104 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Société populaire d’Uzerche. (1). Cette société instruit la Convention qu’elle a choisi dans son sein le citoyen François Espinet, l’un de ses membres, pour aller aux frontières en qualité d’hussard, monté et équipé, afin d’aider aux défenseurs de la patrie à combattre les soldats de la tyrannie (2) . [Uzerches, s.d.] (3). « Citoyens représentants, La Société républicaine d’Uzerche, a été pénétrée d’indignation en apprenant l’infernale conspiration tramée dans le secret par des monstres, qui sous le masque du patriotisme trahissaient le peuple, tramaient sa perte et lui préparaient de nouveaux fers; les monstres ! Croyaient-ils pouvoir parvenir à leurs fins criminelles et perfides ? Votre courage, votre énergie et les grandes mesures que vous avez prises l’ont sauvé du précipice; vous avez encore une fois sauvé la patrie. Déjà le glaive de la loi a frappé ces têtes coupables, cet exemple terrible épouvantera sans doute ceux qui tenteraient de les imiter; vous avez encore de grands devoirs à remplir; achevez de parcourir votre carrière glorieuse, consolidez la liberté et vous assurerez le bonheur de tous les républicains; restez donc à votre poste, citoyens Législateurs, et du sommet de la sainte Montagne, d’où vous avez lancé la foudre qui a écrasé tant de fois les ennemis de la patrie, continuez à observer d’un œil attentif tous les orages politiques qui peuvent s’élever contre la liberté; la garde de ce dépôt sacré vous est confiée, soyez sans pitié pour les scélérats qui voudraient attenter à la souveraineté du peuple, à l’unité et l’indivisibilité de la République; soyez toujours fermes comme les rochers, contre lesquels les vagues vont se briser, et vous obtiendrez une récompense bien précieuse, la reconnaissance et l’amour d’un grand peuple; les sacrifices, les privations en tout genre ne coûteront rien : toujours attentif à surveiller les ennemis de l’intérieur, et toujours prêt à se lever en masse pour courir aux frontières y écraser les brigands couronnés et les satellittes des tyrans, le peuple se montrera toujours le même. L’heure dernière est déjà sonnée nos armées ont mis la victoire à l’ordre du jour, vous y avez mis la justice et la probité. Le germe de ces vertus républicaines était déjà dans le cœur de tous les sans-culottes, qu’une médiocre fortune et un travail constant et pénible avait préservé de la corruption : votre exemple a donné le développement nécessaire à ces vertus, et comme vous, les républicains se montrent grands, généreux envers leurs frères, inexorables pour les ennemis de la patrie; ils abhorrent le fanatisme, mais ils rendent hommage à l’Etre Suprême. Voilà, citoyens représentants, les principes qui dirigent la Société populaire et les autorités constituées du district d’Uzerche; les uns et les autres auraient mis moins de lenteur à vous les (1) Corrèze. (2) P.V., XXXVin, 185. Bln, 12 prair. (suppl1) et 14 prair. (suppl*); Ann. R.F., n° 182; Mon., XX, 600; J. Fr., n° 613; J. Sablier, n° 1348. (3) C 304, pl. 1135, p. 20. présenter, et à vous offrir les sentiments de la vive reconnaissance qu’elles doivent à votre vigilance et à vos travaux, si la société populaire n’avait pensé que cet hommage si bien mérité vous serait plus agréable s’il vous était présenté par un cavalier jacobin qu’elle a armé, équipé et monté à ses frais, le citoyen François Espinet, originaire de cette commune, membre de la Société et dont les principes républicains sont constatés par une conduite sans nuages dans la marche de la révolution s’est offert et a mérité les suffrages de ses frères. Il sera l’interprète de leurs sentiments pour vous; il est digne de vous, parcequ’il a des vertus; le courage et l’ardent amour de la liberté qui l’animent, ne laissent aucun doute à la Société sur son compte : il saura affronter tous les dangers, unir ses armes à celles de ses frères, pour consommer la destruction des phalanges mercenaires et royalistes; qui osent encore se mesurer avec des républicains qui bravent la mort pour assurer la liberté; il