238 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 février 1791. Plusieurs membre $]: Donnez des preuves ! M. Arthur Dillon. On demande des preuves? je ne me rends pas l'accusateur de M. Jobal; mais s’il Je faut, je déclare que je le ferais pour l’intérêt des habitants de Tabago, qui se sont conduits dans cette affaire avec beaucoup de patriotisme et de modération. M. J. Pétri a communiqué ces faits signés de son frère, président de l’assemblée coloniale. Nous avons aussi reçu du directoire de l’assemblée coloniale la déclaration des principaux habitants de Tabago, qui ont été à Ja Martinique comme commissaires conciliateurs. Il y est dit que M. Jobal avait mis les armes à la main des troupes, contre la volonté de M. Despérier, premier capitaine. Le fait est donc qu’il est évident que rassemblée de Tabago et les habitants se sont plaints. Il y a des commissaires dans l’escadre partie pour les îles du Vent. Je conclus à ce que le roi soit prié d’ordonner que M. Jobal se rende à la Martinique auprès des commissaires du roi pour y rendre compte de sa conduite ; et, quant au premier article, il faut que l’Assemblée, se référant à l’esprit de son décret du 8 mars dernier concernant les colonies, déclare qu’il n’y a pas lieu à inculpation. M. Moreau de Saint-Méry. L’avis que vient de donner mon collègue est celui que je voulais offrir : les faits sont exactement vrais. Je crois qu’il faut que l’Assemblée nationale décide que les commissaires, nommés en vertu du décret du 27 novembre dernier, seront spécialement chargés de prendre les informations nécessaires sur les causes et les auteurs des troubles de Tabago; et je propose que le président se retire par devers le roi pour le prier de donner les ordres nécessaires au gouverneur général des îles du Vent de pourvoir provisoirement, s’il y a lieu, au commandement par intérim de l’île de Tabago. M. Malouet. J’appuie la proposition qui vous est faite et je vous prie de remarquer qu’elle est conforme au résultat des notes que je vous ai lues. M. Barnave. La première partie du décret qui vous est présentée, n’est que la conséquence d’un de vos précédents décrets. Quant à M. Jobal, au moins faut-il prendre les précautions pour pourvoir à son remplacement dans le cas où l’instruction porterait qu’il ne doit pas rester dans les colonies. J’appuie la motion de M. Moreau. (La discussion est fermée.) M. Alquier, rapporteur , propose une nouvelle rédaction de l’article, ainsi conçue : « L’Assemblée nationale, apiès avoir entendu son comité des colonies, en se référant à son décret du 8 mars dernier, déclare : 1° Que les jugements rendus contre les sieurs Bosque, Gré-lier, Guys et Le Borgne, les 16 novembre 1789 et 6 juillet 1790, n’emportent aucune note ni tache d’infamie, et seront regardés comme nuis et non-avenus; « 2° Qu’il n’y a pas lieu à inculpation contre le sieur E imond Saint-Léger, commandant de la garde nationale d>* Tabago ; « 3° Décrète qu’il sera réintégré dans les places dont il a été dépouillé depuis son départ de la colonie, par le sieur Jobal, et que le sieur Du-faur, substitut du sieur Saint-Léger, sera également rétabli dans ses fonctions; « 4° Que le roi sera prié d’ordonner au sieur Jobal, commandant de Tabago, de se rendre à la Martinique, pour îendre compte de sa conduite devant les commissaires qui y ont été délégués ; et d’autoriser le commandant général des îles du Vent, à faire remplacer le sieur Jobal, s’il le juge nécessaire pour le bien de la colonie; « 5° L’Assemblée nationale renvoie à l'examen et à la discussion du ministre de la marine, les demandes en payement d’indemnités et d’appointements, faites par les sieurs Blosse, officier au régiment de la Guadeloupe, et Chance], procureur général de Tabago. » (Ce décret est adopté.) Un membre du comité d’aliénation propose et l’Assemblée décrète la vente de plusieurs biens nationaux à diverses municipalités dans les termes suivants : . « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux, dont l’état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par. le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, savoir : A la municipalité d’Angers, département de Maine-et-Loire ........ 1,354,000 1. A celle ü’Amilly, département du Loiret ......................... 17,030 À celle de Châtillon-sur-Loire, département du Loiret ............ 33,835 « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et éiats d’estimation respectifs, annexés à la minute du présent procès-verbal de ce jour. » M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 FÉVRIER 1791. Mémoire adressé à l'Assemblée nationale , contenant les persécutions éprouvées par les Français à Tabago et notamment par le sieur BOSQUE, pour avoir donné des preuves de civisme; et dont l'impression a été ordonnée par la section de la Bibliothèque . A L’Assemblée nationale. Messieurs, quelques nouveaux sujets français, nés Ecossais, résidant à Tabago, ont cru, à 1,800 lieues de vous, se soustraire à votre comité des recherches. Ligués avec le sieur Jobal, commandant, et les oificiers du second bataillon de la Guadeloupe, alors en garnison dans cette colonie, ils se sont crus assurés de l’impunité. Dès lors les voies les plus obscures, les complots les plus noirs,... tout fut mis en usage pour me persécuter. 239 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |11 février 1191.] Représentez-vous, Messieurs, toutes les horreurs d’uu crime combiné, appuyé de la rage effrénée que l'on connaît aux ennemis de la Constitution, et vous aurez une idée, mais faible encore, de ce qu’ont éprouvé les patriotes français à Tabago. Les détails déduits dans mon mémoire, soutenus de pièces authentiques, prouveront que ces mêmes Ecossais furent tout à la fois mes accusateurs, mes témoins et mes juges, et osèrent prononcer une condamnation ignominieuse contre moi, qui insulte 25 millions de Français. Condamnation fondée sur les dépositions de 26 témoins, qui prouvent que mes crimes, aux yeux de mes ennemis, ont été : 1° D’avoir arboré le premier la cocarde national* à Tabago ; 2° D’en avoir fait faire pour en distribuer à mes concitoyens ; 3° D’avoir convoqué une assemblée, qui reçut le serinent civique de plusieurs soldats de la gar-Dison, et qui obtint la sanction des représentants du pouvoir exécutif, et de la masse générale des citoyens de la colonie, assemblés, le 28 octobre demie'’, à la ville du Port-Louis; 4° D’avoir proposé qu’il fût nommé un député pour être envoyé à l’Assemblée nationale, afin de lui soumettre un état de la population, des besoins et des ressources de Tabago ; 5° D’avoir ouvert une souscription, afin qu’il fût fait une bourse pour être adressée à la capitale, et répartie entre les veuves et les orphelins dont les pères et les mères avaient perdu la vie à la journée mémorable du 14 juillet; 6° D’avoir eu le bonheur de voir planter, par la garnison de Tabago, le pavillon national à ma porte. 