[18 septembre .1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’animés du même amour du bien, nous par-; viendrons au but qui nous intéresse également. j Le bonheur de mes peuples, si constamment Cher jj u mon cœur, et la protection que je -dois aux principes de justice, détermineront toujours mes ‘ démarches; et puisque des motifs semblables ; doivent servir de guide à l’Assemblée nationale, il est impossible qu’en nous éclairant mutuellement, nous ne nous rapprochions pas en toutes choses. C’est l’objet de mes vœux, c’est celui de mon espérance. Signe : LOUIS. A Versailles, le 18 septembre TT89. Sur la demande formée séparément, concernant la sanction du dernier décret de l’ Assemblée nationale en faveur de la libre circulation des grains, et de la dé fense d’ en exporter -au dehors. ,Ge décret est absolumentconforme aux diverses dispositions que. j’ai constamment renouvelées depuis .un -an. Je ,1e revêtirai dénia sanction.;. mais le dois prévenir T Assemblée nationale que dans ; la situation présente des esprits, avec l’état de fer-s mentation /produit par la disette et la cherté: des grains l’année dernière, avec la résistance qu’on oppose partout à leur circulation, ce serait manquer de sagesse que de vouloir faire exécuter avec trop de rigueur le décret de l’Assemblée. Elle doit connaître d’ailleurs les entraves actuelles du pouvoir exécutif, surtout quand les municipalités, appelées à invoquer l’appui des troupes, ont . une opinion contraire au vœu de l’Assemblée nationale, et refusent de le prendre pour guide. Ces considérations de la. plus grande importance méritent de fixer l’attention de, l’Assemblée nationale puisqu’elles intéressent essentiellement l’ordre public. J’apporte tous mes soins à empêcher la sortie des grains du royaume, et j’aidonné, dans cette intention, les instructions lés plus positives aux diverses 'personnes chargées de l’exécution de mes ordres dans les provinces ,;. mais les commis des fermes, qui veillent aux .frontières, ont été unis .en fuite dans plusieurs lieux par les contrebandiers qui apportent à. force ouverte dans le royaume, du sel, du tabac, et d’autres marchandises prohibées. Le premier ministre de mes finances vous a fait connaître, de ma part a plusieurs reprises, de quelle importance ifétait, pour le secoursde la chose publique, que l'Assemblée manifestât de nouveau, et de la manière la [dus explicite, qu’elle souhaite, qu’elle exige la .conservation des droits établis, et le payement régulier des impositions ; elle n’a pas encore satisfait à cette représentation; et cependant chaque :j.aur la nécessité en devient plus urgente Je vais incessamment vous appeler, par les motifs les plus forts et les .raisons les plus persuasives, à concourir avec moi au secours des finances et de l’Etat, et à relever la confiance par des mesures grandes et efficaces. Les circonstances, par leur difficulté, sont dignes de nos efforts communs, -et -je -compte que vous m’égalerez en courage et en volonté. Signe : LOUIS. La .parole est. réclamée -sur .cette réponse. Al. le Président a demandé que le procès-verbal des séances d’hier et la notice ordinaire des adresses soient préalablement lus. En conséquence, lecture est faite immédiatement ai après celle du procès-verbal du jour d’hier, d’une adressedelacompagniedes volontaires-patriotes de la ville de Sedan, par laquelle, en rappelant le bonheur qu’ils ont eu, et le serment qulls ont fait de défendre leurs concitoyens, ils présentent leurs respectueux .dommages à l’Assemblée, etla.sup-iplient d’agréer leur institution ; d’une délibération du même genre des villages de Saint-Masül, /Plovier, Fcanconnière et Châteauneuf-d’Isère, en Dauphiné; d’une adresse de félicitation, remerciement et adhésion des habitants de Ville-Sa-gnan ; d’une adresse du même genre de la communauté de Çuzorid, contenant en outre quelques demandes particulières; des délibérations semblables de la ville de Die, en Dauphiné, avec acceptation des décrets du 4 août et jours suivants; de la communauté de Cabris, en Provence ; delà ville de . Florac, enCévennes; d’un arrêté des officiers de la sénéchaussée de Montélimart, par lequel ils s’engagent à rendre la justice gratuitement, jusqu'à ce qu’il ait été pourvu à un nouvel ordre judiciaire ; d’une adresse de la noblesse immédiate de la Basse-Alsace, contenant ses réclamations contre les arrêtés du 4 août et jours suivants , .relativement à l’abolition du régime féodal. Cette lecture terminée, l’Assemblé demande à entendre une seconde fois la réponse du Roi ; et après la lecture, elle arrête que la lettre du Roi sera promptement imprimée, et quatre exemplaires remis a chacun de Messieurs, en leur domicile,. M,. Goupil de JPpëfeln propose de former un comité de soixante personnes, chargé de prendre en considération les observations contenues dans la réponse du Roi, et d’en faire Je rapport à l’Assemblée; Il demande qu’il soit sursis