[2 octobre 1790.} 421 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mières et de i’esprlt public, elle entretiendra le courage civique et Je patriotisme des avignonais ; et quel que soit le sort que votre justice leur prépare, elle leur rappellera sans cesse qu’ils doivent mourir pour la nation française, qui les protège si généreusement depuis la malheureuse journée du 10 juin, pour la loi qu’ils ont adoptée, et pour le roi des Français qu’ils ne peuvent méconnaître pour leur légitime monarque. t Daignez, Messieurs, honorer cette société d’un de vos regards. Vous lui fournirez un titre de plus à la confiance de ses concitoyens, et ses succès seront votre ouvrage. « Nous avons l’honneur d’être avec respect, etc. Signé : Dupart, président; Chazal, secrétaire; Tournai, secrétaire. « Avignon, 22 septembre 1790. » . Lettre du comité militaire d’Avignon. Le comité militaire des détachements français, en garnison à Avignon, m’a chargé d’avoir l’honneur de vous adresser l’extrait d’un de ses arrêtés contenant dénonce en date du 23 du courant; vous le trouverez ci-joint. Je vous supplie de le mettre incessamment sous les yeux de l’auguste assemblée que vous présidez ; je le crois digne de quelque attention. J’ai l’honneur d’être, etc. Signé : Chazal, président du comité militaire. « Avignon a pareillement arrêté des voitures chargées de plomb, qui passaient sur son territoire, destinées pour Garpentras. De son côté, la garde nationale d’Orange en a saisi plusieurs autres à la même adresse, chargées de fusils et de sabres. « Malgré ces saisies, il existe dans le comtat plus de 40,000 sabres, plus de 40,000 fusils, et Garpentras aura bientôt des canons; car quatre fondeurs, appelés dans ses murs, en fabriquent actuellement 28 pièces des calibres de 60, 36, 24 et 12. « Ces faits publics qui vous sont connus comme à moi, Messieurs, méritent l’attention de l’Assemblée nationale ; je fais la motion de les lui dénoncer, parce que je crains tout des représentants comtadins, qui presque tous prêtres ou nobles, sont intéressés à aider une contre-révolution en France. « Le comité parfaitement instruit de la vérité des faits constatés par le membre motionnaire, partageant ses craintes, et estimant que le Ve-naissin existant au cœur d’un Empire dont les armes protectrices le défendent, ne doit avoir ni artillerie, ni troupe sur pied. « A ordonné qu’il sera fait registre de l’exposé ci-dessus, et que M. le président en enverra extrait à l’Assemblée nationale, à laquelle le comité militaire offre d’aller procéder au désarmement du comtat, s’il lui plaît de lui en donner la commission. Signé: G HARAL, président; MERCüRlN, secrétaire. Extrait des registres du comité militaire de plusieurs détachements en garnison à Avignon. Du jeudi 23 septembre 1790, à 10 heures du matin, le comité assemblé dans la salle ordinaire, a dit : « Messieurs, l’assemblée représentative du comité venaissin, séante à Garpentras, vient de rendre un décret, le 13 du courant, par lequel elle force tous les citoyens de cette province à s’enrôler dans la milice, oblige ceux que leur état dispense du service, tels que les juges et les prêtres, à payer une contribution pécuniaire, fixée à douze livres par personne. « Les sieurs Metra et Ayet, négociants de Lyon, ont expédié à Mauriès, marchand de Garpentras, trois malles de boutons d’uniforme, et ils ont commission de lui en expédier une quatrième pour le plus tard le 5 octobre prochain. La renommée publie que vers le milieu dudit mois d’octobre, un camp de 30,000 hommes doit se former dans la plaine de Garpentras, sous prétexte de reuouveler un serment fédératif, prêté dans la même plaine par toutes les milices com-tadioes réunies le 11 avril dernier. On assure que ce camp est déjà secrètement convoqué, et qu’une fois formé, la moitié en restera permanente. « En attendant, on fait à Garpentras des accaparements considérables en blé dont la ville paye le prix comptant, quoi qu’elle n’ait point de trésor public. « En attendant, il arrive de tous côtés, à Garpentras, des armes et des munitions de guerre. « La municipalité de Toulon arrêta, suivant trois de ses lettres à Avignon, des 