473 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mai 1791.] qu’à rédiger les articles, car l'opinion est formée sur ces objets. Je demande donc que le comité de Constitution nous présente au plus tôt ses vues sur cet objet. M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Les dispositions dont il s’agit sont renfermées dans le travail qui va vous être présenté sur le renouvellement de la législature et que votre comité ne tardera pas à vous soumettre : ainsi l’intention de M. d’André sera remplie. Dans ce moment, je viens au nom de votre comité de Constitution vous faire un rapport sur les municipalités par cantons. Messieurs (1), Le premier travail que le comité de Constitution ait entrepris par vos ordres proposait de former de grandes municipalités en laissant à chaque bourgade des agents ou officiers municipaux, tant pour la gestion de ses biens et la conduite de ses affaires, que pour la répartition et le recouvrement des contributions directes. La nature des choses nous semblait exiger une organisation particulière pour les municipalités des villes, et nous leur réservions le plan que vous avez rendu général. Vous savez, Messieurs, à quelle éçoque et dans quel temps vous vous déterminâtes à établir une municipalité indépendante et organisée de la mè ne manière, dans les villes, les bourgs, les paroisses et les communautés. Nous avouons, de bonne foi, que les dispositions provisoires adoptées par vous, convenaient mieux aux circonstances; qu’on s’est permis souvent d’en indiquer les abus, mais qu’on n’aurait pas dû oublier le bien que nous leur devons. En effet, au moment où les diverses parties de l’ancien gouvernement s’écroulaient; lorsque l’indignation ne reconnaissait plus les pouvoirs publics établis sous l’ancien régime, les tribunaux et les agents de l’administration n’inspiraient plus de confiance, il a bien fallu, pour ménager aux lois un reste de soumission, jeter et prodiguer sur la surface du royaume des pouvoirs quelconques émanés du peuple : malgré les inconvénients, malgré les dangers d’une mesure aussi hardie, il a fallu les armer de la force publique et leur attribuer le contentieux de la police, quoiqu’il fût impossible d’assurer ainsi l’uniformité et l’équité des jugements. Pour seconder vos efforts, pour répandre l’esprit de patriotisme, pbur donner de la vigueur aux caractères et aux esprits, pour leur donner la trempe nécessaire à la liberté, il était bon de former à l’avance les citoyens, de les préparer par degrés aux fonctions et aux devoirs du gouvernement représentatif, de saturer, si je puis m’exprimer ainsi, l’imagination et les désirs des hommes ardents, afin de les soumettre au régime sévère de la loi, lorsque la Constitution serait achevée. Une pareille opération convenait encore aux mouvements d’enthousiasme et d’énergie par lesquels s’est opérée la plus mémorable révolution qu’aient jamais présentée les annales du monde. U est de votre devoir maintenant de songer à l’état de la France, lorsque la liberté bien établie n’aura plus à désirer parmi nous que des citoyens qui sachent en jouir. Après avoir recueilli les avantages d’une institution qui n’a été et qui ne pouvait être que provisoire, il convient de prévenir les désordres qui en résulteraient par la suite; mais il convient aussi de n’en ordonner le changement qu’à l’époque où cette foule de municipalités indépendantes n’aura plus d’utilité. Dans ce nouveau travail, recommandé par l’expérience, il s’agit de conserver les droits des plus petites communautés, de leur laisser tout ce qu’elles feront bien, et seulement de leur ôter les fonctions qu’elles rempliraient mal, ou qui exigeraient de leur part de trop grands sacrifices. Il est donc nécessaire d’approfondir les principes sur cette partie de l’organisation sociale, de les envisager sous tous leurs rapports et d’en calculer toutes les. conséquences. Les villes, les bourgs et les villages sont, dans l’ordre politique, autant de familles chargées de leurs affaires domestiques, et jouissant des mêmes droits; mais on ne peut, sans de graves inconvénients, déléguer aux villages la même étendue de pouvoir qu’aux villes. En effet, la population plus considérable que celles-ci exige une répression plus active; la fainéantise et la débauche y produisent plus de désordres et de crimes; les représentants et les gardiens du peuple y ont besoin de plus de moyens de persuasion et de plus de moyens de force. D’autres motifs encore prescrivent une institution