SÉANCE DU 28 BRUMAIRE AN III (18 NOVEMBRE 1794) - N°46 369 nuer ces frais, en conservant d’ailleurs toutes les autres dispositions du décret. *** : Je demande la question préalable sur toutes les propositions. On a craint que les jeunes gens qui seront élevés dans les écoles particulières ne viennent briller dans les examens, aux dépens des élèves des écoles publiques ; je réponds qu’il faut choisir les instituteurs de ces dernières écoles de manière à ce que ce soient leurs élèves qui éclipsent les autres. Déjà cette question a été agitée, et l’on a reconnu que l’on ne pouvait pas priver un père de la faculté d’instruire son enfant. On a senti qu’on ne pouvait que surveiller l’instruction particulière, afin qu’elle fut ce que la patrie a le droit d’exiger qu’elle soit, et c’est ce qu’on a fait par le décret d’hier. Tout est terminé à cet égard. Quant à la proposition de Thibault, je dis que ce n’est pas sur l’instruction publique qu’il faut économiser. Elle produit de trop grands biens pour qu’on doive y mettre de la parcimonie. Prenez garde d’ailleurs que, si le Trésor public ne la payait pas, les parents des enfants la supporteraient, et le pauvre, qui a de la famille souvent plus que le riche, serait obligé d’y contribuer pour une somme plus forte que ce dernier. En la faisant supporter par la nation, au contraire, vous en dispenserez le pauvre, car il ne paie pas d’impôts, et vous la faites porter sur le riche, et même sur le célibataire qui autrement n’y aurait pas contribué. LAKANAL : Je trouve que les observations de Romme sont d’un très grand poids. S’il ne faut pas porter atteinte au droit que les parents ont d’élever leurs enfants, il faut surveiller aussi les éducations particulières, afin qu’elles contribuent au maintien et à la prospérité de la République. Ainsi, je crois qu’il serait avantageux que le comité trouvât le moyen de concilier ce qui est dû à la faculté qui appartient au père d’élever son enfant avec les droits que la patrie a sur ce dernier. BOISSIEU : Je m’oppose au renvoi. Le décret d’hier prévient toutes les craintes qu’on a manifestées. Aux termes de ce décret, nul ne peut être admis à aucune fonction publique s’il n’a pas les connaissances qu’il exige; d’un autre côté, les municipalités sont chargées de surveiller les écoles particulières ; enfin la loi exige un examen de tous les enfants, soit qu’ils reçoivent une éducation particulière, ou l’éducation publique. Il est impossible, comme on l’a dit, de priver un père de la faculté d’élever son enfant, et je ne vois pas pourquoi l’on s’opposerait à ce que l’éducation particulière fit, si cela est possible, de meilleurs sujets que l’éducation publique. LEVASSEUR (de la Sarthe) : Je vais proposer un principe qu’on ne contestera pas : c’est que les enfants appartiennent à la patrie plus qu’à leurs pères et mères. {.Murmures.) La patrie doit donc veiller sur l’éducation de tous indistinctement. Il faut que les écoles particulières soient surveillées comme les écoles publiques, qu’on oblige les pères et mères à se servir des mêmes livres d’usage dans ces dernières écoles, à ne leur apprendre que les mêmes sciences, que les mêmes choses. J’appuie le renvoi des propositions au comité d’instruction publique. CLAUZEL : Je m’oppose au renvoi. Je suis d’accord avec le préopinant que les enfants appartiennent plus à la patrie qu’à leurs parents; mais on a déjà dit que les autorités constituées étaient chargées de la surveillance des écoles particulières. Il semble d’ailleurs qu’on oublie qu’il s’agit ici de Français républicains ; pourquoi mettre des entraves inutiles à l’éducation des enfants ? Robespierre vous les proposait aussi ces entraves, parce qu’il détestait la liberté, je ne prête pas le même sentiment à celui qui a parlé avant moi, mais je dis qu’il ne faut pas entraver le zèle des pères de famille. Je demande l’ordre du jour sur toutes les propositions. L’ordre du jour est adopté (115). 46 COUTURIER, au nom du comité des Inspecteurs du Palais-National : La Convention a renvoyé à son comité des Inspecteurs du Palais-National, la pétition du citoyen Salleles, représentant du peuple, député du département du Lot, tendant à être payé de son indemnité des mois de prairial et messidor, à raison de l’absence qu’il a faite, en vertu du congé à lui donné le 23 floréal. Le citoyen Salleles était ci-devant receveur des consignations à Cahors, distant de cent soixante lieues de Paris. Le 16 germinal, la Convention nationale a décrété que les ci-devant receveurs des consignations et les commissaires aux saisies réelles rendraient compte de leurs gestions et de celles de leurs prédécesseurs à partir de l’époque où les fonds de leurs caisses ont été versées au Trésor public, et convertis en contrats de constitution, en vertu de la déclaration du 24 juin 1721 (style esclave). Le citoyen Salleles fut forcé par cette loi de se rendre chez lui pour y satisfaire, et nul autre motif ne l’a déterminé à prendre un congé que celui d’obéissance à la loi et d’intérêt public ; et la Convention nationale lui délivra un congé de deux mois, fondé sur les mêmes motifs. Le citoyen Salleles partit le 2 prairial pour aller rendre son compte. De retour à son poste dès le 19 messidor, il se présenta au comité des (115) Moniteur, XXII, 537-538. Débats, n° 786, 818-819; J. Paris, n° 59 ; Rép., n° 59 ; C. Eg, n° 822 ; J. Perlet, n° 786 ; F. de la Rép., n° 59; Mess. Soir, n° 823; J. Univ., n° 1818; Ann. R. F., n° 58 ; Rép., n° 59 ; Gazette Fr., n° 1051 ; Ann. Patr., n° 687. 