32 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j » n L J i 24 novembre 1 Compte rendu du Moniteur universel (1). Romme quitte le fauteuil pour présenter la rédaction et la refonte des divers décrets rendus sur la nouvelle ère des Français (2). Son travail est adopté. Le même membre [Eomme (3)] fait hommage à la Convention nationale d’une pièce républi¬ caine, intitulée : La Réunion du 10 août, ou V Inauguration de la République française , sans-culottide dramatique , par les citoyens G. Bouquier , membre de la Convention nationale et du comité d1 instruction publique, et P.-I. Moline , secrétaire greffier attaché à la Convention. La Convention nationale accepte l’hommage et autorise son comité de Salut public à faire toutes les dépenses nécessaires pour que cette pièce soit représentée sans délai (4). Compte rendu du Moniteur universel (5). Un membre fait hommage d’un opéra de sa composition sur la révolution du 10 août. Sur la proposition de Thuriot, la Conven¬ tion autorise le comité de Salut public à faire faire les dépenses nécessaires pour la représen¬ tation de cet ouvrage. (1) Moniteur universel [n° 66 du 6 frimaire an II (mardi 26 novembre 1793), p. 267], col. 2]. Le Journal de la Montagne [n° 12 du 5° jour du 3e mois de l’an II (lundi 25 novembre 1793), p. 96, col. 2] reproduit textuellement le compte rendu du Moni¬ teur. (2) Voy. Archives parlementaires , lre série, t. LXXVI, séance du 27e jour du 1er mois de l’an II (18 octobre 1793, p. 695), l’adoption du projet de décret présenté par Romme et t. LXXVI I, séance du 3e jour du 2e mois de l’an II (22 octobre 1793), p. 496, le rapport et le projet de décret de Fabre d’ Eglantine. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 282, dossier 787, et d’après les divers journaux de l’époque. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 129. (5) Moniteur universel [n° 65 du 5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 263, col. 2]. D’autre part, le Mercure universel [5 frimaire an II (lundi 25 novembre 1793), p. 76, col. 1] et le Journal de Perlet [n° 429 du 5 frimaire an II (lundi 25 no¬ vembre 1793), p. 443] rendent compte de l’hom¬ mage fait par Romme dans les termes suivants : I. Compte rendu du Mercure universel. Poultier [Bouquier], représentant du peuple, par l’organe de Romme, fait hommage d’une pièce de théâtre sur La Réunion du 10 août, dans laquelle les grands événements de la Révolution sont retra¬ cés. Mention honorable. Thuriot demande que l’on mette à la disposition du ministre de l’intérieur les sommes nécessaires pour que cette pièce soit jouée sur tous les théâtres. (Décrété.) Romme demande que l’on renvoie au comité de Salut public la question de savoir s’il ne convien¬ drait pas de forcer les directeurs de théâtre à ne donner d’autres pièces que celles qui sont dans le vrai sens de la Révolution, qui sont capables de S%it le texte de la pièce des citoyens G. Bouquier et P.-L. Moline, d’après un document des Ar¬ chives nationales (1). LA RÉUNION DU DIX AÔUT ou l’inauguration de la république FRANÇAISE. Sans-culottide dramatique. Par les citoyens G. Bouquier, membre de la Conven¬ tion nationale et du comité d’instruction publique, el P.