jusqu’au .rapport à toute discussion sur cette réponse. M. E<e Chapelier. Je suis bien loin d’adopter l’établissement d’un comité chargé d’examiner l’espèce de discours du Roi. Nous avons fait, le 4 août, des arrêtés qui .sont en partie constitutionnels ; nous en t avons demandé la. sanction, et nous entendions par là la promulgation. Tout ce qui s’est dit à ce sujet devait éloigner de penser que nous demandions sun consentement. Nous n’avons obtenu ni Eun ni L’autre, mais. une espèce de conférence �que noms .ne pouvons agréer. Je propose, pour éviter toute équivoque, de décider tout de suite quels seront les termes et la forme de la sanction, et de ne; point désemparer que la promulgation ne soit nütemie. (Cette motion est appuyée par beaucoup deimem-bres, et .applaudie avec transport.. M. Camos. Il est impossible , quand le Roi fait des objections, de n’y pas répondre. Je mets, pour.amen'dement à la motion de M. Goupil, qu’il soit établi quatre comités, de trois personnes chacun ; ils se partageront les articles du décret; l’un s’occupera de ce qui concerne les fiefs; le second, des justices seigneuriales et de la vénalité des offices.; le troisième, des matières ecclésiastiques ; le quatrième, du. reste des objets contenus dans ces .arrêtés. Ces comités .agiront dès ce soir„ et l’un d’eux présentera dès demain son travail. AL Chasse!. J’adopte la motion de M. Goupil, mais je ne crois pas nécessaire de nommer de nouveaux comités ; ceux de féodalité, des matiè- 32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] res ecclésiastiques, et le comité judiciaire peuvent être chargés de cet examen. Je pense, avec M. Le Chapelier, que le Roi ne devait donner qu’une sanction pure et simple, et non son consentement, puisqu’il s’agit des principes de constitution et de législation. Je propose d’ajourner la discussion à mardi matin, et je demande alors à faire connaître des mémoires sur les dîmes ecclésiastiques , les droits féodaux et la libération d’une partie des dettes de l’Etat. M. le vicomte de Mirabeau (1). Pour ne pas souffrir la contradiction, il faut se croire infaillible, et j’imagine que, ni collectivement ni en particulier, aucun de nous n’a cette prétention ; nous avons présenté à la sanction royale les divers articles renfermés dans nosjarrêtés des 4 août et jours subséquents; ces arrêtés sont le fruit d’un élan de patriotisme vraiment inattendu et peut-être incalculable : ils peuvent renfermer de sages dispositions ; mais on doit aussi convenir avec moi que ce décret, au prononcé du-uel on n’a consacré que très-peu d’heures, tan-is qu’on a été obligé de mettre plusieurs jours à le rédiger, est susceptible de beaucoup d’observations et le fait l’a mieux prouvé que je ne pourrais le faire; car ces sacrifices, ces abolitions, ces suppressions, desquels nous attendons ou devons attendre un bonheur solide et durable, n’ont produit jusqu’ici que des désordres occasionnés principalement par les fausses interprétations qu’on leur a données ; parce qu’ils rompaient d’une manière trop subite tous les liens qui retenaient le peuple. Oui, Messieurs, nous avons tranché des nœuds que nous aurions pu dénouer lentement et avec précaution, mais qu’on a mieux aimé couper que démêler. J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, mais c’est une vérité qui ne saurait être trop souvent répétée : Nous avons beaucoup démoli , sans bâtir , aussi sommes-nous fort à découvert. On vous a dit l’autre jour, qu’avant d’élever un édifice, il fallait décombrer le terrain qu’on avait choisi ; oui, sans doute, mais les anciens fondements sont presque toujours conservés par les architectes habiles, qui savent qu’on bâtissait solidement autrefois, et il n’y a que ceux qui travaillent pour le jour, et non pour la postérité, qui dédaignent les anciens matériaux, et veulent que tout soit ordonné, fabriqué, présenté et fourni par eux-mêmes ; cette comparaison pourra paraître triviale, mais elle n’est que le développement de la première que je viens de citer, et qui vous a été présentée. Le Roi nous a fait remettre des observations sur chacun de nos arrêtés, et j’avoue que je suis étonné du genre d’accueil fort extraordinaire qu’on leur a fait dans cette Assemblée ; il est sans doute difficile d’en saisir l’ensemble dans les deux lectures qui nous en ont été faites, mais j’avoue que je n’y ai trouvé que des remarques judicieuses offertes, des précautions sages indiquées, des développements nécessaires demandés, et je suis bien éloigné d’être de l’avis de celui des préopinants qui ne veut pas qu’on discute les observations offertes par le Roi, avis fait pour produire l’effet absolument contraire à celui qu’il ait en attendre, c’est-à-dire le désordre le plus irrémédiable. Eh quoi! chacun de nous a le droit de. discuter ici, aussi longuement qu’il lui plaît, (1) L’opinion de M. le vicomte de Mirabeau n’a pas été insérée au Moniteur. un seul artiele proposé ; et