquées aux vrais besoins, et le curé, conjointement avec les échevins synodaux, ayant lors de la distribution, non-seulement égard au besoin, mais encore à la conduite des pauvres, il en résulterait de grands biens pour les mœurs et la félicité publique. 20° Le clergé de la Lorraine joint ses vœux à ceux des deux autres ordres, pour demander le rétablissement de leurs anciens Etats provinciaux. 21° Le même clergé demande qu’il n’y ait que deux impôts, dont l’un territorial et l’autre capital, de façon que la somme des deux soit suffisante à toutes les charges et besoins de l’Etat. Que la perception de ces impôts soit la plus simple possible, et la remise faite directement dans les coffres du Roi, sans intermédiaire, le tout en argent. 22° Il estime qu’un grand moyen d’économie sera : 1° de retirer les domaines aliénés; 2° de relaisser les chasses et pêches royales par petites parties aux plus hauts metteurs, moyennant un canon annuel ; 3° un examen exact de toutes les pensions accordées sous tant de titres variés et leur réduction sans acception de personnes ; 4° la suppression des intendants et dépendances, les Etats provinciaux y suppléant ; 5° la suppression des grands gouvernements et réduction du trop grand nombre d’ états-majors. 23° Il vote pour une meilleure administration des eaux et forêts, lequel département il croit devoir être confié aux Etats de la province, comme il l’était avant rétablissement des maîtrises, sauf certaines modifications à faire et mesures à prendre à petits frais, pour assurer une bonne administration en cette partie, entendu des seules forêts royales et communales. 24° La vénalité des charges, celles de judicature surtout étant une source de ruine pour le peuple et une occasion ouverte à mille gens sans lumières, sans sciences, sans talents et sans probité, de parvenir à des offices dont dépendent les biens, l’honneur et la vie des citoyens; il est infiniment important que celte vénalité cesse, et que les offices de juges ne soient désormais confiés qu’à des hommes dont la capacité et les mœurs les en rendent dignes ; quant aux juges actuellement en place, surtout dans les tribunaux subalternes, ils ne doivent être maintenus qu’après un examen rigoureux subi par-devant des commissaires assistés de plusieurs notables, librement élus des juridiciables des sièges, et dans lequel ils auront été jugés dignes et capables. 25° Les universités ne devront jamais admettre aux grades des sujets qui n’ont nulle étude ni capacité, et surtout ne jamais accorder des lettres de licence qu’après s’être suffisamment assurées des talents des aspirants, le tout sous des peines grièves. 26° Le clergé, spectateur journalier des maux inexprimables qu’entraîne l’établissement des jurés-priseurs, en réclame la suppression, persuadé d’avance que c’est le vœu général des deux autres ordres et surtout du tiers, qui, dans son cahier de doléances, aura indiqué les moyens de rembourser la finance, comme aussi celle des offices de maîtrise. 27° De l’établissement des deux impôts portés en l’article 23 du présent cahier, suit la suppression de la ferme, des droits d’aides et gabelles, de la régie générale, la liberté de tout commerce, sel, tabac, l’abolition de la châtrerie, l’abolition de la marque du cuir, etc., etc. 28° Un établissement très-intéressant pour les pauvres campagnards, serait celui de chirurgiens d’arrondissement, qui soigneraient gratis les malades de la campagne, sur les certificats des curés, et feraient une fois par semaine la visite de chaque village de leur arrondissement ; de même, il faudrait que les villes et paroisses de campagne fussent pourvues de sages-femmes suffisamment et gratuitement instruites dans des espèces de séminaires établis à cet effet. La dépense pour ces objets pourrait être prise sur l’économat des abbayes en commende et des annates. 29° Il ne paraît pas juste que les curés qui n’ont que la moitié, le tiers ou moindre partie des dîmes soient tenus à payer les vicaires résidents ou autres. La portion des dîmes qui leur a été abandonnée, autrefois, ayant pour lors été jugée nécessaire à leur entretien, et si depuis les paroisses se sont accrues au point d’exiger des vicaires, cette nouvelle charge doit d’autant plus être prise sur les parties des dîmes, autres que celles des curés, que par l’accroissement des paroissiens, la charge de ceux-ci est d’ailleurs augmentée en plus d’une manière. 30° Les inconvénients des clôtures étant aussi ruineux que multipliés, tant par les procès qu’elles engendrent incessamment que par la perte réelle du terrain des trois pieds de tour de charrue de celui qu’emportent les clos et fossés, des frais de ces clôtures et du bois que celles en palissades consument , l’on désire le rapport de l’édit des clôtures de 1767, et qu’il soit dit que tous les héritages seront considérés comme naturellement clos, de façon que chaque propriétaire use et jouisse de toutes ses possessions en terres et prés privativement à tous autres et pendant toute l’année, ce qui semble d’autant plus juste que les seuls propriétaires portent et acquittent les charges de leurs possessions. 