422 [Convention nationale.]:; ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Novembre la Bretagne ; la Nymphe marche trop mal pour croiser avec cette division, et n’est tout au plus bonne qu’à convoyer; si elle joint l’escadre, je l’amènerai à Brest, et dans le cas où je ne la joindrais pas, je mande au contre-amiral Secq-ville de lui donner l’ordre de s’y rendre, ainsi qu’à l’aviso VEpervier que j’ai envoyé prendre sous son escorte un petit convoi à Saint-Na¬ zaire. « La question que je vous faisais, citoyen mi¬ nistre, ainsi que le général Landais, par nos dépêches du 9 au soir, me paraissait assez im¬ portante pour me faire espérer que j’aurais reçu promptement des ordres à cet égard. Je ne sais à quoi attribuer votre silence sur une chose aussi essentielle que celle dont il s’agissait dans nos lettres. « Signé : Morard de G-alles. » « A bord du Terrible, sou# voile, le 22 sep¬ tembre 1793, l’an II de la République une et indivisible. « Citoyen ministre, « J’ai eu l’honneur de vous rendre compte, le 19 au soir, que je me proposais de faire ap¬ pareiller l’armée le lendemain matin; je fis avant le jour le signal de désafourcher, pour éviter une nouvelle insurrection qui eût certainement eu heu si j’avais attendu le jour, tant l’esprit de la plupart des équipages est exalté; et leur persistance pour entrer à Brest étant toujours la même. L’armée appareilla : à 10 heures, l’a¬ viso VEpervier venant de Mindin, joignit le ca¬ pitaine Martin, commandant YHermione, lui ayant dit qu’il se chargeait d’escorter la flotte pour Brest. « A 5 heures après midi, la Nymphe rallia l’armée ayant à son bord le citoyen Tréhouart, l’un des représentants du peuple près les ports de Brest et de Lorient, auxquels j’avais rendu compte des insurrections qui ont eu heu dans plusieurs vaisseaux le 14 de ce mois, en les in¬ vitant à se transporter dans l’armée. Le citoyen Tréhouart n’a pas perdu un instant pour s’y rendre. « Je ne vous cacherai point, citoyen ministre, avec quelle satisfaction j’ai vu l’arrivée de ce digne représentant du peuple français, bien as¬ suré que sa présence pourrait seule rétabhr l’ordre et la discipline dans l’armée. Il me donna ordre de la conduire au mouillage de BeUe-Isle, où elle a mouillé en totahté dans la matinée du 21. Je me rendis aussitôt près de lui à bord de la Nymphe, d’où je l’accompagnai à bord du Terrible, où il fut salué à son arrivée de 21 coups de canon. Dans le trajet ; il fut salué par quelques vaisseaux, par les cris de vive la République, tandis que d’autres criaient : à Brest, à Brest ! Il convoqua les généraux et capitaines auxquels, d’après ses ordres, je communiquai votre dé¬ pêche du 16 de ce mois, qui m’était parvenue le 20 au soir, par laquelle vous m’ordonnez d’éta¬ blir la croisière de la totahté de l’armée, à 15 à 20 lieues au large des Saints. « Après avoir reçu la déclaration qu’il avait exigée de chacun des capitaines, tant sur l’état pe leur vaisseau que sur la quantité de bois et d’eau, et sur ce qu’on pouvait attendre des dis¬ positions des équipages, et après avoir interpellé chacun d’eux de répondre aux différentes ques¬ tions qu’il leur a faites, il a été reconnu una-uiurement qu’il était impossible d’exécuter vos ordres dans le moment, par les raisons qui sont déduites dans la copie du procès-verbal de la séance de ce conseil, que je joins ici. « Jugez, citoyen ministre, du fond que l’on peut faire sur le serment des équipages qui, aü moment où ils venaient de réitérer celui de fidé¬ lité à la République une et indivisible, oubhent la promesse qu’ils avaient faite par leurs dé¬ putés, d’attendre vos ordres sous voile avant de rentrer à Brest; au moment même où le con¬ seil était assemblé, l’équipage de la Côte-d’Or osa se permettre de placer des sentinelles à la Sainte-Barbe, à la Fosse aux hons, s’opposa à ce qu’il partît aucun canot de ce vaisseau qu’il n’eût pris une détermination. Un officier de ce vaisseau, à qui il a été enfin permis d’en sortir, est venu rendre compte au général Landais de ce qui venait de se passer, et que cet équipage rebehe avait déterminé d’appareiller à 4 heures