7° Enfin d’avoir maintenu l’ordre et la paix. Ce fut sur de pareilles dépositions que des juges prévaricateurs donnèrent lieu à ce que tout mon mobilier fût pillé, en me faisant arrêter, ainsi que mes nègres, et laissant ma maison ouverte, sans garde, sans scellés, et à l’abandon pendant 15 jours, temps auquel ils nommé; ent extrajudiciairement des séquestres, qui s’emparèrent alors de tout ce que je possédais... Ce n’était rien encore; un jugement ignominieux couronna mon civisme; et pour ensevelir dans le secret de tels crimes, et m’enlever les moyens de me faire entendre aux représentants de l’Empire, ils m’obligèrent de prêter un serment qui me bannissait à perpétuité de cette colonie, et me firent jeter dans une île étrangère, au milieu des sauvages ; lieu désert, dont aucun bâtiment n’approchait. Augustes députés, justice, voilà mon mot; vous ne pouvez me la refuser, sans y comprendre vos commettants et vous-mêmes, de qui j’ai suivi les principes. J’accuse, je me plains, mais je prouve; or, le doute même, de ma part, de ne pas obtenir une réparation brève et entière, serait un outrage. J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect, Messieurs, de la nation, de la loi et du roi, le très fidèle sujet. G. JBosQUE. MÉMOIRE adressé à V Assemblée nationale , par le sieur Charles Bosque , avocat à Tabago, actuellement à Paris. Contre : 1° M. de Jobal, commandant à Tabago, en l’absence de M. Dillon, gouverneur; 2° les sieurs Gilbert Pbtrie, Thomas Wilson, Nathaniel Stewart, membres de l’ancien comité intermédiaire de l’assemblée coloniale de ladite île, tous les trois accusateurs et juges du sieur Bosque; 3° le sieur William Smith, membre dudit comité, prévôt maréchal de ladite île, accusateur, et un des témoins entendus contre le plai-nant ; 4° les sieurs Thomas Curie, Robert àlerson, membres dudit comité, accusateurs; 5° le sieur Dàngleberme, juge de paix, agissant, en cette cause, comme l’agent des officiers du deuxième bataillon de la Guadeloupe, alors en garnison en Tabago, faux dénonciateur; tous résidants, domiciliés ou habitants de l’île de Tabago. Et demande en cassation d’un jugement de la Cour d’Oyer et Terminer de ladite lie, rendu le 16 novembre 1789, contre ledit sieur Bosque, pour avoir reçu le serment civique de plusieurs soldats, d’après le vœu de la première assemblée patriotique de Tabago, de laquelle il était secrétaire. Messieurs, que ne puis-je m’exempter de faire un tableau des persécutions que j’ai souffertes, des machinations odieuses qui se sont tramées; d’une condamnation qui influe sur les principes adoptés par 25 millions de Français, et par de sages représentants? Dans quelques endroits de l’empire, l’on a vu les ennemis de la Constitution, de tout genre, fomenter des troubles, des divisions, et partout être déçus. Tabago, au contraire, nous en offre d’une nouvelle espèce. Ils se sont permis de condamner, par un jugement, comme criminels, des hommes qui, connaissant leurs droits, que vous aviez décrétés, ont osé les réclamer. Le perfide qui, pour se venger de son ennemi. lui enfonce ua poignard dans le sein, est, j’ose le dire, moins coupable que ceux qui, sous le manteau de la loi, cherchent à assouvir leur vengeance sur l’innocent qu’ils détestent. Voilà ce qui se rencontre, cependant, dans les plaintes contenues dans ce mémoire, que je soumets à l’Assemblée nationale, comme le seul tribunal compétent pour connaître d’un fait dont les annales les plus reculées ne nous ont jamais fourni d’exemple, et dont les ennemis de la Constitution pouvaient seuls être capables. FAITS. Le mémoire que j’ai eu l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale aura prouvé combien les Français étaient victimes de l’arbitraire à Tabago; nul d’entre eux qui osât se plaindre, nul d’entre eux qui ne frémît au seul nom de leur commandant. Ce fut sous un esclavage aussi cruel, que parvinrent, dans cette colonie, les nouvelles de la régénération française. Jugez, Messieurs, l’effet que dut produire, sur les âmes de ces Français, le décret qui déclare les droits de l’homme. La cocarde nationale fut le premier signe duquel ils osèrent vouloir se décorer ; mais, ne connaissant que trop les dangers auxquels ils s’exposaient, leur patriotismegémissaiten silence, et tous se disaient à l’oreille ..... Nous ne sommes malheureusement que peu de 240 lAssemblée nationale.) bons Français ; si la troupe se déclare contre nous, nous serons victimes de notre zèle; les nouveaux sujets (1) qui, jusqu’à présent, ont conservé la prédominance sur nous, par la faveur du gouvernement , ne verront pas sans jalousie l’égalité adoptée par le nouveau système. Non, leur dis-je, et je me trompai. Les nouveaux sujets sont tous Ecossais, accoutumés à vivre sous les auspices de la liberté, ils se joindront à nous, n’en doutons pas ; le soldat sera français ; notre commandant, forcé de se soumettre aux lois, n’osera plus les enfreindre ; nous oublierons toutes les persécutions éprouvées, et nous ne serons désormais qu’une peuplade de frères. Ges sentiments prévalurent; je fus chargé de faire travailler à des cocardes nationales et d’en porter aux administrateurs de Tabago, et à M. le procureur général. J’en présentai une à M. l’ordonnateur, qui la reçut, en donnant des marques les plus positives de sa satisfaction; je m’acquittais aussi de ma mission auprès de l’homme du roi, et j’en fus bien accueilli. Mais j’avoue que, par délérence, je n’eus pas le courage d’en présener une à M. de Jobal, et je me contentai d’en charger le sieur