31° La vaine pâture empêchera toujours la multiplication des prairies artificielles; d’ailleurs elle est une des grandes causes de la dégradation des forêts, de mille délits et rapports ruineux, de la corruption des mœurs de la jeunesse, à laquelle est confiée la garde des chevaux et autres bêtes de trait, depuis l’âge de neuf à dix ans, jusqu’à celui de dix-huit, de la désertion des écoles de campagne pendant les sept à huit mois de l’année que dure cette pâture, du vol des jardins, de cette rudesse de caractère que les enfants ne peuvent [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville.1 697 manquer de prendre, étant soustraits pendant la plus forte partie de l’année à tous surveillants, et pour ainsi jlire livrés à la seule compagnie des animaux qu’ils gardent. Ces maux et quantité d�autres font désirer la suppression de toute vaine pâture, à l’exception de celles des bêtes à soie et des bêtes à laine, les premières sur les terres arables seulement et jamais sur les prés dont elles sont absolument la ruine; quant aux dernières, cette réserve est censée faite d’avance, à charge que le berger répondra des dégâts que son troupeau pourrait faire sur les sillons emplantés, de même que le hardier de ceux commis par le troupeau confié à sa garde. De cette défense générale de la vaine pâture doivent encore être exceptées, pour toutes espèces de bêtes, les quinze premiers jours après les deux récoltes en grains, et celles en» foins et regains, en éloignant toujours les bêtes blanches, aussi soigneusement des prés, que celles à soie. 32° La fin des inventaires qui sont ordonnés en Lorraine, à la mort de l’un des conjoints, étant de prévenir le tort qui pourrait arriver, en cas de secondes noces, aux enfants du premier lit, comme à ceux du second, il suffirait, pour parvenir à cette fin, de procéder à la confection de ces inventaires au moment où le survivant se disposerait à convoler à de secondes noces. Une loi donc qui défendrait aux procureurs du Roi de ne procéder aux inventaires que lorsque le survivant se disposerait réellement à convoler à de secondes noces, à charge que les curés ne pourraient donner la bénédiction nuptiale, à moins qu’il ne leur apparût d’un inventaire, serait d’autant plus sage qu’outre d’autres avantages évidemment sensibles, elle aurait celui d’empêcher quantité d’inventaires inutiles et les frais considérables qu’ils entraînent. Cette loi est l’objet d’un vœu général. 33° 11 serait encore bien à désirer que tous inventaires de fortune qui ne passerait pas 300 livres, estimation qui serait faite par deux notables du village, assermentés gratis à cet effet par-devant le notaire, fussent faits à peu de frais par le maire, le greffier et deux notables de la communauté, avec faculté aux curés d’y assister, inventaire dont copie serait déposée au greffe royal, la minute demeurant au greffe local ; que les inventaires dont la fortune serait au-dessus de 300 livres et ne passerait point 600 livres fussent faits par les procureurs du Roi gratis, et que ces sortes de lois fussent successivement publiées au prône ; les fabriques ne mourant point avec les curés, l’inventaire des titres ne doit pas être répété à chaque mort des curés ; cette opération semble même aussi superflue que ruineuse. 34° Le Roi s’étant, quant au tiers denier, restreint au douzième, l’on espère qu’il invitera tous les seigneurs de son royaume à imiter son généreux exemple, ne serait-ce que pour obvier à mille fraudes qui se commettent à l’occasion des retraits lignagers, où le retrayant est souvent dans le cas de faire état au rétrocédant d’un tiers denier rigoureux, tandis que ce dernier ne l’a réel-lementipayé qu’au douzième et plus bas encore. 35° Les bois blancs étant au plus haut terme de leur croissance à l’âge de douze à quinze ans, une loi forestière devrait dire que la révolution des coupes de cette espèce de bois serait faite deux fois pendant celle unique des bois, chênes, hêtres et charmes, outre que de cette manière, la coupe des bois ;blancs produirait annuellement le quadruple de ce qu’elle produit dans le régime actuel (la plus forte partie de ces bois dépérissant avant la révolution de vingt-cinq ou trente ans); il en résulterait encore un bien considérable pour les gros bois, qui, ainsi éclaircis, travailleraient beaucoup mieux. 36° Les pauvres communautés trouveraient souvent une grande ressource pour subvenir à des besoins pressants (comme bâtiments ou réparations à leur charge) dans leurs communes en terres et prés, le relâissement à bail, la vente des fruits des mêmes communes ; mais le tiers denier de ces fruits ainsi vendus ou relaissés , qui advient soit au Roi, soit au seigneur, est une sorte d’entrave qui empêche la plupart des communautés de prendre ce parti salutaire; l’on espère donc des bontés du Roi qu’au lieu de tiers, Sa Majesté se restreindra à la double portion du produit des ventes ou des baux (cette double portion se calculant sur le nombre des habitants de chaque communauté) et que les seigneurs auront la générosité d’imiter un si bel exemple. 