[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1790.} 423 Chinon celles de lieutenant particulier. Un mémoire qui nous a été adressé le représente comme coupable des délits les plus graves, et annonce qu'il est dans les liens d’un décret d’ajournement personnel au sujet d’une accusation de spoliation d’hoirie. La municipalité, considérant que ce décret suspend toutes fonctions civiles, a cru devoir lui refuser les droits de citoyen actif. Ce refus excite dans la ville de Chinon des débats qui peuvent occasionner de grands désordres. Nous devons ajouter que M. Pichereau est en faillite; il faut faire exécuter votre décret concernant les faillis. Le comité vous propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale, sur le rapport du comité de constitution, et conformément à l’article de son décret du 22 octobre dernier, qui constitue les assemblées primaires juges de la capacité et des titres des citoyens actifs, et des citoyens éligibles, renvoie aux deux sections de l’assemblée de la commune de Chinon, le jugement de la capacité du sieur Pichereau, d’après les décrets de l’Assemblée nationale; déclarant au surplus expressément que les officiers municipaux et les commandants de la garde nationale de Chinon doivent prendre toutes les précautions nécessaires, même requérir, au besoin, les secours de la maréchaussée et des corps de troupes réglées, pour assurer la tranquillité dans les deux sections de l'assemblée de la commune de Chinon, lesquelles se formeront de nouveau, à l’effet de procéder aux élections. » M. Loys. Lors des décrets sur les exclusions des droits de citoyen actif, vous avez pensé que ce serait déshonorer la constitution que d’y rappeler les noms des condamnés et des décrétés, mais je crois pourtant qu’il est sage de prononcer au moins l’exclusion des premiers, car il serait contraire à la morale publique de penser qu’un homme flétri pourrait être appelé par l’intrigue ou la corruption à des fonctions municipales. Je propose le décret suivant : « Tout homme flétri et entaché par un jugement en dernier ressort, dont il n’y a pas d’appel, ou qui a passé en force de chose jugée, ne pourra être considéré comme citoyen actif, ni être admis aux assemblées publiques, soit comme électeur, soit comme éligible. » M. Pabbé Gouttes. 11 se fait beaucoup de cabales, et certes ce ne sont pas les honnêtes gens qui cabalent. Le décret que propose le comité ne lèvera pas non plus la difficulté. L’homme qui a cabalé pour être élu cabalera bien davantage encore pour être jugé favorablement. Qu’on fasse juger par qui l’on voudra, mais que ce ne soit pas' par la commune de Chinon. M. Buzot. Vous avez déclaré les assemblées primaires juges de la capacité des citoyens actifs ; il n’est pas possible de s’écarter de ce décret. Celui du comité est très conforme aux principes; celui que propose M. Loys n’est pas convenable. Ces mots décrets d'ajournement personnel , entaché, sont très vagues : on sait avec quelle facilité ces décrets se décernent. M. Populus. C’est un principe de jurisprudence civile et criminelle que quiconque est sous un décret d’ajournement personnel est inhabile aux fonctions publiques. M. de Robespierre appuie le projet du comité comme plus conforme aux principes des décrets de l’Assemblée. La discussion sur la motion de M. Loys est renvoyée à la séance de lundi prochain, deux heures. M. Démeunier rend compte d’une autre affaire particulière, en ces termes : � La municipalité de Pont-à-Mousson a refusé d’admettre aux assemblées primaires un officier du régiment du Beauvaisis, quoiqu’il passe trois quartiers d’hiver à Pont-à-Mousson, quoiqu’il y ait ses biens et que sa mère y soit établie. Le motif du refus est fondé sur ce que cet officier est logé en hôtel garni et que son père réside à Nancy. Le comité de constitution vous propose de décréter que les officiers des troupes soldées seront censés avoir leur domicile dans les lieux où ils passent leurs quartiers d’hiver. M. le vicomte de Hoailles. La disposition qu’on vous propose est comprise dans un décret proposé par le comité militaire. Sur cette observation, la question est ajournée à lundi prochain, jour fixé pour s’occuper des rapports du comité militaire. L’Assemblée passe à la discussion d'une adresse de la commune de Rennes, concernant la nouvelle chambre des vacations du