Testu, avocat dans cette colonie, que je croyais aimé de ce commandant. Le lendemain, 18 octobre 1789, j’arborai ce signe si cher aux Français. Plusieurs personnes suivirent mon exemple, mais tout à coup, je vois tous les chapeaux privés de leurs nouvelles parures... — Surpris de ce changement, je cherche quelqu’un de ma connaissance pour savoir les raisons qui l’avaient opéré, lorsque le sieur Saïut-Aubin, hoqueton de l’intendance, m’accoste, et de la part de messieurs les administrateurs de la colonie, me prie d’ôter ma cocarde. Je réponds que les représentants de la nation, le roi, généralement tous les Français, la portaient et que je ne prévoyais pas quelle fût la raison qu’à Tabago exclusivement l’on dût être privé d’arborer le gage de la régénération française ; que j’avais toujours eu une entière déférence aux ordres des chefs de la colonie, mais que, dans cette circonstance, je croirais manquer aux devoirs des Français, si j’acquiesçais à leurs désirs. Les nouvelles parvenues à Tabago, de l’ile Sainte-Lucie, nous apprirent quelques jours après que de bons citoyens s’étaient assemblés à la ville de Castries, à l’effet d’adresser à l’Assemblee nationale leurs témoignages d’une vive reconnaissance, sur le nouveau régime français, de prêter le serment civique, et d’adresser une bourse pour être distribuée aux pauvres veuves et orphelins dont les maris et les pères avaient perdu la vie à la journée mémorable du 14 juillet. Les bons Français de Tabago ne cessaient de se plaindre d’être les seuls privés de ce bonheur. Messieurs, leur dis-je, je ne doute pas que toute la colonie ne pense comme nous; mais il faut que ceux qui la composent se réunissent pour cet effet; plusieurs personnes présentes à cette assertion me chargèrent unanimement d’inviter tous les habitants. Je m’empressai, le 22 octobre 1789, d’écrire une lettre en français, que je fis traduire en anglais, au nom de plusieurs citoyens, et je l’adressai aux anciens et nouveaux sujets français de (1) Toutes les fois que l’on citera les nouveaux sujets de ce mémoire, l’on parlera des Ecossais résidant à Tabago, qui, par leur serment, sont devenus Français. [17 février 1791.) Tabago, par laquelle je les invitais à se réunir le lendemain 23, 10 heures du matin, pour coopérer au bonheur général de la colonie (1). Cette lettre était à peine entre les mains de 2 personnes qui la faisaient circuler, que je reçus un exploit, connu sous la dénomination de warrant en Angleterre, que me signifia l’huissier Bigé, de la part de M. Ghancel, procureur général à Tabago, qui par des vues de prudence, avait cru devoir le décerner. Ce warrant défend la tenue de l’assemblée projetée et m’ordonne les arrêts dans ma maison, pendant toute la journée du lendemain 23 octobre, et charge la maréchaussée de son exécution (2). Le lendemain 23 octobre, sur les 11 heures du matin, plusieurs Français vinrent me trouver, et m’annoncèrent impérativement qu’un concours de citoyens étant déjà rassemblés au lieu désigné par ma lettre d’invitation, il était instant que je me rendisse à l’assemblée. ( Je leur représentai qu’étant aux arrêts par l’ordre du procureur général, il m’était impossible de sortir, à moins que de transgresser l’obéissance due à un supérieur et de faire dégénérer la liberté en licence. Les uns se rendirent, les autres exaltés n’écoutaient que leur enthousiasme; et ce fut au milieu de leurs débats que je reçus une lettre de M. le commandant, qui me donnait avis que lui, M. de Jobal, s’étant entendu avec M. de Saint-Laurent et M. de Ghancel, me relève des arrêts, et m’engage de rester tranquille, en me disant que mon patriotisme m’égarait (3). Ayant pris lecture de cette lettre, je représentai aux citoyens qui se trouvaient chez moi, que les personnes rassemblées ne pouvaient former que la minorité des Français de l’île ; que je ne croyais pas qu’ils pussent opérer légalement. Alors une voix s’élève : « Invitons MM. Grelier, Guys, Fremin et Favaux, ils ne pourront s’y refuser ; et dès l’instant que les habitants verront des personnes attachées à l’administration se joindre à l’assemblée, tous les citoyens, qui vraisemblablement ne désirent que cela, se réuniront. » Gette motion arrêtée, on écrivit à ces personnes et la lettre fut signée de MM. Ruthie, Chapp (4), La Fond et Bosque(5). Première séance De l'assemblée patriotique de la ville de Port-Louis de Tabago. MM. Grelier, Fremin et Favaux s’étant rendus au lieu de convocation le 23 octobre, à trois heures de relevée, ils furent suivis d’un concours nombreux de Français : ma première motion tendit à ne point confondre la licence avec la liberté, et je proposai, à cet effet, de procéder immédiatement à l’élection d’un président qui, provisoi-(1) Cotte lettre se trouve à la liasse n° 1, sous la cote A. (2) Cette pièce est contenue à la même liasse, sous la cote B. (3) Cette pièce est contenue à la même liasse, sous la cote C. (4) Le sieur Chapp, qui a signe cette lettre, est habitant et celui qui a déposé contre moi ci-après est marchand. (o) Cette lettre se trouve à la liasse n° 1, sous la cote D. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791. 241 rement, prescrirait les règles auxquelles les membres de l’Assemblée seraient tenus de se conformer. La proposition ayant été unanimement applaudie it les voix pissées par le scrutin, M. Grelier fut élu président par la majorité et prit séance en cette qualité. M. le président proposa d’élire un vice-président et un secrétaire. M. Fremin fut élu vice-président et j’eus l’honneur d’être nommé secrétaire, avec voix délibérative. L’assemblée se constitua ensuite en assemblée patriotique de Tabago ; sur les représentations de son président, elle arrêta qu’on adresserait une invitation, signée de tous les membres de l’assemblée, à MM. les administrateurs, afin de les prier de se joindre à l’assemblée, et que MM. Fremin, Favaux, Ringlel, Dufresnoy et Fou-quet seraient députés vers eux à cet elfet (1). Ges députés ayant rendu compte que M. de Jobal improuvait l’assemblée et qu’il refusait de se rendre à ses vœux, il fut mis en délibération et arrêté qu’il serait fait d’iteratives représentations à MM. les administrateurs, sur les motifs qui avaient donné lieu à la réunion