2, 13 et 21 juin, douze pièces de canon de fonte, du calibre de huit, des canons de campagne, et des flammes et pavillons pour signaux, que les consuls de Garpentras avaient achetés dans son enceinte. M. Bouche propose, pour mettre fin "aux alarmes et aux troubles d’Avignon, de prononcer au plus tôt sur le fond de la demande du peuple avignonais, soumise à l’Assemblée depuis longtemps. Diverses propositions sont faites ; on met aux voix celle du renvoi de toutes ces pièces aux comités réunis d’Avignon et diplomatique, pour en faire jeudi, s’il est possible, leur rapport à l’Assemblée. r M. Comaserra, député du département des Pyrénées-Orientales, demande et obtient un congé pour affaires très pressantes.1, M. de Graisol, député du Forez, demande et obtient un congé sans date fixe. M. le Président informe l'Assemblée que les membres composant la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, séant à Saint-Marc, se présentent et qu’ils sont au nombre de 25. Gomme la barre ne peut .contenir plus de 80 personnes, il prie l’Assemblée d’indiquer Des places qu’on donnera à cette députation. M. Barnave. Les membres de la ci-devant assemblée de Saint-Domingue sont mandés par un décret de l’Assemblée nationale; c’est donc incontestablement à la barre qu’ils doivent être entendus. Ceux qui ne pourront pas oaraître resteront à la file derrière les autres. Il est impossible, il est improposable de les placer ailleurs qu’à la barre. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que la députation ne sera entendue qu’à ta barre. 1 M. de Bérault, président de la députation, dit | d’abord : 422 | Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES 12 octobre 1790. j Monsieur le Président, Messieurs, L’Assemblée générale des représentants de la partie française de Saint-Domingue n’a pas attendu votre décret pour venir se présenter devant vous. Nous sommes partis accusateurs; nous arrivons accusés; mais avant tout permet-toz-moi de vous représenter que nous serons tous coupables ou tous innocents. Je demande donc que nous soyons tous présents à cette séance, pour que chacun de nous puisse entendre sa défense. M. le Président répond A cette demande, en donnant lecture à la députation du décret qui vient d’être porté sur la manière dont elle sera entendue. M. de Bérault poursuit : Vous voyez devant vous, Messieurs, les représentants de la plus puissante des possessions françaises. La manière dont nous paraissons à vos regards ferait douter si ce sont des frères que vous avez sous les yeux... Un de nous est chargé de vous retracer le tableau de notre conduite. Je réclame votre attention. Nous sommes les organes d’un peuple qui, à deux mille lieues de vous, u’a jamais cessé d’être français. M. Valentin de Cullon, orateur de la députation, prononce le discours suivant (1) : « Messieurs, ceux qui se dévouent au bonheur de leurs concitoyens doivent être préparés à tous les événements. L’Assemblée même des représentants de la nation n’a pas été à l’abri des revers, elle les a supportés avec courage, et c’est ainsi qu'elle a mérité l’admiration du monde. Nous aussi nous avons vu luire tour à tour des jours heureux et malheureux : dans la honne fortune comme dans la mauvaise nous avons eonservé un front modeste, un cœur calme, une bouche pure... Nous allons vous entretenir de la plus florissante des colonies. Saint-Domingue a 300 lieues de côtes, elle renferme 40,000 habitants blancs, 20,000 sang-mêlés, 300,000 laboureurs nègres; elle contient dix villes et un plus grand nombre de bourgs. Tous les Français qui sont venus parmi nous ont éprouvé les elfets de l’hospitalité la plus touchante, ils ont tous reconnu notre humanité... Mille vaisseaux viennent annuellement dans nos ports, ils emportent les trésors de notre culture en échange du superflu de la métropole. Ce pays, si digne d’être heureux, a constamment gémi sous le joug du despotisme. La vexation des généraux, les dilapidations des intendants, les violences d’états-majors hautains, conspiraient avec des ministres despotes contre la splendeur de la colonie et la félicité des colons. Les simples lettres de ces ministres étaient des