parlement de Bretagne. M. Defermon des Chapelières. Obligé de mettre sous les yeux de l’Assemblée la conduite de la nouvelle chambre des vacations de Bennes, les conséquences fâcheuses de cette conduite, le besoin qu’a la Bretagne de n’être plus privée de la justice, je ne puis mieux remplir ces objets qu’en vous lisant la lettre de corresspondance de nos commettants, et l’adresse qu’ils ont envoyée à l’Assemblée. Lettre de correspondance de la municipalité de Rennes, « Rennes, le 31 janvier 1790. « Nous vous prions de nous procurer la plus prompte expédition possible sur notre adresse à l’Assemblée et notre dénonciation au comité de3 recherches. Tout ce que vous avez prévu est arrivé ; il n’y a rien à espérer des magistrats ; l’esprit de corps semble s’être réfugié chez eux et ils ne craignent pas de professer hautement qu’ils agissent par principes de devoir, d’honneur et de conscience ; ils sont tous gardés chez eux par des hommes de planton; cette garde est d’autant plus nécessaire dans ce premier instant, que le départ de quelques-uns d’eux fait craindre le départ de tous, que plusieurs se disposaient à partir, et que quiconque d’eux eût été présumé partant, eût été infailliblement saisi par le peuple dont vous savez que l’on ne peut calculer tous les actes; cette garde les gêne et fatigue les gardiens. Il est donc bien intéressant que l’Assemblée nationale prononce promptement sur le sort de ces magistrats, qui ne nous ont pas laissé jouir, vingt-quatre heures, de l’espérance de paix que nous avait donnée la démarche des gentilshommes. « Nous sommes avec le plus respecteux attachement, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles serviteurs. « Signé : de Mouthieri, maire ;Gàndon, procureur-syndic; GOHIER, commissaire; Gilbert, commissaire ; Le Moucaüd de Lepinai. » 424 Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février 1790.] Adresse de la municipalité. « M. le président de Talhouet est resté seul fidèle à la nation; il n’a quitté le temple de la justice que pour venir rendre hommage à la liberté dans le temple de la patrie. Les autres magistrats n’ont cessé de donner à la France indignée le scandale de la désobéissance ..... Doutera-t-on que le corps entier n’adopte des sentiments aussi coupables? ....... Serons-nous toujours à la merci de ceux qui, ayant perdu sans retour la confiance du peuple, ne peuvent plus exercer le droit de le juger?... La voilà donc enfin consommée cette forfaiture; la voilà donc mise au jour cette conjuration contre le bien public ! Après avoir tant de fois désolé la France par leur ambition criminelle, par des démissions combinées, par une désobéissance impunie, ils se prétendent quittes, en abandonnant leurs fonctions, comme si cette désertion n’était pas coupable !... Leur projet est connu; ils veulent exciter le peuple par la privation de la justice, perpétuer le désordre, anéantir vos décrets ; et dans quel temps suivent-ils l’exemple de leurs confrères? c’est dans ce moment où les gentilshommes, par un heureux retour à la raison, à la patrie, à la vérité, semblaient assurer le tranquillité de notre province ; c’est dans ce moment que la chambre des vacations, croyant tenir la paix et la guerre dans ses mains, se livre à sa haine, et n’écoute ni les intérêts du peuple, ni le cri de la patrie ..... Ils renoncent à être magistrats-citoyens ; hommes, ils ne veulent être que nobles ..... La veille du jour même où les magistrats nous ont refusé leurs services, nous leur prodiguions les nôtres. Nos milices nationales allaient défendre les habitations des nobles contre les habitants des campagnes, contre ces hommes si longtemps opprimés et trompés aujourd’hui sur vos décrets. 