le Roi , le législateur provisoire, le délégué de la nation, le pouvoir exécutif (tout comme il vous plaira le nommer, car, jamais on n’a établi une aussi grande quantité de synonymes inutiles sur un objet (1); le Roi, dis-je, n’aura pas le pouvoir de raisonner sur vos arrêtés ; de vous avertir que vous avez pu vous tromper: on défendra dans cette Assemblée toute discussion sur les observations qui nous sont offertes par lui. J’avoue que je ne puis me persuader que l’Assemblée nationale adopte cette motion absolument contraire au respect dû au Roi, par elle et par ses commettants; je déclare que je m’oppose formellement, au nom des miens et en mon propre nom, à ce qu’on adopte la motion, et je demande que la discussion soit ouverte sur-le-champ. M. le comte de Mirabeau. Non-seulement la motion de M. Le Chapelier n’est pas irrégulière, mais elle seule est précisément conforme à la loi que vous vous êtes imposée. On lit dans l’article 10 du chapitre IV du règlement ces propres paroles : « Toute question qui aura été jugée, toute loi qui aura été portée dans une session de l’Assemblée nationale, ne pourra pas y être ajoutée de nouveau... » Je demande, Messieurs, si les arrêtés du 4 août sont ou ne sont pas une question jugée. Et qu’ou ne subtilise pas, en disant que nulle loi n’est portée à cet égard ; car je me retrancherais à prier les controversistes de m’expliquer la première partie de l’article invoqué : « Toute question jugée, etc. » Mais j’ai méprisé toute ma vie les fins de non-recevoir, et je ne m’apprivoiserai pas avec ces formes de palais dans une question si importante. Examinons-la donc sous un autre aspect. Revenir sur les articles du 4 août est un acte également irrégulier, impoli tique et impossible. Examiner si l’on n’aurait pas dû, comme on le pouvait incontestablement, se dispenser de les porter à la sanction, serait superflu, puisqu’ils y ont été portés. Cherchons donc le parti qu’il nous reste à prendre. Ici je me vois contraint de faire une remarque que la nature des circonstances publiques rend très-délicate, mais que la rapidité de notre marche et l’hésitation du gouvernement rendent encore plus nécessaire. Depuis que les grandes questions ae la constitution s’agitent, nous avons montré à l’envi la crainte d’ajouter à la fermentation des esprits, ou seulement de la nourrir par l’énonciation de quelques principes évidents de leur nature, mais nouveaux pour des Français dans leur application, et que, par cela même qu’en matière de constitution on peut les regarder comme des axiomes, nous avons cru pouvoir nous dispenser de consacrer. Ces considérations étaient dignes de votre sagesse et de votre patriotisme. Mais si, au lieu de nous savoir gré de notre respect religieux, on en conclut contre les principes que nous avons voulu (1) Fatigué un jour de la multiplicité de ces dénominations jusqu’ici peu usitées, je dis : l’Assemblée, dont les moments sont sans doute précieux, me saura gré de lui offrir un moyen sûr de les économiser; elle conviendra sans doute avec moi qu’il existe une ancienne locution usitée parmi nous, beaucoup plus courte que toutes celles qu’on s’efforce journellement de nous faire adopter. Il y a cent pour cent à gagner en conservant cette ancienne et respectable expression : le Roi. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] 3g taire et non dissimuler, a-t-on bien calculé combien on provoquait notre honneur et le sentiment de nos devoirs à rompre le silence ? Nous avons pensé, pour la plupart, que l’examen du pouvoir constituant, dans ses rapports avec le prince, était superflu au fond, et dangereux dans la circonstance. Mais cet examen n’est superflu qu’autant que nous reconnaissons tous , tacitement du moins, les droits illimités du pouvoir constituant. S’ils sont contestés, la discussion en devient nécessaire , et le danger serait surtout dans l’indécision. Nous ne sommes point des sauvages, arrivant nus des bords de l’Orénoque pour former une société. Nous sommes une nation vieille, et sans doute trop vieille pour notre époque. Nous avons un gouvernement préexistant, un roi préexistant, des préjugés préexistants. Il faut, autant qu’il est possible, assortir toutes ces choses à la Révolution, et sauver la soudaineté du passage. II. le faut, jusqu’à ce qu’il résulte de cette tolérance une violation pratique des principes de la liberté nationale, une dissonance absolue dans l’ordre social. Mais si l’ancien ordre de choses et le nouveau laissent une lacune, il faut franchir le pas, lever le voile, et marcher. Aucun de nous, sans doute, ne veut allumer l’incendie dont les matériaux sont si notoirement prêts d’une extrémité du royaume à l'autre. Le rapprochement où la nécessité des affaires suffit pour nous contenir, ressemble certainement plus à la concorde que l’état de situation de nos provinces, qui , au poids de nos propres inquiétudes et des dangers de la chose publique, mêlent le