des Fronçais à Tabago; et, au cas d’un second désaveu de leur part, l’assemblée serait dissoute, comme une marque non équivoque du respect des citoyens pour la loi (2). MM. Fremin, Favaux, Ringlet, Bouteille, Jamet et Dufresnoy protestèrent alors contre tout ce qui se faisait à l’assemblée (3). M. Fremin, qui, immédiatement après ces protestations, avait été rendre compte à M. le commandant de l’arrêté de l’assemblée, y revint dix minutes après et annonça que MM. les administrateurs se proposaient de donner une fête publique, où la troupe, en garnison dans 1 lie, prêterait le serment civique. L’assemblée vota alors des remerciements pour MM. les administrateurs et déclara qu’elle ne se considérait légale que d’après leur sanction; que tout ce qui avait été fait subsisterait néanmoins jusqu’à ce qu’il eu eût été autrement ordonné (4) ; et que la copie dudit arrêté serait présentée à MM. les administi ateurs de Tabago, Dar les sieurs Le Maire, Wyait et Guenon. L’assemblée s'ajourna au 30 du même mois d’octobre. Deuxième séance. L’assemblée patriotique de la ville du Port-Louis de Tabago s’éta-i t réunie extraordinairement sur la convocation de son président, le 25e jour du mois d’octobre 1789, à 4 heures de l’après-midi, M. le président annonça que la convocation de cette assemblée n’avait été faite que d’après la demande des dépœés vers MM. les administrateurs, lesquels allaient rendre compte a rassemblée du résultat de leurs missions. MM. Le Maire, Wyait et Guenon instruisirent « l’assemblée que M. le commandant de Tabago « la priait de s’occuper d’un règlement provisoire « concernant les gens de couleur libres et les (1) Celte invitation se trouve à la même liasse, sous la cote E. (2) Cette pièce se trouve à la même liasse, à la suite de la pièce cotée G, sous la cote F. (3) Cette pièce est sous la cote G. (4) Voyez la cote H. 4re Série. T. XXIIL « esclaves de la colonie, et remirent sur le bu-« reau leur procès-verbal, qui expliquait les « objets sur lesquels elle était priée de déli-« bérer (1) ». Plusieurs Français ayant augmenté le nombre des membres de l’assemblée, M. Le Borgne demanda si elle était légale ; la motioo, soutenue par le sieur Fadeuilhe, mise en délibération et passée au scrutin, la légalité de l’assemblée fut déclame à la majorité de 43 voix contre 27 (2). Je ne dois pas passer sous silence que cette motion attira au sieur Fadeuilhe des propos désagréables de la part du sieur Pacaud : mais le président ayant ordonné le silence, il ramena tout à l’ordre. M. Guys fut ensuite élu vice-président, en remplacement de M. Fremin, qui, d’après ses protestations, avait renoncé à sa place. Je prononçai ud discours (3) à la suite duquel je fis plusieurs motions, dont deux furent unanimement approuvées, et les autres renvoyées à l’assemblée générale de la colonie, annoncée par MM. les administrateurs. M. le président ayant représenté ù, l’assemblée que la compagnie des chasseurs, en garnison à Tabago, désirait se joindre à nous le jour de la lête annoncée par MM. les administrateurs, l’assemblée députa deux membres vers M. le commandant pour lui demander, au nom de rassemblée patriotique, la faveur sollicitée, ce qui fut accordé par M. de Jobal. M. deChancel le jeune, de présent àParis, ayant demandé que l’assemblée s’occupât de sa police, il fut arrêté qu’elle nommait à cet effet MM. de Chancel le jeune, Guys de Sainte-Hélène, Gauthier et Flocker qui soumettraient leurs opérations à l’assemblée pour être statué ce qu’il appartiendra. Sur une motion de M. Le Borgne, l’assemblée arrêta qu’il serait nommé un comité composé de 19 membres, y compris le président, le vice-président et le secrétaire, à l’effet de rédiger les différentes opérations qui devaient être adressées à l’Assemblée rntionale, concernant la colonie, lequel comité serait tenu de rendre compte à l’assemblée patriotique pour être statué en définitif. Sur une motion du sieur Cocker , nouveau sujet , le sieur Mounier fut nommé interprète anglais de l’assemblée patriotique. Ensuite l’assemblée arrêta qu’il serait de nouveau écrit aux habitants de la colonie, afin de les inviter à se joindre à l’assemblée patriotique du Port-Louis, qui s’ajourna au lendemain 26, 10 heures du matin. Troisième séance. Le lendemain 26, à l’heure désignée, l’assem-(1) Ce procès-verbal, les registres de l’assemblée patriotique, ainsi que différentes autres pièces, se sont égarées lors de mon emprisonnement: mais je me plais à me persuader que MM. Grelier et Guys, qui sont de présenta Paris, pour porter leur doléance à l’Assemblée nationale, présenteront quelques-unes des pièces qui me manquent; d’ailleurs, les plus essentielles étant celles que je rapporte, et qui sont annexées au mémoire original, et imprimées à la suite du présent, fourniront Fa preuve la plus authentique des vues sages et patriotiques des citoyens de Tabago. (2) Voyez les dépositions des témoins, à la liasse n° 2 (3) Voyez la liasse n0 1, sous la cote J. lo 242 [Assemblée natioaale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] blée tenant sa séance, M. le président l’instruisit « que la compagnie de M. Gordelier, du régiment « de la Guadeloupe et casernée en ville, était au « moment de monter au fort; que les soldats « murmuraient d’être obligés de céder leur place « à la compagnie des chasseurs, et qu’il conve-« nait de demander que la faveur accordée par « M. le commandant aux chasseurs ne s’étendît * que sur 25 soldats de chaque compagnie « des 5, en garnison à Tabago; de prier néan-« moins M. le commandant d’en augmenter le « nombre, s’il le jugeait convenable; ce que « l’assemblée arrêta (1). » Les sieurs Le Borgne et Fadeuilhe, qui avaient été députés vers M. le commandant la veille, furent de nouveau choisis pour remplir cette mission et, à leur retour, ils instruisirent l’assemblée que M. le commandant avait insulté le sieur Le Borgne, un des députés (2). L’assemblée arrêta qu’elle prenait en considération l’exposé de ses membres ; qu’expédiiion serait remise, à son comité, de leur procès-verbal pour, sur le rapport qui en serait fait, être statué, a l'assemblée générale de la colonie, ce qu’il appartiendrait; mais l’objet de la députation requérant célérité, elle nomma