[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juillet 1790.] deniers d'entrée. Il y a quantité de titulaires qui ont fait reconstruire ou bâtir des maisons en entier; ils ont sans doute fait plus de bien que ceux qui ont payé des deniers d’entrée. Je demande qu’on aille aux voix sur l’article, en retranchant les mots que je viens de désigner. Cet amendement est adopté et l’article premier est décrété en ces termes : « Art. 1er. Les titulaires qui tiendront des « maisons de leurs corps, à titre de vente pour « leur vie, ou à bail à vie, en jouiront jusqu’à « leur décès, à la charge de payer incessamment « au receveur du district, où se trouvera le chef-« lieu du bénéfice, le prix de la vente dont ils « seraient en arrière, et le prix du bail, aux ter-« mes y portés. » M. Chasset, rapporteur. Il existe des chapitres où les titulaires, en achetant les maisons canoniales, s’obligent à les laisser au chapitre à leur décès; il en est d’autres où les chanoines, en achetant, se réservaient le droit de revendre ou de retenir pour eux, ou pour leurs héritiers, tout ou partie du prix de la vente ; depuis la suppression des chapitres il n’y a plus lieu à retour en leur faveur. 11 est intéressant, cependant, que la nation ne perde pas le droit qu’elle a sur les maisons ; en conséquence, votre comité a pensé que, pour remplir ces engagements de part et d’autre et conserver les droits de la nation, il était juste de laisser la propriété des maisons aux titulaires qui les ont achetées aux chapitres, à la charge par eux de remplir, vis-à-vis les directoires, les conditions du contrat de vente, et de payer en outre le quart de la chose vendue, en indemnité de la propriété à laquelle la nation veut bien renoncer ; et pour constater l’usage du chapitre sur les différentes espèces de conventions, votre comité a pensé qu’il fallait que ces conventions fussent revêtues d’un titre authentique, tel que des lettres patentes, ou des titres de fondation ou de donation ; en conséquence, voici le projet de décret qu’il vous soumet : « Art. 2. A l’égard des chapitres dans lesquels les titulaires faisaient, avec le corps, des conventions qui donnaient à l’acheteur la faculté de disposer à son profit, ou à celui de ses héritiers ou ayants droit, du tout ou d’une partie du prix de la revente qu’il aurait faite à un autre titulaire, d’une maison canoniale ; si ces conventions sont autorisées par des statuts revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou par des titres de fondation ou de donation, lesdites conventions seront exécutées suivant leur forme et teneur; en conséquence, les titulaires et possesseurs actuels desdites maisons pourront en disposer comme bon leur semblera, à la charge, par eux, de payer au receveur du district, outre' ce qui sera porté dans les conventions, le quart de la valeur des maisons, suivant l’estimation qui en sera faite ; et, dans le cas où lesdites conventions ne seraient pas ainsi autorisées, les possesseurs n’auront d’autre droit que la jouissance accordée par l’article précédent. » M. l’abbé liongpré. Je dois faire observer à l’Assemblée qu’il y a différentes provinces nouvellement réunies à la France, où les lettres patentes n’avaient point lieu ; dans ces provinces, l’usage constant et immémorial des chapitres doit être suffisant pour ne point priver les titulaires du droit qu’ils avaient cru acquérir sur la jouissance d’une maison canoniale ou dépendante d’un bénéfice, lorsqu’ils ont été pourvus d’un canonicat ou d’un bénéfice. Je crois, et l’Assemblée, j’en suis certain, ne me désapprouvera pas, que la nation ne peut exercer que le droit des chapitres. M. Lanjuinats. J’appuie les réflexions du préopinant. Les usages des chapitres doivent être suivis dès qu’il n’y a point d’abus, ni de contravention aux lois : donc, l’amendement doit être adopté. M. Dre von. Je viens demander à l’Assemblée une disposition particulière pour le chapitre de Langres. Depuis quatorze siècles les maisons canoniales y étaient amovibles; cependant en vertu d’un arrêt rendu en 1779, aucun titulaire ne pouvait vendre sa maison à un autre, qu’en payant au chapitre un dixième de sa valeur. Cet arrêt a été combattu par