différente. Dans les villes, la contagion de l’enthousiasme, en mal ou en bien, fait naître lus d’infractions aux lois; le caractère et les abitudes y donnent plus de prise aux intrigants et à tous les ennemis de la chose publique. Dans les temps de calamité, les souffrances s’y aigrissent d’une manière plus dangereuse; l’explosion des mécontentements ou des erreurs populaires y est d’autant plus forte qu’elle est plus concentrée : rien ne peut y dissiper les opinions déraisonnables, ou les terreurs sur les subsistances : on a toujours à craindre de voir naître du trouble dans les lieux publics et au milieu des spectacles, ou des fêtes qui rassemblent les citoyens : il n’est pas jusqu’à la voie publique qui ne demande des précautions plus étendues. Une force puissante doit donc environner cette multitude d’hommes resserrés dans un petit espace où tant de passions menacent la sûreté et la tranquillité générale et individuelle. Sous le rapport des pouvoirs délégués, l’administration générale a aussi plus de fonctions à donner aux municipalités des villes. Leur organisation doit donc être plus travaillée, et leur action plus libre. On peut y réclamer, au nom de la patrie, plus de services de ceux qui ont plus de loisir et plus de fortune, y ordonner même des institutions sans autre objet que de façonner au joug des honorables devoirs de citoyens, ceux qui ont le plus d’inconstance dans leurs idées, et prennent le plus de part aux mouvements contre la puissance publique. Le plan de municipalités que vous avez adopté, remplit toutes ces vues : on peut donc le conserver pour les villes, sauf quelques détails purement réglementaires sur la forme des élections ou sur d’autres points. Il n’en est pas de même des villages. San3 doute, chaque bourgade doit avoir des officiers municipaux et des notables nommés par les citoyens actifs; car ces petites familles ont des affaires domestiques à gouverner, ainsi que je l’ai déjà dit, et des soins à prendre pour maintenir la propreté, la sûreté et la tranquillité. Elles sont chargées d’ailleurs de répartir les contributions demandées par le Trésor public; il faut donc y établir un pouvoir municipal, mais la détermination de son étendue et de ses bornes (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur. 4/74 |Assenablée nationale. ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, l?6 mai 1191.] offre quelques difficultés. Les éleràents de ce ealcül sônfc.nbmbreux; il est nécessaire de combiner à la fois les vues dè la mofale et celles de là politique, et d’éclairer les unes et les autres des lumières de l’expérience. Il s’agit de trouver une institution qui donne, d’un côté, un appui sûr à la faiblesse de chaque bourgade, et répande parmi les hommes, que leur position tend à isoler, les habitudes et les affections sociales qui sont la base de tbus les gouvernements; qui, de l’autre; renforce le lien politique, et par des divisions dans le territoire du district, réunisse un nombre de communautés qui ne soit ni trop petit ni trop rand,. pour maintenir la surveillance et la paix es campagnes. Enfin, rien ne pourra réussir en ce genre, si on ne ménage pas le temps des cultivateurs et des ouvriers, et si on ne proportionne pas à leurs lumières les fonctions qui leur seront imposées* Polir remplir des vues si intéressantes, nous proposons de donner trois officiers municipaux et six notables à chaque bourgade, de rendre les élections faciles et de peu de durée, de leur laisser, ce qu’ils pourront bien faire, c’est-à-dire la répartition des contributions publiques et le maintien de la police, jusqu’au jugement du contentieux et. à la réquisition de la force publique exclusivement; et sur les objets plus difficiles, de les incorporer à une autre institution qui, réunissant plus de lumières et plus de force, sera un service plüB exact. Nous voudrions donc établir par canton tine municipalité centrale, composée d’un maire et d’un procureur de la commune, nommés par les citoyens actifs de toutes les communautés, et de l’un des officiers municipaux de chaque communauté particulière. Elle ne siégerait que le dimanche;, elle jugerait le contentieux de toutes les affaires de police; elle rendrait toutes les ordonnancés sur cette matière ; elle requerrait et surveillerait l’emploi de la force publique, nécessaire à la sûreté et à la tranquillité de tout le canton; elle remplirait, dans l’ordre municipal et dans l’ordre administratif, d’autres fonctions utiles qu’indiquera le plan. Les avantages qui résulteraient d’une pareille institution sbht sans nombre, et je me bornerai à en présenter quelques-uns : . 