accomplira le serment de vivre libre ou mourir, qu’il a prêté dans le sein de la Société. Il demande la faveur de le renouveller devant vous; ses frères ne pouvant jouir de ce bonheur le consignent ici; ce brave sans-culotte déposera sur le bureau de la Convention quelques hochets du fanatisme, dont la raison a rendu l’usage inutile (le surplus a été ou sera successivement envoyé à la monnaie) . Il déposera aussi une somme de 4 000 livres en or pour être remise à la trésorerie nationale qui en échange enverra au citoyen président de la Société populaire d’Uzerche, pareille somme en assignats, ou une res-cription sur le receveur du district, laquelle réunie à celle de 2621 1. remise au citoyen représentant du peuple Lanot, et à celle de 495 1. 18 s. envoyée à la trésorerie nationale par le receveur du district forment un total de 7117 liv. 18 s. en numéraire provenant de dons ou échange contre des assignats. Ce vil métal, qui a servi tant de fois à corrompre, devient inutile pour des républicains, qui ne mettent de prix, dans l’offre qu’ils en font, que parcequ’ils s’affligent de savoir encore quelques uns de leurs frères au pouvoir de leurs lâches ennemis, qui éprouvent seins doute des besoins; quand à nous, il ne nous faut que du pain, du fer, du salpêtre; l’approche de la moisson, les belles espérances qu’elle donne, diminue nos besoins : nous savons nous restreindre au pur nécessaire; nous ne désirons des subsistances que pour réparer nos forces usées par le travail, et nous occuper avec zèle et courage, à préparer la foudre qui doit porter la mort dans les rangs ennemis, sonner l’heure du réveil de la liberté chez tous les peuples; la consolider dans la République et vous proclamer, citoyens représentants, les sauveurs de la patrie ». Espinet, Bardon, Pradel, Sauny. 13 Une députation des Liégeois réfugiés en France paroît à la barre. L’orateur parle au nom des Liégeois réfugiés, et dépose dans le sein de la Convention les sentimens d’hommes altérés de la liberté et fiers de pouvoir aider 104 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Société populaire d’Uzerche. (1). Cette société instruit la Convention qu’elle a choisi dans son sein le citoyen François Espinet, l’un de ses membres, pour aller aux frontières en qualité d’hussard, monté et équipé, afin d’aider aux défenseurs de la patrie à combattre les soldats de la tyrannie (2) . [Uzerches, s.d.] (3). « Citoyens représentants, La Société républicaine d’Uzerche, a été pénétrée d’indignation en apprenant l’infernale conspiration tramée dans le secret par des monstres, qui sous le masque du patriotisme trahissaient le peuple, tramaient sa perte et lui préparaient de nouveaux fers; les monstres ! Croyaient-ils pouvoir parvenir à leurs fins criminelles et perfides ? Votre courage, votre énergie et les grandes mesures que vous avez prises l’ont sauvé du précipice; vous avez encore une fois sauvé la patrie. Déjà le glaive de la loi a frappé ces têtes coupables, cet exemple terrible épouvantera sans doute ceux qui tenteraient de les imiter; vous avez encore de grands devoirs à remplir; achevez de parcourir votre carrière glorieuse, consolidez la liberté et vous assurerez le bonheur de tous les républicains; restez donc à votre poste, citoyens Législateurs, et du sommet de la sainte Montagne, d’où vous avez lancé la foudre qui a écrasé tant de fois les ennemis de la patrie, continuez à observer d’un œil attentif tous les orages politiques qui peuvent s’élever contre la liberté; la garde de ce dépôt sacré vous est confiée, soyez sans pitié pour les scélérats qui voudraient attenter à la souveraineté du peuple, à l’unité et l’indivisibilité de la République; soyez toujours fermes comme les rochers, contre lesquels les vagues vont se briser, et vous obtiendrez une récompense bien précieuse, la reconnaissance et l’amour d’un grand peuple; les sacrifices, les privations en tout genre ne coûteront rien : toujours attentif à surveiller les ennemis de l’intérieur, et toujours prêt à se lever en masse pour courir aux frontières y écraser les brigands couronnés et