SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (T AOÛT 1794) - Noÿ7-8 29 [Un membre (1) rappelle le fait cité il y a quelques jours par Vadier, que l’accusateur public Fouquier a résisté à la volonté de la convention nationale manifestée par un décret, en obéissant au tyran Robespierre qui lui défendoit de mettre en jugement Catherine Théos et ses complices (2)]. Plusieurs membres : Aux voix le décret d’accusation ! TURREAU : Je m’oppose au décret d’accusation. Ce serait faire trop d’honneur à ce scélérat. Je demande qu’il soit mis simplement en arrestation et en jugement, et traduit au tribunal révolutionnaire (3). La Convention nationale décrète [sur la proposition de TURREAU] que Fouquier-Tin-ville, accusateur public près le tribunal révolutionnaire, sera sur-le-champ mis en arrestation et traduit au tribunal révolutionnaire, pour y être, sans délai, mis en jugement (4). [Applaudissements. La Convention se lève toute entière ]. 7 BARRAS : Les triumvirs que vous venez d’abattre, tous les agents de ces hypocrites conspirateurs avaient des projets extrêmement vastes. Quant la Convention nationale connaîtra les dispositions qu’ils avaient faites pour anéantir la République, elle frémira d’horreur. On avait réuni sur la tête du scélérat Hanriot un pouvoir immense. Non-seulement il avait le commandement de la force parisienne, mais il était chef de la 17e division militaire. Je demande qu’à l’avenir le commandant de la 17e division militaire n’ait plus d’influence sur la force armée de Paris (5). La Convention nationale, sur la motion d’un membre [BARRAS], décrète que le commandant général de la 17e division militaire de la République ne pourra exercer aucune autorité sur la garde nationale de Paris (6). La séance est levée à trois heures un quart (7). (1) Monmavou, d'après J. Mont. (n° 95); Ann. pair. (n° DLXXVIII); C.Eg., (n° 713); Rép. (n" 225). (2) J. Jacquin, n(l 733�; Audit, nat., n° 677. (3) Moniteur ( réimpr.), XXI 368; Débats. n° 681, 255. Selon Ann. pair, et C. Eg., le rapporteur serait Thirion. (4) P.V., XLII, 290. Minute de la main de Turreau. Décret n° 10 190. Reproduit dans Bm, 14 therm.; J. univ., n° 1 712; J. S. -Culottes, n° 533. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 372; Débats, n° 681, p. 264-265; J. S. -Culottes, n° 533; J. Fr., n°677; Audit, nat., n° 677; J. Sablier, n° 1 474 ; Rép., n° 225; J. Perlet, n° 678; C. univ., n° 944; J. Mont., n° 95: J. Jacquin, n° 733�ls( F.S.P., n° 393; Ann. pair., n° DLXXIX. (6) P.-V., XLII, 190. Minute de la main de Barras. Décret n° 10 191. Reproduit dans B"‘, 14 therm.; Mess. Soir, n° 713; J. Paris, n° 579; C. Eg.. n° 713; J. Lois. n° 675. Voir ci-après, séance du 15 therm., n° 49. (7) Procès-verbal rédigé En exécution du décret du 3 brumaire an IV. Signé HENRI-LARIVIÈRE, président; BAILLY, VILLERS, DELECLOY, LAURENCEOT, secrétaires. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor. p. 372. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 8 [ Justification du citoyen LAVICOMTERIE, député à la Convention, lue dans la séance du 14 thermidor]. Citoyens, on m’a dénoncé hier au soir, pour ne m’être point montré dit-on, dans la nuit du 9 au 10. Un court détail des faits va démontrer que mes dénonciateurs sont mal instruits. Je vais prouver que, pendant 14 heures, je n’ai point désemparé de la Convention et des comités de sûreté générale et de salut public. D’abord, le 9, je me rendis, sur les 7 heures, au comité de sûreté générale, où je rencontrai Voulland en costume de représentant du peuple, auquel je parlai. Je sortis pour monter à la Convention nationale. Je revins peu de temps après, et tentai en vain d’entrer au comité de sûreté générale. La force armée en bouchait l’entrée, et s’opposa, malgré toutes mes instances, à ce que j’y pénétrasse. Trois agents du comité, qui se trouvaient à la porte, lui attestèrent que j’en étais membre : cela fut inutile; on répondit que la consigne était de ne laisser passer personne. Voyant que mes instances étaient vaines, je me rendis au comité de salut public; les mêmes agents m’accompagnèrent jusqu’à la porte; j’y entrai, il pouvait être 8 heures et demie, 9 heures; j’y rencontrai Dubarran, qui sortait avec Prieur; parut sur-le-champ Carnot, à qui je demandai où