1° Le moindre trouble ou le moindre désordre dans une communauté intéresserait tous les citoyens soumis à la municipalité centrale. La force de tout le canton interviendrait pour le réprimer, et on remplirait ainsi, à quelques égards, cette grande vue d’ün ancien législateur, qui voulait qne le contre coup-d’un désordre allât frapper aü loin le patriotisme des habitants du même payé. x° Les haines et les divisions, si fréquentes jusqu’ici entre les habitants des communautés limitrophes, disparaîtraient; un sentiment de fraternité ne tarderait pas à prendre la place de ces querelles, aussi affligeantes pour les bonnes moeurs, que nuisibles à l’intérêt et au repos de ceux qu’elles agitent. 3° Rien n’étant plus utile que les institutions corrélatives, dont le ressort est d’une étendue modérée et s’arrête aux mêmes limites du territoire, l’ordre s’établirait et se soutiendrait par le concours du juge de paix, chargé de la police en matière criminelle, et par celui de la municipalité, chargée, sur le même canton, de la police municipale et de l’exercice de la force publique. 4° L’opinion publique arrêterait ceux qui ne sont pas contenus par l’opinion de la bourgade : en maîtrisant les esprits de toute sa force, elle deviendrait pliispuissante que les cobdamualidns, et préviendrait très souvent l'application sévère de la loi. . 5° Les pauvres seraient mieux assistés, et, relativement à la bienfaisance publique, on ouvrirait une Source inépuisable de biens pour tout le canton. ..... . .. 6° Les municipalités centrales produiraient aussi l’uniformité et la bonté des jugements et ordonnances de police; lés amendes et les peines seraient appliquées avec plus d’exactitude; les délits seraient plus rares on ne redouterait pas seulement la peine de la loi, on craindrait de se diffamer soi-mênie dans toute l’étendue dut canton. 7° Il ne resterait plus d’inquiétudes sur la sagesse de la réquisition et.de remploi de la force publique. Gë. remède nécessaire, mais toujours dangereux, serait employé impartialement et dans des dispositions tranquilles. 8° Une foule de réclamations mensongères, ou contradictoires n’iront plus fatiguer et tromper les corps administratifs. 9° Dans les affaires importantes, ceux-ci seraient mieux avertis. Obtenant dés renseignements plus, sûrs, ils exerceraient leur pouvoir plus promptement et avec plus d’efficacité. . En ôtant aux officiers municipaux des villages et des bourgs la proclamation de la loi. martiale, il est indispensable de pourvoir autrement à leur sûreté et à leur tranquillité. La gendarmerie nationale, que vous avez établie, est assez nombreuse, pour suffire â presque tous les cas. Dès l’instant où des troubles se préparent, on peut l’avertir de se tenir prête ; on parviendrait ainsi à rétablir la paix delà manière la plus paisible. Quant aux occasions où cette force serait insuffisante, nous avons distingué les moments où la tranquillité publique est menacée ; ceux où il se prépare une émeute ou une sédition ; ceux enfin, où une émeute, une sédition ou. une incursion de brigands s’est déclarée. Il faut tracer des règles simples et justes pour ces diverses circonstances,, et nous croyons qu’elles se trouvent dans Je projet de décret. Ce point est important; car, d’un côté, la réquisition faite à une partie ou à la totalité d’un canton, cause elle-même du trouble et enlève un temps précieux aux cultivateurs et ouvriers; et de l’autre, ori ne peut compter ni sur une discipline assez exacte, ni sur des chefs assez habiles et assez prudents, pour ne pas éloigner ou réduire les occasions où l’on fera marcher les gardes nationales. Nous avons eu soin également de faire avertir le directoire de district, qui, placé plus haut, verra mieüx ces sortes d’objets, et mettra en mouvement, ou arrêtera plus à propos l’action de la force publique. La réquisition respective, accordée à toutes les communautés, par un . décret du 15 février 1790, que les circonstances ont ordonnée, doit être restreinte dans des bornes posées par les principes, et nous proposons de ne l’accorder qu’aux communautés limitrophes. Mais ensuite il peut devenir nécessaire de faire passer des gardes nationales d’un canton dans un autre, ou d’un district dans le district voisin ; car, si les bourgs et villages d’un canton forment dans le plan une seule et mêtne commune, où les citoyens veillent mutuellement pour leur repos, les cantons du même district forment aussi une agrégation qui leur impose les mêmes devoirs; et les districts du même déparîement forment enfin une troisième agrégation, dont les membres [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 126 mai 1791.] 