les satellittes des tyrans, le peuple se montrera toujours le même. L’heure dernière est déjà sonnée nos armées ont mis la victoire à l’ordre du jour, vous y avez mis la justice et la probité. Le germe de ces vertus républicaines était déjà dans le cœur de tous les sans-culottes, qu’une médiocre fortune et un travail constant et pénible avait préservé de la corruption : votre exemple a donné le développement nécessaire à ces vertus, et comme vous, les républicains se montrent grands, généreux envers leurs frères, inexorables pour les ennemis de la patrie; ils abhorrent le fanatisme, mais ils rendent hommage à l’Etre Suprême. Voilà, citoyens représentants, les principes qui dirigent la Société populaire et les autorités constituées du district d’Uzerche; les uns et les autres auraient mis moins de lenteur à vous les (1) Corrèze. (2) P.V., XXXVin, 185. Bln, 12 prair. (suppl1) et 14 prair. (suppl*); Ann. R.F., n° 182; Mon., XX, 600; J. Fr., n° 613; J. Sablier, n° 1348. (3) C 304, pl. 1135, p. 20. présenter, et à vous offrir les sentiments de la vive reconnaissance qu’elles doivent à votre vigilance et à vos travaux, si la société populaire n’avait pensé que cet hommage si bien mérité vous serait plus agréable s’il vous était présenté par un cavalier jacobin qu’elle a armé, équipé et monté à ses frais, le citoyen François Espinet, originaire de cette commune, membre de la Société et dont les principes républicains sont constatés par une conduite sans nuages dans la marche de la révolution s’est offert et a mérité les suffrages de ses frères. Il sera l’interprète de leurs sentiments pour vous; il est digne de vous, parcequ’il a des vertus; le courage et l’ardent amour de la liberté qui l’animent, ne laissent aucun doute à la Société sur son compte : il saura affronter tous les dangers, unir ses armes à celles de ses frères, pour consommer la destruction des phalanges mercenaires et royalistes; qui osent encore se mesurer avec des républicains qui bravent la mort pour assurer la liberté; il accomplira le serment de vivre libre ou mourir, qu’il a prêté dans le sein de la Société. Il demande la faveur de le renouveller devant vous; ses frères ne pouvant jouir de ce bonheur le consignent ici; ce brave sans-culotte déposera sur le bureau de la Convention quelques hochets du fanatisme, dont la raison a rendu l’usage inutile (le surplus a été ou sera successivement envoyé à la monnaie) . Il déposera aussi une somme de 4 000 livres en or pour être remise à la trésorerie nationale qui en échange enverra au citoyen président de la Société populaire d’Uzerche, pareille somme en assignats, ou une res-cription sur le receveur du district, laquelle réunie à celle de 2621 1. remise au citoyen représentant du peuple Lanot, et à celle de 495 1. 18 s. envoyée à la trésorerie nationale par le receveur du district forment un total de 7117 liv. 18 s. en numéraire provenant de dons ou échange contre des assignats. Ce vil métal, qui a servi tant de fois à corrompre, devient inutile pour des républicains, qui ne mettent de prix, dans l’offre qu’ils en font, que parcequ’ils s’affligent de savoir encore quelques uns de leurs frères au pouvoir de leurs lâches ennemis, qui éprouvent seins doute des besoins; quand à nous, il ne nous faut que du pain, du fer, du salpêtre; l’approche de la moisson, les belles espérances qu’elle donne, diminue nos besoins : nous savons nous restreindre au pur nécessaire; nous ne désirons des subsistances que pour réparer nos forces usées par le travail, et nous occuper avec zèle et courage, à préparer la foudre qui doit porter la mort dans les rangs ennemis, sonner l’heure du réveil de la liberté chez tous les peuples; la consolider dans la République et vous proclamer, citoyens représentants, les sauveurs de la patrie ». Espinet, Bardon, Pradel, Sauny. 