sentiment de leurs propres maux, la triste influence de leurs divisions particulières , et les difficultés de leurs intérêts partiels. Traitons donc entre nous ; abandonnons ces réticences, ces suppositions notoirement fausses, ces locutions manifestement perfides, qui nous donnent à tous la physionomie du mensonge et l’accent des conspirateurs. Parlons clairement ; posons et discutons nos prétentions et nos doutes ; disons, osons nous dire mutuellement : — Je veux aller jusque-là; je n’irai pas plus loin. — Vous n’avez droit d’aller que jusqu’ici, et je ne souffrirai pas que vous outre-passiez votre droit. [Ayons la bonne foi de tenir ce langage, et nous serons bientôt d’accord. Mars est le tyran, mais le droit est le souverain du monde. Débattons, sinon fraternellement, du moins paisiblement ; ne nous défions pas de l’empire de la vérité et de la raison : elles finiront par dompter, ou, ce qui vaut mieux, par modérer l’espèce humaine, et gouverner tous les gouvernements de la terre. Mais, Messieurs, si nous substituons l’irascibilité de l’amour-propre à l’énergie du patriotisme, les méfiances à la discussion, de petites passions haineuses, des réminiscences rancunières à des débats réguliers et vraiment faits pour nous éclairer, nous ne sommes que d’égoïstes prévaricateurs, et c’est vers la dissolution et non vers la constitution que nous conduisons la monarchie dont les intérêts suprêmes nous ont été confiés pour son malheur. L’exécution soudaine des arrêtés du 4 août, pris avec une précipitation qu’a nécessitée la sorte d’émulation qui entraîna l’Assemblée, aurait produit sans doute de grands inconvénients. Vous l’avez senti , Messieurs , et vous y avez obvié de vous-mêmes, puisque vous avez opposé une réserve à chacun de ces arrêtés. Le Roi, en opposant les difficultés qui pourraient s’élever dans leur exécution, ne fait donc que répéter vos propres ire Série, T. IX. observations, d’où il résulte que la suspension de sa sanction ne saurait être motivée: d’abord, parce que vous ayez demandé au Roi, non pas son consentement à vos arrêtés, mais leur promulgation ; ensuite , parce que l’hésitation à promulguer atteste des obstacles qui n’existent pas encore. Je m’expliquerai par deux exemples. Si vous apportiez au Roi l’abolition de certains offices , sans lui montrer l’hypothèse du remboursement de leur finance, le conservateur de toutes les propriétés aurait le droit et le devoir de vous arrêter. Si même vous aviez retiré les dîmes pour l’avantage de certains particuliers, et sans les appliquer à quelques parties du service public dont les besoins urgents ont surtout provoqué ce retrait qui a excité tant de réclamations , l’auguste délégué de la nation aurait droit d’aviser votre sagesse. Mais vous consacrez comme maxime la non-vénalité des offices ; et il n’y a pas aujourd’hui un homme en Europe , cultivant sa raison et sa pensée avec quelque respect de lui-même , qui osât établir une théorie contraire. Le Roi n’a donc ni le droit, ni l’intérêt de s’opposer à la déclaration d’une telle maxime. Vous déclarez le service des autels trop cher, et leurs ministres de respectables, mais de simples salariés, comme officiers de morale, d’instruction et de culte; vous déclarez le principal impôt sur lequel étaient assignés leurs salaires , destructif de la prospérité de l’agriculture. Le Roi ne peut pas et ne doit pas nier cette vérité, ni en arrêter la promulgation. Cette observation s’applique à tous vos arrêtés du 4 août. Encore une fois, on aurait pu ne pas demander au Roi de les sanctionner. Mais puisqu’on l’a fait, puisque les imaginations, permettez-moi de m’exprimer ainsi, sont en jouissance de ces arrêtés; puisque s’ils étaient contestés aujourd’hui, les méfiances publiques , les mécontentements presque universels en seraient très-aggravés; puisque le clergé qui perdrait le droit de remplacement des dîmes, n’en aurait pas moins perdu les dîmes de fait ; puisque la noblesse qui pourrait refuser de transiger sur les droits féodaux, ne se les verrait pas moins ravir par l’insurrection de l’opinion, nous sommes tous intéressés à ce que la sanction pure et simple de ces arrêtés, réprimés par l’effet de nos propres réserves, rétablisse l’harmonie et la concorde. Alors nous arriverons paisiblement à la promulgation des lois dans la confection desquelles nous prendrons en très-respectueuse considération les observations du Roi, et nous mesurerons avec beaucoup de maturité les localités et les autres difficultés de détail plus nécessaires à considérer dans l’application des maximes constitutionnelles que dans leur énonciation. J’appuie donc la motion de M. Le Chapelier, et je demande que notre président reçoive l’ordre de se retirer de nouveau auprès du Roi, pour lui déclarer que nous attendons, séance tenante, la promulgation de nos arrêtés. M. le marquis de Bonnay. Le Roi a cru pouvoir suspendre la sanction complète; il consent à quelques-uns