558 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juin 1790.] Mais l'Assemblée nationale a-t-elle besoin de ce motif pour savoir que Marseille est la capitale du commerce de l’Italie, du Levant et de toute la Méditerranée, c'est-à-dire d’une partie du globe où ce seul port peut faire le commerce de l’Inde ? Qui ignore que ce port du midi et de l’orient de la France a des avantages à reconquérir sur les ports d’Jtalie; que ces avantages lui ont été ravis par les meurtres de la fiscalité, et que la liberté doit les lui rendre avec usure? Qui ignore que ce port est plus propre qu’aucun autre à lutter utilement, sur une plus grande partie de points, contre la concurrence de l’Angleterre? Ce port est le seul où le commerce n’a pu être déplacé par les vicissitudes des siècles ; il est irrévocablement marqué au doigt de la nature ; et si la France ne devait avoir qu’un port de mer, les temps indiquent Marseille. Marseille est le seul port du royaume qui puisse empêcher l’Italie soit de faire le commerce de l’Inde, soit d’en profiter. Trois vaisseaux expédiés de Marseille pour l’Inde, sous pavillon toscan, sont revenus à Livourne, sur la fin de l’année dernière ; une cargaison y a déjà été vendue, les deux autres s’y vendent dans ce moment : dans huit séances les Italiens ont acheté pour seize cent mille livres; tous ces achats sont destinés pour le Levant, pour l’Italie, peut-être même pour la France. Un autre navire, parti de Marseille sous pavillon savoyard, a apporté de Surate une cargaison de coton, qu’il a vendue à Villefranche, pour Gênes, et nous avons été privés de ces matières premières. C’est ainsi que les prohibitions les plus absurdes forcent les Marseillais à porter aux Italiens ce que les Italiens viendraient acheter à Marseille ; c’est ainsi qu’on enseigne, à Livourne et à Ville-franche, à faire le commerce des grandes Indes, et que, pour quelques misérables calculs de fiscalité, on se laisse enlever des trésors. Quand finiront ces honteuses erreurs? quand aura-t-on, en finances, des calculateurs politiques, des esprits libéraux qui sachent comparer ce qu’un peu de contrebande enlèverait à un bureau des fermes ou de la régie, avec les pertes que la richesse nationale, vraie source du fisc, fera toujours, lorsque les commerçants seront dans l’alternative de renoncer à leurs conceptions, ou d’en partager le bénéfice avec des villes étrangères, qui n’en jouiraient pas, sans ces fautes du gouvernement? Je pourrais donc dire à ceux qui veulent un entrepôt exclusif : Indiquez un port du royaume qui soit plus propre que celui de Marseille à devenir l’entrepôt des retours des Indes, à les distribuer dans une plus grande partie du globe, à se procurer des échanges qu’il faut porter dans l’Inde, à profiter de ceux qu’il faut recevoir des étrangers, à lutter contre les Anglais, là où notre position nous permet d’avoir sur eux de véritables avantages, à lutter contre toutes les compagnies étrangères, succès que le port de Lorient ne peut obtenir, parce qu’il est trop rapproché de ces compagnies et des marchés où s’établirait la concurrence. Mais comme je ne veux pas de système exclusif, que ma vie entière a été et sera destinée à combattre, je me borne à dire ; Marseille est un port franc ; Marseille est un grand dépôt de commerce : par quelle bizarrerie, pouvant armer des vaisseaux pour les Indes orientales, lui interdirait-on d’en recevoir les retours dans son port? Serait-ce parce que ses retours y trouveraient des débouchés faciles et avantageux ? 11 faut donc que les villes de France se déclarent la guerre entre elles; qu’associées pour la liberté, elles s’en disputent les bienfaits ! Hâtez-vous, Messieurs, de solliciter la fin de ces méprises, en décrétant : Ou que les retours de l’Inde pourront être portés dans tous les ports; Ou qu’il n’y a pas lieu à délibérer, attendu votre précédent décret sur la liberté du commerce de l’Inde. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. de Mirabeau.) Une réclamation du canton de Bâle, au sujet de biens qu’il possède en Alsace, est renvoyée au comité féodal. La séance est levée à dix heures du soir. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 28 JUIN 1790. Mémoire sur les impressions à ordonner par les corps administratifs , et sur l'envoi des décrets aux municipalités. L'Assemblée nationale va établir, dans les quatre-vingt-trois départements, uniformité d’administration. Cette vue si sage amène à la nécessité de n’user que des mêmes moyens d’exécution : ainsi, mêmes registres pour toutes les administrations dans l’étendue de l’Empire. S’il existe quelque différence, elle ne consistera que dans les changements de noms des districts et des départements. De là résulte l’extrême facilité d’obtenir, dans la masse totale des impressions communes à toutes les administrations, une économie, une célérité et une utilité dignes de fixer l’attention d’administrateurs sages et prudents et celle même des représentants de la nation. Économie. Les planches d’un registre, d’un tableau, ou de tel autre objet, une fois établies, peuvent être communes à tous les corps administratifs. Elles le peuvent d’autant plus facilement, que le nombre de ces registres est ordinairement peu considérable pour chaque administration. Ainsi, facilité dans l’exécution, économie importante dans la main-d’œuvre, d’autant plus chère que le nombre d’exemplaires dont elle est le résultat est peu considérable. Il est telle planche de tableau qui ne peut s’établir à moins de quatre louis. Ainsi, il est incontestable que si chaque département fait imprimer, par exemple, un registre dont la planche revienne à 72 livres, il en coûtera pour l’établissement de quatre-vingt-trois planches semblables, 5.976 livres, au lieu que si la planche est commune aux quatre-vingt-trois départements, chaque administration n’aura à payer pour son quatre-vingt-troisième que 17 sols 2 deniers. 11 est tel registre qui coûterait 150 livres, isolément imprimé, qui ne reviendra pas au tiers, si l’impression est commune à toutes les administrations.