475 ont auBei des devoirs réciproques à remplir. Cette action de la force publique d’un canton sur un autre, d’un district sur une autre partie ou sur la totalité du reste du département, exige des précautions particulières. Il y aurait du danger à ne pas en réserver la disposition aux corps administratifs, et il paraît convenable de la donner à celui du district pour le premier cas, et à celui du département pour le second* Les législateurs pe devant jamais perdre de vue les calculs des arithméticiens politiques, sur les dommages que causent à un État les journées perdues des cultivateurs et des ouvriers; et les dispositions qui ménagent le temps de ceux qui ne trouvent leur subsistance que dans un travail continu, n’étant pas seulement un devoir d’humanité, mais un très bon calcul d’intérêt, surtout dans la. Constitution que, vous avez établie, nous avons eu soin d’abréger les élections en conservant le droit des citoyens. L’élection municipale n’emploiera qu’une séance de peu de durée. Nous vous, demandons. Messieurs, dé faire présider les citoyens actifs de la communauté par le premier officier municipal sortant d’exercice; d’attribuer les fonctions de secrétaire au premier des notables, .aussi sortant d’exercice; enfin, de faire recevoir et dépouiller les scrutins par les notables en exercice, mais en présence des trois plus anciens d’âge, . .. . La municipalité du canton ne s’assemblerait que le dimanche, et la communauté la plus éloignée du chef-lieu aurait peu de chemin à faire. Il est important néanmoins de faciliter le service des. .officiers municipaux de chaque bourgade. Nous, les* y envoyons tour à tour; ce service ne reviendrait ainsi qu’au bout de trois semaines, et gênerait d’autant moins qu’ils auraient presque toujours des affaires particulières au chef-lieu. .. Il est une autre précaution qu’il convient de ne pas négliger; et conformément à l’esprit de la loi qui réserve aux séances du matin les jugements en matière criminelle, nous demandons que la séance du matin soit employée aux jugements des matières de police et aux plus impor�- tantes, des fonctions qu'aurait la municipalité centrale. Sans doute, le nombre des affaires sera peii considérable, mais nous avons senti qu’il faudrait, de temps à autre, tenir des séances l’après-dîner, et nous déterminons les objets qui pourront y, être traités. 11 île. suffirait pas d’établir la subordination des municipalités centrales, à l’égard des corps administratifs; nous avons réglé, avec quelque détail, J’autorité que ceux-ci pourront déployer contre elle. En classant les diverses parties de la Constitution, on y trouvera un lien plus solide et plus fort qu’on ne l’a pensé jusqu’ici. Sans doute, il faut renvoyer à cette époque la formation des derniers anneaux de la chaîne qui doit réunir toutes les parties du corps politique autour de leurs centres particuliers, et ensuite autour du centre commun; mais, ainsi que nous l’avons pratiqué, dans toutes les autres occasions,, nous posons les bases, sauf à les développer par la suite, s’il en est besoin. Enfin nous renvoyons à l’époqüe des élections de cette année, c’est-à-dire au mois de novembre, les changements qui seraient opérés d’après le plan. Les municipalités subsisteront avec avantage telles qu’elles sont, aussi longtemps que la Constitution ne sera pas terminée; le délai que nous indiquons sera donc utile sous ce rapport; et cotnme il ne faut pas fatiguer les citoyens, qu’on à rassemblés très souvent depuis la Révolution, sous cet autre rapport, le délai est encore convenable. La constitution des corp3 administratifs et celle des municipalités ayant des rapports intimes, on doit y Chercher la liaison et l'accord que le comité s’est efforcé d’y mettre. La partie de travail quë vous avez adopté, Messieurs, sur le complément de l’organisation des administra* lions de départements fet de districts, â été com-bihée avec celle que nous présentons aujourd’hui sur les municipalités de campagne; et si l’on veut en rapprocher les diverses dispositions* on y trouvera, d’une part, le développement des principes sur l’administration générale du royaume et sur le pouvoir municipal qui doit appartenir aux communautés; de l’autre, la