lois. « Lanouvelle de la Révolution de France nous avait remplis d’espoir et de joie; mais Un mémoire perfide du ministre de La Luzerne annonça que nous voulions demeurer sous l’ancien régime, comme si nous avions pu refuser le bonheur, quand nous en voyions luire l’espérance. Présent, ce ministre nous a opprimés ; absent, il nous a accablés encore par sa désastreuse Influence. Par ses ordres, M. Du Chilleau nous fit défense de nous rassembler en nombre supérieur à cinq. Ce fut la seule faute de cet homme vertueux, dont nous regretterons longtemps l’administration paternelle. Qu’il vienne parmi nous, il y recevra l’hommage de notre reconnaissance, il y retrouvera le souvenir de ses vertus. Trois assemblées provinciales s’étaient formées au nord, au sud et à l’ouest; elles reconnurent la nécessité d’une assemblée générale, qui fut convoquée à Saint-Marc, non sur le plan perfide du ministre, plan dont l’Assemblée nationale n’avait pas connaissance, mais par des élections libres. Au mois d’avril 1790, l’assemblée générale de Saint-Marc commença ses travaux. Pour lutter contre le pouvoir ‘arbitraire, elle se déclara permanente. Son premier acte fut une adresse à l’Assemblée nationale et au roi. Elle confirma provisoirement le conseil supérieur du Cap; cette confirmation était demandée par une grande province. Elle réforma des abus dans l’ordre judiciaire. L’avantage de ses commettants était l’unique but de ses travaux. « L’assemblée générale de Saint-Marc, la confiance et l'estime des colons en furent le prix. Cependant il se forma contre elle une coalition peu nombreuse, composée des agents du pouvoir exécutif, qui craignaient pour leur autorité funeste, des personnes attachées à l’ordre judiciaire qui voyaient avec peine attaquer les abus dont elles vivaient ; enfin de quelques négociants dont les intérêts ne sont pas toujours unis à ceux de l’utile cultivateur. Le général vint dans le sein de l’assemblée générale de Saint-Marc: il y fut reçu avec respect, avec joie ; mais les ennemis de la colonie craignirent les avantages qui pouvaient résulter de cette réunion. Il partit subitement, et l’on aigrit facilement les esprits. M. Peynier est un homme faible, incapable de tenir les rênes de l’administration d’un grand pays, et toujours à la merci des conseils de ceux qui l’entourent... Les décrets de l’Assemblée nationale des 8 et 28 mars portèrent l’allégresse dans la colonie. Par le premier, vous reconnaissiez l’impossibilité d’appliquer au delà des mers et la déclaration des droits et l’institution décrétée pour le continent. Vous nous invitiez à proposer aux représentants de la nation et au roi la Constitution que nous croirions convenir à nos contrées. L’assemblée générale de Saint-Domingue pose les bases dé la Constitution de la colonie, et soumet formellement sou travail à votre approbation. « Parce décret, en date du 28 mai, elle réclame une portion du pouvoir législatif, en ce qui concerne le régime intérieur de Saint-Domingüe. Les instructions du 28 mars exigeaient qu il fût fait une nouvelle convocation des paroisses. L’assemblée générale s’est empressée de se soumettre à cette disposition. Elle invita ses commettants à exprimer leur vœu. Fière de leur confiance, elle renonçait cependant sans peine aux pouvoirs qui lui avaient été transmis, si elle n’obtenait cette confiance entière. La très grande majorité des paroisses confirma rassemblée générale de Saint-Domingue. Ce fut un coup de foudre pour les agents du pouvoir exécutif ; ils avaient fait voter contre nous le régiment en garnison au Port-au-Prince. Alors se manifesta la dissidence de l’assemblée provinciale du Nord. Nous nous serons vengés de cette assemblée, quand nous l’aurons fait connaître. Elle est composée de quelques négociants, des personnes attachées à l’ordre judiciaire et l’on y distingue à peine un petit nombre de cultivateurs. Sur vingt-six paroisses qui se trouvent dans sa dépendance, trois ou quatre seulement et la ville du Cap lui ont conservé leur confiance : le reste s’est uni à nous. L’assemblée générale envoya [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 octobre 1790.1 42$ des commissaires