des articles , fait des observations sur quelques autres. Le respect dû au chef auguste nous impose l’obligation d’examiner ses observations; on a proposé des comités pour cet objet. J’ai remarqué que , sur les privilèges des provinces, le Roi désire que leurs sacrifices n’éprouvent pas de difficultés, et cette observation 3 [Assemblée nationale.]1 ARCHIVES: •PARLEMENTAIRES.] [18 septembre 1,789.1 vient de ce cpiae, dans la nuit du 4, quelques-uns ont apporté des restrictions à l’abolition des privilèges , et six semaines se sont éôoulées depuis sans qu’ils aient été ratifiés ; je demande que les députés des bailliages , sénéchaussées et provinces, soient tenus de rapporter la ratili cation, incessamment. -M. Robespierre. L’Assemblée , en disant que* oes arrêtés seraient sanctionnés , a cru qu’il ne fallait que les promulguer. Elle n’a attaché à ce mot que l’idée de l’authenticité donnée par le sowverain aux décrets émanés d’elle. Si quelque membre de l’Assemblée avait cru que le mot sanction était autre chose que l’authenticité, elle n’aurait pas permis qu’il y eût des équivoques sur des déclarations du pouvoir constituant, qui avaient une relation intime avec la constitution. Sur ce point, il faut que vous déclariez aujourd’hui si vous voulea que l’Assemblée soit privée de sa constitution, si le pouvoir exécutif veut trouver des équivoques et interpréter le mot sanction jusqu’à approuver telle ou telle condition. La nation a-t-elle donc besoin, pour la constitution, d’une autre volonté que la sienne ? M. le duc de la Rochefoucauld (1). Messieurs, l’approbation dont plusieurs membres de l’Assemblée ont honoré la motion que j’ai eu l’honneur de vous présenter hier, m’engage à vous demander la permission de soumettre à votre attention le développement de quelques motifs propres, je crois, à t’appuyer, et je m’acquitterai de ce devoir aussi brièvement qu’il me sera possible. Je vous ai proposé de demander au Roi la promulgation de vos arrêtés des 4 août et jours suivants, et cette promulgation aura le grand avantage d’apprendre aux peuples que les deux autorités qui commandent leur obéissance et méritent leur respect sont d’accord entre elles sur les moyens de régénérer la France; elle ne peut avoir aucun inconvénient, puisque ces arrêtés sont déjà connus, que les peuples en ont déjà savouré tes heureuses annonces, que déjà, Messieurs, ils jouissent, en espérance, du bien que leurs généreux représentants ont voulu leur procurer, et que déjà vous avez reçu un grand nombre d’adhésions formelles, gages d’un concert qui ne peut manquer de devenir général. Les observations contenues dans la réponse remise hier par le Roi à M. le président ne doivent pas arrêter cette promulgation, puisque Sa Majesté vous annonce qu’elle approuve vos principes, et que tous les articles sur lesquels roulent : ses observations ne sont que des principes dont l’exécution n’aura son effet qu’en vertu des lois que vous allez faire, et qui régleront la marche des opérations dont vous avez déterminé le but. Ainsi, pour me fixer à quelques exemples, plusieurs des observations que le conseil du Roi lui a suggérées ont pour objet les droits de servitude personnelle, dont les uns peuvent avoir une origine réelle, c’est-à-dire être la représentation a’une propriété concédée, comme nous voyons encore dans beaucoup de baux, les fermiers se charger de voitures à faire, ou de travaux à exécuter, voitures ou travaux représentatifs d’une partie du prix qu’autrement ils eussent soldé en argent, dont les autres font partie de possessions (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours de M. de La Rochefoucauld. garanties par des traités à des princes étrangers�. de la part desquels on vous annonce des réclamations et dont enfin d’autres, convertis depuis longtemps en prestations pécuniaires, semblent avoir perdu l’empreinte vicieuse des droits que vous voulez proscrire, parce qu’ils étaient injustes, et qu’ils dégradaient l’humanité. Eh bien, Messieurs, ces observations seront examinées lors de la confection des lois dont les dispositions opéreront l’extinction de la féodalité; tout en marchant au but que vous avez promis d’atteindre, vous concilierez ce que le soin des propriétés particulières exigera de votre équité, avec les vues de justice générale qui ont dicté vos arrêtés ; vous établirez une prescription préservatrice contre les contestations multipliées que l’on paraît craindre ; vous fixerez le taux des indemnités quand il sera juste d’en accorder, et vous pouvez dès aujourd’hui demander au Roi d’entrer en négociation avec les princes réclamants, pour satisfaire à la fois à la politique, et à la justice que vous devez à tous les citoyens français, aussi bien qu’aux alliés de la France; vous observerez pourtant que, dans cette négociation, il sera nécessaire de distinguer -ce qui appartient à ces princes en vertu des traités, d’avec les concessions