13 Une députation des Liégeois réfugiés en France paroît à la barre. L’orateur parle au nom des Liégeois réfugiés, et dépose dans le sein de la Convention les sentimens d’hommes altérés de la liberté et fiers de pouvoir aider SÉANCE DU 10 PRAIRIAL AN II (29 MAI 1794) - N° 13 105 les Français à exterminer les phalanges des rois coalisés. (1). L’ORATEUR : Législateurs, Paraître dans cette enceinte, c’est venir célébrer dans leur sanctuaire la liberté, la morale et la raison; c’est venir contempler le génie et la vertu, ces sources de la prospérité de l’homme, loin desquelles la dégradation, l’ignominie et la misère déshonorent le plus bel ouvrage de la nature. Assemblée auguste ! C’est toi qui les a rappelées sur la terre, ces vertus si longtemps outragées; c’est toi qui les venges, c’est toi qui donnes enfin un solennel et sublime démenti au blasphème qu’un désespoir républicain arracha au dernier des Brutus. C’en est fait, elle est indestructible, elle est inébranlable la base de la statue de la liberté. Où sont-ils ces vils factieux, ces lâches conjurés, ces misérables émissaires des rois et du plus scélérat des gouvernements, qui osaient nourrir le ridicule espoir de la renverser. Chaque jour l’échafaud les dévore, chaque jour leurs têtes impies, ainsi que celle du dernier tyran de la France, roulent dans la poussière devant elle. Législateurs, une voix chère à la patrie et à l’humanité, une voix qui porte dans les cœurs le plus profond attendrissement, puisqu’elle leur rappelle le crime récent qui fut au moment de l’étouffer, l’a dit à cette tribune, où l’irrévocable arrêt des despotes et de leurs complices fut prononcé. « Que leur reste-t-il ? L’assassinat ! » Que reste-t-il à ces fiers et insolents potentats qui, dans le délire de leur orgueil, ne regardaient les peuples que comme les jouets de leurs fastueux caprices ! Que reste-t-il à ce jeune homme, l’opprobe des nations et des siècles, à ce Pitt, que l’infamie condamne à l’immortalité ? L’assassinat ! C’est dans la fange du crime, c’est dans le cloaque des vices qu’ils cherchent leurs moyens, leurs agents. Ah ! entre la scélératesse et la vertu, entre la fourberie et la vérité, la lutte n’est pas égale. Ils se brisent, ils se briseront tous, leurs vains efforts contre ce roc sacré et immortel. Debout à son sommet, contemplant avec le sourire du dédain et de la pitié toute leur agitation turbulente et impuissante, démêlant d’un coup d’œil prompt et sûr tous les mouvements de leur tactique insensée et perverse, vous dirigez la foudre infaillible qui les écrase aux pieds du peuple, dont les bénédictions, dont l’amour surtout est votre récompense. Remplis d’admiration et de cet amour filial, si délicieux au cœur qui sait le sentir; frémissant du danger qu’ont couru des représentants fidèles, enviant tous la blessure du brave Gef-froy, les ci-devant Liégeois mêlent ici leurs voix à ce concert unanime de félicitations qui se fait entendre de toutes les parties de la République. Présenterons-nous de nouveau le tableau des travaux immenses dont vous ne cessez d’étonner l’Europe ? Viendrons-nous rappeler la situation désespérante où la vigueur et la sagesse du gouvernement ont réduit ses lâches ennemis ? Peindrons-nous l’étranger éperdu, fuyant de toutes parts, couvrant nos frontières de ses morts, et surtout apprenant avec effroi la (1) P.V., XXXVIII, 186. Rép., n° 161; J. Perlet, n° 615; M.U., XL, 174; Audit, nat., n° 614. perte continue et rapide de ses agents de l’intérieur ? Parlerons-nous des suites que ces événements préparent et que vos mesures assurent?... Eh ! qui sait mieux que vous toutes ces choses ? C’est bien ici qu’on ne peut s’empêcher de rappeler ces mots d’un ancien : « Ce qu’ils disent, nous l’avons fait ! » Oui, oui, tant de prodiges répondent au froid et désolant athée. Ils confondent cette doctrine qui déssèche l’âme et l’accable du poids affreux du néant. La République française, la première qui accomplisse dans l’Europe le vœu de la nature, proclamant l’Etre Suprême et ce qui est la conséquence l’immortalité de l’âme, agrandit ces vastes idées; elle leur donne une majesté plus imposante. Associant cet Etre infini aux vertus du peuple, elle jette dans l’âme nouvelle, et autour du méchant une lumière de ce bon peuple une consolation, une force foudroyante. Qu’elle est grande l’image de cet Etre