[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[23 février 1791.] les astreindrait à la résidence. Leur liberté serait attaquée sans qu’ils eussent accepté aucunes fonctions publiques qui les assujettissent à aucuns devoirs. Lafamilledu roi serait, sans avantage pour elle, fr appée d’un esclavage politique, dans lequel chacun de ceux qui la composeraient, n’étant ni fonctionnaires publics, ni citoyens, désapprendraient les devoirs de ceux-ci, sans avoir ni intérêt ni occasion de s’instruire des obligations de ceux-là. Ensuite ce serait une famille privilégiée, jusqu’à son dernier rejeton, et qui, pouvant s’accroître à l'infini par ses ramifications diverses, menacerait l’égalité politique, sauvegarde de la liberté et base de la Constitution. Que les premiers membres de la famille du roi soient considérés comme fonctionnaires publics, parce qu’ils peuvent à chaque moment le devenir, mais que les autres soient libres comme tous les citoyens ; qu'ils en exercent les droits, et qu’ils jouissent du bénéfice de toutes les lois sociales, en conservant toujours les titres à la suppléance héréditaire qu’ils tiennent de la Constitution et de leur naissance : voilà les conséquences les plus pures de la Constitution française. PROJET DE LOI. Art. 1er. Les fonctionnaires publics, dont l’activité est continue, ne pourront quitter les lieux où ils exercent les fonctions qui leur sont déléguées, s’ils n’y sont, autorisés. Art. 2. Ceux des fonctionnaires publics dont l’activité n’est pas continue seront tenus de se rendre aux lieux de leur résidence politique, pour le temps où ils doivent reprendre l’exercice de leurs fonctions, s’ils n’en sont dispensés. Art. 3. L’autorisation on la dispense ne pourront être accordées aux fonctionnaires publics que par le corps dont ils sont membres, ou par leurs supérieurs. Art. 4. Le roi, premier f mctionnaire public, doit avoir sa résidence à portée de l’Assemblée nationale, lorsqu’elle est réunie ; et, lorsqu'elle est séparée, le roi peut résider dans toute autre partie du royaume. Art. 5. L’héritier présomptif de la couronne étant, en cette qualité, le premier suppléant du roi, est tenu de résider auprès de sa personne. La permission du roi lui suffira pour voyager dans l’intérieur de la France ; mais il ne pourra sortir du royaume sans y être autorisé par un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi. Art. 6. Si l’héritier présomptif est mineur, le suppléant majeur qui sera le plus près de succéder à la couronne, d’après la loi constitutionnelle .de l’Etat, sera assujetti à la résidence, conformément au précédent article, sans que, par la présente disposition, l’Assemblée nationale entende rien préjuger sur la loi de la régence. Art. 7. Tant que l’héritier présomptif sera mineur, sa mère sera tenue à la même résidence. L’Assemblée nationale n’entend rien préjuger sur ce qui concerne l’éducation de l’héritier présomptif ou d’un roi mineur. Art. 8. Les autres membres de la famille du roi ne sont point compris dans les dispositions du présent décret; ils ne sont soumis qu’aux lois communes aux autres citoyens. Art. 9. Tout fonctionnaire public, qui contreviendra aux dispositions du présent décret, sera m censé avoir renoncé, sans retour, à ses fonctions; et les membres de la famille du roi seront censés de même, en cas de contravention, avoir renoncé personnellement et sans retour à la succession au trône. (Vifs applaudissements.) (L’Assemblée ordonne l’impression de ce rapport et du projet de décret, et en ajourne la discussion à la séance de vendredi prochain.) M. Troncliet, au nom du comité féodal. Il s’est glissé dans l’impression faite à l’Imprimerie royale du décret du 23 décembre dernier deux erreurs. La première consiste en ce que, dans le préambule de la loi, un décret antérieur s’v trouve rappelé sous la date dn 19 du même mois, au lieu de celle du 18 ; la seconde, en ce que, dans l’article 3 du décret du 23 décembre, on avait imprimé deux fois, au lieu du mol panade, celui de pacage. La