37° En Lorraine, une loi forestière défend de mettre les porcs à le glandée dans toutes les coupes qui n’auront pas huit années révolues ; cette loi est inconnue dans le reste de la France, et doit être également supprimée pour la Lorraine, tant par la partie immense d’engrais qu’elle fait perdre que parce qu’elle empêche une meilleure recrue, puisque les porcs allant à la glandée et labourant la terre pour y chercher des vers et des racines, enterrent et recouvrent par là même plus de glands et de faînes qu’il n’en faut pour une recrue abondante; c’est de quoi l’on est convaincu par la seule inspection des coupes de toutes les autres provinces de France. 38° Les vols et dégradations des jardins n’étant si communs que parce que les délits sont trop légèrement punis, l’on désirerait une loi qui infligeât à cet égard des peines plus graves, comme celle du carcan, des arrêts pour vingt-quatre heures, plus ou moins selon la gravité du délit, à charge : 1° que cette peine serait prononcée sans frais par le maire du lieu assisté de deux notables, et mise à exécution par le sergent local qui en aurait une modique rétribution ; 2° que la peine infligée n’emporterait point la note d’infamie. 39° Le vœu général est de voir déclarer que toute espèce de banalité, ainsi que les corvées seigneuriales, droit de chapons et de poules, seront rédimables à prix d’argent, soient convenus à l’amiable ou à régler par des commissaires envoyés sur les lieux de[la part des Etats provinciaux. 40° Le'droit du chef d’hôtel, autrement nommé droit capital, rappelant sans cesse l’ancienne et honteuse servitude sous laquelle nos ancêtres ont gémi, l’on espère des bontés du Roi et de la grandeur d’âme des seigneurs d’un royaume qui se glorifie de sa liberté, l’entière abolition de ce droit, d’ailleurs si peu productif. 41° Il serait à désirer que, pour obvier à une infinité d’inconvénients bien sensibles, les différentes coutumes de chaque province fussent réunies en une seule-et uniforme pour toute la province. 42° L’on désire que le soldat soit déclaré citoyen, ait voix aux Etats périodiques futurs, soit mieux payé, et en temps de paix chargé de la confection et entretien des chaussées comme d’autres ouvrages publics. 43° La justice ainsi que le bien de l’Etat exigent que tous offices, charges, gardes ou bénéfices quelconques ne soient donnés qu’au mérite; qu’en conséquence ceux de l’ordre du tiers puissent aspirer à tous offices, grades ou bénéfices de 698 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville.] l’Eglise, de la magistrature, comme du militaire. 44° La personne des citoyens devant encore être plus sous la sauvegarde' des lois que leur fortune, il s’ensuit la nécessité de la suppression absolue et éternelle des lettres de cachet, qui ne peuvent être considérées que comme l’effet d’un despotisme qui répugne infiniment à la justice d’un bon souverain , ainsi qu’à celle due au dernier comme au premier de ses sujets. 45° L’exportation des bois semble bien plus nuisible que celle des grains et autres denrées; on en désire la défense, de même que la réduction du trop grand nombre d’usines qui absorbent le bois et l’enchérissent à un point excessif. 46Q Le vœu général tend à l’abolition de toutes dots pour l’entrée dans une maison religieuse. 47° La loi qui défend aux gens de mainmorte de placer des deniers et rentes met d’un côté de grandes entraves au commerce cause de l’autre et la sortie d’un gros numéraire du royanme, en ce que les gens de mainmorte des provinces frontières placent leurs capitaux chez l’étranger. Ce double mal serait prévenu par une loi qui, en permettant aux gens de mainmorte de placer leurs capitaux, par exemple à 3 p. 0/0, leur défendrait sous des peines grièves d’en placer chez l’étranger. 48° Les terres et fermes de l’ordre de Gîteaux et de celui des Chartreux étant par privilège exemptes de dîmes quand ces terres sont exploitées par eux-mêmes , devraient toutefois l’acquitter lorsque les mêmes terres et fermes sont exploitées par des fermiers.? 49° Les malversations qui viennent de mettre l’Etat aux abois justifient la demande générale que le ministre ayant l’administration delà finance devienne comptable de sa conduite ministérielle à la nation. 50° Chaque communauté doit former un état-rôle ou registre exact de tous les biens et possessions formant le ban de cette communauté, à l’exception des biens communaux; ce registre contiendra autant d’articles qu’il y aura de propriétaires distingués ; la totalité des possessions de chaque propriétaire sera estimée à un quart au-dessous de leur valeur réelle, et cette estimation sera annotée à l’article de chaque propriétaire; à chaque mutation de possession, il doit en être fait note avec les noms des nouveaux propriétaires. Ce registre remplacerait le tableau des hypothèques, qui n’est établi que dans les chefs-lieux des sièges. Un propriétaire qui serait dans le besoin d’emprunter une somme d’argent, se munirait de l’article de ses possessions certifié par les maires et gens de justice du lieu et chargé des hypothèques antécédentes exactement datées, lequel extrait formerait un moyen de sécurité pour le prêteur, d’autant plus grand que les maires et gens de justice demeureraient responsables de leurs certificats ; quiconque voudrait vendre ses possessions, en tout ou en partie, pourrait d’autant moins tromper l’acheteur, que l’inspection de son article de propriétés annoncerait si ses propriétés sont claires, ou hypothéquées, et à quelle concurrence ; à ce moyen le recours aux juifs ne sera plus si fréquent et si ruineux pour le peuple. 