le sieur La Fond pour remplacer le sieur Le Borgne, afin que l’arrêté de l’assemblée concernant les militaires eût son exécution. Les députés ayant rendu compte que M. le commandant approuvait la demande de rassemblée, M. le président annonça qu’il était chargé, de la part de MM. les administrateurs, d’exprimer à l'assemblée qu’ils désiraient ajouter une prière particulière au bas de la lettre d’invitation qui devait être envoyée aux habitants de la colonie ; mais que, avant de mettre l’objet en délibération, il allait leur faire lecture du projet d’une lettre que son comité avait rédigée à ce sujet. Cette lettre était conçue en ces termes : « Mes-* sieurs, en conséquence de l’arrêté de l’assem-« blée patriotique, tenue le jour d’hier, en la « ville au Port-Louis, MM. les anciens et nou-« veaux sujets français sont invités, de la part « et selon le vœu de tous les membres de ladite « assemblée, à se trouver, vendredi prochain, « 30 du courant (3), à 10 heures du matin, en la « nouvelle salle du palais, pour, et avec les « citoyens déjà réunis et constitués en assem-« blée, ne former qu’un seul et même corps, et « tous ensemble manifester leur joie de la régé-« nération française. Au Port-Louis, le 26 octo-« bre 1789. » Ce projet de lettre et la demande de MM. les administrateurs furent unanimement approuvés, et l’assemblée députa, auprès des chefs de la colonie, le sieur Fadeuilhe, qui remit la lettre à laquelle était joint le i post-scriptum suivant : « MM. les administrateurs se joi-« gnent à l’invitation de l’assemblée du Port-« Louis et invitent toute la colonie de s’y trou-« ver pour contribuer tous ensemble au bien « général. » Signé : le chevalier de Jobal, et Roume de Saint-Laurent (4). (l) L’expédition de cette pièce, sous la cote L, n’est point imprimée, ainsi que la suivante; mais elles ont été soumises aux commissaires des sections de Paris. (2) Le procès-verbal des sieurs Le Borgne et Fadeuilhe se trouve à la liasse n° 1, sous la cote M. (3) Sur les lettres imprimées, d’après la demande des administrateurs, au lieu du 30 du courant, ou mit le 28. (4� Ces pièces sont A même liasse, sous les cotes L’assemblée arrêta que ladite letlre serait imprimée en anglais et en français, pour être adressée à tous les habitants de Î’île de Tabago ; elle procéda ensuite au règlement provisoire concernant les gens de couleur libres et les esclaves (1), et termiaa la séance en s’ajournant au lendemain 27. Quatrième séance. Le même jour 26, 6 heures du soir, les membres de l’assemblée s’étant extraordinairement réunis, ils furent instruits, par leur président, que le sieur Burnet, chargé de l’impression de la lettre d’invitation adressée à MM. les administrateurs de la colonie, u’avait pas mis sous presse ladite lettre, sous le prétexte que M. le commandant lui avait fait défense de l’imprimer, et M. le président ajoute qu’il ne pouvait présumer que le commandant, après avoir paru donner des preuves de son patriotisme, se trouvât tout à coup d’uu sentiment aussi contraire à ses démarches. L’objet mis eu délibération, il fut arrêté que M. le commandant serait prié de vouloir révoquer la défense qu’il avait faite à cet imprimeur, au cas qu’il se fût vraiment opposé à l’impression de la lettre, afin que l’arrêté de l’assemblée patriotique eût son exécution, et MM. de Chancel le jeune, Fadeuihle, Gauthier, La Fond, Birabin et Wyath, furent chargés de faire connaître le vœu de l’assemblée àM. le commandant. Ces députés ayant rendu compte, par leur procès-verbal, que M. le commandant désapprouvait l’assemblée, qu’il la considérait illégale, n’étant composée que de personnes dont la majeure partie n’avait pas de propriété terrienne dans l’île. Ce rapport porta la consternation dans le cœur de quelques membres, réveilla l’enthousiasme daDS celui des autres, et j’avoue que M. le présiden t eut besoin de toute sa prudence pour ramener le calme et la tranquillité. L’assemblée, d’après une motion de son vice-président, arrêta que tous ceux qui la composaient prêteraient le serment d’être fidèles àlâ nation, au roi et à la loi , et que celui qui abandonnerait l’assemblée, serait indigne de porter le nom français ; elle arrêta aussi que MM. deGhan-cel le jeune, Gauthier et Fadeuilhe, seraient chargés de rédiger d’itératives représentations pour être présentées à M. le commandant. Les président, vice-président et secrétaire ayant prêté le serment, la feuille fut remise à M. de Chancel le jeune, un des membres de l’assemblée, pour recueillir les signatures de ceux qui prêteraient le serment civique. Occupé à ce travail, M. de Chancel l’interrompit pour prévenir l’assemblée qu’un jeune homme en habit bourgeois, qu’il avait reconnu pour être un militaire, se présentait pour prêter le serment civique et en signer la feuille; il demanda si la demande de ce militaire devait être reçue. L’assemblée arrêta que les militaires, étant des hommes et Français, devaient être admis à prêter le serment civique. M. de Chancel le jeune, ayant fait lecture des itératives représentations adossées à M. le commandant, l’assemblée nomma MM. Fadeuilhe, Gauthier, Birabin et le chevalier üuclos, pour les lui présenter. (1) Cette pièce est sous la cote N. 243 [Assemblée natioaale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n février 1Ï91.J L’assemblée s’ajourna au lendemain à 8 heures du matin. CINQUIÈME SÉANCE. Le lendemain, 27 octobre, m’étant rendu à l’assemblée, je fus instruit que les soldats de la garnison avaient arboré le pavillon national sur ma maison; un instant après, plusieurs militaires se présentèrent à l’assemblée patriotique, pour prêter le serment civique. D’après l'arrêté pris dans l’assemblée la veille, je reçus en présence de M. le président et plusieurs autres membres, leur serment; je meprêlaisd’autantmieux à cette démarche qu’en refusant le serment de ces militaires, sous le prétexte que M. de Jobal désapprouvait l’assemblée, c’eût été exposer ce commandant à la fureur des soldats, qui, animés par des sentiments patriotiques, n’eussent p iS manqué, da is le premier effet de leur enthousiasme, de rendre ce commandant victime de ses inconséquences. Qui l’eût dit, qu’une conduite aussi prudente dût produire les armes dont