invisible, suivant l’assassin qui couvre dans les ténèbres ses parricides projets ; le suivant jusqu’auprès de ses victimes, et là, détournant tout à coup le poignard levé sur ceux qui se consacrent à fixer le bonheur sur la terre ! Athée ! rentre dans ton cœur, et tu t’écriras : « Ah ! si c’est là une illusion, malheur à celui qui voudrait la détruire ! » Le grand homme dont la fête à l’Etre Suprême devait amener le triomphe, le plus éloquent, le meilleur des humains, le philosophe de Genève nous dit : « César plaidant pour Catilina tâchait d’établir le dogme de la mortalité de l’âme; Caton et Cicéron, pour le réfuter, ne s’amusèrent pas à philosopher. Us se contentèrent de montrer que César parlait en mauvais citoyen, et avançait une doctrine pernicieuse à l’Etat... » ( Contrat Social ). Voilà ce que vous avez fait. Au temps de César, comme de nos jours, les conspirateurs sont les mêmes. Législateurs, les progrès rapides de nos invisibles armées vont briser les fers de nos infortunés frères, si dignes de leurs libérateurs. La masse des réfugiés, calomniée par l’intrigue, attend avec confiance le rapport que vos comités doivent vous présenter. Elle sait ce qu’ils diront, car par leur voix l’équité parle. Qu’il nous soit cependant permis en terminant de requérir instamment ces comités d’accélérer ce rapport. L’énorme quantité d’affaires qui les surchargent absorbe, nous le savons, leurs moments, tous dévoués au salut de la patrie : mais celle-ci est d’une nature toute particulière. C’est une masse de victimes immolées par les tyrans, dénoncées par 7 à 8 individus, le rebut de nos contrées et les instruments sans doute d’agents supérieurs. L’intérêt de la République, l’anéantissement des projets des ennemis, tout exige que cette lutte finisse. Le PRESIDENT répond aux députés, leur exprime la satisfaction de la Convention, et les fait entrer à la séance (1) . La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de ces adresses et offrandes (2). (1) Mon., XX, 602. (2) P.V., XXXVIII, 186. SÉANCE DU 10 PRAIRIAL AN II (29 MAI 1794) - N° 13 105 les Français à exterminer les phalanges des rois coalisés. (1). L’ORATEUR : Législateurs, Paraître dans cette enceinte, c’est venir célébrer dans leur sanctuaire la liberté, la morale et la raison; c’est venir contempler le génie et la vertu, ces sources de la prospérité de l’homme, loin desquelles la dégradation, l’ignominie et la misère déshonorent le plus bel ouvrage de la nature. Assemblée auguste ! C’est toi qui les a rappelées sur la terre, ces vertus si longtemps outragées; c’est toi qui les venges, c’est toi qui donnes enfin un solennel et sublime démenti au blasphème qu’un désespoir républicain arracha au dernier des Brutus. C’en est fait, elle est indestructible, elle est inébranlable la base de la statue de la liberté. Où sont-ils ces vils factieux, ces lâches conjurés, ces misérables émissaires des rois et du plus scélérat des gouvernements, qui osaient nourrir le ridicule espoir de la renverser. Chaque jour l’échafaud les dévore, chaque jour leurs têtes impies, ainsi que celle du dernier tyran de la France, roulent dans la poussière devant elle. Législateurs, une voix chère à la patrie et à l’humanité, une voix qui porte dans les cœurs le plus profond attendrissement, puisqu’elle leur rappelle le crime récent qui fut au moment de l’étouffer, l’a dit à cette tribune, où l’irrévocable arrêt des despotes et de leurs complices fut prononcé. « Que leur reste-t-il ? L’assassinat ! » Que reste-t-il à ces fiers et insolents potentats qui, dans le délire de leur orgueil, ne regardaient les peuples que comme les jouets de leurs fastueux caprices ! Que reste-t-il à ce jeune homme, l’opprobe des nations et des siècles, à ce Pitt, que l’infamie condamne à l’immortalité ? L’assassinat ! C’est dans la fange du crime, c’est dans le cloaque des vices qu’ils cherchent leurs moyens, leurs agents. Ah ! entre la scélératesse et la vertu, entre la fourberie et la vérité, la lutte n’est pas égale. Ils se brisent, ils se briseront tous, leurs vains efforts contre ce roc sacré et