particulières qu’ils ont pu obtenir et contre lesquelles tous moyens de droit doivent être réservés aux parties lésées. Vous observerez encore que si des intérêts politiques pouvaient faire passer les bornes de la justice rigoureuse, les frais de ces indemnités ne devraient pas être supportés par les habitants d’une seule province, mais qu’ils deviendraient la charge du royaume entier. il en sera de même de Y Ordre de Malte dont les biens appartiennent, sans contredit à la nation, ainsi que tous ceux de toutes les corporations qui ne doivent leur existence qu’à sa volonté; des considérations politiques peuvent exiger que vous ajoutiez aux mesures particulières pour l’Ordre même en faveur des services qu’il rend à la France, en assurant son commerce, et lui fournissant un port utile; le conseil du Roi peut s’eu occuper; ses ministres devront entrer en conférence avec les comités que vous avez chargés de préparer les lois, et loisque les projets vous seront présentés, vous pèserez ces considérations politiques, les moyens d’y satisfaire et les intérêts de la nation dont vous êtes les représentants. Les dîmes ecclésiastiques sont un autre sujet d’observations importantes, et qui mériteront la plus grande attention lorsque vous procéderez à la confection delà loi; déjà même vous avez pris dans votre arrêté la sage précaution de déclarer qu’elles doivent continuer d’être payées jusqu’à ce que vous ayez pourvu aux remplacements que leur suppression exigera. Je n’examinerai pas dans ce momenLei la valeur des observations qui vous sont faites, ni les différentes marches que vous auriez pu prendre pour parvenir au but que vous vous proposez de régler la. dépense du culte et de, faire le bien des peuples; il me suffira de vous dire que laloi n’élant point encore faite, rien ne s’oppose à ce que vous employiez, pour les remplir, les moyens qui vous paraîtront sages et justes; vous n’avez pas encore statué sur une motion faite il y a quelque temps dans cette Assemblée par M. le marquis de La Coste; vous la reprendrez sans doute en considération, avant de prononcer la cessation du payement des dîmes, et peut-être trouverez-vous, en l’accueillant, ;de quoi pourvoir tout à la fois aux frais du culte divin, à ceux des établissements publies qui ont été dotés par des [Assemblée nationale*} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] biens ecclésiastiques, à la conservation des jouissances des titulaires actuels (1) qui ont droit à votre justice -, sauf les déductions que l'augmentation nécessaire des cures et le payement proportionnel des impôts exigeront. Je ne parlerai pas des observations que le conseil du Roi lui a indiquées sur la vénalité des charges; Sa Majesté connaît comme vous, Messieurs, les vices de cet usage qui doit son origine à l’esprit fiscal, et que le génie national doit détruire : elle ne balancera donc pas à adopter votre principe ni, par la suite, les lois par lesquelles vous établirez un nouvel ordre judiciaire, en pourvoyant à l’indemnité qui sera due aux titulaires actuels ; car le zèle du bien public ne vous fera jamais négliger ce que le droit des propriétés particulières exigera de votre justice. Je ne m’arrêterai pas non plus sur les observations de détail qui mériteront successivement votre attention dans l’examen que vous en ferez, à l’occasion de chacune des lois dont vous allez vous occcuper ; mais je crois en avoir assez dit pour prouver que la promulgation de vos arrêtés des 4 août et jours suivants ne peut avoir aucun inconvénient, qu’au contraire, elle aura de grands avantages ; je crois même devoir ajouter qu’elle paraît indispensable pour prouver aux peuples que leur monarque et leurs représentants marchent de concert vers . l’établissement de la félicité publique, et qu’elle ne compromettra point les observations contenues dans la réponse du Roi, qui demeureront entières pour la confection des lois que vous présenterez successivement à Sa Majesté. J’aurai donc l’honneur de vous proposer l’arrêté suivant, conforme à ma motion d'hier. € L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la réponse remise hier par le Roi à M. le président, « Considérant que Sa Majesté approuve tous les principes déclarés dans les arrêtés des 4 août et jours suivants, et que les observations contenues dans cette réponse devront servir à la confection des lois qui seront faites pour régler l’exécution de ces principes, a arrêté : « Que M. le président sera chargé de se retirer par-devant le Roi, et de supplier Sa Majesté de vouloir bien ordonner la promulgation des arrêtés pris par l’Assemblée nationale les 4 août et jours suivants ; et que la réponse du Roi sera imprimée, distribuée dans les bureaux, et remise aux comités chargés des affaires ecclésiastiques, féodales et de judicature, pour que les observations qu’elle contient soient prises en grande, mûre et respectueuse considération lors de la confection des différentes