-L. Moline, secrétaire greffier, attaché à la Convention. Acteurs : Le Président de la Convention nationale, L’ordonnateur de la fêle, Les députés de la Convention, Envoyés des assemblées primaires, Membres des autorités constituées, Une citoyenne, Une héroïne des 5 el 6 octobre, Un citoyen, Un laboureur, Une citoyenne femme du laboureur, Les enfants du laboureur, Le doyen des envoyés des assemblées primaires, Un vieillard, envoyé des assemblées primaires, Jeunes aveugles, Jeunes orphelins, Mères des orphelins, Citoyens el citoyennes. (La scène est à Paris.) ACTE PREMIER Le théâtre représente l’emplacement de la Bastille. Parmi ses décombres, on voit la fontaine de la régénération, représentée par la Nature qui, pres¬ sant de ses mains ses fécondes mamelles, en fait former l’esprit public : « Sans quoi, dit-il, on jouera encore des « Ami des Lois et des Pamèla. » Merlin. Je m’y oppose. Le peuple a fait la Révo¬ lution. Il saura bien distinguer si les pièces sont dignes de lui, et si, au contraire, elles ne le sont pas, il saura bien les siffler. Aussi, je demande l’ordre du jour. (Adopté.) 11. Compte rendu du Journal de Perlet. Romme, après avoir fait hommage à la Conven¬ tion nationale, au nom de son collègue Poultier [Bouquier], du Nord [de la Dordogne], d’une pièce de théâtre faite par ce dernier, ayant pour titre La Réunion du 10 août, propose de décréter que le comité d’instruction publique sera chargé d’exami¬ ner les productions du génie et des talents révolution¬ naires, qui lui paraîtront les plus dignes d’être repré¬ sentées sur les théâtres. Merlin (de Thionville). Le peuple a fait la Révo> lution; il doit juger ceux qui travaillent pour elle; nous ne devons pas nous ériger en censeurs des pièces de théâtre. Romme. Eh bien, vous verrez encore des Pamèla et des Ami des Lois. Non, reprend Merlin, le peuple en fera justice. Sur la proposition de Thuriot, il est décrété que le comité de Salut public fera les dépenses néces¬ saires pour la représentation de la pièce de Poul¬ tier. (1) Archives nationales, carton C 285, dossier 828. (Convention nationale.] jaillir deux sources d’une eau pure, qui s’épan¬ chent dans un vaste bassin. Plusieurs arbrisseaux entourent la fontaine. Des citoyens de tout sexe et de tout âge sont occupés, avant le point du jour, à orner de fleurs l’ enceinte du lieu où la céré¬ monie de la fête doit commencer. SCÈNE PREMIÈRE L’ORDONNATEUR DE LA FÊTE, UNE CI¬ TOYENNE, qui préside aux travaux des ouvriers de tout sexe et de tout âge. une citoyenne, en travaillant. Ariette. Ah ! qu’il est beau, ce siècle où je respire 1.. Ce siècle, où de la liberté, Sur les droits de l’humanité, Mes yeux ont vu fonder l’empire ! Qu’il est brillant ! Qu’il est majestueux ! Qu’il est fécond en vertus, en miracles ! Oui, ce siècle est le siècle heureux Que nous ont prédit les oracles ! Il fera le bonheur de nos derniers neveux. l’ordonnateur, au peuple. Nous allons célébrer la plus auguste fête : Peuple, que nos accents s’élèvent jusqu’aux cieux Et que l’écho répète : •* Vive la liberté, premier bienfait des Dieux ! » chœur des citoyens, en travaillant. Célébrons cette auguste fête ! Que nos accents s’élèvent jusqu’aux cieux Et que l’écho répète : «* Vive la liberté, premier bienfait des Dieux ! » l’ordonnateur, à part. O sublime philosophie ! C’est par le concours fortuné De la raison et du génie, Que ton ascendant vivifie Le vaste empire où je suis né. J’ai vu par toi mille prodiges Se succéder avec rapidité. Toi seule as détruit les prestiges Dont l’orgueil, la cupidité, La fourberie et l’impudence A la faveur de l’ignorance, Berçaient notre crédulité. ■chœur des citoyens, en quittant leur ouvrage ■ ■Que ce siècle est fécond en vertus, en miracles Oui, ce siècle est le siècle heureux Que nous ont prédit les oracles ! Il fera le bonheur de nos derniers neveux. Ballet. (Ils dansent une ronde devant la statue : une troupe ■de citoyens vient se mêler parmi