à l’assemblée provinciale du Nord pour rapprocher les esprits. Un premier succès les rendit redoutables; une lettre de cachet Iqs exila de la ville du Cap et dé ia dépendance. Les instructions du 28 attribuaient les finances h l’assemblée générale ; l’intendant fût appelé, il refusa de paraître. Toute la colonie réclamait des municipalités. Elles furent créées, conformément à vos décrets, avec les légers changements que les localités exigeaient. C’est alors que les agents du pouvoir exécutif perdent tout espoir : ils intriguent pour dissoudre l’assemblée. Un renfort leur survient; le colonei Mauduit, qui s’était signalé par des propos extravagants contre la Révolution, plein d’un voyage qu’il venait de faire en Italie, arrive, il brave l’assemblée par des lettres menaçantes ; il fait armer les forts, il enivre les soldats pour les rendre parjures, il leur fait, au milieu de ces orgies, prêter, dans leurs casernes, un serment ténébreux. « Alors se forma un corps de volontaires composé d’hommes attachés à quelques négociants et à l’ordre judiciaire. Ainsi les forces des ennemis de la régénération s’augmentèrent. L’assemblée générale ne put méconnaître leurs desseins pervers ; elle envoya des commissaires à M.Peynier. Cette démarché fut inutile, et l’appareil de la guerre fut déployé. Que faire alors 2 11 fallait sauver la patrie, il n’était qu'un moyen. L’assemblée générale le saisit, et pour faire tomber les armes qui menaçaient la colonie, elle licencia les troupes ; elle eil prit à sa solde. Le salut du peuple commandait Impérieusement ces mesures qui, pour être légitimes, n’avaient pas même besoin du succès. D’après vos instructions du 28 mars, nous étions autorisés à nou3 occuper des subsistances : le pain manquait; toutes les paroisses réclamaient : M. Peynier n’avait aucun égard à ces réclamations ; un décret de l’assemblée générale intervint.,. Le désastre qui menaçait la colonie était près d’éclater. Dans la nuit du 29 au 30 juillet, M. Mauduit marche vers le Port-au-Prince, à la tête de ses troupes, et, au mépris de vos décrets, sans aucune réquisition. Un détachement environne l’église, pour empêcher les citoyens de sonner le tocsin, et de se rassembler ainsi pour une légitime défense ; un autre détachement s’empâte du magasin où sont rassemblées les armes et la poudre. Des lettres arrivées de France et adressées au général avaient apporté la joie ; quelques citoyens paisibles � réunis au corps de garde national, lisaient ces dépêches. Un troisième détachement, commandé par le colonel Mauduit, et précédé par deux pièces de canon chargées à mitraille, s’avance vers le corps de garde national. « Les citoyens surpris attendent leur sort. Le détachement fait une décharge à laquelle les citoyens répondent. Plusieurs nommes périssent de part et d’autre. Nos concitoyens sont dispersés et fuient, taudis que leurs assassins, au bruit d’une musique militaire, parcourent une ville désolée, dont les habitants désespérés abandonnent leurs foyers et se répandent dans les campagnes. Un des assassins témoignait son regret de ce que le sao g avait trop peu coulé. Il écrivait : Malheureusement le canon n’a pu pointer assez haut. » En apprenant ces horribles nouvelles, les habitants de Saînt-MarG prennent les armes, et veulent marcher au Port-au-Prince. L’assemblée les contint : c’était son premier devoir. Le général, pressé par des conseillers perfides, proclama la dissolution de rassemblée générale. Dans cet état que devait faire cette assemblée ? Le général méprisait tous Vos décrets; parjuré et barbare envers la patrie, il avait rompu tous les liens qui l’attachaient à nous. Le peuple reprenait ses droits, et l’assemblée prononça la destitution de M. Peynier. « Les paroisses du Nord, celles du Sud s’avancent au secours de leurs représentants. Le vaisseau le Léopard paraît. La justice lùi doit autant d'éloges que de reconnaissance. Alors avec ce secours puissant, et entourés de nos concitoyens étincelants de rage et accourant de toutes les ex ¬ trémités de i’île, notre force était bien supérieure à celle de nos ennemis ; nous pouvions les attaquer ou les attendre, mais le sang