première erreur se trouve aussi dans la minute du procès-verbal, mais la seconde n’est qu’une faute d’impression, dans l’édition de l’Imprimerie royale.) Il y aurait lieu de faire opérer deux rectifications. (L’Assemblée ordonne que la date du 18 sera substituée dans la minute du procès-verbal à celle du 19, et que M. le Président donnera des ordres nécessaires pour réimprimer l’édition de l’Imprimerie royale.) M. Tronchet, au nom du comité féodal. Messieurs, je suis chargé par votre comité féodal de vous présenter un rapport sur plusieurs questions relatives au rachat des rentes seigneuriales , qui se sont élevées en exécution du décret du 3 mai 1790 (1). Bien que les articles que je crois avoir l’honneur de vous proposer ne soient que des articles additionnels à ceux qui ont été déjà proposés par M. Merlin, pour n’en faire qu’un seul même décret, votre comité a cru cependant devoir eu faire l’objet d’un rapport particulier. Messieurs, la difficulté de combiner plusieurs anciens principes du régime féodal avec le rachat des droits ci-devant féodaux, et avec les règles que le décret du 3 mai a prescrites pour ce rachat, a fait naître plusieurs questions importantes, qu’il est nécessaire et urgent de résoudre. Une première classe de ces questions appartient au point de savoir quelle peut être i’in-tluence des anciens principes concernant le jeu de fief dans l’exécution du rachat des droits féodaux, qui a été permis par le décret du 3 mai. L’Assemblée nationale a pris pour base générale de s s décisions dans cette matière, que la suppression de la féodalité ne devait rien changer, jusqu’au rachat, aux droits de propriété utiles des ci-devant seigneurs ; en sorte que, jusqu’à l’extinction totale des effets de la féodalité par un rachat, les ci-devant seigneurs devaient conserver tous les droits utiles et non honorifiques qui en résultaient, et les exercer avec la même plénitude. Les règles, que nos coutumes ou la jurisprudence avaient établies sur la matière du jeu de fief, avaient pour objet la conservation des droits utiles attachés an fief. Le jeu de fief ne peut plus avoir lieu à l’avenir, mais il y a eu des jeux de fiefs faits antérieurement; ces opérations étaient subordonnées à des règles qui avaient été jugées nécessaires pour le maintien respectif des droits (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 4791.J 436 [Assemblée nationale.J de propriétaires de liefs inférieurs et supérieurs. Tant que ces droits u’auront point été rachetés, ces règles doivent subsister; et c’est la combinaison de ces règles avec celles prescrites parle décret du 3 mai, qui a fait naître plusieurs questions importantes. Elles sont au nombre de quatre. L’on a demandé : 1° si le propriétaire d’un fonds fief pourra être admis à divise'1 le rachat des droits casuels, et à ne faire ce rachat que pour une portion de ce qui compose le corps de son fief, ou s’il sera obligé de racheter les droits casuels sur la totalité de son fonds. 2° Comment il faudra opérer pour liquider le rachat dû par le propriétaire d’un ci-devant fief, quant aux mouvances qui en dépendent, lorsqu’il voudra se racheter lui-même avant d’en avoir reçu le rachat de ceux qui tiennent de lui des fonds en fief, ou en censive. 3° Si le mode et le taux du rachat, dû par le propriétaire du fief inférieur, à raison des mouvances attachées à son fief, doit toujours être le même et dans la même proportion, soit que ces mouvances soient ou ne soient pas inféodées par le propriétaire du fief supérieur. Ces trois questions tiennent à la combinaison des principes du jeu de fief avec les règles prescrites pour le rachat que le décret du 3 mai autorise. Il en a été proposé une quatrième, qui dérive des principes de l’ancien régime féodal, relatifs à la réunion des arrière-fiefs, ou ceusives, au corps du fief dont iis avaient été démembrés. On a demandé si les mêmes principes, sur lesquels il y avait une grande diversité dans les coutumes, devaient encore être suivis, et comment, en ce