lois nécessaires pour l’exécution de ses arrêtés. » M. Duqnesnoy trouve fort sages les principes contenus dans la motion de M. le duc de la Rochefoucauld et les appuie. M. Rcwbell observe que si l’Assemblée nationale ne pouvait pas se flatter d’étre infaillible, il croyait encore moins àl’infaillibilité du comité, et qu’on devait plutôt s’en rapporter encore aux re-(1) La conservation des jouissances est de la justice la plus rigoureuse; car autant la nation est en droit de disposer pour l’utilité publique des biens du clergé comme corps, autant est-elle obligée de maintenir la propriété usufruitière des individus, qui repose sur la foi publique. présentants de la nation pour juger les véritables intérêts du peuple, qu’à des insinuations étran-. gères. J’ai entendu avec surprise, ajoute-t-il, que o’é-; tait pour des princes étrangers, qui possédaient des terres dans l’Alsace, qu’il fallait réfléchir sur-la destruction des droits féodaux. Je réponds par l’article 52 de mon cahier que toutes les communautés de l’Alsace, écrasées sous le poids des taxes et des droits féodaux, m’ont chargé d’y pourvoir, et j’observe que les princes. étrangers écrivent au pouvoir du ministère qui augmente leurs droits, et qu’ils ne veulent pas écrire aux pouvoirs de la nation. C’est par cette raison que l’Assemblée doit se hâter d’obtenir la sanction. Mes concitoyens se sont si fort pénétrés de ce décret du 4 août, qu’ils ne s’en dépénétreront pus. M**\ Un grand prince l’a déjà dit : « Le réciû seul de ce qui s’est passé le 4 août dans l’Assemblée est le plus bel éloge qu’on puisse faire de la nation française, et la meilleure preuve que ce xvin0 siècle mérite d’être appelé celui de la philosophie. Il n’y a qu’une masse de lumière plus grande qu’il ne s’en est trouvé jamais dans aucun temps et chez aucun peuple, qui ait pu produire d’un seul jet un tel monument de sagesse et de vertu ; mais aurait-on fait trop de bien à la fois, et pourra-t-on le réaliser sans produire un grand bouleversement? Telle est la question secondaire qu’il faut examiner, et sur laquelle le Roi peut avoir eu des motifs de fixer votre attention. M. le marquis de Clcrmont-ijotlève. L’Assemblée doit respecter les observations que le Roi daigne lui faire. Il faut donc prendre ces observations en considération, et demander la promulgation des articles dont le Roi adopte les principes. M. Pétion de Villeneuve. Je ne pense pas que l’Assemblée, qui ne peut s’empêcher de reconnaître que la plupart des arrêtés du 4 sont essentiellement constitutionnels, ait entendu demander autre chose au Roi, en lui envoyant les arrêtés, que la promulgation qu’il ne peut leur refuser, et qu’il est instant de leur accorder. Je ne peux donc concevoir que le Roi envoie à l’Assemblée ses observations par écrit. Ce n’est point ainsi que le roi d’Angleterre fait connaître son avis à la nation : il s’explique lui-même ou par son chancelier. Le discours envoyé par le Roi n’est autre chose qu’une espèce de conférence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif; l’Assemblée ne peut vouloir autoriser de semblable� conférences. Le pouvoir législatif est le seul qui puisse prononcer des lois avantageuses au peuple qu’il représente, et dont il connaît les besoins. Sans doute, le discours du Roi, si nous eussions pu en deviner les principes et les motifs, eût éprouvé dans l’Assemblée nationale le sort qu’a justement éprouvé, ces jours derniers, le rapport envoyé par son ministre. J’adopte en entier l’avis de M» le duc de la Rochefoucauld. M. de Volney (1). Messieurs, je n’abuse pas souvent de votre temps : les longs discours me (1) La motion de M. de Volnoy est incomplète au Moniteur. Q0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] pèsent comme à vous. J’ai demandé la parole our une proposition incidente. Honorez-moi ’un instant d’attention : je serai à la fois clair et court. Messieurs, quand on se fait un tableau étendu et fidèle des circonstances où se trouve actuellement le royaume ; quand on se représente que depuis plusieurs mois, toute puissance publique est vacillante et mal assurée ; que le cours de la justice est languissant et suspendu; que l’aliment de toute administration, le payement des impôts est interrompu ; quand on considère de quelles conséquences terribles menace la continuation d’un état si violent, si précaire, il est impossible d’aimer le bien public, d’être bon citoyen et de ne pas concevoir de vives alarmes de la lenteur de notre marche, et des délais qui surviennent chaque jour à nos plus pressantes opérations. D’autre part, quand on examine d’où naissent les entraves qui arrêtent nos pas; quand, recherchant leur nature et leurs causes, on amène en comparaison les personnes avec les choses ; quand on observe que depuis quinze jours spécialement, les oppositions aux principes les plus clairs, les incidents sur les questions les plus simples, se sont multipliés ; quand, pour le