étaient tous les membres; il me répondit qu’ils étaient à la Convention; il sortit et je le suivis. Moïse Bayle m’a vu sur les 10 heures à la séance. Elie Lacoste m’a vu également sur les 11 heures et demie à minuit. Beaucoup de mes autres collègues m’ont également vu, et je leur ai parlé. Louis (du Bas-Rhin) m’a vu aussi vers les 2 heures et demie, à cette séance immortelle. Je rencontrai Panis, à qui j’ai parlé dans l’entrée de la place du président; il pouvait être 3 heures. Enfin Louis (du Bas-Rhin) et Moïse Bayle m’ont rencontré au comité de salut public, sur les 4 heures et demie, 5 heures du matin; j’en suis sorti avec Louis (du Bas-Rhin), sur les 7 heures, pour me rendre au comité de sûreté générale, où je suis resté jusqu’à 9 heures, que je suis rentré chez moi. Enfin beaucoup d’actes que j’ai signés prouvent invinciblement ma présence. Voilà en abrégé ce que j’ai fait pendant la nuit du 9 au 10, pendant cette nuit si terrible pour les conspirateurs, si glorieuse pour le peuple et pour la Convention. On a dit que j’étais de cette caste justement proscrite qui traîne chez l’étranger son orgueil et sa misère; c’est une fausseté insigne; je le prouverai, s’il est nécessaire, par une quittance du franc fief que j’ai payé à la mort de mon père. On a dit encore que je n’avais point été au comité de salut public dans la nuit du 8 au 9, SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (T AOÛT 1794) - Noÿ7-8 29 [Un membre (1) rappelle le fait cité il y a quelques jours par Vadier, que l’accusateur public Fouquier a résisté à la volonté de la convention nationale manifestée par un décret, en obéissant au tyran Robespierre qui lui défendoit de mettre en jugement Catherine Théos et ses complices (2)]. Plusieurs membres : Aux voix le décret d’accusation ! TURREAU : Je m’oppose au décret d’accusation. Ce serait faire trop d’honneur à ce scélérat. Je demande qu’il soit mis simplement en arrestation et en jugement, et traduit au tribunal révolutionnaire (3). La Convention nationale décrète [sur la proposition de TURREAU] que Fouquier-Tin-ville, accusateur public près le tribunal révolutionnaire, sera sur-le-champ mis en arrestation et traduit au tribunal révolutionnaire, pour y être, sans délai, mis en jugement (4). [Applaudissements. La Convention se lève toute entière ]. 7 BARRAS : Les triumvirs que vous venez d’abattre, tous les agents de ces hypocrites conspirateurs avaient des projets extrêmement vastes. Quant la Convention nationale connaîtra les dispositions qu’ils avaient faites pour anéantir la République, elle frémira d’horreur. On avait réuni sur la tête du scélérat Hanriot un pouvoir immense. Non-seulement il avait le commandement de la force parisienne, mais il était chef de la 17e division militaire. Je demande qu’à l’avenir le commandant de la 17e division militaire n’ait plus d’influence sur la force armée de Paris (5). La Convention nationale, sur la motion d’un membre [BARRAS], décrète que le commandant général de la 17e division militaire de la République ne pourra exercer aucune autorité sur la garde nationale de Paris (6). La séance est levée à trois heures un quart (7). (1) Monmavou, d'après J. Mont. (n° 95); Ann. pair. (n° DLXXVIII); C.Eg., (n° 713); Rép. (n" 225). (2) J. Jacquin, n(l 733�; Audit, nat., n° 677. (3) Moniteur ( réimpr.), XXI 368; Débats. n° 681, 255. Selon Ann. pair, et C. Eg., le rapporteur serait Thirion. (4) P.V., XLII, 290. Minute de la main de Turreau. Décret n° 10 190. Reproduit dans Bm, 14 therm.; J. univ., n° 1 712; J. S. -Culottes, n° 533. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 372; Débats, n° 681, p. 264-265; J. S. -Culottes, n° 533; J. Fr., n°677; Audit, nat., n° 677; J. Sablier, n° 1 474 ; Rép., n° 225; J. Perlet, n° 678; C. univ., n° 944; J. Mont., n° 95: J. Jacquin, n° 733�ls( F.S.P., n° 393; Ann. pair., n° DLXXIX. (6) P.-V., XLII, 190. Minute de la main de Barras. Décret n° 10 191. Reproduit dans B"‘, 14 therm.; Mess. Soir, n° 713; J. Paris, n° 579; C. Eg.. n° 713; J. Lois. n° 675. Voir ci-après, séance du 15 therm., n° 49. (7) Procès-verbal rédigé En exécution du décret du 3 brumaire an IV. Signé HENRI-LARIVIÈRE, président; BAILLY, VILLERS, DELECLOY, LAURENCEOT, secrétaires. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor. p. 372. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 8 [ Justification du citoyen LAVICOMTERIE, député à la Convention, lue dans la séance du 14 thermidor]. Citoyens, on m’a dénoncé hier au soir, pour ne m’être point montré dit-on, dans la nuit du 9 au 10. Un court détail des faits va démontrer que mes dénonciateurs sont mal instruits. Je vais prouver que, pendant 14 heures, je n’ai point désemparé de la Convention et des comités de sûreté générale et de salut public. D’abord, le 9, je me rendis, sur les 7 heures, au comité de sûreté générale, où je rencontrai Voulland en costume de représentant du peuple, auquel je parlai. Je sortis pour monter à la Convention nationale. Je revins peu de temps après, et tentai en vain d’entrer au comité de sûreté générale. La force armée en bouchait l’entrée, et s’opposa, malgré toutes mes instances, à ce que j’y pénétrasse. Trois agents du comité, qui se trouvaient à la porte, lui attestèrent que j’en étais membre : cela fut inutile; on répondit que la consigne était de ne laisser passer personne. Voyant que mes instances étaient vaines, je me rendis au comité de salut public; les mêmes agents m’accompagnèrent jusqu’à la porte; j’y entrai, il pouvait être 8 heures et demie, 9 heures; j’y rencontrai Dubarran, qui sortait avec Prieur; parut sur-le-champ Carnot, à qui je demandai où étaient tous les membres; il me répondit qu’ils étaient à la Convention; il sortit et je le suivis. Moïse Bayle m’a vu sur les 10 heures à la séance. Elie Lacoste m’a vu également sur les 11 heures et demie à minuit. Beaucoup de mes autres collègues m’ont également vu, et je leur ai parlé. Louis (du Bas-Rhin) m’a vu aussi vers les 2 heures et demie, à cette séance immortelle. Je rencontrai Panis, à qui j’ai parlé dans l’entrée de la place du président; il pouvait être 3 heures. Enfin Louis (du Bas-Rhin) et Moïse Bayle m’ont rencontré au comité de salut public, sur les 4 heures et demie, 5 heures du matin; j’en suis sorti avec Louis (du Bas-Rhin), sur les 7 heures, pour me rendre au comité de sûreté générale, où je suis resté jusqu’à 9 heures, que je suis rentré chez moi. Enfin beaucoup d’actes que j’ai signés prouvent invinciblement ma présence. Voilà en abrégé ce que j’ai fait pendant la nuit du 9 au 10, pendant cette nuit si terrible pour les conspirateurs, si glorieuse pour le peuple et pour la Convention. On a dit que j’étais de cette caste justement proscrite qui traîne chez l’étranger son orgueil et sa misère; c’est une fausseté insigne; je le prouverai, s’il est nécessaire, par une quittance du franc fief que j’ai payé à la mort de mon père. On a dit encore que je n’avais point été au comité de salut public dans la nuit du 8 au 9, 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et mes collègues savent que j’y suis resté environ jusqu’à 2 heures et demie. Une indisposition, aggravée par le travail et les veilles, m’empêcha d’y rester davantage. Puisse ce détail, aussi vrai qu’il est simple, éclairer, satisfaire le public et la Convention ! Tous mes efforts, depuis que je puis penser et écrire, n’ont été que pour faire abhorrer les tyrans; et croire que je n’eusse pas eu un poignard pour celui qui, par une scélératesse dont les annales des crimes n’offrent point d’exemple, avait formé l’horrible projet de vous faire égorger, d’assassiner la liberté; penser que j’eusse pu l’épargner, citoyens, ce serait me supposer dans une contradiction aussi lâche qu’elle est impossible. J’adjure ici mes collègues qui m’ont entendu, et que j’ai cités, de déclarer si j’en impose. Lavicomterie (1). [LAVICOMTERIE prend la parole pour répondre à diverses inculpations qui lui ont été faites dans la séance du 13 au soir. Il entre dans des détails pour prouver qu’il a été présent soit à la convention, soit au comité de sûreté générale, depuis le 9 à 7 heures du soir jusqu’à 6 heures du matin du 10 thermidor. Il cite plusieurs membres qui attesteront les faits qu’il avance, et conclut à la fausseté de la dénonciation faite contre lui d’avoir été absent pendant la nuit fameuse où le tyran fut renversé. Il présente ensuite des observations dans lesquelles il proteste de son attachement à la liberté et de l’horreur qu’il avoit conçue depuis long-tems pour la tyrannie de