deux chanoines qui s’appuyaient sur l’ancien ordre de choses. (On interrompt L'orateur et on lui fait remarquer qu'il s'agit d’un cas particulier auquel l’article n’est pas destiné à pourvoir.) M. Populus. La nation s’est emparée des biens du clergé. (La droite applaudit vivement.) Je dis que la nation s’est emparée des biens du clergé, mais que ces biens n’appartenaient pas au clergé et qu’il n’en était que l’administrateur. (On applaudit à gauche.) M. Populus. Je dis, eu même temps, que la nation en rentrant dans ses droits n’a certainement point voulu porter atteinte aux propriétés particulières. Or, sur un soi dépendant d’un bénéfice, il est arrivé souvent que des titulaires ont fait construire des maisons. Il ne serait pas juste de les chasser de l’habitation qu’ils se sont élevée à leurs frais. Je vous propose, en conséquence, une rédaction nouvelle de l’article 2. (On demande la priorité pour la rédaction de M. Populus.) La priorité est accordée et l’article est décrété en ces termes : « Art. 2. A l’égard des chapitres dans lesquels « des titres de fondation, donation, des statuts « homologués par arrêts, ou revêtus de lettres « patentes, dûment enregistrées, ou un usage im-« mémorial donnaient à l’ac.quéreur d’une maison « canoniale, à ses héritiers ou ayants cause un « droit à la totalité ou à une partie du prix delà « revente de cette maison ; ces titres et statuts « seront exécutés suivant leur forme et teneur, « et selon l’usage suivi par le passé; en consé-« quence, lesdits possesseurs desdites maisons « pourront en disposer comme bon leur semblera, « à la charge par eux de payer au receveur du « district, outre ce qui sera porté dans les titres « ou statuts, le sixième de la valeur des maisons, « suivant l’estimation qui eu sera faite ; et, dans « le cas où le droit n’existerait pas, les posses-« seurs n’auront que la jouissance accordée par « l’article précédent. » M. Chasset. Le comité a été déterminé à vous présenter l’article 3 par des réclamations de divers particuliers qui prétendaient avoir donné des maisons à des chanoines, en se réservant soit une portion du prix, soit un droit de reprise. M. Chasset lit cet article, qui est adopté sans discussion en ces termes : « Art. 3. Les donateurs desdites maisons ou « autres qui prétendront avoir droit de toucher [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juillet 1790.] 53 « une somme à chaque mutation, ou d’autres « droits quelconques sur lesdites maisons, ne « pourront exercer leur action que contre les ti-« tulaires à qui il est permis d’en disposer par « l’article 2 ci-dessus, sauf à ceux-ci leurs ex-« ceptions et défenses au contraire. » M. Chasset, rapporteur. Nous vous proposons un article 4 qui porte : « Art. 4. Les titulaires des bénéfices supprimés, qui justifieront en avoir bâti ou reconstruit entièrement à neuf la maison d’habitation à leurs frais, jouiront pendant leur vie de la maison. » M. Delley-d’Agier. Je pense qu’il est à propos d’ajouter à l’article que dans le cas où les titulaires de l’un ou de l’autre sexe auraient bâti à neuf des maisons de campagne, ils en conserveront la jouissance, sauf à déduire sur leur traitement les revenus inséparables de ces maisons de campagne. M. de Jessé. Je propose aussi d’ajouter à la fin de l’article cette disposition: Lorsqu’un ecclésiastique se trouvera avoir fait des réparations montant à la valeur de la moitié de la maison, il en aura la jouissance. » M. de Folle%ille. Cet amendement est de toute justice. La moitié de la valeur d’un fonds est ]e prix ordinaire d’une jouissance viagère. M. Duport. L’article et les amendements qui vous sont proposés présentent beaucoup d’inconvénients si on laisse l’article dans ces termes généraux. On a fait un grand nombre de soumissions : elles pourraient être retirées, parce que les soumissions ont souvent eu en vue les maisons dépendantes des bénéfices. Pour remplir l’intention du comité et éviter les obstacles aux ventes, il serait possible de dire qu’en cas d’aliénation les titulaires seront indemnisés de la valeur de leur jouissance. M. de Murlnais. J1 faut dire qu’ils seront préférés quand ils voudront payer le sol. M. Chasset, rapporteur. Nous