du matin : aujourd’hui, avant le jour, avant que j’eusse fait le signal de se préparer à mettre à la voile, ce vaisseau avait ses huniers hissés. « Nous ne pouvons pas nous dissimuler qu’il existe dans les vaisseaux des traîtres soudoyés par nos ennemis; nous avons quelques indices, au moyen desquels nous parviendrons à les re¬ connaître. « En conséquence de la réquisition du citoyen représentant, j’ai fait appareiller l’armée de la République pour rentrer à Brest le plus tôt pos¬ sible. « Signé : Morard de Galles « P. S. Le citoyen représentant venant de me dire qu’il vous adressait une copie du pro¬ cès-verbal de la séance du conseil, tenue hier à bord du Terrible, je ne vous l’envoie pas, parce que je comptais sur une des copies qu’il a fait faire. » Adresse à la Convention nationale, par les marins composant la flotte de l’Océan. « Citoyens représentants, « Les républicains composant les équipages de l’escadre aux ordres du vice-amiral Le Gai, pré¬ sentement mouillée à Quiberon, justement in¬ dignés de la perfidie des vils esclaves toulonnais, ont arrêté à la grande majorité, dans un con¬ seil tenu à bord du général, de vous témoigner leurs craintes sur un semblable événement pour le port de Brest, le seul où nous puissions nous réfugier pour sauver à la République le reste de ses vaisseaux. « Ils ont arrêté de plus de vous faire con¬ naître l’état de dénuement de la majeure par¬ tie desdits vaisseaux; plusieurs, avariés dans leurs mâtures, sont incapables de soutenir une suite de gros temps, qu’on est susceptible d’es¬ suyer dans l’équinoxe très prochain; presque tous sont infiniment affaiblis par les débarque¬ ments successifs d’une grande quantité de ma¬ lades; le scorbut fait de jour en jour des pro¬ grès plus considérables. La plupart des marins manquent absolument de hardes. Us vous in¬ vitent aussi à vous rappeler que nous pouvons être assailhs d’un moment à l’autre par des forces très supérieures. En conséquence, ils pensent qu’il importe beaucoup pour la Répubhque, que vous envoyiez promptement l’ordre au comman¬ dant de cette force navale de la conduire à Brest aussitôt que le temps le lui permettra. Forte- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | fn�ëmbre 1793 *23 ment déterminés cependant de tenir la mer et de ne rentrer qu’à la réception de l’ordre qu’en apportera indubitablement notre député, si tou¬ tefois le mauvais temps ou d’autres circonstances que nous ne pouvons prévoir ne viennent nous y contraindre avant cette époque. « Nous protestons que le seul intérêt public nous a portés à faire cette démarche; que ce n’est ni la crainte de l’ennemi, avec lequel nous avons toujours manifesté le plus grand désir de nous mesurer, ni l’envie, comme quelques malveil¬ lants pourraient l’interpréter, de revoir une terre que nous n’avons pas pour ainsi dire perdu de vue. « L’amour de la patrie, le bien général, sont les seuls motifs qui nous ont guidés. « Nos cœurs, véritablement républicains, ne connaissent d’autre gloire que celle de mourir pour la défense de la République une et indivi¬ sible. « Fait et arrêté en conseil, le 15 septembre 1793, l’an II de la République. « Signé : Camus, député du Trajan; Roussel, député du vaisseau l’ Audacieux; Vollet, sergent ; Dubalen, député du vaisseau l’A¬ quilon; Verneuil, député du vaisseau le Juste; Favreaux, député de l’Auguste; Martin, député du vaisseau la Convention; Jean Quilbœuf, député du vaisseau le Su¬ perbe; Jean Blondelle, député du Ter¬ rible; Prévost, grenadier, député du vais¬ seau le Northumberland; Antoine Cha-BRiaque-Con OR, député de la Côte-d’Or; Étienne Coupel-Dufresne, député du Nep¬ tune; Grilles-Nicolas Durand; député du Téméraire; Jourdan, député du Tigre, Julien Hervierre, député de l’Engageante; Sauvie, député du Jean-Bart ; Antoine Cha-briaque, député du Suffren ; Pierre Ber¬ nard, député du vaisseau la Révolution; Mouzières, député de la frégate la Galathée ; Bernardet; Enas; J. Dufourcq, députés du vaisseau la Bretagne, et Pierre-Thomas Pouchin. « Les généraux, capitaines et officiers présents à la lecture de l’adresse des députés des équi¬ pages