aurait coulé, le sang de no3 amis et de nos ffère3.i. En ce moment un saint enthousiasme nous a élevés au-dessus de nous-mêmes ; nous nous sommes arrêtés â une résolution qui peut-être demandait un grand courage, et qui nous commandait le plus pénible sacrifice. Abandonnant tout à coup nos femmes, nos enfants, nos propriétés, nous nous sommes réunis sur le vaisseau le Léopard qui, dans cette occasion mémorable, a si bien mérité de la patrie. Baignés des larmes de nos concitoyens, nous sommés partis pour venir demander justice au sein de la nation même. « Un semblable dévouement ne sera pas perdu ; nous nous Groirions coupables de douter de notre succès, puisque le sort de notre colonie est tellement lié à celui de la métropole, que notre cause est celle de la France entière. A bord du Léopard, nous avons écrit à la municipalité de Saint-Marc, nous avons fait une adresse aux paroisses, et nos adieux à nos concitoyens ont ôté des exhortations à la patience et à la paix. L’espoir, la certitude même que ces exhortations ne seraient pag inutiles, nous a soutenus pendant notre traversée, et les yeux tournés vers la France, nous avens exprimé, dans deux adresses, nos sentiments pour l’Assemblée nationale et pour le roi. A notre arrivée à Brest, nous avons reçu l’accueil le plus louchant; nous avons trouvé des amis et des frères. Non, vous ne vous êtes pas trompés, généreux citoyens, nous sommes dignes de vos sentiments; nous avons peut-être quelques droits à la reconnaissance de tous les Français! Tels sont les faits que cinq députés de je ne sais quels commettants ont étrangement défigurés dans cette Assemblée. Après nous avoir calomnieusement accusés, ils vous ont adressé une prière perfide ; ils ont réclamé pour nous votre indulgence. Députés du despotisme, calom-niez-nous, mais n'intercédez point en notre faveur ; cessez surtout de nous appeler vos frères, nous ne le sommes pas; cessez de nous offrir votre amitié, nous la rejetons et nous vous abandonnons à vos consciences et à l’ignominie de votre rôle. « Trois grandes vérités résultent, Messieurs, du récit que nous venons de présenter à votre sagesse. Première vérité. Nous représentons Saint-Domingue. Oui, la colonie est ici; elle est Ici tout entière : nous sommes les représentants choisis librement par la grande majorité de nos concitoyens, confirmés par quarante-cinq paroisses contre six. Seconde vérité : nos opérations sont avouées par Saint-Domingue. Non seulement nous représentons la colonie* mais nous apportons le vœu exprimé par nous, reconnu par elle; toutes les paroisses ont adhéré à tout ce que nous avons fait : jugez si nous avons droit à Votre attention! Ce n'est pas nous que vous allez 424 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 octobre 1790.] approuver ou condamner, c’est la colonie de Saint-Domingue. Troisième vérité : toutes nos opérations sont conformes à vos décrets : elles sont relatives à notre régime intérieur, à nos relations extérieures. Vous aviez reconnu qu’il devait exister des différences entre notre Constitution et la vôtre; votre décret du 8 mars déterminait nos droits; nous ne sommes pas allés au delà : mais, quand nous nous serions trompés, serions-nous coupables? « Faites donc disparaître les mers qui nous séparent ; faites que , comme les provinces de France, rapprochés de l’Assemblée nationale et du roi, notre patriotisme puisse vous avoir pour guide! Rien ne peut excuser les agents du pouvoir exécutif ; ils se sont couverts du manteau de l’Assemblée nationale, ils se sont entourés de vos décrets, et ils ont violé tous vos décrets; ils ont dissous les assemblées du peuple, des assemblées reconnues par vous, formées d’après vos décrets. Sans réquisition, sous le ridicule prétexte d’indépendance, et pour les vils intérêts du despotisme, ils ont égorgé des citoyens. Et l’on voterait des remerciements à dos assassins ! C’est alors que la colonie serait perdue; le désespoir s’emparerait de nos frères ; ils consentiraient à être pauvres, ils seraient invincibles. On vous parle de rétablir la paix. Nous garantissons que tout est calme; nous avons supplié nos concitoyens d’attendre avec