vous proposons de joindre l’amendement de M. Duport à l’article 6 que nous allions vous soumettre. Cet article 6 rédigé à nouveau deviendra l’article 5. M. Lucas. Dans mon district, des abbés ou des bénéficiers ont reconstruit des maisons abbatiales qui ont coûté plus de 300,000 livres, mais malgré cela ils n’ont pas mis un sou du leur. Seulement ils ont employé des fonds provenant de la vente des bois situés sur leur bénéfice. Je ne crois pas que l’intention de l’Assemblée soit de les indemniser des dépenses. Voix nombreuses : Non, non ! M. l’abbé Leclerc. Je propose, par une disposition additionnelle, de conserver aux bénéficiaires septuagénaires leurs maisons habituelles. On demande la question préalable sur les amendements. La question préalable est prononcée. L’article 4 et l’article 6, modifiés par l’amendement de M. Duport, qui devient l’article 5, sont décrétés dans les termes ci-dessous : « Art. 4. Les titulaires des bénéfices supprimés « qui justifieront en avoir bâti ou reconstruit en-« tièremement à neuf la maison d’habitation à « leurs frais, jouiront pendant leur vie de ladite « maison. » « Art. 5. Néanmoins, lors de l’aliénation qui « sera faite en vertu des décrets de l’Assemblée, « des maisons dont la jouissance est laissée aux « titulaires, ils seront indemnisés de la valeur de « ladite jouissance, sur l’avis des administrations « de district et de département. » M. Chasset, rapporteur , lit l’article 5 du projet, devenu le sixième. « Art. 6. Les maisons ou fonds dont la jouissance ou la disposition est accordée aux titulaires par les articles 1,2 et 4 ci-dessus, n’entreront pour rien dans la composition de la masse de leurs revenus ecclésiastiques, qui sera faite pour la fixation de leurs traitements. Tant que les titulaires auront la jouissance desdites maisons, ils resteront obligés à toutes les réparations usufruitières. » M. l’abbé Aubert. La jouissance que vous leur réservez est déjà un grand avantage; il n’y aura pas du tout d’inconvénient à les assujettir à toutes les réparations et à toutes les charges. Get amendement est adoptéi En conséquence, l’article se trouve décrété comme il suit : « Art. 6. Les maisons dont la jouissance ou la « possession est accordée aux titulaires par les « articles 1,2 et 4 ci-dessus, n’entreront pour rien * dans lacomposition de la masse de leurs revenus « ecclésiastiques, qui sera faite pour la fixation de « leurs traitements; et ceux à qui la jouissance en « sera accordée, tant qu’ils jouiront, resteront « obligés à toutes les réparations et à toutes « les charges. » M. Chasset lit l’article 7 qui est décrété, sans discussion, en ces termes : « Art. 7. Les revenus des bénéfices dont le titre « est en litige n’entreront dans la formation de la « masse à faire pour fixer le traitement des pré-« tendants auxdits bénéfices, que pour mémoire, « jusqu’au jugement du procès, sauf, après la dé-« cision, à accorder le traitement résultant des-« dits bénéfices à qui de droit, et les compétiteurs t ne pourront juger que contradictoirement avec « le procureur général syndic du département « où s’en trouvera le chef-lieu. » M. Chasset. L’article suivant tient à unegrande question, relative au bien des étrangers en France et des Français chez l’étranger. Dans un mémoire présenté au comité, on demandait qu’il fût définitif; le comité a cru qu’une question de cette importance, n’étant pas décidée, l’article ne pou-' vait être que provisoire. 11 est ainsi conçu : « Art. 8. Les curés et les vicaires faisant le ser-« vice dans l’étranger, qui étaient payés sur des « deniers publics levés en France, recevront leur « traitement accoutumé, pendant la présente an-« née, des mains du receveur du district, ou de « celles du receveur des impositions, le plus pro-« chain de leur établissement; lesquels sont au-« torisés à en faire le paiement qui passera dans « la dépense de leur compte. » M. Merlin. Si le rescrit de l’Assemblée de Belgique est tel que les papiers publics l’ont annoncé, nous avons le droit d’user de représailles et il faut ajourner l’article, car les Pays-Bas se sont emparés, non seulement des biens-fonds, mais des revenus des biens ecclésiastiques, et la France avait