s’empressent de prononcer avec eux le serment de soutenir de tout leur pouvoir l’unité et l’indivisibilité de la République, et de mourir à leur poste pour sa gloire et sa prospérité. « Signé : le contre-amiral Lelarge. « Je soussigné ce paragraphe, « Pierre Landais, contre-amiral. Je soussigné ce paragraphe, « Morard de Galles; Joyeuse; Terras - son; Allemand; Charles Flotte; Tiphai-gne; Coetnempren-les-Dourmant; Bou¬ vet; Henry; Obet; Le vigne; J. -F. Dorré; Thévenard fils; d’AuGiERRE; Ri-chery; Duplessis-Grenedan; Tranquel-leon; Y. Bertrand Keroguan; Thomas Venstabel; Kimel, aide-major de la ma¬ rine ; Lebourg fils; Lapallysse; F. Ba¬ zin; Bescond, lieutenant; Kan on ; Bois-Sauveur; Langlois; Mongrai; Ménagé; Henri; Tiphaine; Labretêche; Y. Co-quil; Bon Lamest; Yames; Alero; Js. Fleury; Lecaen; Letorsec; Debec; Vi¬ gnot ; Henri Morel; Allusse; Ferantin ; Gisquet; Serbatut; Juineur; Gaudin; Prisset; Gillet; Nosten; D. Corroder; L. Pigeon; Rassé, chef d'administration de l'armée ; Bonnefous. # Belation de la conduite tenue par les chefs du vaisseau la Côte-d’Or, ainsi que celle de l'é¬ quipage, depuis son départ de Brest jusqu'à ce jour. Nous partîmes de Brest le 4 du mois de sep¬ tembre, et nous mouillâmes dans la baie de Qui-beron, lieu dans lequel était l’escadre le 7 du¬ dit mois. Jusque-là nous ne désirions rien autre chose que de nous mesurer avec l’ennemi; mais quelle fut notre surprise quand nous reçûmes la nouvelle de la trahison de Toulon ! Tout l’é¬ quipage alors fut on ne peut plus affecté, et la consternation fut à son comble. Des mou¬ vements convulsifs et d’indignation se faisaient sentir de toutes parts; il n’en était pas de même du lieutenant et du commis aux revues, qui té¬ moignèrent une joie des plus parfaites à l’ar¬ rivée de cette nouvelle. Cependant, après avoir réfléchi, nous nous dîmes tous les uns aux au-- très que cette nouvelle pouvait être fausse; mais elle ne s’est que trop malheureusement confir¬ mée; et d’après la confirmation, les craintes, les méfiances et les soupçons se sont manifestés de toutes parts. Les matelots, le surlendemain, se sont assemblés sur le pont à dix heures du matin. Après avoir vu 7 à 8 vaisseaux de l’escadre hisser leurs huniers, ils se sont mis à hisser les nôtres. On en a instruit de suite le général, qui voyant leur démarche, sans employer les voies de douceur ou de conciliation, se mit à crier de suite : « Le détachement, aux armes ! » Par cet acte véhément, il pouvait occasionner les plus grands maux, et risquait un massacre parmi l’équipage, pour satisfaire sa brutale colère. La troupe, qui était endormie, à ce cri se réveille tout en sursaut, et accourt à la voix de son chef. Le détachement étant sous les armes, on tire 50 hommes, et on leur fait charger; alors on fit déposer les armes dans la chambre du conseil, et on y mit un factionnaire : dans cet inter¬ valle, 3 matelots furent mis aux fers, pour avoir levé la voix plus haut que les autres. L’équipage a rentré de suite dans l’ordre. La conduite au détachement fut blâmée de toute l’escadre. On nous avait substitué au nom de la Gôte-d'Qr celui de la Ferme (vaisseau qui s’est émigré). Un se¬ cond maître canonnier de notre bord fut voir un de nos camarades à bord de l'Auguste. Quand on sut que c’était un canot de la Vôte-d'Or, on ne voulut point le laisser accoster, et on le me¬ naça même de le f... par le sabord s’il y mon¬ tait. Instruit de la chose, le lendemain nous ÿ allâmes en députation, pour dépersuader nos camarades des mauvais soupçons qu’ils avaient sur notre compte. Cela fait, nous revînmes à bord. Le même jour on fit assembler tout l’é¬ quipage sur le gaillard d’arrière, et on leur dit qu’ils aient à nommer entre eux un député pour se rendre au conseil qui se tiendra à bord du commandant général de l’escadre. Ce même con¬ seil s’est tenu trois jours avant de délibérer (et dans cet intervalle, aucune embarcation ne pou¬ vait accoster le bord, excepté celles dans les¬ quelles il y avait des officiers). Le troisième jour, il a été délibéré qu’il partirait 3 députés, dont l’un irait à Paris, et les deux autres à Lorient