SÉANCE DU 24 FRUCTIDOR AN II (10 SEPTEMBRE 1794) - N° 38 67 pas être effrayés des secousses que peut produire l’affiliation des Jacobins. Je demande que dans le rapport on examine s’il n’y a pas de danger pour la liberté à souffrir l’existence de la corporation de la Société populaire de Paris avec les quarante-quatre mille autres qui lui sont affiliées, et qui sont en correspondance avec elle. LEVASSEUR (de la Sarthe) : Si vous tuez la mère, vous tuez les enfants. DURAND-MAILLANE : Nous venons d’organiser nos comités dans une forme propre à assurer la liberté; les deux comités de gouvernement sont composés de membres qui ont notre confiance. Cette autorité suffit-elle ou ne suffit-elle pas? C’est une autre question que je soumets à l’examen de ceux qui doivent faire le rapport. Vous avez ordonné, citoyens, que tous ceux qui étaient à Paris sans mission en sortiraient; cette mesure est très sage, mais elle doit très sévèrement être exécutée. Personne n’ignore qu’il y a dans Paris une quantité innombrable de gens qui sont à la solde de je ne sais qui; de gens qui, plongés dans la misère dans leurs départements, vivent ici dans une sorte d’opulence, sont toujours bien mis, ne mangent que dans les meilleures auberges; ils se disent envoyés d’une Société populaire, d’une autorité constituée, etc. J’appelle la-dessus la vigilance de la Convention. Je demande le renvoi de mes deux propositions aux comités de gouvernement, et que la Convention décrète que tous ceux qui sont ici sans profession, sans domicile, seront tenus d’en sortir. [LE BLANC demande que le comité de Législation leur soit adjoint. Décrété.] (134) La Convention ferme la discussion, et renvoie toutes les propositions aux comités de gouvernement pour les joindre au rapport qu’ils doivent faire sur la situation de la République. FRÉRON : L’Assemblée est sans doute impatiente de connaître l’état d’un nouveau martyr de la liberté, qui après avoir été assassiné moralement parce qu’il avait eu le courage de défendre les principes étemels de la justice, est tombé sous le fer assassin. Je demande que le bulletin de santé de Tallien soit lu aujourd’hui, et qu’il le soit tous les jours jusqu’à ce qu’il soit rétabli. Plusieurs voix : L’insertion au Bulletin ! Ces deux propositions sont décrétées. Un secrétaire [Reynaud] donne lecture du bulletin des officiers de santé sur la situation de Tallien, représentant du peuple; sur la proposition d’un membre [Fré-ron], la Convention décrète que les bulletins sur la santé de Tallien seront lus (134) J. Paris, n° 619. chaque jour et insérés dans les bulletins de la Convention (135). Un secrétaire [Reynaud] (136) lit le bulletin d’aujourd’hui. Le voici : «Nous, officiers de santé, requis pour donner nos soins au citoyen Tallien, député à la Convention nationale, assassiné dans la nuit du 23 au 24, à minuit un quart, me des Qua-tre-Fils, en face de la porte du ci-devant Palais-Cardinal, l’avons trouvé couché dans son lit, me de la Perle, n° 460, ayant à la partie antérieure de l’épaule gauche, vis-à-vis l’articulation de l’humérus, une escarre d’environ un pouce de longueur sur six lignes de large, accompagnée d’une rougeur, engorgément et ecchymose, douleur vive et difficulté de respirer. Nous estimons que cette blessure a été faite par un coup de pistolet tiré à bout portant, et dont la balle après avoir déchiré son gilet, sa chemise, et traversé la doublure de son habit, a pu tomber entre cette doublure et l’habit, auquel elle n’était pas cousue en bas. A Paris, le 24 fructidor, l’an 2e de la République une et indivisible. Signé Desante, Fouque, Chabanon (137). THIRION : Je demande que ces officiers de santé soient changés; car, d’après le rapport qu’ils ont fait, il me parait qu’ils n’entendent rien à leur métier. DUHEM : J’appuie cette motion. FRÉRON : J’ai été à l’Hôtel-Dieu chercher le citoyen Desault, dont personne ne peut révoquer l’habileté en doute, et il est en ce moment auprès de Tallien. (On applaudit) (138). 38 Un secrétaire [Bentabole] donne lecture d’une lettre écrite de Bruxelles par les représentans Bellegarde, Briez et Hauss-mann; qui envoient une machine abominable avec laquelle Drouet, représentant du peuple, qui est au pouvoir des tyrans coalisés, a éprouvé toute espèce de cruauté (139). BENTABOLE : Voici une lettre de nos collègues près l’armée du Nord, dont l’Assemblée entendra la lecture avec intérêt, car il s’agit d’un de nos collègues qui est malheureux, de Drouet (140). (135) P.-V., XLV, 196. Décret n° 10 836. Rapporteur anonyme selon C* II 20, p. 292. (136) J. Perlet, n° 718; J. de Paris, n° 619 indique Clauzel. (137) C 318, pl. 1285, p. 23. Bull., 24 fruct. (138) Moniteur, XXI, 731. Débats, n° 720, 405; C. Eg., n° 753; Ann. R. F. n° 282-283; Rép., n° 265; Af. U., XLIII, 395 et 402; J. Paris, n° 619. J. Fr., n° 716; Gazette Fr., n° 985; Mess. Soir, n° 753; Ann. Patr., n° 618; J. Univ., n° 1751; J. Mont., n° 134. F. de la Républ., n° 431. (139) P.-V., XLV, 196. (140) Moniteur, XXI, 731-732. Mentionné dans Débats, n°720, 405-406.