[8 février 1790-1 497 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. du coraitéde constitution, que la première session de l'assemblée de département se tiendra à Agen, et qu’ensuite on alternera dans les villes qui en seront susceptibles; laissant néanmoins à la majorité des électeurs la liberté de fixer le chef-lieu ; « Que ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont Agen, Nérac, Gastrljaloux, Tonneins, Marmand�, Villeneuve et Valence, Montflanquin, Lauzun. L’Assemblée accorde à la ville d’Auvillars la faculté d’opter le département auquel elle désirera d’être réunie. » M. Renaud propose de fixer dès à présent à Agen le chef-lieu du département ; cette ville est S lus centrale que les autres. Quant aux villes de érac et de Caste!jaloux,ell< s ne peuvent prétendre à l’alternat parce qu’elles sont situées à la fois au delà de la Garonne et sur les frontières du département. M. le marquis de Fumel-Afontségur, trouve que le nombre des districts est beaucoup trop considérable; il propose de le réduire à quatre. M. Daubert appuie, au contraire , lesproposi-tions du comité et demaude la question préalable sur les amendements. La question préalable est prononcée. M. le Président met aux voix le décret du comité de constitution, qui est adopté en sa forme et teneur. M. le Président annonce que MM. Bourgeois, député de Villers-Colterets ; Bouvet, député de Chartres; Le Garlier, député du Verman-dois, et le bailli de Fresnay, député du Maine, demandent un congé pour s’absenter quelques jours; il leur est accordé. M. le Président. L' Assemblée passe maintenant à son ordre du jour de deux heures. Elle a à s’occuper 1° d’un rapport du comité féodal; 2° d’une adresse aux provinces; 3° des trou blés du Quercy; 4° d’une impo-ition demandée par la commune de Rouen. L’Assemblée doit décider d’abord quelle est celle de ces matières qui aura la priorité. La priorité est donnée à l'affaire de Rouen, et M. l’abbé Gouttes, rapporteur, monte à la tribune. M. l’abbé Gouttes. La ville de Rouen avait demandé à être autorisée à percevoir sur tous les citoyens, pour soulager les ouvriers sans travail, une contribution égale aux trois quarts d’une année de la capitation. Vous avez exigé qu’une nouvelle assemblée manifestât plus authentiquement ce vœu : elle vient de former la même demande. Le comité de finances m’a chargé de vous proposer, en conséquence, le décret dont voici les dispositions : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera assis sur tous les citoyens delà ville et des faubourgs de Rouen, qui payent trois livres et plus de capitation, une contribution égale aux trois quarts de lu. capitation à laquelle ils ont été imposés pour funnée 1789; laquelle capitation, en ce qui concerne kg ecclésiastiques, sera déterminée par le rôle qui sera, fait en exécution des décrets de l’Assemblée nationale pour les six derniers mois de 1789 : lesquels trois quarts seront acquittés eu lr* Série. T. XI. trois payements égaux, le premier en janvier, le second en février le troisième en mars; que les rôles d'assiettes qui seront dressés à cet effet seront rendus exécutoires par la municipalité, devant laquelle seront portées toutes les contestations qui pourraient survenir, soit sur la confection des lôles, soit sur la perception, pour être jugées sommairement et sans frais; et néanmoins aucun contribuable ne sera entendu sur lesdites contestations, qu’en justifiant préalablement du payement de son imposition échue; et que les actes, procédures et jugements à intervenir seront rédigée sur papier non timbré, avec exemption de contrôle, sceaux et droits réservés, à la charge par la municipalité de rendre, par la voie de l’impression, un compte public de l’emploi qui aura été fait des sommes provenant de la cotisation. » M. le Président met aux voix le projet de décret proposé par le comité des finances. Le décret est adopté. M. Vernier, député d’Aval, propose d’affranchir les bois des communautés voisines des salines de Montmorot, de la charge qui leur a été ci-devant