se serviraient les officiers du second bataillon de la Guadeloupe, en garnison à Tabago, l’ancien comité colonial, et le sieur Dangleberme, mes accusateurs et mes juges pour m’enlever mon honneur, mes biens, et pour m’expatrier, au milieu des sauvages, à la Trinité espagnole, où M. le commandant de Tabago eut la barbarie de me faire reléguer pour m’ôter les moyens de faire parvenir mes doléances à l’Assemblée nationale ? Rien n’est cependant plus vrai et, parmi toutes les preuves fournies à mes juges, je n’aurais besoin que des dépositions prises contre moi, à la cour criminelle de Tabago, le 13 novembre 1789, et du jugement prononcé le 16 du même mois, pour démontrer que 8 juges ont eu la ridicule et atroce frénésie de rendre une condamnation flétrissante contre moi, parce que j’avais suivi les principes de 25 millions de mes concitoyens. Le sieur Fadeuilhe étant entré à l’assemblée, fit une sortie des plus vives contre la démarche des patriotes, sur la réception du serment civique des militaires; je m'opposai à cette motion; mais M. le président, après avoir pris l’avis de t’assemblée, déchira les feuilles sur lesquelles le serment et les signatures se trouvaient inscrits. M. le président observa alors que des gens mal intentionnés ne cessaient de rendre notre conduite suspecte à MM. les administrateurs; qu’il convenait, pour leur prouver la pureté de nos intentions, de délibérer sur les droits de l’assemblée, afin de lui en donner communication. Cette motion ayant été mise en délibération, il fut arrêté unanimement que l'assemblée patriotique de Tabago n’avait aucuns pouvoirs exécutifs ni législaiifs; que ses préientions se bornaient à la seule voie de représentation; et MM. les députés, élus pour présenter les itératives représentations, furent nommés pour faire connaître le vœu de l’assemblée à MM. les administrateurs. L s députés, de retour, remirent à l’assemblée leur procès-verbal (1), qui constatait l’accueil agréable qu’ils avaient reçu de MM. les administrateurs; et un instant après la lecture de leur rapport, il arriva à l’assemblée une lettre conçue en-ces termes (2) : « Messieurs, je ne saurais « trop vous témoigner mon contentement sur la « manière patriotique et honnête avec laquelle « vous avez terminée votre assemblée, pour vous « joindre à celle générale de l’île; j’approuveavee « le plus grand plaisir tout ce que vous désirez, « et vous prie, Messieurs, d’en recevoir mes sin-« cères remerciements ; et pour preuve de ma « satisfaction, j’invite M. Grelier à se rapprocher « de moi, et l’engage de nouveau à concourir à « la réunion générale que MM. les admioistra-« teurs se sont empressés d’offrir à tous les ci-« toyens du gouvernement. « Recevez, Messieurs, les assurances du sin-t cère attachement avec lequel j’ai l’honneur « d’être, Messieurs, votre très humble et très « obéissant serviteur. « Signé : Le Chevalier de Jobal. » Sur la lecture de cette lettre, l’assemblée arrêta que ses président et vice-président se retireraient vers MM. les administrateurs pour leur témoigner la vive reconnaissance de l’assemblée. La séance fut ajournée à quatre heures après midi. SEPTIÈME ET DERNIÈRE SÉANCE. M. le président fit part à l’assemblée de l’accueil honnête qu’ils avaient reçu des administrateurs, et l’on nomma des députés pour qu’il plût à M. le commandant de leur désigner l’heure et l’endroit où l’assemblée générale de la colonie devait tenir sa séance. Ces députés rendirent compte que l’assemblée générale des habitants aurait lieu le lendemain, 10 heures du matin, à l’hôtel du gouvernement; et l’assemblée patriotique termina ses séances et s’ajourua pour iesdits lieu et heure. PREMIÈRE ET DERNIÈRE SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ET PATRIOTIQUE DES HABITANTS DE tabago, tenue à l’hôtel du gouvernement de ladite île , le 28 octobre 1789. L’assemblée patriotique de la ville du Port-Louis de Tabago, à laquelle s’étaient réunis tous les citoyens de la colonie, d’après l’invitation de ladite assemblée et la convocation de MM. les administrateurs, ayant pris séance en l'hôtel du gouvernement, avec Iesdits administrateurs de Tabago, M. le commandant prononça un discours à la suite duquel M. l'ordounateur lit lecture du sien (1). M. Grelier, président de l’assemblée patriotique, prononça aussi un discours, à la suite duquel il dit : « Messieurs, l’assemblée patriotique du Port-« Louis que j’ai l’honneur de présider encore, « n’ayant jamais eu pour but que le bien géné-« ral et particulier, vous fait avec le plus grand « plaisir le sacrifice de son existence et de tout « ce qu’elle a fait, en vous manifestant son em-« presr-ement de se réunir avec tous les citoyens « pour ne former qu’un seul et môme corps, et « en vous donnant, par cette marque de con-« fiance, des preuves de son amour pour la paix; « elle juge à propos de vous faire connaître, par « la lecture de son arrêté du jour d’hier, qu’elle 11) Cette pièce est sous la cote 0. (2) Cette pièce se trouve à la liasse a» i. (1) Ce discours, contenu à la liasse n® 2, sous la cote A, ne sera point imprimé, pour éviter les frais. 244 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]n février 1791.] « a été la base de sa conduite et les motifs qui « l’ont dirigée. » M. le président fit ensuite la lecture de cet arrêté, après lequel l’assemblée générale témoigna hautement son approbation à l’assemblée patriotique ; et M. Robley, l’un des membres de l’assemblée coloniale de Tabago, dit qu’il était glorieux, pour l’assemblée patriotique du Port-Louis, d’avoir pris pour base des principes aussi sages, et qu’il proposait de sanctionner les opérations de l’a-semblée patriotique; ce qui fut arrêté par acclamation. M. le commandant proposa à l’assemblée de choisir un comité composé de 14 personnes, y compris un président et le vice-président. Toutes les voix parurent alors se réunir en faveur de M. Grelier, qui représenta que ses occupations pourraient l’empêcher de s’acquitter des obligations de cette place; qu’étant le premier officier d’administration après M. l’ordonnateur, il pouvait, par des cas imprévus, être obligé de le remplacer. La pluralité l’ayant choisi malgré ses représentations, il demanda une seconde fois qu’on passât au scrutin. Chaque membre, derechef, inscrivit son nom sur une feuille de papier et, sur la même ligne, le nom de celui qu’il désignait. Cette opération achevée, l’assemblée nomma, pour la vérification des voix, MM. de Chancei le jeune, Lindzai, Fadeuilhe et Brasse, qui présentèrent à l’assemblée ,1e recensement suivant : RECENSEMENT. Voix. Pour M. Grelier .................. 