712 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ffj brumaire an ir entière y est nécessaire, afin que cette fête ne soit pas un acte partiel, mais le résultat du vœu de la nation. Le Président. L’invitation des autorités cons¬ tituées de Paris est flatteuse, et chacun de nous en particulier se sent entraîné par le désir de vous accompagner; mais la Convention, fidèle à son poste, a besoin de se consulter. Je vous invite à la séance. Charlier. Je convertis en motion la demande des pétitionnaires. La Convention la décrète. Un membre annonce que la cérémonie à la¬ quelle la Convention vient d’être invitée, est finie. Thuriot. Je demande que, malgré cela, la Convention se rende au temple de la Raison, pour y chanter l’hymne de la liberté. Cette démarche est du plus grand intérêt. La Conven¬ tion prouvera par cet acte formel que l’opinion ne l’a point devancée dans la destruction des préjugés. Le peuple y retournera volontiers pour accompagner ses représentants. La proposition de Thuriot est décrétée. Chaumette à la barre. Le peuple vient de faire un sacrifice à la Raison dans la ci-devant église métropolitaine. Il vient en offrir un autre dans le sanctuaire de la loi; je prie la Conven¬ tion de l’admettre. Un groupe de jeunes musiciens ouvre la mar¬ che. Ils exécutent divers morceaux de musique qui sont fort applaudis. Les jeunes orphelins des défenseurs de la patrie viennent ensuite; ils chantent une hymne patrio¬ tique qu’on répète en chœur. Des citoyens couverts du bonnet rouge s’avan¬ cent, en répétant les cris : Vive la République! vive la Montagne! Les membres de la Conven¬ tion mêlent leurs cris à ceux des citoyens. La salle retentit d’applaudissements. Une musique guerrière frappe l’air des airs chéris de la Révolution. Elle précède un cortège de jeunes femmes vêtues de blanc, ceintes d’un ruban tricolore, la tête ornée de fleurs. Après elles s’avance la'j déesse de la Raison; c’est une belle femme portée par quatre hommes dans un fauteuil entouré de guirlandes de chêne; le bonnet de la liberté est placé sur sa tête ; sur ses épaules, flotte un manteau bleu; elle s’appuie sur une pique. Les applaudissements recommencent; les cris Vive la République! redoublent; on agite en l’air les chapeaux et les bonnets ; la musique fait en¬ tendre de nouveaux accords civiques; l’enthou¬ siasme est dans tous les cœurs ; la déesse de la Raison est placée au-devant delà barre, vis-à-vis le Président. Le silence succède aux accla¬ mations. Chaumette. Vous l’avez vu, citoyens légis¬ lateurs, le fanatisme a lâché prise; il a aban¬ donné la place qu’il occupait à la raison, à la justice et à la vérité : ses yeux louches n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Il s’est enfui. Nous nous sommes emparés des temples qu’ils nous abandonnait. Nous lés avons régénérés. Aujourd’hui tout le peuple de Paris s’est trans¬ porté sous les voûtes gothiques, frappées si long¬ temps de la voix de l’erreur, et qui, pour la première fois, ont retenti du cri de la vérité. Là, nous avons sacrifié à la liberté, à l’égalité, à la nature; là, nous avons crié : Vive la Montagne! et la Montagne nous a entendus, car elle venait nous joindre dans le temple de la Raison (1). Nous n’avons point offert nos sacrifices à de vaines images, à des idoles inanimées. Non, c’est un chef-d’œuvre de la nature que nous avons choisi pour la représenter, et cette image sacrée a enflammé tous les cœurs. Un seul vœu, un seul cri s’est fait entendre de toutes parts. Le peuple a dit : Plus de prêtres, plus d’autres dieux que ceux que la nature nous offre (2). Nous, ses magistrats, nous, avons recueilli ce vœu; nous vous l’apportons. Du temple delà Rai¬ son nous venons dans celui de la Loi, pour fêter encore la liberté. Nous vous demandons que la ci-devant métropole de Paris soit consacrée à la raison et à la liberté. Le fanatisme l’a abandon¬ née; les êtres raisonnables s’en sont emparés : consacrez leur propriété: (On applaudit.) Le Président. L’Assemblée voit avec la plus vive satisfaction le triomphe que la Raison rem¬ porte aujourd’hui sur la superstition et le fana¬ tisme. Elle allait se rendre en masse au milieu du peuple, dans le temple que vous venez de con¬ sacrer à cette déesse, pour célébrer avec lui cette auguste et mémorable fête : ce sont ses travaux et le cri d’une victoire qui l’ont arrêtée. Chabot. Je convertis en motion la demande des citoyens de Paris, que l’église métropolitaine soit désormais le temple de la Raison. La proposition est adoptée. Homme demande que la déesse de la Raison se place à côté du Président. Chaumette la conduit au bureau. Le Prési¬ dent et les secrétaires lui donnent le baiser fra¬ ternel. La salle retentit d’applaudissements. La pétition de Chaumette, convertie en mo¬ tion, est décrétée. Thuriot. Je demande que la Convention marche en corps, au milieu du peuple, au temple de la Raison, pour y chanter l’Hymne à la li¬ berté. La proposition est accueillie par des acclama¬ tions. La Convention se mêle avec le peuple, et se met en marche au milieu des transports et des acclamations d’une joie universelle. Il est 4 heures. Etat des dons patriotiques faits à la Convention nationale depuis et compris le 11 brumaire , Van II de la République , jusques et compris le 20 du même mois. Du 11 brumaire. La commune de Saverdun a fait déposer par le citoyen Clauzel, député, 1 médaille d’argent (1) Applaudissements, d’après le Mercure univer¬ sel [21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793