370 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Commissaires de la salle, pour être payé de son indemnité des mois de prairial et de messidor. Le comité qui ne connaît que la loi qui l’autorise à décerner des mandats, lorsque la cause de maladie ou de rétablissement de santé est exprimée dans le congé, ne s’est pas cru suffisamment autorisé à délivrer un mandat au profit du citoyen Salleles par un simple renvoi de bureau, quoique son droit soit fondé sur les principes étemels de la justice distributive et de l’égalité; mais il a pensé qu’il était de son devoir de faire un rapport à la Convention nationale non seulement sur le cas particulier du citoyen Salleles, mais un rapport général tendant à provoquer un décret qui mette à même le comité d’inspection de décerner des mandats indistinctement à tous ceux qui auront été dans le cas d’obtenir des congés. L’Assemblée constituante, après elle l’Assemblée législative, ont déterminé que les 18 fr. payés par jour aux représentants du peuple était purement une indemnité en compensation des pertes résultant de leur absence et de l’éloignement des leurs affaires domestiques ou de leur commerce; mais elles auraient dû prévoir les cas d’une absence urgente et indispensable de la part d’un député éloigné pour établir une égalité parfaite entre tous les représentants. Cette égalité ne peut exister tant que ceux des départements éloignés auront à supporter la perte de leur indemnité, outre les frais de leur transport dans les cas légitimes, pendant que ceux qui sont sans domiciliés ont l’avantage de surveiller leurs affaires, et même de les améliorer, sans être exposés à la moindre déduction. Aucun citoyen des départements éloignés ne voudrait accepter de députation aux conditions actuelles, excepté les riches qui, à l’exemple des Girondins, voudraient bien qu’il n’existât aucune indemnité, pour, à ce moyen, écarter tous les patriotes, qui, pour l’ordinaire ne sont pas fortunés. On a beau dire que la mission d’un représentant est un acte civique qui ne doit respirer que le désintéressement, même le sacrifice de sa vie et de sa fortune; cela est bon à dire, à la vérité ; il n’est pas moins vrai que, si les pères de famille sont émus de ces sentiments, leurs enfants doivent être élevés et éduqués aussi bien que ceux des députés favorisés par la localité. L’indemnité accordée aux représentants est suffisante pour l’existence sobre et frugale, quoique dans le moment actuel et qui dure déjà depuis longtemps, les pères de famille qui n’ont pas de fortune mènent une vie languissante; mais comme il faut que la justice distributive soit univoque et égale pour l’un comme pour l’autre, la Convention sentira sans doute, par l’exemple que fournit la position du citoyen Salleles, que, pour que cette égalité existe dans toute sa latitude entre le député domicilié et celui éloigné, ce dernier doit au moins récupérer son indemnité légitime pendant le temps d’une absence fondée sur des motifs purs et reconnus indispensables par le décret de congé; et, en ce cas, les députés qui viennent de loin ne seraient pas encore au niveau de ceux qui sont constamment dans leurs foyers, à la surveillance de leurs affaires et à l’abri de tous dangers. La Convention nationale sera d’autant plus convaincue de la justice de cette mesure lorsqu’elle saura que beaucoup de représentants des départements des frontières ont essuyé des pertes et des pillages immenses pendant leur séjour à l’Assemblée, tandis que ceux qui étaient domiciliés ou avoisinants du lieu des séances n’ont eu qu’à applaudir aux succès des armées de la République sur les frontières, sans avoir été exposés à aucun inconvénient. C’est d’après ces motifs, et autres à suppléer par les membres qui composent la Convention, que le comité des Inspecteurs vous présente le projet de décret suivant (116). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [COUTURIER, au nom de] son comité des Inspecteurs du Palais-National, décrète ce qui suit : Article premier. - Le comité des Inspecteurs du Palais-National est autorisé à délivrer des mandats, au profit du citoyen Salleles, représentant du peuple, pour le recouvrement des indemnités qui lui sont dues, durant son absence, pendant les mois de prairial et de messidor. Art. II. - A l’avenir, les représentans du peuple qui auront obtenu un congé par décret de la Convention nationale, percevront à leur retour l’indemnité arréragée pendant le temps de leur absence, sur les mandats qui leur seront délivrés par le comité des Inspecteurs du Palais-National (117). 47 La Convention nationale, après avoir entendu [CAMBACÉRÈS, au nom de] son comité de Législation, décrète : Article premier. - Dans la séance du 11 frimaire la discussion s’ouvrira, au grand ordre du jour, sur le projet de code civil présenté le 3 fructidor par le comité de Législation. Art. II. - Elle sera continuée les duodi, sextidi et nonidi de chaque décade. Art. III. - Le décret du 12 vendémiaire, qui avoit ordonné la réimpression du premier projet de code civil et des change-mens intervenus lorsqu’il fut discuté, est rapporté (118). (116) Moniteur, XXII, 530-531. (117) P.-V., XLIX, 271. Moniteur, XXII, 531, ajoute au décret les frais de transport. Rapporteur Couturier selon C* II, 21. (118) P.-V., XLIX, 271-272. Moniteur, XXII, 532; Débats, n° 786, 819; J. Paris, n° 59; Rép., n° 59; J.Univ., n° 1819; Ann. Pair., n° 687. Rapporteur Cambacérès selon C* II, 21.