11 est temps que la loi s’appesantisse sur cette coalition de résistance, tantôt contre le peuple, tantôt contre le monarque, aujourd’hui contre tous deux. Nous venons, au nom de la tranquillité publique compromise, des lois violées, demander qu’un aussi grand scandale soit réparé par un grand exemple. • En conséquence, nous déclarons dénoncer à LAs-sembiée nationale et au comité des recherches, les membres de la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes, comme coupables de désobéissance à la nation, à la loi et au Roi, et nous supplions l’Assemblée nationale de les renvoyer au tribunal chargé de connaître des crimes de lèse-nation. » M. Defermon desChapelières.La députation de Rretagne, assemblée hier, ayant pris connaissance des faits, a rédigé le projet de décret dont je vais vous donner lecture : « L’Assemblée nationale, instruite de la désobéissance de la nouvelle chambre des vacations du parlement de Rennes, « Décrète que pour former uu tribunal provisoire qui remplace ladite chambre des vacations, le Roi sera supplié d’adjoindre au président de Talhouet, ci-devant nommé président de cette chambre, deux juges de chacun des quatre présidiaux de Bretagne, quatre jurisconsultes parmi ceux du barreau de Rennes, et deux de chaque ville où les trois autres présidiaux sont établis; d’ordonner que lesdits membres se réuniront et se mettront en activité le plus tôt possible; qu’en cas de refus d’absence départie d’entre eux, ceux qui se trouveront réunis commenceront néanmoins, sans délai, l’exercice de leurs fonctions, appelant à cet effet provisoirement et à leur choix, des avocats pour assesseurs; que dans l’absence du président de Talhouet, la chambre sera présidée par le plus anciennement admis au serment d’avocat; que le même ordre d’ancienneté sera observé pour la préséance entre les autres juges, et qu’ils pourront se diviser en deux sections, pour la plus prompte expédition des affaires ; « D’ordonner en outre que la cour supérieure provisoire, ainsi formée, tiendra ses séances tous les jours, même pendant ceux des «fêtes de palais» qui ne sont pas gardées par l’Eglise ; « Que les trois substituts du procureur général du Roi feront, tant à l’audience qu’à la chambre du conseil et dans l’instruction des procès criminels, toutes les fonctions du ministère public, concur-rement et sans aucune préséance entre eux; qu’ils se distribueront également les affaires nouvelles, et conserveront celles dont ils sont saisis ; « D’enjoindre aux greffiers, huissiers et à tous autres officiers ministériels, attachés au parlement de Bretagne, de continuer leurs fonctions auprès de ladite cour supérieure provisoire : « D’ordonner que les ci-devant juges, composant les deux chambres des vacations successivement nommées, et tous autres juges du parlement de Bretagne, le président Talhouet excepté, remettront au greffe, dans huit jours après l’entrée en exercice de ladite cour, les procès et pièces qu’ils peuvent avoir ; et que, faute à eux de le faire, ils soient poursuivis, à cet effet, à la requête d’un des substituts, et condamnés par corps à faire cette remise, et aux dommages et intérêts des parties. « L’Assemblée nationale décrète que ladite cour supérieure provisoire aura, pour l’exercice du pouvoir judiciaire, toute l’autorité dont le parlement de Bretagne était revêtu, à l’effet de juger toutes affaires, tant criminelles que civiles, à quelques sommes qu’elles puissent monter, ainsi, et de la même manière que les chambres des vacations du royaume avaient reçu cette autorisation par le décret du 3 novembre dernier, sanctionné par Sa Majesté; Qu’à l’exception du président de Talhouet, qui conservera ses gages, les honoraires des juges, appelés à composer la cour supérieure provisoire, seront de douze livres par jour, à compter, pour ceux de Nantes, Vannes et Quimper, du jour de leur départ, et, pour ceux de Rennes, du jour de leur entrée en fonctions. Autorise le trésorier de la proviuce de Bretagne, à payer chaque mois lesdits honnoraires, sur un mandat du président et signé d’un des substituts de ladite cour; en conséquence, lesdits juges ne percevront aucuns droits, ni épices, sous quelque dénomination que ce soit. Les substituts, greffiers et autres officiers ministériels, n’étant point compris dans la fixation des honoraires, continueront de recevoir les émoluments qui leur sont attribués par les règlements; l'Assemblée nationale ne change rien à cet égard. « Décrète que les ci-devant juges, composant la chambre des vacations dernièrement nommée, seront privés de leurs gages, depuis le jour qu’appelés parles décrets de l’Assemblée nationale pour rendre la justice, iis se sont assemblés sans remplir cette obligation, jusqu’au jour où la cour supérieure provisoire cessera ses fonctions, et où les juges qui seront établis d’après le nouvel ordre judiciaire commenceront les leurs. Ordonne que lesdits gages seront payés au trésorier de la province de Bretagne, et serviront à remplacer