imposée, de fournir à la consommation desdites salines. Un membre demande la destruction de ces mêmes salines et propose de renvoyer les deux questions au comité des domaines pour qu’il en fasse rapport. Ce renvoi est décrété. L’Assemblée reprend la discussion de la motion de M. Loys tendant à exclure les condamnés de l'exercice des droits de citoyen actif. M. Moreau. On a ajourné à aujourd’hui la question de savoir si des personnes entachées par des jugements et arrêts peuvent être élevées aux places municipales. En excluant les faillis et leurs enfants, vous avez exposé la rigidité de vos principes en pareille matière, et vous ne pouvez refuser de décréter que, conformément à l’esprit de vos précédents décrets, les personnes notées sont, de fait et de droit, incapables d’exercer toutes fonctions administratives. M. Démeunier. Le préopinant s’écarte de la question : il ne s’agit pas de savoir si une personne entachée par quelque arrêt peut être éligible pour les municipalités, mais si un ajournement personnel prive des droits de citoyen actif. Si l’on veut décider ces deux questions, il faut les séparer. Dans le premier cas, les lois anciennes prononcent; elles ne sont point abrogées, elles doivent être observées. Le second cas présente une question plus délicate : un homme décrété d’ajournement personnel n’a pas été entendu, n’est pas jugé, et ne peut être traité comme s’il était coupable. Cette dernière partie forme le seul point de la discussion. M. Garai l'aîné. La question relative à l’ajournement personnel doit être décidée par les lois qui subsistent en ce moment; or ces lois déclarent incapable de fonctions publiques quiconque n’a pas purgé ce décret. Dans le code que vous ferez, abrogerez vous le décret d’ajournement personnel et ses effets? Je n’en crois rien : il importe à la délicatesse française que tout homme soit suspect, s’il a, pour ainsi dire, acquiescé au jugement qui le déclare tel, et c’est un acquiesce-32 498 [Assemblée nationale.] ARCHIVES .PARLEMENTAIRES. [8 février 1780.) ,ment réel que de ne. pas prendre les moyens de ! prouver son innocence, jquaud ils sont offerts par la loi... M. Pétlon de Villeneuve représente l’importance d’une question qui ne. peut-être décidée que par un décret constitutionnel. Il observe que les .assemblées primaires étant chargées de juger de la capacité des individus, ce. décret n’esi, ipàs nécessaire; qu’ainsi il n’y a pas à délibérer, s’il regarde le présent; .que s’il regarde l’avenir, il faut discuter, examiner, et pour cela ajouroer,en renvoyant au comité de constitution. M. Target est d’avis du grand intérêt que présente la-question, et appuie l’ajournement. On se dispose à aller aux voix. M. le vicomte de Mirabeau entre .dans la salle. M. GoiipiHeau. Je demande� que la délibération soit suspendue, pour que les membres qui n’ont pas prêté le serment civique le prêtent, ou se retirent. M. de Rouville. Je suis l’uu de-ces membres : ]’ai eu l’honneur d’écrire mes motifs et d’énoncer le serment que ma conscience me permet de prêter. Je jurerai d’obéir à la constitution, mais je ne puis jurer de la maintenir; et par ce refus, je crois faire quelque chose d’utile à la nation. 11 estimpassibie,de lui enlever le-droit de. changer la constitution ; il est impossible de ne pas convenir que les prochaines législatures sont appelées à faire ces changements. Jurer de maintenir la constitution, ce serait donc jurer de s’opposer aux droits de la nation. Sans doute, on n’a pas attaché ce sens au serment proposé ; mais si c’es t le sens naturel, si c’est l’acception véritable du mot maintenir, on ne peut blâmer monTêfus. M. Saborde de Méréville. L’Assemblée nationale ne se croyant pas liée. par les capitulaires des races passées, elle np pense .pas lier les races futures. L a-constitution conserve au peuple le droit de s’assembler en convention nationale jour réformer cette même constitution. Ainsi le >réopinant, en jurant de la maintenir, jurera éga-ement de maintenir à la nation le droit de la perfectionner. M. le