51° Pour obvier aux grands frais de procédures, il faudrait : 1° réduire les sièges subalternes à un moindre nombre ; 2° rendre les juges de ces sièges responsables de leurs jugements toutes les fois qu’ils seront contraires au texte de la loi; 3° autoriser les maires des villages, assistés de deux notables, à juger en première instance les cas de purs faits, ainsi que les reconnaissances de promesses claires et non sujettes à contestation, avec permission de faire interposer une saisie provisoire, en cas de contestation. D’ailleurs défenses aux parties de se pourvoir par appel pour cas de fait, qu’après la huitaine, pour donner aux tètes chaudes le temps de se rasseoir. 52° Le préjugé qui étend l’infamie ou le déshonneur d’un criminel sur sa famille, est l’une des raisons qui font échapper, à force de sollicitations d’une famille puissante, les grands criminels au supplice ou à la punition méritée; il serait donc important de faire des efforts convenables pour détruire ce préjugé, ainsi que celui qui attache le déshonneur au refus d’un duel. 53° En cas de reculement des barrières aux frontières, il sera de la justice la plus exacte et la plus indispensable d’avoir égard aux provinces frontières qui souffriront de ce reculement, presque en même proportion que celles intérieures y gagneront; à raison de quoi les provinces frontières seront bien fondées à demander des dédommagements. 54° L’ordre teutonique, représenté par M. Le Grand, commandant de Beckin, déclare qu’en adhérant au présent cahier, il n’entend point préjudicier aux droits et privilèges qui ont été en tout temps assurés et confirmés à son ordre par les traités de paix ; 55° La première base de l’impôt territorial sera un nouveau cadastre de tous lesbiens du royaume, tant ecclésiastiques que nobles et roturiers, lequel cadastre devra être tripartie, c’est-à-dire composé de trois parties distinguées, dont chacune comprendra à part l’état des possessions d’un ordre, de manière que l’évaluation de chacun de ces états généraux puisse servir de base à la répartition générale à faire entre les trois ordres, avant d’en venir aux répartitions graduelles et particulières. 56° Il paraît de la plus grande importance que le premier objet à traiter dans l’assemblée des Etats généraux sera l’établissement des bureaux intermédiaires, dont un dans la capitale de chaque province ; et quant à la Lorraine, un dans chaque chef-lieu des quatre bailliages de Nancy, Bar, Sarreguemines et Mirecourt, un dans chacun des bailliages subalternes, lequel dernier correspondrait avec les commissaires députés des trois ordres, de manièrejque la correspondance d’entre les députés aux Etats et tous leurs commettants soit assurée pour, pendant toute la tenue des Etats, pouvoir être fourni aux députés les instructions ultérieures jugées nécessaires. Le présent cahier ainsi fait, clos et arrêté en rassemblée générale de l’ordre du clergé, dont tous les membres l’ont signé, après lecture et relecture à eux faite aux jour et an avant dits. Pour expédition rendue exactement conforme à la minute déposée au greffe du bailliage de Bouzonville, le 14 mars 1789. SUPPLÉMENT AU CAHIER Des doléances , vœux , plaintes et remontrances de l’ordre du clergé du bailliage de Bouzonville , de rechef convoqué en ladite ville le 27 du présent mois de mars, par ordonnance de M. le lieutenant général dudit, bailliage du 22 mars, contenant quatre feuillets, par nous Antoine Wing, prêtre, curé de la paroisse de Wandreeling et Bouzonville, pour l’absence de M. le président librement élu dudit clergé, coté par première èt dernière page et paraphé au bas d’icelles ne va-rietur, à Bouzonvillele 27 mars 1789. 1° L’axiome de droit qui dit sœcularia sœcula- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ribus, regularia regularibus, malgré qu’il semble consacré par le temps et les docteurs, pose, surtout quant aux bénéfices à charges d’âmes, sur une hypothèse des plus énormes. Jésus-Christ, qui efface tous les docteurs et dont les institutions ne sont point sujettes à prescription, n’a établi qu’une espèce de charge d’âmes et une seule sorte de pasteurs du second ordre, à savoir les prêtres séculiers ; l’Evangile n’en connaît pas d’autre; il suit de là que tous les bénéfices-cures sont séculiers de leur nature, comme de leur constitution, et que, quand, comme on le suppose peut-être gratuitement, il y en aurait eu de fondés par des réguliers, pour des réguliers, cette fondation, qui ne pourrait être considérée