375 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1791.J bord favorables à rappeler au devoir des rebelles et des révoltés aux abois, et dans l’état de l’anarchie la plus révoltante. « Pour nous, nous ne désirons que la paix, et nous n’avons été livrés à la guerre civile que par l’injustice atroce des ennemis de la colonie, et pour le salut de nos vies et de nos propriétés, après avoir fait, pendant près d’un an, les plus grands efforts pour l’éviter, et même les plus grands sacrifices, puisque nous ne pouvions que perdre au milieu même des plus grands succès. « D’après cette esquisse de l’état de nos ennemis et de notre conduite, vous conviendrez que nous avons bien payé ce que nous devons à la morale et au patriotisme dont vous nous parlez dans votre lettre du 13 décembre, et même outre mesure. Nous pouvons même nous flatter d’avoir été martyrs de cette morale, puisque la ville de Saint-Pierre existe encore, et que nous nous sommes contentés de la bloquer par terre, pour arrêter le zèle de la régénération incendiaire et destructive de ses habitants, et des hordes de brigands qu’ils ont appelés dans son sein. Voyez la lettre du 28 novembre, n° 18 (et antérieures) dans laquelle, après vous avoir instruits de la résistance que nous opposions à ceux qui, aigris par leurs malheurs, demandaient à grands en s à marcher à Saint-Pierre, nous vous disions : « Nous sentons bien que l’anéantissement de cette « ville nous rendrait promptement la paix, mais « il nous fait horreur, et ce sentiment l’emporte <( sur notre intérêt et sur celui de l'indignation « que ses forfaits nous inspirent : nous vous « le répétons, notre patience n’est pas encore « à bout. » « Nous sommes, etc... » J’ajouterai, Messieurs, que d’autres lettres annoncent la confiance des planteurs dans les vues et les déterminations de l’Assemblée nationale. Leurs sentiments ne varient point, et ils se sont encore manifestés dans une lettre du 10 janvier dernier, dont je vous prie d’entendre quelques détails : « Au Gros-Morne, le 10 janvier 1791. « Messieurs, depuis lontemps en butte aux traits de la calomnie, nous devons être parvenus au plus haut degré d’impassibilité que des hommes puissent atteindre. Aussi rejetant loin de nous toutes les imputations du ressentiment, nous avons suivi la route que notre devoir nous traçait, et notre constance dans la modération a été à toute épreuve. « Un trait plus cruel que tous les autres nous atteint aujourd’hui, et nous sommes soumis à une épreuve plus rude que toutes les précédentes. Un cri d’indignation nous échappe en lisant dans un écrit de MM. Arnaud de Gorio et Ruste, députés de Saint-Pierre, intitulé : Réponse au dernier mémoire du député extraordinaire de l'assemblée inconstitutionnelle de la Martinique (page 3, note 4) : « Les instructions de l’assem-« blée de la Martinique à ses députés commen-« cent par cette phrase remarquable et vraiment « patriotique : Les colonies ne font point partie « de l'Empire français. Tout ce qui émane de « cette assemblée prouve que ceux qui la com-« posent sont pénétrés de cette dangereuse « maxime. » « Nous n’avons pu dans le temps faire imprimer nos instructions ; dès que cela nous-a été possible, nous nous en sommes occupés. La dernière feuille était sous presse au Port-Royal, lorsque notre directoire a été contraint de sortir de cette ville, nos archives nous ont été enlevées; nous n’avons donc pas cette pièce sous les yeux, mais elle est gravée dans notre mémoire; et fût-elle infidèle, nos principes et nos sentiments, bien plus profondément gravés dans nos cœurs, nous seraient garants de la fausseté de ce que MM. Ruste et Arnaud de Gorio osent avancer. Vous avez sous les yeux nos instructions. « Vous voudrez bien rendre cette lettre publique, afin que non seulement l’Assemblée nationale, mais la France entière, puisse asseoir son opinion sur des colons qui ont, dans tous les temps, prouvé qu’ils étaient dignes d’être Français, et sur ceux qui leur font si gratuitement une inculpation aussi grave. « Nous sommes, etc. » Je prie l’Assemblée nationale d’ordonner que son procès-verbal portera la mention des vrais sentiments de ceux de mes commettants auxquels on a fait une injure atroce, puisqu’on leur a reproché de ne pas sentir le bonheur qu’ils avaient d’être Français. (Cette proposition est adoptée.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur la garde du roi mineur . M. Thouret, rapporteur , donne lecture du projet du comité qui est ainsi conçu : De la garde du roi mineur . « Art. 1er. La régence du royaume ne confère aucun droits ur la personne du roi mineur. « Art. 2. La garde de la personne du roi mineur sera confiée à sa mère, et à défaut de la mère, à celui des parents du roi qui sera Français, régnicole, âgé de 30 ans accomplis, et le plus éloigné du trône. « Art. 3. Les femmes, autres que la mère du roi, sont exclues de sa garde. « Art. 4. Si la mère est remariée au temps de l’avènement de son fils mineur au trône, ou si elle se remarie pendant la durée de la minorité, la garde du roi sera déférée ainsi qu’il est dit dans la seconde partie de l’article 2 ci-dessus. « Art. 5. Si le roi mineur n’a aucuns parents réunissant les qualités requises pour exercer la garde, elle sera déférée par élection au Corps législatif; et provisoirement le ministre de la justice sera tenu de pourvoir à la conservation de la personne du roi, et en demeurera responsable. « Art. 6. La mère du roi mineur, ou celui qui, à son défaut, sera chargé de la garde du roi, prêtera à la nation, entre les mains du Corps législatif, le serment de « veiller religieusement à fa conservation de la vie et de la santé du roi. » « Art. 7. L’Assemblée nationale se réserve de régler par une loi particulière ce qui est relatif à l’éducation du roi mineur, ou de l’héritier présomptif du trône. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article lor ainsi conçu : 376 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 mars 1 791 .J Art. 1er. « La régence du royaume ne confère aucun droit sur. la personne du roi mineur. » (Adopté.) M. Thouret, rapporteur , fait lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu : « Art. 2. La garde de la personne du roi mineur sera confiée à sa mère, et, à défaut de la mère, à celui des parents du roi, qui sera Français, regnicole, âgé de 30 ans accomplis, et le plus éloigné du trône. » M. Salle de Choux. Il faudrait prévoir le cas où le roi, n’ayant pour tous parents que le père et le fils, le père sera régent, et le fils aurait la garde du roi mineur. Je voudrais que l’on mît : « Pourvu que le fils appelé à être gardien ne soit pas le lits du régent. » M. Thouret, rapporteur. Si le roi n’a pas d’autres parents que le régent et son fils, alors la garde sera élective, comme on l’a décrété pour la régence. M. Voidel. Alors il faut l’exprimer. M. Tuant de La Bouverle. Je demanderai que la garde du roi fût confiée aux parents re-gnicoles, tant paternels que maternels. 11 est à espérer que désormais les rois de France choisiront leurs épouses dans la nation même. Pour la garde du roi, vous devez rentrer dans le droit naturel, et non pas le droit politique. M. de la tialissoimicrc. Je réponds au préopinant que si les rois ne pouvaient choisir leurs femmes qu’en France, cet article serait destructif des principes de la monarchie. M. Thouret, rapporteur. Nous nous entendons tous sur le principe qui est d’assurer le plus possible la garde du roi. Je pense donc que l’intention de l’Assemblée sera suffisamment remplie, en décrétant, sauf rédaction, le principe que le gardien ne sera pas le parent appelé au trône immédiatement après le régent, ni aucun de ses descendants dans la ligne aînée; car il ne serait pas juste de continuer l’exclusion dans les lignes écartées, d’autant plus qu’il faudrait en venir à l’élection. M. Tuant de la Beuverie. Je prie M. le rapporteur de répondre à mon observation. M. Thouret, rapporteur. 11 me semble que vous faites sur l’article une difficulté qui n’est pas fondée ; car il y a simplement le terme parent ; et s’il y avait des parents français et re-gnieoles, il est évident qu’ils seraient appelés, soit qu’ils fussent de la ligne féminine ou masculine. Au surplus, il faudrait que l’Assemblée voulût bien décider, d’urie manière très positive, si elle veut conférer la garde à tous les parents, tant paternels que maternels, ou la laisser concentrer dans ligne masculine. M. Baruave. La garde du roi ne ressemble nullement à la régence. Lu régence est véritablement une royauté, une dépendance dn droit établi par la Constitution dans la famille régnante. La garde du roi, au contraire, est une chose purement de confiance. La loi peut bien l’attribuer à la mère du roi, parce que dans elle se réunit et l’instinct le plus pur delà nature, et l’intérêt le plus grand pour la conservation de son fils ; mais, dans toute autre personne, il ne peut pas y avoir une raison pour que la loi et par conséquent le h isard confèrent cette garde-là. Le membre de la famille royale ou le parent maternel du roi, à qui la loi conférerait cette garde, pourrait moralement être peu digne de l’exercer, être extrêmement peu digne de la confiance qu’exige cette garde. Je crois donc que comme ce n’est point ici l’acte d’un pouvoir constitutionnel, que comme cette garde-là n’est pas, comme la régence, une fonction politique, elle doit toujours, au défaut de la mère du roi, être conférée par le choix, suivant le mode qui sera déterminé, parce qu’encore une lois la garde du roi ne peut être conférée au hasard de la moralité ou de l’immoralité de l’être auquel la loi l’aurait attribuée. ( Applaudissements .) M. de Follevflle. Je demande que l’article soit divisé et que la première partie soit décrétée et la seconde ajournée. M. Thouret, rapporteur. La proposition qui vient de vous être laite me paraît la plus convenable. La première partie de l’article n’est pas susceptible de difficulté. Quant à la seconde, je propose non pas l’ajournement, mais le renvoi au comité qui demain vous exprimera son vœu. (La discussion est fermée.) La première partie de l’article 2 est adoptée en ces termes : « La garde de la personne du roi mineur sera confiée à sa mère. » (La seconde partie de l’article est renvoyée au comité.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MONTESQUIOU. Séance du samedi 26 mars 1191, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Bouche. Je demande que le comité militaire fasse demain son rapport sur les subsistances militaires. M. le Président. M. Emmery, qui est chargé de ce travail, a demandé jusqu’à lundi. M. Bouche. Soit! lundi. Je demande également que les comités de Constitution et des finances, réunis, fassent incessamment leur rapport sur les détails de la liste civile. (L’Assemblée, consultée, décrète que les comités de Constitution et des finances, réunis, feront, d’ici à huit jours, leur rapport sur les objets de détail résultant du décret rendu sur la liste civile.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.