57 Pour M. Dangleberme ............ 51 Pour M. Robley .................. 47 Pour M. Pet rie ................... 34 Pour M. Wilson .................. 9 Pour M. Maurville ....... . ........ 4 Pour M. Bellew .................. 2 Pour M. Chancei le jeune ......... 1 Pour M. de Saint-Léger .......... 1 dans lesquelles s’y trouvaient celles des officiers de Ja garnison, qui avaient tous signé pour lui. Ce recensement ayant été lu et certifié-par les 4 commissaires, l’assemblée proclama, pour son président, M. Grelier. M. Fadeuilhe proposa que le membre qui avait le plus de voix après le président, fût élu vice-président, ce qui fut arrêté; alors M. Dangleberme, qui avait 51 voix, fut proclamé. M. Robley demanda que ceux qui avaient eu des voix pour la présidence fussent nommés membres du comité. M. Grelier ayant les noms des différentes personnes qui avaient eu des voix, l’assemblée proclama MM. Robley, Petrie, Wilson, Maurville, Bellew, Chancei et Saint Léger. Mais le nombre des élus n’étant que de 9, au lieu de 14, l’assemblée allait s’occuper du choix des cinq autres lorsqu’elle fut interrompue par une scène orageuse. « MM. Dangleberme, Thibeaux, Delisle, Favaux « et Ringlet sautèrent au cou de MM. La Coste, « Jourdain, le baron de Witerspach, et deux autres « officiers du deuxième bataillon du régiment de « la Guadeloupe, en garnison à Tabago, en leur « disant : Permettez-vous que Grelier soit prési-« dent? Ces officiers crient, au milieu de l’assem-« blée, qu’ils ne veulent pas que M. Grelier soit « président : l’assemblée répond unanimement » qu’il le sera; et au même instant entre M. de « Roger, capitaine, commandant le deuxième ba-« taillon, qui, s’approchant de M. de Jobal, lui « observa que M. Grelier n’ayant point de posses-« sion dans la colonie et étant officier d’adminis-« tration, n’avait pu être agréé par l’assemblée. « M. de Jobal fit faire silence ; et, s’adressant à « l'assemblée, prononça ces mots : Reconnaissez-« vous M. Grelier pour votre président? Il s’éleva « une voix unanime qui proclama de nouveau « M. Grt lier président de l’assemblée. » M. Roger s’étant retiré, on entendit une rumeur à la porte de l’assemblée, M. de Jobal sortit, et quelques moments après, M. l’ordonnateur le suivit, et fut accompagné d’un si grand nombre de personnes, que rassemblée fut interrompue. Je mepermettrai ici d’interrompre la narration des faits passés à cette séance, pour instruire l’Assemblée nationale de ce qui se passa hors de l’assemblée générale et patriotique de Tabago. Les officiers de la troupe, rangés en bataille sur la place d’armes, refusèrent de faire prêter à leurs soldats le sermeDt civique, en présence du président de l’assembléegénérale;üy eut beaucoup de mouvements dans la troupe; mais M. de Jobal, se servant du prétexte de cette explosion, feignit d’être forcé par les circonstances, « et lit prêter « le serment aux officiers et aux soldats en pré-« sence des membres de l’ancien comité » de rassemblée ministérielle « de Tabago ». « Après cette opération, l’on revint à l’Assem-« blée, où M. le commandant annonça que la « troupe avait prêté le serment en présence de « MM. les membres de l’ancien comité intermé-« diaire de l’assemblée coloniale de Tabago. » M. le président ayant demandé à M. Dangleberme s’il acceptait la place de vice-président, et celui-ci l’ayant refusée, l’assemblée décida que M. Robley, étant celui qui avait eu le plus de voix, après M. Dangleberme, pour être président, devait être substitué à la place de M. Dangleberme. M. Robley prit séance en cette qualité, et l’as semblée procéda ensuite à la nomination des six autres députés, et MM. Fadeuilhe, Paterson, Thomas Guirie, Irvine, docteur Campbell et Stewart furent élus à la majorité des voix, et prirent séance. Ensuite le comité élut pour son secrétaire M. Le Borgne, et ledit comité s’ajourna au 3 novembre suivant (1). Le 29 octobre 1789, le Te Deurn fut chanté au gouvernement; après lequel l’on se rendit à des tables que MM. les administrateurs avaient fait préparer. Il sera aisé de se persuader que la troupe n’assista pas au banquet, mais ce qui est hors de toute croyance, c’est que l’on eût choisi ce même moment, où la joie devait être générale, pour exécuter un perfide complot contre tous les citoyens français; c’est ce qui arriva le soir, au sortir des tables et à l’ouveriure du bal. Les Français, enthousiasmés, ne cessaient de crier : Vive la nation! vive l’Assemblée nationale! vive le roil vive les administrateurs. Je sors du gouvernement, et passant devant la troupe, M. de Beuze, brave officier, qui la commandait, vient à moi et me dit : Monsieur Bosque, faites retirer les citoyens, ils sont en danger; l’on bat la générale. Je me multiplie partout, je les supplie de se retirer, ce qu’ils font. J’entre dans la salle de bal, (1) Ces faits peuvent être prouvés dans leurs moindres détails par les personnes qui se trouvaient à Tabago, et qui sont actuellement à Paris; leurs noms sont à la suite de ce mémoire. (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] 245 M. de Jobal vient à moi, m’embrasse, me témoigne combien il est satisfait de ce que j’ai eu le courage de travailler au bien général ; qu’il avouait avoir été trompé sur mon compte. Je lui réponds laconiquement que la suitele convaincrait mieux de mes vues, et je me retirai. Mais à peine avais-je fait deux pas en arrière, que le sieur Fontal-lard, assisté de plusieurs autres personnes, m’assaillissent, me frappent; je lève ma canne pour me défendre : plusieurs bons citoyens viennent me dégager, et je suis assez heureux pour m’esquiver. Pendant la durée de la fête, on ne voyait que des sabres nus voltigeant sur les têtes des citoyens; mais ces braves soldats n’exécutèrent pas les ordres qu’ils avaient vraisemblablement reçus. Je passerai sous silence tout ce qui se passa depuis