que comme un renversement des principes, désavoué par les Jérôme , les Bernard , et tous autres saints fondateurs des ordres monastiques, devrait être déclarée abusive et sujette à correction ; que si, dans des temps de malheurs et de pénurie des prêtres séculiers, les réguliers ont été appelés à la desserte de nombre de cures, ils ne peuvent disconvenir qu’ils ont été très-surabondamment dédommagés de leurs peines, puisque l’accomplissement de ce devoir de charité leur a valu une forte partie de cette opulence qui les a fait si fortement dégénérer de leur état primitif, par cette immensité de dîmes que les souverains pontifes et des évêques mêmes ont enlevée aux églises, aux curés et aux pauvres pour les incorporer avec une libéralité vraiment désastreuse aux abbayes et autres maisons rentées, de façon que les curés peuvent bien dire en gémissant pour leurs églises, pour eux et pour leurs pauvres, que des étrangers se sont emparés de leur héritage ; Hœre-ditasnostraversa est ad alienos. (Lament. Jérém.,5). Les prêtres séculiers demandent donc que toutes les cures rentrant dans leur institution originaire, primitive et évangélique, soient à l’avenir reconnues bénéfices purement séculiers; en conséquence, des servies par les seuls prêtres séculiers, en quoi ces derniers ne font que réclamer une moindre partie de leur plus clair patrimoine. 2° Les curés, institués par l’Auteur même de la religion, pour former le sénat des évêques, pour, avec eux et immédiatement sous eux, remplir les augustes fonctions de pasteurs des âmes, sont aujourd’hui tellement couverts de l’ombre des abbés, prieurs et moines rentés, qu’ils ont peine à se faire apercevoir de leurs propres ouailles. Ce nouvel ordre de choses, ou plutôt ce désordre contre lequel saint Jérôme et saint Bernard ont si fortement tonné de leur temps, a fait que des gens que leur état primordial avait voué à l’obscurité et à la retraite, sont parvenus, à force de richesses et d’éclat, à rompre la chaîne sacrée de la hiérarchie, à se faire compter avec le haut clergé, à se placer immédiatement après les évêques, dont même ils ont usurpé une partie des pouvoirs, et à reléguer sous le boisseau qu’ils venaient de quitter la lumière que Jésus-Christ avait portée sur la montagne, c’est-à-dire ceux que Louis XVI n’a su mieux caractériser qu’en les appelant les bons et utiles pasteurs. Ils espèrent donc, ces pasteurs, que, vu leur institution primitive, vu la considération due à leur utilité, tant politique que religieuse, le meilleur et le plus juste des rois avisera dans sa haute sagesse non-seulement aux moyens de leur procurer une aisance plus honnête et plus décente que celle dans laquelle se trouvent actuellement la plupart d’entre eux, mais encore à ceux de les rétablir dans leur ordre primitif en les plaçant immédiatement après les évêques et au-dessus des moines et des abbés. [Bailliage de Bouzonville.J 699 Car eu fait peuvent-ils dire vrai avec Jérémie •’ Filii Sion incliti, et amicti auro primo , quo modo reputati sunt in vasa testea? (Lament. Jérém., 1.) 3° L’un des moyens les plus justes et les plus efficaces pour tirer les pasteurs du second ordre de l’espèce d’avilissement si décourageant dansiequel ils ont été insensiblement jetés, et en même temps rendre à leur état cette considération, ce crédit, cet extérieur sans lequel ils ne sauraient être que faiblement utiles dans les temps où nous vivons, sera de déclarer que désormais ils feront corps aussi bien que MM. les évêques dont ils sont les yeux, les bras, les premiers et les seuls vrais coadjuteurs ; qu’en conséquence, nulle assemblée du clergé n’aura plus lieu, soit pour les affaires de discipline ecclésiastique, soit pour la répartition de l’impôt qui pèsera sur le premier ordre, sans que les curés n’y concourent, même de préférence aux réguliers, par un nombre de députés de leur corps qui soit proportionné à celui tant des pasteurs du premier ordre que des députés du corps desdits réguliers. 4° Le service que rendent les curés dans les paroisses, tant desvillesque des campagnes, étant évidemment à la décharge des pasteurs du premier ordre, il est non-seulement contraire à l’équité naturelle que leur dotation soit extrêmement peu proportionnée à celle de ces premiers pasteurs, et encore plus à l’opulence si choquante de la plupart çles maisons régulières, mais il paraît encore être de la plus exacte justice que les pasteurs du second ordre soient institués et formés aux sciences et devoirs de leur état et non à la charge d-e leurs parents, mais à celle tant de MM. les évêques que des abbayes et autres maisons rentées, auxquelles les dîmes d’un si grand nombre de cures ont été incorporées. De cette manière les parents n’étant plus épuisés par les frais de séminaires de leurs enfants, ces pépinières ecclésiastiques se trouveront bien plus abondamment peuplées qu’elles ne le sont, ce qui procurera à MM. les évêques la consolation de pouvoir choisir dans le grand nombre des pasteurs et des surveillants dignes de les représenter près des différents troupeaux particuliers de leur diocèse. 