patience : ils attendent votre justice : ils ne l’attendront pas en vain. Nous allons leur écrire que vous êtes sur le point de nous la rendre; notre voix soutiendra leur résignation ; rien sur la terre ne peut nous ravir leur confiance. Ne précipitez donc rien; un pays tout entier est venu se jeter dans vos bras ; sa cause appelle toute l’attention de votre sagesse; vous allez élever un monument pour les siècles, vous allez graver la reconnaissance dans les cœurs. Nous vous avons dit la vérité ; nous en répondons sur nos têtes. Le ciel a conservé nos archives, nous vous offrirons la preuve de tout ; tous les faits que nous avons présentés sont appuyés par des pièces que nous mettrons sous vos yeux, et qui exigent un long examen. Voici nos conclusions : « Nous demandons que vous renvoyiez l’examen de notre affaire par-devant un comité ad hoc , que nous supplions de rendre le plus nombreux qu’il vous sera possible; que vous permettiez que des commissaires, nommés par l’assemblée générale, assistent au comité créé ad hoc, pour lui offrir tous les renseignements dont il pourra avoir besoin ; qu’il soit également permis à l’assemblée générale d’assister au rapport qui sera fait par le comité ad hoc. Ces demandes sont trop légitimes pour ne pas être accueillies. Les moments que vous donnerez à notre cause ne seront pas perdus, et les bénédictions du peuple seront la récompense de votre sagesse. » M. le Président. L’Assemblée nationale ne cherche pas à trouver des coupables dans des Français; son équité reconnue doit vous mettre à portée de savoir ce que vous devez attendre d’elle, et lui a prescrit les formes qu’elle a adoptées à votre égard ; elle a entendu le récit des faits que vous venez de lui faire; elle examinera les pièces, elle les pèsera dans sa justice, et vous fera connaître ses intentions. M. Barnave. Je demande que ce narré des faits soit remis sur le bureau pour servir de pièce dans cette affaire. M. Valentin de Cnllon, orateur de la députation. Empressés de paraître devant vous, nous n’avons pu rédiger par écrit le récit que je viens de vous présenter : je n’ai que ces notes sur lesquelles j’ai fait mon rapport, nous ne perdrons pas un moment pour mettre en ordre ces faits signés par nous; ils seront remis à l’Assemblée nationale puisqu’elle le désire. (La séance est levée à 9 heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du dimanche 3 octobre 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Vernier, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. Groupilleau, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Ilumldot, député du Beaujolais , demande un congé d’un mois environ. M. Griraud-Duplessis, député de la Loire-Inférieure, sollicite un congé de six semaines. M. Seurrat de Viaboulaye , député d’Orléans, demande la permission de s’absenter pour trois semaines. M. llangin, député de Mouzon, demande également un congé de trois semaines. Ces .congés sont accordés. Le sieur Boucault, mécanicien à Paris, qui a déjà eu l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale des échantillons de monnaie extraits de la matière des cloches, lui en présente de nouveaux, extraits avec des procédés différents. Il annonce à l’Assemblée qu’il espère démontrer bientôt la manière dont on peut faire dans cette fabrication les plus grands bénéfices possibles. L’Assemblée nationale ordonne le renvoi de ces échantillons à son comité des monnaies, pour en faire l’examen. Le sieur Bourjot, élève de l’académie d’architecture, présente à l’Assemblée nationale un plan d’édifice pour ses séances, qui est reçu avec satisfaction. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre écrite de Laon à M. le Président par "les sous-ofliciers, brigadiers et dragons du régiment de la reine, dans laquelle ils justifient le sieur Pellan, major-commandant de ce régiment, sur les imputations odieuses qui lui ont été faites dans les Annales patriotiques, n° 360, du lundi 27 septembre. Le même secrétaire fait lecture d’une lettre écrite à l’Assemblée nationale, par les électeurs du district d’Angers. A cette lettre dans laquelle (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.