cas, s’opérera le rachat, soit lorsqu’il y aura eu réunion, ou lorsqu’il n’y en aura pas eu. Le comité se propose de vous présenter ses réflexions sur ces diverses questions. Examen des trois premières questions. Avant de répondre directement à ces trois questions, le comité a cru indispensable de tracer préalablement un tableau précis des anciens pri-cipes sur la matière du jeu de fief, et des différentes lois et usages qui existaient dans les différentes coutumes et provinces du royaume. Cette dissertation pourrait peut-être paraître inutile, aujourd’hui que la féodalité est supprimée, et qu’il ne peut plus certainement se faire d’aliénation à titre d’infeoiation ou d’accensement. Le comité n’a pas cru cependant pouvoir s’en dispenser, attendu le rapport et l’influence que les principes de l’ancien jeu de fief ont dans les décisions qu’il faut donner sur les trois premières questions qui font l’objet de ce rapport. On donnera à celte dissertation le moins d’étendue possible; mais un certain développement est d’autant plus nécessaire, que cette matière abstraite a toujours été très peu connue et très obscurcie par les auteurs, qui n’ont pas assez fait d’attention à la diversité des lois et des motifs qui les avaient dictées. Par jeu de fief, on entendait la faculté qu’avait le propriétaire d’un fief d’en aliéner une portion, non seulement sans que cet acte pût opérer aucun droit en faveur au fief supérieur, mais encore de manière que les mutations qui arriveraient ensuite dans la portion aliénée, ne produisaient plus de droits au profit du seigneur supérieur, et que ces droits appartenaient, au contraire, au propriétaire du tief inférieur. Celte interversion se faisait par les actes connus sous le titre de sous-inféodation ou d 'ac-censement. De même que Pierre avait reçu de Jean un domaine, à la charge de le tenir de lui sous la charge de la foi et hommage, et de lui payer certains droits aux mutations, Pierre cédait à Paul, sous les mêmes charges, une portion du domaine qu’il tenait de Jean ; en sorte qu’au lieu de deux fiefs qui existaient précédemment, il s’en formait trois ; celui de Jean, supérieur; celui de Pierre, tenu de Jean et supérieur à celui de Paul, formé par la portion qui lui avait été sous-inféodée, et laquelle, par cette opération, se trouvait reculée d’un degré à l’égard du premier fief, qui n’avait plus de mouvance immédiate que sur la portion réservée par Pierre. Ce serait une recherche plus curieuse qu’utile, d’examiner si, de tout temps, les ci-devant vassaux jouissaient de la faculté indéfinie de se jouerainsideleursfiefs.il serait facile de prouver la négative par des monuments très anciens, tels que le livre des fiefs (i), les assises de Jérusalem (2), les anciennes coutumes de Champagne (3) et les anciennes coutumes de Beau-voisis (4). Ce qu’il y a de certain, c’est que les propriétaires de fiefs ne tardèrent pas à s’apercevoir du préjudice que leur porterait la liberté indéfinie dont auraient joui, à cet égard, les propriétaires des tiefs mouvants d’eux; et que leurs réclamations avaient fait introduire des modifications, qui ont été confirmées par les dispositions des coutumes lors de leur rédactio i générale sous Charles VII, ou lors de leurs réformations dan3 les temps postérieurs ; et ce qu’il est important de faire connaître; ce sont les termes, les différents caractères et les motifs des diverses restrictions que nos lois coutumières avaient établies. Les propriétaires des fiefs dominants se plaignaient de ce que les vassaux, en se jouant indéfiniment de la totalité de leurs fiefs, viulaient la loi même du contrat synallagmatique qui était la source de leur propriété. Cette loi les soumettait à payer certains droits en cas de vente et d’autres droits pour les mutations par mort, donation ou autres. Cette loi, disaient-ils, vous la violez doublement; 1° Vous ia violez, si vous faites vos inféodations à prix d’argent sans être obligés de nous payer les droits auxquels vous vous êtes soumis; 2° Vous la violez,