5° Il y a en Lorraine, comme dans les autres provinces de la France, des abbayes si mal peuplées qu’il ne s’y fait pour ainsi dire plus de service du tout, et que ces maisons semblent ne plus être destinées qu’au rendez-vous des gens du siècle; il serait à désirer que ces maisons fussent incorporées à d’autres, où la discipline et la règle sont et peuvent encore être en vigueur. Les bâtiments, jardins, enclos et tous autres biens en dépendant serviraient à former des hôpitaux, des manufactures pour les pauvres, ou à des maisons de correction semblables à celles si utilement établies dans les différentes provinces d’Allemagne. 6° Vu d’un côté la population actuelle du royaume et de l’autre la certitude de voir les séminaires du royaume bien peuplés en tout temps, tant au moyen d’une réduction convenable du trop grand "nombre de maisons religieuses qui sont à peu près inutiles à l’Etat, qu’en déchargeant équitablement les parents des frais de pension de leurs enfants séminaristes, les prêtres séculiers de la Lorraine joignent leurs vœux à ceux de tous leurs compatriotes, pour voir remettre en vigueur l’ordonnance deLouisXII, de l’année 1499, relative aux lettres de naturalité, l’article 92 de celle de François Ier, rendue en 1525, touchant les étrangers, et enfin la déclaration donnée au mois de janvier 1681 sur le même objet. Qu’en conséquence, il soit dit que tous les étrangers naturalisés ou 700 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville.] non, seront et demeureront dès à présent et pour toujours exclus de tous offices et bénéfices de France, et notamment de la Lorraine, où une forte partie des bénéfices est de patronage étranger, lequel droit de patronage se trouve attaché à des terres et biens cédés par nos rois ou nos ducs, en pur don, à des abbayes etchapitres aujourd’hui devenus étrangers. Et comme par la disposition de cette loi un certain nombre de bénéficiers actuels, qui sont d’origine étrangère, seront dans le cas d’être évincés de leurs bénéfices, la même loi chargerait les impétrants desdit bénéfices d’en abandonner le tiers du temporel aux titulaires ainsi évincés, sous la réserve expresse que ce tiers serait dépensé dans le royaume. 7° Avant le quatrième concile général de Latran, les ordres de Cîteaux, de Glunyet d’autres avaient déjà obtenu de l’indulgence des souverains pontifes quantité d’exemptions et de privilèges aussi contraires au bon ordre qu’a la justice distributive entre tant d’autres privilèges accordés à ces ordres par des papes qui, la plupart du temps, reconnaissaient des abbayes ou des couvents pour leur berceau. L’on se rappelle toujours avec étonnement l’exemption de dîme prononcée et établie en faveur des différentes maisons des mêmes ordres pour tous leurs biens présents et à venir, pourvu qu’ils les cultivassent eux-mêmes; sur des .réclamations trop justes et trop générales, les pères du quatrième concile de Latran crurent faire un grand pas en bornant cette exemption aux biens acquis par les ordres de Cîteaux, de Cluny et autres, avant le même concile; les moines, de leur côté, se crurent lésés, et, profitant d’un temps de trouble et de calamités, ils parvinrent, à force de sollicitations et d’intrigues près du pape Martin V, à faire étendre cette exemption de dîmes au delà de ce qu’elle avait jamais été, c’est-à-dire à tous leurs biens sans exception, soit qu’ils les aient acquis avant ou après le quatrième concile de Latran, soit qu’ils les exploitassent par eux-mêmes ou par d’autres. Il est vrai que la jurisprudence des cours souveraines du royaume a un peu rétréci cette exemption; mais n’est-il. pas évident : 1° que ces exemptions accordées par les papes n’ont été qu’un véritable abus de pouvoir? 2° que le seul but tolérable de ces exemptions ne pouvait être autre que celui de mieux assurer une dotation suffisante aux maisons de ces ordres et que ce motif n’existant plus, puisque aujourd’hui toujours ces maisons jouissent d’une opulence excessive, et qui les fait nécessairement dégénérer de plus en plus de leur institution primitive, les mêmes exemptions doivent entièrement cesser ; tel est aussi le vœu et la demande très-instante du clergé séculier de la Lorraine, et en particulier de celui du bailliage de Bouzonville. 8° En France les topinambours sont généralement exempts des dîmes ; en Lorraine, ils ne le sont que dans les novales, et par novales on entend aussi les prés convertis en terres labourables ; le but de cette exemption a été de favoriser la culture des topinambours; en effet, cette culture s’est étendue d’une manière étonnante. Cependant il est de l’expérience la plus reconnue ar tous les cultivateurs attentifs et intelligents : 0 que nulle croissance n’exige autant d’engrais et n’épuise autant les terres que les mêmes topinambours ; 2° que cette croissance, extrêmement fade et spongieuse, est infiniment moins nourrissante pour les hommes et pour les animaux qn’on ne l’a cru et ne le croit encore communément ; 3° que ce fruit n’étant de garde que pendant quatre à cinq mois de l’année, quelque abondante qu’en soit la récolte d’une année, il n’en reflue rien sur celle suivante ; 4° que calcul fait, les frais de cette culture en surpassent, année commune, le produit. Toutes ces raisons et d’autres encore que l’on pourrait y ajouter, l’abus si commun et si destructeur en Lorraine de convertir les prés en terres, pour profiter de l’exemption, prouvent que loin de favoriser la plantation des topinambours, il est d’un intérêt général et pressant d’y mettre des bornes même fort étroites. 