immortel. Debout à son sommet, contemplant avec le sourire du dédain et de la pitié toute leur agitation turbulente et impuissante, démêlant d’un coup d’œil prompt et sûr tous les mouvements de leur tactique insensée et perverse, vous dirigez la foudre infaillible qui les écrase aux pieds du peuple, dont les bénédictions, dont l’amour surtout est votre récompense. Remplis d’admiration et de cet amour filial, si délicieux au cœur qui sait le sentir; frémissant du danger qu’ont couru des représentants fidèles, enviant tous la blessure du brave Gef-froy, les ci-devant Liégeois mêlent ici leurs voix à ce concert unanime de félicitations qui se fait entendre de toutes les parties de la République. Présenterons-nous de nouveau le tableau des travaux immenses dont vous ne cessez d’étonner l’Europe ? Viendrons-nous rappeler la situation désespérante où la vigueur et la sagesse du gouvernement ont réduit ses lâches ennemis ? Peindrons-nous l’étranger éperdu, fuyant de toutes parts, couvrant nos frontières de ses morts, et surtout apprenant avec effroi la (1) P.V., XXXVIII, 186. Rép., n° 161; J. Perlet, n° 615; M.U., XL, 174; Audit, nat., n° 614. perte continue et rapide de ses agents de l’intérieur ? Parlerons-nous des suites que ces événements préparent et que vos mesures assurent?... Eh ! qui sait mieux que vous toutes ces choses ? C’est bien ici qu’on ne peut s’empêcher de rappeler ces mots d’un ancien : « Ce qu’ils disent, nous l’avons fait ! » Oui, oui, tant de prodiges répondent au froid et désolant athée. Ils confondent cette doctrine qui déssèche l’âme et l’accable du poids affreux du néant. La République française, la première qui accomplisse dans l’Europe le vœu de la nature, proclamant l’Etre Suprême et ce qui est la conséquence l’immortalité de l’âme, agrandit ces vastes idées; elle leur donne une majesté plus imposante. Associant cet Etre infini aux vertus du peuple, elle jette dans l’âme nouvelle, et autour du méchant une lumière de ce bon peuple une consolation, une force foudroyante. Qu’elle est grande l’image de cet Etre invisible, suivant l’assassin qui couvre dans les ténèbres ses parricides projets ; le suivant jusqu’auprès de ses victimes, et là, détournant tout à coup le poignard levé sur ceux qui se consacrent à fixer le bonheur sur la terre ! Athée ! rentre dans ton cœur, et tu t’écriras : « Ah ! si c’est là une illusion, malheur à celui qui voudrait la détruire ! » Le grand homme dont la fête à l’Etre Suprême devait amener le triomphe, le plus éloquent, le meilleur des humains, le philosophe de Genève nous dit : « César plaidant pour Catilina tâchait d’établir le dogme de la mortalité de l’âme; Caton et Cicéron, pour le réfuter, ne s’amusèrent pas à philosopher. Us se contentèrent de montrer que César parlait en mauvais citoyen, et avançait une doctrine pernicieuse à l’Etat... » ( Contrat Social ). Voilà ce que vous avez fait. Au temps de César, comme de nos jours, les conspirateurs sont les mêmes. Législateurs, les progrès rapides de nos invisibles armées vont briser les fers de nos infortunés frères, si dignes de leurs libérateurs. La masse des réfugiés, calomniée par l’intrigue, attend avec confiance le rapport que vos comités doivent vous présenter. Elle sait ce qu’ils diront, car par leur voix l’équité parle. Qu’il nous soit cependant permis en terminant de requérir instamment ces comités d’accélérer ce rapport. L’énorme quantité d’affaires qui les surchargent absorbe, nous le savons, leurs moments, tous dévoués au salut de la patrie : mais celle-ci est d’une nature toute particulière. C’est une masse de victimes immolées par les tyrans, dénoncées par 7 à 8 individus, le rebut de nos contrées et les instruments sans doute d’agents supérieurs. L’intérêt de la République, l’anéantissement des projets des ennemis, tout exige que cette lutte finisse. Le PRESIDENT répond aux députés, leur exprime la satisfaction de la Convention, et les fait entrer à la séance (1) . La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de ces adresses et offrandes (2). (1) Mon., XX, 602. (2) P.V., XXXVIII, 186.