Robespierre. Dubarran déclare que le fait est vrai, pour ce qui le concerne (2)]. [BENTABOLE demande que la convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que le remplacement d’un membre d’un comité quelconque n’est pas une inculpation pour le membre déplacé. JAGOT succède à Lavicomterie pour répondre aux faits allégués contre lui. Après avoir cité plusieurs autres faits contraires, et présenté des réflexions analogues, il fait observer qu’il ne seroit pas naturel de le regarder comme le partisan de Robespierre, parce que ce tyran l’avoit mis sur la liste de proscription (3)]. [JAGOT répond à un reproche pareil, de n’avoir pas assisté à la nuit du 9 au 10. Vous ne pouvez pas m’en faire un crime, dit Jagot, à moins de me faire un reproche d’avoir été malade. — L’ordre du jour, s’écrie un membre. — Renvoyé au comité de santé, dit Goupilleau. (1) Moniteur ( réimpr.), XXI, 381; Débats, n° 681, 253-254. (2) J. Sablier (J. du soir), n° 1 472. Selon J. Fr. (n° 676); Dubarran assure « qu’il a vu Lavicomterie dans la nuit du 9 au 10 ». (3)J. Sablier, n“ 1 472; J. Mont., n° 95; Ann. R. F., n° 244; J. Jacquin, n° 733,bis|; C.Eg., n° 713; F.S.P., n° 393; J. Lois, n° 675; C. Univ., n° 944; J. Paris, n° 579; Audit, nat., n° 677; J. Perlet, n° 678; Rép., n° 225. Mention in Mess. Soir, n° 712; J.S. -Culottes, n° 533; J. univ., n° 1 712. — Jagot répond à d’autres inculpations, et l’assemblée passe à l’ordre du jour sur le tout (1)]. 9 BARÈRE : Citoyens, depuis 3 jours tout est heureusement changé autour de nous. Un orage terrible a subitement éclairci l’horizon politique de la France. Le tyran renversé nous a découvert tous les fils de cette conjuration infernale contre la représentation nationale et les droits du peuple. Nous avons vu dans les débris de cette contre-révolution dès longtemps préméditée, nous avons vu des autorités constituées tyranniques ou ignorantes; la force de l’opinion publique égarée par les manœuvres des hypocrites en patriotisme et des tyrans déhontés; les intérêts d’une faction prévalant sur le bien général; l’esprit public changé en esclavage et en censure; le véritable patriotisme mis patriotiquement en servitude; l’énergie nationale comprimée avec une atroce violence; la morale publique transformée en superstition religieuse, et la réputation de trois hommes changée en fanatisme politique; le peuple était trompé; la Convention nationale les a combattus un instant; elle s’est levée, et ils ont disparu. C’est à la sagesse publique de recueillir les bienfaits de votre énergique vertu; c’est à vous de les fortifier encore en faisant disparaître tous les vestiges de cette usurpation de l’autorité nationale; en détruisant les décrets qu’ils avaient surpris par des circonstances forcées et préparées par eux-mêmes; en faisant rentrer dans le domaine de la représentation nationale des droits qui, confiés à elle seule par le peuple français, ne devaient jamais sortir de ses mains; en brisant les liens d’oppression civile qui garottaient tous les citoyens et effrayaient toutes les consciences; en rendant aux patriotes la liberté et la confiance qu’on leur avait ravie par des manœuvres réduites en système; en substituant la justice inflexible à la terreur stupide; en rappelant la véritable morale à la place de l’hypocrisie, et en restituant à la tombe des suppliciés les agents corrompus et les âmes cadavéreuses qui pèsent à une terre libre. La terreur fut toujours l’arme du despotisme; la justice est l’arme de la liberté. La superstition fut l’instrument de tout ambitieux de régner; la morale est le moyen qu’emploie le vrai républicain. La tyrannie de l’opinion, la censure des écrits, les réputations usurpées et excessives furent dans tous les temps les symptômes qui annoncèrent la perte de la liberté; le droit indéfini de penser, d’écrire et de croire ce qu’on veut, la modestie des fonctionnaires publics, et la confiance mutuelle des représentants et des citoyens sont les signes auxquels on va recon-(1) J. Fr., n° 676; Ann. Patr., n° DLXXVII (selon cette gazette, la 2e partie de la justification de Jagot aurait paru « un peu longue », ce qui aurait motivé le renvoi à l’ordre du jour). Décret n° 10 193 pris sur le rapport de Bentabole. Voir séance du 13 therm. II (soir), n° 1.