hié-rarchie et la subordination de ces pouvoirs dans tous leurs détails et dans tous leurs degrés, ûü y verra tous les mouvements se porter par gradations, de la source du pouvoir jusqu’au chef suprême de l’Etat, et redescendre, de la même manière, du centre jusqu’à l’extrémité des rayons. Il . fallait pourvoir à ün point important ; et nous appliquons aux municipalités les dispositions de police constitutionnelle que voüs avez décrétées à l’égard des corps administratifs; elles, forment les articles 41, 42, 43, 44, 45 et 46* D’après le rapport qui précède notre travail sur le complément de l'organisation des corps administratifs, et l’adoption que vous avez faite des principes et des vues qu’il renferme, nous ne croyons pas nécessaire de donner ici un plus long développement à cet objet. Le comité aime à revenir à des combinaisons dont il avait examiné tous les avantages lorsqu’il calculait cette grande opération de la division du royaume, qui sera une source féconde de prospérités dans toutes les parties de l’adminis? tration. Il a toujours pensé qu’on reconnaîtrait l’insuffisance de l’organisation des districts et des départements, si la division élémentaire, celle des cantons, n’était pas organisée avec le même soin. En effet, les bases du gouvernement représentatif demandent une solidité particulière ; et autant que peut le permettre la prévoyance humaine, il faut éloigner l’époque où te cours des événements obligera de les raffermir. Ce gouvernement a ün besoin particulier de réunir et de rapprocher les citoyens. L’union seule peut lui donner de la force, et la force est nécessaire dans ses moindres agrégations. L’ignorance et lqs passions enfreindront la loi, lors même qu’elle sera l’expression de la volonté générale. Dans l’ordre politique, une bourgade a la faiblesse d’un individu; elle a besoin des autres pour le maintien de ses droits et le châtiment de ceux qui les violent. On doit donc lui donner des moyens de défense, ainsi qu’on en a donné à chaque citoyen; mais comme il s’agit de ces légères infractions, ou de ces désordres graves qui demandent line répression subite, la force ne doit pas être placée trop loin, et il faut la proportionner à l’usage qu’on Veut en faire. On dirait inutilement que cette force est dans l’administration de district; il y aurait un grand péril à surcharger les corps administratifs, qui de plus se trouvent placés à une trop grande distance. J’ajouterai encore que la lumière qui doit éclairer les divisions des communautés, perdrait de sa pureté et s’affaiblirait dans la route. Le comité, laissant à toutes les communautés les officiers municipaux et les notables qui leur 476 [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mai 1791. sont nécessaires, forme des vœux particuliers pour qu’oo adopte son plan de municipalités par canton, et qu’elles soient établies au mois de novembre de cette année; alors l’organisation du royaume ne préseniera plus de lacune, et l’unité parfaite des principes et des établissements secondant la sagesse des lois, les habitants des campagnes pourront enfin goûter le bonheur et la paix (1). Avant de passer à la lecture des articles de notre projet de décret, je propose à l’Assemblée de discuter et de résoudre les deux questions suivantes : 1° Laissera -t-on à chaque municipalité le jugement du contentieux en matière de police? 2° Laissera-t-on à chacune d’elles la réquisition et l’emploi de la force publique, ou les lui ôtera-t-on pour les donner à une municipalité centrale? L’accord une fois établi sur ces deux points, le projet de décret ne présentera pas de difficultés majeures. M. Rewbell. Le projet de décret de votre comité présente les plus grands dangers. Les mesures qu’il vous propose sont des mesures versatiles qui détruisent tout l’ouvrage de l’Assemblée et qui, sous prétexte d’empêcher l’anarchie, ne font que l’entretenir davantage. On convient que les municipalités, telles qu’eUes ont été constituées, ont été fort utiles à la Révolution par la manière dont elles ont entretenu l’esprit public. 