dire en un mot, on fait attention quels nouveaux moteurs d’opposition, depuis cette époque, ont apparu dans cette tribune et ne la quittent plus, il est encore impossible de ne pas s’apercevoir que les motifs de nos lenteurs dérivent de notre propre composition, et que nous portons dans notre sein le germe couvert, mais non étouffé, de tous nos obstacles. Mon dessein n’est pas de m’appesantir sur cette matière, encore que ce ne soient point des murmures qui puissent m’imposer silence ; car, si un homme connu par sa résistance aux vœux de la nation a pu récemment faire céder cette Assemblée à son opinion, il ne me serait pas difficile d’avoir en uu autre sens autant de courage. M. Duval d’Eprémesnil demande au président que l’orateur soit rappelé à l’ordre dont il s’écarte par une inculpation. Toute l’Assemblée rappelle M. d’Eprémesnil lui-même à l’ordre, et lui prescrit le silence. M. de Volney. Je ne vise pas au scandale et, pour arriver droitement à mon but, j’ai l’honneur de demander à l’Assemblée 'qu’elle décrète d’abord: 1° Que toute délibération sur la réponse du Roi aux arrêtés du 4 août soit ajournée ; 2° Qu’il soit déclaré que Ton rentrera sans délai dans la discussion des *bjets essentiels et pressants de la constitution; Qu’en conséquence il soit, avant tout autre article, discuté et déterminé: 1° De combien de membres sera composé le Corps législatif; 2° Quelles seront les conditions requises pour être électeur et éligible ; 3° Quels seront et le mode et les départements d’élection dans le royaume ; 4° Qu’aussitôt que ces objets seront décidés, l’Assemblée nationale actuelle, sans quitter sa session, sans discontinuer ses travaux, ordonne dans toute l’étendue du royaume une élection de députés selon le nouveau mode ; lesquels viendront de suite nous relever, et substituer une représentation véritablement nationale à une représentation vicieuse et contradictoire, où des intérêts personnels et privés, mis en balance égale avec l’intérêt général, ont la faculté d’opposer un ressort si puissant à la volonté publique. Cette motion est universellement applaudie, et tous les membres sans exception se lèvent pour témoigner leur adhésion. M. Gnillotin rappelle à la question primitive, et résume les différentes motions relatives au discours du Roi. 11 reconnaît et présente avec de nouveaux développements le principe incontestable qui établit la différence de la sanction ou du consentement du Roi, avec la promulgation que l’Assemblée a pu seule demander. 11 conclut en adoptant l’ajournement proposé par M. Chasset. M. le Président observe qu’il est trois heures et demie; il lève la séance, et la convoque pour ce soir sept heures et demie. De nombreuses réclamations s’élèvent pour qu’on ne se sépare pas sans délibérer; cependant la séance est levée. Séance du 18 septembre 1789, au soir. M.de NToailles fait la motion suivante concernant la constitution de l’armée (1). Messieurs, l’Assemblée nationale vient de poser les bases primordiales de toute constitution dans la Déclaration des droits de l’homme. Elle s’occupe maintenant de tracer le plan de la constitution particulière de la France. Déjà, démarquant la limite des deux grandes divisions de tout gouvernement, elle a prononcé la séparation de la puissance qui ordonne, de celle qui exécute. Déjà, saisissant dans cette dernière les subdivisions qui la constituent, elle a projeté l’organisation du pouvoir qui administre, et du pouvoir qui juge. Un troisième rameau lui reste, non moins important, non moins digne de ses soins, puisque c’est par lui que les autres se maintiennent, je veux dire le pouvoir militaire ; c’est donc entrer dans les vues de l’Assemblée nationale et concourir à ses travaux que de lui présenter un plan d’organisation des milices et de l’armée, qui fasse correspondre leur action à celle de l’administration et de la justice, pour le double objet de toute société : la sûreté extérieure de l’Etat et la liberté domestique des citoyens. Pour obtenir cette sûreté, chacun doit concourir à la défense de tous, chacun doit le service militaire personnellement ou par représentation. L’armée soldée peut ainsi être considérée comme une partie de la totalité des citoyens qui se chargent à certaines conditions du service militaire, auquel seraient tenus tous les citoyens ; elle est aussi la représentation d’une partie de l’impôt destiné à la protection des propriétés, et à la sûreté des personnes; elle est enfin une perspective d’honneur et de fortune pour tout ce qui peut porteries armes dans l’Etat. Le Roi est le chef naturel de l’armée; les ordonnances qui sont relatives aux troupes se donnent en son nom, mais ce n’est qu’en vertu des lois décrétées par le Corps législatif que le pouvoir militaire peut exister et agir. 11 est de plus à considérer que celui qui est chargé de diriger les forces militaires de l’Etat, (1) La motion de M. de Noailles n’a pas été insérée au Moniteur.