9° L’usage établi dans toutes les abbayes et autres maisons régulières de servir (quant au manger) chaque individu par portions à part, mérite d’autant plus d’attention, que cet usage, qui est infiniment abusif , occasionne une consommation de comestibles chers et précieux qui serait au moins bornée à la moitié si cette espèce de citoyens vivait à table ronde ; tous les restes de ces portions, qui communément sont trop fortes, ne peuvent plus être servies qu’à des domestiques qui ne sont point certainement faits pour vivre aussi précieusement. 10° L’on observe, par addition à l’article du cahier principal où il est parlé des religieux mendiants, qu’il est d’autant plus important que sans remettre la fixation de leur sort aux Etats provinciaux, le Roi daigne y statuer lui-même dans l’assemblée des Etats généraux, que cette affaire tient à l’intérêt général et commun de tout le royaume ; il paraît bien juste qu’en réduisant ces maisons des religieux mendiants à un moindre nombre, les abbayes et autres maisons si richement dotées soient chargées de l’entretien de celles qui subsisteront, puisqu’enfin ce qui vient de l’autel doit retourner à l’autel, et qu’il n’est pas dans l’ordre qu’une espèce de religieux-prêtres aille mendier son pain honteusement, tandis que les autres nagent dans l’abondance. Au reste, en rétablissant les pasteur du second ordre dans l’état d’aisance et de considération qui leur est du, et en rendant la pension des séminaires gratis, les mêmes séminaires se peupleront bientôt au point de faciliter infiniment les moyens de se passer du service des moines mendiants, et par ainsi de diminuer le nombre de leurs maisons. 11° Sa Majesté est très-humblement suppliée de nommer ou faire nommer par MM. les évêques une commission de théologiens éclairés qui travailleront incessamment et d’après les meilleurs auteurs, à un corps de théologie, ayant grand soin d’en bannir toutes les questions oiseuseset celles de pure controverse scolastique et se bornant uniquement au dogme, àlamoraleetla discipline; d’ordonner ensuite que cette théologie sera uniformément enseignée dans toutes les universités et dans tous les séminaires du royaume. Au moyen d’une théologie aussi élaguée, et conséquemment beaucoup raccourcie, l’on trouverait dans les séminaires le temps d’enseigner l’Ecriture sainte en entier et de donner encore aux candidats des principes du droit canonique. La même opération devrait avoir lieu quant à la philosophie. 12° Enfin, le clergé séculier du bailliage de Bouzonville prie très-instamment ceux d’entre les pasteurs du second ordre qui seront députés aux Etats généraux, de bien lire, méditer et se pénétrer d’un petit ouvrage qui a paru en 1787 avec ce titre : Le vœu de la raison , pour les paroisses, les curés et les pauvres, à Louis XVI dans l'assemblée des notables de son royaume, et d’y puiser les projets et les moyens d’une réforme aussi essentielle à la religion que salutaire à l’Etat ; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bouzonville.] 7Q| entre autres, Fuite de ces réformes les plus importantes sera sans doute l’entier et éternel abolissement de cette exemption si sensiblement antiévangélique et anti-apostolique, qui a soustrait nombre de maisons religieuses à l’inspection et surveillance immédiate des premiers pasteurs. 13° Le vœu générai du clergé est : 1° qu’aux Etats généraux prochains, il ne soit consenti aucun impôt, à moins que les lois constitutionnelles de l’Etat n’aient été préalablement fixées, assurées et solennellement sanctionnées par les mêmes Etats ; 2° que le retour périodique des Etats généraux soit fixé à une révolution de quatre années et jamais à un plus long terme; qu’à chaque terme de ces Etats, les subsides, ou la continuation de l’impôt, ne pourront être accordés que pour l’espace de quatre années, lequel temps passé, sans que les Etats généraux aient été rassemblés, le payement de l’impôt consenti dans les derniers Etats généraux sera et demeurera suspendu, et ceux qui tenteraient d’en continuer la levée, traités et poursuivis ea justice comme vrais concussionnaires et perturbateurs du repos public. 14° Le clergé de la Lorraine, en réclamant le rétablissement des anciens Etats provinciaux de la même Lorraine, demande que la forme et constitution de ces Etats soit calquée sur celle des Etats du Dauphiné. 