Président. Je ne puis permettre des restrictions. Jeudi dernier,, l’Assemblée ,a décidé que j’ioterpeUerais par omî ou par non les membres qui se présenteront pour prêter le senment .dont la formuler étéiarrêtée; je, dois me conformer à cette décision. . Il ne s’agit, pas de détruire ' le, pouvoir de la volonté générale, mais d’opposer lé pouvoir individuel de celui qui jureau pouvoir individuel de. quiconque essaiera .de porter atteinte à la constitution. M. Démeunier, Le préopinant n’aurait pas montré les scrupules iqu’il. a témoignés, s’il avait voulu se rappeler qu’un article de la déclaration des droits conserve le droit essentiel, inhérefnt à la nation, de changer la loi qu’elle s:est dounée, .et certes on a assez souvent prêché .cette doctrine dans oette assemblée. L’erreur du préopinant vient d’un pur oubli, d’un pur sophisme, développé dans une lettre de M. Bergasse,-et que l’on rend à la porte de cette salle... . Je demanderai à ces consciences .délicates, dans quel principe de droit public elles ont vu qu’ou peut refuser d’obéir aux lois, même imparfaites., Il faut faire observer le décret qui oblige tous -les membres tà prêter le serment. M. le vicomte de Mirabeau imonte à la tribune. M. le Président. On ne peut ouvrir de discussion sur un objet décrété; il ne reste plus qu’à obéir au décret. M. le vicomte de. Mirabeau reste à la tribune pendant quelque temps. 11 en descend ; an croit qu’il :se dispose, à isoctir : an applaudit. Il remonte à sa place; la grande majorité se lève à l’instant. On entend plusieurs voix prononcer,: « Failes-le sortir ! » M. île Président. Des membres refusent de prêter > le serment; le décret de l’Assemblée est connu; mais ne serait-iil pas juste de leur laisser VingLquatre heures pour s’aviser? M. Giraud-Duplessis. Je fais .la motion expresse, que si dans vingt-quatre heures, M. le .vicomte de Mirabeau m’a pas ; prêté vie sermon t, il •soitdéclané déchu des fonctions de député et des droits de citoyen actif. M. de Saint-Simon. D’après l’explication. adoptée par l'Assemblée, fe lle june. ...... MM. de Bouville, Le Gar#entier de Chaillouéet le vicomte de Mirabeau prêtent leur serment en se servant des mêmes expressions. M. le -Président. M. Merlin. (kfeUaaaij'.a la'.pa-role, au nom du comité féodaL pour faire u �rapport sur la suppression et le rachat des droits féodaux. M.. Merlin, député de Douai (1). Messieurs, en détruisant le régime féodal; en renversant, pour rneservird’uneexpression connue de Montesquieu, ce chêne antique dont les branches couvraient toute la surface de l’empire français, tandis que ses racines ignorées se perdaient dans les mœurs et te gouvernement des barbares .auxquels .les Gaules ont dû l’expulsion des Romains - , en faisant, parce grand acte de vigueur et ide puissance, non Jine simple loi, mais un article de constitution, et le plus important, peut-être, que vous eussiez à faire pour vous .aplanir la carrière pénible et: glorieuse qui s’ol frail à votre courage, vous avez rendu à la nation un service inestimable, /mais vous vous< êtes imposé m ne granule tâche. — Ce n’est pas assez d’avoir fait disparaître jusqu'à la dernière trace de ce régime, qui c'aurait pu se lier ni avec cette précieuse mgalité des droits que voiusavez déclarée, ni avec cette grande maxime qni rappelle toute autorité à la nation dont die émane, comme àsa source; oe nêst pas •assez d’avoir, avant de commencer l’édifice de la constitution, déblayé tous ces, décombres, tous.ces restes gothiques d’un système inconstitutionnel qui composaient encore la féodalité moderne; ce n’est pas assez, en un mot, d’avoin établi des principes, il faut encore, par un juste développement de leurs conséquences, en faciliter la pratique; il faut surtout aller au devant des abus que la cupidité pourrait en faire; il faut les environner de dispositions conservatrices de la propriété autant que la liberté; il faut enfin présenter au peuple une loi dont la justice force au silence l’égoïste (1) Le rapport de M. Merliu est incomplet au Moniteur.