eux.) SCÈNE II L’ORDONNATEUR, UNE CITOYENNE, UN CITOYEN, TROUPE DE CITOYENS qui appor¬ tent des guirlandes de fleurs dont ils ornent le pié¬ destal de la statue . une citoyenne, avec enthousiasme . *1 Air. Tu régénères ma patrie, Divine Révolution 1 Nous devons à ton énergie, L’éclat de notre nation. i frimaire an II JJQ 24 novembre 1793 Un peuple, qu’on croyait frivole, Par toi de ses fers délivré, Pour jamais a brisé l’idole Qu’il rougit d’avoir adoré. le citoyen, avec transport. Oui ! nous ne craignons plus les trames d’un despote, Dont l’orgueil nous dictait des lois 1 Nous avons recouvré nos droits; Et je me fais honneur du nom de sans-culotte. Air. Je l’ai vu, ce jour radieux... Ce jour qui porta la lumière Au fond des cachots ténébreux De ce sombre et sanglant repaire; Où, dans l’opprobre et la misère, Périssaient tant de malheureux ! J’ai vu tomber ces murs horribles; Et, sur les débris écrasés, J’ai vu flotter les étendards terribles Des braves citoyens qui les avaient brisés. l’ordonnateur, au citoyen. Ce jour les a couverts de gloire ! De ces affreux cachots, les débris dispersés, Des forfaits des tyrans, et de nos maux passés, Nous rappellent encor l’histoire. (Il fait voir au citoyen des inscriptions gravées sur Dlusieurs pierres.) En frémissant, je lis ces mots : (Il lit sur une pierre.) « Depuis trente ans, je meurs dans ces cachots ! » (Sur une autre.) «,Un lâche courtisan, un ravisseur infâme, « M*ensevelit ici pour corrompre ma femme. » (Sur une autre.) « Hélas ! je ne dors plus ! » (Sur une autre.) « Mes chers enfants ! Qu’êtes-vous devenus? » le citoyen, avec fureur. Vengeons-nous ! que les sans-culottes Ecrasent ces monstres pervers 1 Marchons; et de ces vils despotes Délivrons l’univers. [ LA CITOYENNE ET LE CITOYEN Duo. Défenseurs de la République ! Favoris du Dieu des combats 1 Aux campagnes de la Belgique, La victoire a conduit vos pas, Vos bras n’ont lancé le tonnerre ; Précurseur de la liberté, % Que pour répandre sur la terre Le bienfait de l’égalité. l’ordonnateur Que la France reprenne une nouvelle vie I Dès l’instant où la liberté Vint régénérer ma patrie Des gouffres de l’obscurité, J’ai vu s’élancer le génie. Mille talents ont éclaté... Mille traits de patriotisme Jusqu’à ce moment inconnus, Ont fait éclore le civisme, La plus solide des vertus. Nous voyons chaque jour renaître les Codrus, Les Lycurgue, les Curtius, Les Solon et les Démosthènes. Du droit des nations, nos orateurs imbus, Ont éclipsé les orateurs d’Athènes. ARCLlr'ES PARLEMENTAIRES, j lre SÉRIE. T. LXXX. 3 264 C’est par aux qu’en ce jour. nous voyons accueillir Cet art divin que ta morgue brutale, De la vanité féodale,. Se faisait gloire d’ avilir: De Cérès et de Triptolème, La Liberté relève les autels : Elle replace enfin aux rangs des immortels, Ce couple bienfaisant, dont la. bonté suprême De ses dons comble les mortels. (L'ordonnateur prend des mains de plusieurs culti¬ vateurs des bouquets formés d'épis de blé pour les< dis¬ tribuer aux membres de la Convention nationale. Le bruit du canùn les annonce.) chœur, (derrière le théâtre).. Tendres et généreux amis, , La nature enfin nous rassemble, Que nos voix répètent ensemble : C’est par l’égalité que nos cœurs, sont unis ! (On les voit arriver les uns tenant à la main un bouquet d'épis1 de blé, et les autres portant une pique et une branche d’olivier. Marche triomphale. ) SCÈNE III Les Précédents, LE PRÉSIDENT DE. LA CON¬ VENTION-NATIONALE, LES MEMBRES DE LA CONVENTION, LES ENVOYÉS DES ASSEMBLÉES PRIMAIRES, LES MEMBRES DES AUTORITÉS CONSTITUÉES, CITOYENS