11 est vrai que quelques-unes d’elles n’ont point encore acquis toute la force et toute l’autorité dont elles sont susceptibles, mais chaque ’our ces inconvénients se font moins sentir; tous es paysans se sont attachés à ces établissements, et ils ne les verraient pas réduire sans les plus grands regrets. Ne donnons pas nous-mêmes l’exemple de ces versatilités ; laissons nos successeurs réformer, dans les lois réglementaires, ce qui leur paraîtra renfermer de trop grands inconvénients. M. Mougins de Koquefort. En général, les campagnes ont été très contentes d’avoir obtenu des municipalités. A présent si vous allez soumettre ces municipalités à .une administration centrale, il serait possible qu’elles s’alarmassent de ce changement. Il est très intéressant, soit pour le maintien de la Constitution, soit pour le bien général de la patrie, de laisser mûrir les choses et les objets : je crains qu’une petite municipalité qui jouit dans toute son intégrité du bienfait de votre Constitution, ne se trouve infiniment lésée de cette subordination à laquelle vous voulez l’astreindre. Je crois, en conséquence, qu’il serait prudent de renvoyer ce qu’on demande à la prochaine législature. ( Murmures et applaudissements.) M. l’abbé Grégoire. Messieurs, dans le moment actuel, vos officiers municipaux connaissent à peine les lois auxquelles ils doivent se soumettre; vous croiseriez inutilement leurs idées, en cherchant à leur en donner de nouvelles auxquelles ils n’entendront rien. J’ajoute que c’est compliquer la marche du gouvernement et il pourrait y avoir danger d’établir un rouage de plus dans une machine qui est peut-être déjà compliquée. (1) Voy. ci-après le projet de décret du comité, aux annexes de la séance. Une dernière observation : Les municipalités centrales seront payées ou ne le seront pas. Dans le premier cas, ce sera une charge nouvelle pour le peuple; dans le second, on ne trouvera personne qui veuille se transporter souvent hors de son domicile pour remplir gratuitement ces fonctions. M. Démeunier, rapporteur. Cette question n’est pas aussi simple qu’elle le paraît. Ce serait en vaiu que vous vous flatteriez d’établir l’ordre public dans le royaume, si vous n’avisez point, je ne dis pas aujourd’hui, car mon avis aurait été que l’on ne mît point actuellement ce travail à l’ordre du jour ; mais seulement lorsque le comité de révision vous présentera l’ensemble de vos décrets; si, dis-je, vous n’avisez point au danger de laisser 44,000 communautés indépendantes dans le royaume et prononçant en matière de police. J’ajoute qu’on a oublié complètement les diverses parties du plan que nous proposons. En effet, nous laissons d’une part à toutes les communautés réunies soit par vos précédents décrets, soit volontairement, la faculté de demeurer dans le même étai, non seulement pour la répartition de leurs contributions, mais pour la gestion de leurs propriétés de famille, si je puis m’exprimer ainsi. Nous n’avons pas cru non plus qu’il fût nécessaire de donner des officiers municipaux à cette municipalité centrale. Chacun des officiers municipaux des municipalités se rendraient tour à tour au chef-lieu du canton. Là et concurremment ils prononceraient en matière de police. J’observe enfin que cette mesure est commandée par la nécessité. 11 est impossible de la renvoyer à la législature prochaine. Je conclus donc, Monsieur le Président, à ce que le projet de décret soit ajourné jusqu’au moment où le comité de révision présentera i’ensemble des travaux que vous avez faits, et la révision des décrets que vous avez rendus. M. de Toulongeon. Messieurs, le projet qui vous est présenté n’a pas seulement en vue un objet de police; mais il est encore le seul moyen de sauver les campagnes de la suprématie inévitable des villes, en autorisant les municipalités à se corporiser entre elles : autrement, il vous arrivera ce qui est arrivé en Suisse où les municipalités des villes ont concentré en elles toute l’autorité et où elles exercent une telle suprématie sur celles de la campagne que les membres des premières disent scandaleusement en parlant de celles-ci : nos sujets des campagnes. Les grandes villes possèdent déjà les directoires de district et de département, la plupart, des tribunaux les plus importants et des sociétés particulières très influentes. Si les campagnes ne mettent pas un obstacle à cela, si elles ne peuvent former des corporations de municipalités qui contrebalancent toute autre autorité de même nature, vous entendrez aussi les villes dire : nos sujets , en parlant des habitants des campagnes. ( Applaudissements .) Je ne demande donc ni le renvoi à la prochaine législature, ni l'ajournement jusqu'au moment où le comité de révision nous fera son rapport : le rapport est fait, les idées sont préparées ; je demande que la discussion soit ouverte. M. Bonsslon. Le décret qui nous est proposé, s’il était adopté, ne tendrait qu’à établir le dé-