15° Le même clergé demande que les dettes de l’Etat et le véritable déficit soient clairement mis sous les veux du public par la voie de l’impression, et que cette partie distincte de l’impôt général qui sera destinée à l’extinction desdites dettes et déficit ne puisse être consenti ni durer au delà du temps précisément requis pour opérer ladite extinction des mêmes dettes et déficit. Fait et arrêté à Bouzonville, le 27 mars 1789. CAHIER Des doléances de Vordre de la noblesse du bailliage de Bouzonville (1). Du 12 mars 1789. L’ordre de la noblesse dans le ressort du bailliage de Bouzonville, assemblé d’après le vœu exprimé par Sa Majesté dans ses lettres de convocation, s’empresse de lui témoigner son dévouement et d’y mettre le sceau par le sacrifice de tous ses privilèges. Les doléances que cet ordre va rédiger prouveront que son vœu est celui du tiers-état, et il ne contestera à ce dernier que le désir d’offrir à la patrie ses biens et son sang. il ose donc supplier Sa Majesté de remettre la province en pays d’Etats, suivant son ancienne constitution, d’ordonner qu’à l’avenir les impôts ne pourront être établis et consentis que par les Etats généraux de la nation, dont le retour périodique sera fixé, et qu’aucun tribunal ne pourra, non-seulement les augmenter sous la dénomination de sous pour livre ou tout autre, mais encore rien changer à la forme de leur perception sans la sanction des Etats généraux. Vouloir que toutes les impositions réelles' ou apparentes seront converties en deux, réparties également sur tous les individus tant au réel qu’au personnel, savoir : L'une sur les propriétés foncières, l’autre en (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. forme de capitation sur les portions libres, com-merçables ou apparentes de fortune. De supprimer les fermes générales (a) et droits réunis quelconques, sous quelque dénomination que ce puisse être. D’anéantir également les privilèges exclusifs, aussi destructifs de l’industrie que vexatoires poulies individus. De supprimer les banalités, sous la réserve que si cette suppression semblait trop onéreuse aux preneurs, ils seront autorisés à résilier et remettre leurs baux aux propriétaires, soit que lesdits baux soient à terme ou à perpétuité, sans, pour ce, pouvoir prétendre aucune indemnité. De supprimer également les offices des huissiers jurés-priseurs, réprouvés par toutes les cours supérieures, et anéantir ceux des rifleurs et châ-treurs aussi inutiles qu’onéreux. La noblesse supplie Sa Majesté de confier aux Etats de la province la répartition de l’impôt destiné à l’entretien des ponts et chaussées, d’ordonner la réduction des ingénieurs à qui le soin en est confié, et de soumettre leurs opérations à la police et à l’inspection de MM. les officiers supérieurs du corps royal du génie. Les bois étant une denrée de première nécessité, leur conservation devient non-seulement précieuse, mais intacte dans cette province; l’exportation des bois de Hollande et de construction et du bois de chauffage même se fait authentiquement; en outre, le pays est couvert d’usines, forges, verreries, qui non-seulement consomment énormément, mais encore administrent si mal les cantons de forêts qui leur sont attribués, qu’ils sont convertis en friche ; aussi la cherté des bois augmente au point que si Sa Majesté ne défend pas expressément l’exportation des bois de chauffage au moins et n’ordonne pas la réduction des usines, l’habitant de la campagne sera dans peu réduit à l’impossibilité physique de pourvoir à son chauffage, ainsi qu’à la cuisson, tant de ses aliments que de ceux de ses bestiaux. Que Sa Majesté soit suppliée d’accorder la liberté à la circulation des denrées dans l’intérieur du royaume, et ne souffre plus qu’une partie de ses sujets soient réputés étrangers, pour, sous ce prétexte, trouver à chaque pas, non-seulement des impositions, mais encore des embûches que la cupidité et la mauvaise foi tendent à l’inexpérience. D’ordonner la simplification dans les formes judiciaires, la promptitude et l’ordre dans l’administration de la justice, une fixation authentique dans les rétributions dues à ses ministres ou agents. (a) L’établissement de la gabelle a été fait à l’époque de la ruine de la campagne de cette province; le sel pouvant seul suppléer à la mauvaise qualité des fourrages, le prix exorbitant auquel il se vend a été un empêchement direct à l’abondance de nourrir des bestiaux. Trop heureux si cet inconvénient eût été le seul qui fût résulté de la cherlé de cette denrée de première nécessité ! Mais outre que, par une suite nécessaire, l’agriculture en a souffert, le malheureux des frontières de cette province, pressé par le besoin et le désir d’avoir du sel de meilleure qualité chez l’étranger à un très-bas prix, l’ont déterminé à exposer sa liberté et se fortune. Le particulier devenu la proie de la cohorte barbare des employés de la ferme, obligé, par une soumission rigoureuse, à payer une somme, est réduit pour toujours à la misère qui devient le partage de ses enfants; un autre que la loi condamne à une somme de 500 livres et qui se trouve dans l’impossibilité d’y satisfaire, est conduit aux galères avec d’autant moins de rémission, que par une convention qui révolte, chaque forçat vaut à la compagnie une somme de 100 écus.