ET CITOYENNES. (Les membres de la Convention se rangent autour de la statue de la Nature. Les envoyés des assemblées primaires forment une chaîne autour d'eux. Huit d'entre eux portent sur un brancard une arche ouverte qui renferme les tables sur lesquelles seront gravés les Droits < de l'homme et l'Acte, constitutionnel. L'aurore commence à paraître.) l’ordonnateur, au peuple. Français, la plus brillante aurore Vient d’ouvrir les portes du jour; Et le soleil, qui va bientôt éclore, Nous verra réunis dans ce nouveau séjour... Une onde salutaire et pure, Sur le sol de la liberté, Découvre, à notre œil enchanté,. Le premier don de la nature. le président, en regardant la statue. Souveraine des nations ! O nature ! O mère féconde ! A l’instant où, de ses rayons, L’astre brillant qui réchauffe le monde, Vient colorer' les eaux qui coulent de ton sein, Nous sommes rassemblés autour de ton image. De tes enfants chéris,, un généreux essaim, S’empresse de te rendre hommage. Un peuple souverain se range sous ta. loi. Il est libre, ô nature ! il est digne de toi ! Pour mettre un terme à nos misères, Pour recouvrer l’égalîté, Il fallait recourir à la simplicité Des vertus de nos premiers pères. Viens nous régénérer par tes eaux salutaires, Nature ! viens nous rendre à jamais le bonheur ! Après tant de siècles d’erreur, De préjugés, dte servitude, Nous faisons notre unique étude, D’être fidèles à tes lois... Reçois, ô nature ! reçois Ce serment que te fait la-France, De vivre dans l’indépendance, D’anéantir les tyrans et les rois ! (Le Président prend une coupe, et après avoir, par une espèce de libation, arrosé le sol de-la liberté, ni boit le premier, et fait successivement passer la coupe aux 1 4 frimaire an II I 24 novembre 1793 envoyés des assemblées, primaires. A chaque fois qu'ils boivent, une salve d'artillerie annonce la consomma¬ tion de l'acte de fraternité.) LE DOYEN DES ASSEMBLÉES PRIMAIRES, tenant la coupe. Assis sur les bords du tombeau, Je touche à la fin de mon être; _ Mais en mouillant mes lèvres à cette eau, Avec le genre humain, je crois me voir renaître. un vieillard, envoyé des assemblées primaires » Combien de lustres orageux N’ai-je pas vu rouler au-dessus de ma tête ! Combien n’ai-je pas vu de mortels vertueux, Battus, froissés par la tempête !... Hélas ! mes tristes jours coulaient à la merci Du pouvoir de la tyrannie !... Nature, j,e te remercie De m’àvoir conservé la. vie, Pour me faire voir celui-ci. (Après celle cérémonie, le Président dbnne le signal de l'union fraternelle, et V ordonnateur de la fêle fai¬ sant mêler sans distinction tous les citoyens, lui im� prime son plus beau caraclère. Ils sortent tous de l'en¬ ceinte des ruines de la Bastille avec cette égalité sacrée , première loi de la nature, el première loi de la Répu¬ blique.) CHŒUR GÉNÉRAL Tendres et généreux amis, La nature, enfin nous rassemble.; Que nos voix répètent ensemble s C’est par l’égalité que nos cœurs sont unis. (Ballet des citoyens pendant le chœur. — On baisse la toile. ), ACTE II Le théâtre représente un arc de triomphe,, entouré d’arbres, et sur lequel on lit cette inscription : Comme une vile proie, elles ont chassé le tyran devant elles. SCÈNE PREMIÈRE (On voit sur les côtés de l'àrc de. triomphe les femmes des 5 el 6 octobre, assises sur les affûts de leurs canons, telles qu'elles étaient sur le chemin de Ver¬ sailles.. Les citoyens el citoyennes occupent le fond, du théâtre. ) UNE HÉROÏNE, citoyens et citoyennes. l’héroïne, en montrant l'arc de triomphe. Ce monument proscrit l’odieuse mémoire D