cette époque jusqu'au 2 novembre, ayant tout ce temps re�é chez moi, d’après des informations que j’avais eues, qu’on avait gagné des soldats pour m’assassiner ; et même j’en ai vu, pendant plusieurs nuits, trois ou quatre devant ma porte, qui n’en sortaient que le matin. Ce jour, M. Grelier m’avertit que M. le commandant me conseillait de partir de la colonie, parce que mes jours étaient en danger. J’envoyai le sieur Blondel, mon clerc, chez M. le commandant, pour lui demander si vraiment il était instruit que l’on en voulait à ma vie : M. de Jobal répond que celle de MM. Grelier et Guys est aussi menacée, et qu’il ne pouvait répondre du bataillon; ne voulant être la cause d’aucun trouble dans la colonie, je l’envoyai de nouveau vers M. le commandant, pour avoir un congé, qu’il lui délivra fl). Dès l’instant que j’eus le congé, j’engageai le sieur Pacaud, navigateur, de me donner passage our la Martinique, et je m’embarquai sur son ateau le 2 novembre 1789, à dix heures du soir ; MM. Grelier et Guys ayant engagé le sieur Pacaud d’attendre jusqu’au lendemain, afin qu’ils pussent {iroliter de cette occasion pour partir de la co-onie, nous ne mîmes à la voile que le 3 du même mois, à dix heures du matin, et non-arborâmes le pavillon national... A peine avions-nous franchi la rade du Port-Louis de Tabago, que nous aperçûmes « une goélette anglaise sous son pavillon « avec plusieurs soldats à bord, qui nous don-« nait chasse. Nous dirigeâmes alors notre route « sur la Trinité espagnole, ne sachant pas ce que « cette goélette nous voulait, et ayant tout à « craindre du parti aristocratique, qui avait pris « le dessus par ses cabales : la goélette, meilleure « voilière que nous, ne larda pas à nous attein-« dre; elle assure son pavillon par un coup de « mousquet. Des anglais, sabre à la main, sautent « à l’abordage, nous constituent prisonniers, et « nous conduisent à la baie de Sandi-Point de « Tabago (2) ». MM. Grelier et Guys descendent à terre. Seul je reste à bord jusqu’au soir, où M. le commandant envoya ordre de m’amener à la ville du Port-Louis. Je suis conduit par huit soldats et le sieur de Witerspach, officier : à l’entrée de la ville, cinquante ou soixante soldats se joignent au huit qui formaient mon escorte, le prévôt Marshal me (l) Ce congé est à la liasse n° 2, sous la cote B. (2) Cette goélette anglaise se nomme l’Alcey Bridger , de la Grenade, capitaine William Bonnett. Parmi ceux qui montèrent à bord (sabre à la main) de la goélette où nous étions, je reconnus le capitaine Palmer, commandant un bâtiment, à l’adresse du sieur M’Kachan, négociant à Tabago. fit lecture d’un warrant, décerné sur les dépositions de quelques soldats, prises « par leurs offi-« ciers, dans lequel je suis accusé : « i° D’avoir dit à uu soldat qu’il pouvait aller « boire où il voudrait; « 2° Que j’avais dit avoir la compagnie de « M. Gordeiier à mes ordres (1); « 3° D’avoir reçu, comme secrétaire de l’as-« semblée patriotique, le serment de plusieurs « soldais (2). » Apres cette lecture, je suis conduit en prison, où, couché sur le plancher, l’on me met aux pieds une barre de fer de cent livres pesant. Ce fut donc sur des dépositions des soldats que je fus arrêté. Ces dépositions, comparées avec celles qui furent reçues par le comité colonial, et par deux juges de paix, ne présenteront qu’un tableau d'horreurs et de contradictions. Heureusement ces pièces, revêtues de toute l’authenticité nécessaire, sont en ma possession ; c’est le Ciel qui m’a protégé, j’ose le dire; et vous en serez convaincus, Messieurs, lorsque vous saurez toutes les peines que j’ai eues, et les périls que j’ai courus avant de me rendre à la capitale. Que l’on me permette ici d’expliquer les motifs qui donnèrent lieu aux persécutions contre moi. L’on se souvient qu’ayant été celui qui paraissait avoir convoqué la nouvelle assemblée, laquelle, par la sanction des représentants du pouvoir exécutif, se trouvait la seule légale à Tabago, l’ancienne assemblée devenait alors inactive. Les membres de l’ancien comité de cette assemblée ministérielle ne virent pas avec plaisir l’anéantissement de leurs pouvoirs. Le serment de la garnison, prêté en leur présence, et la réunion des officiers avec eux, leur firent projeter, n’osant m’assassiner ouvertement, de le faire sous le manteau de la loi. Dès l’instant, l’intrigue, la cabale, tous les moyens les plus iniques sont mis en usage. Je suis représenté aux soldats et aux habitants comme un scélérat qui a voulu envahir toutes les propriétés terriennes : l’on me prête les prétentions les plus absurdes, les plus ridicules; et peu s’en est fallu qu’ils n’aient allégué que je voulais métamorphoser la colonie de Tabago en une monarchie, pour me faire couronner. Les premiers qui paraissent sur l’arène, comme mes accusateurs, sont MM. Gilbert Pétrie, Thomas Wilson, William Smith, Thomas Gurrie, Nathaniel Steward et Robert Paterson, tous membres de l’ancien comité colonial. M. Gilbert Pétrie, ayant convoqué le comité le 3 novembre, d’après le vœu unanime de ses collègues, « observe que l’objet le plus essentiel de « la séance était de prendre en considération des « rapports d’une nature très alarmante, relative « ment à la sûreté de la colonie, sur les moyens « les plus efficaces pour la conservation de la paix « et la sûreté de Pile, d’après ce qui serait mis « sous les yeux du comité, et requiert que, si « quelqu’un pouvait donner des informations « concernant le danger dont il a couru le bruit « que la colonie est menacée, il les communique « au comité ». Après la réquisition de M. Pétrie, M. Dangle-berme fait à ce comité la dénonciation la plus fausse et la plus criminelle, dans laquelle il enveloppe les personnes dont il s’est déclaré l’en-(1) Cette compagnie était une des cinq qui composaient la garnison de Tabago. (2) Il m’a été impossible, malgré les demandes que j’en ai faites, d’avoir une expédition de ce warrant. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791. [ 246 Demi. Voici ses termes : « Ma motion a te >du à « mettre sous les yeux eu comité les justes mo-« tifs de <-raime du danger où toute l’île a été par « une assemblée illégale et illicite, convoquée « par un certain Bosque, Grelier, Guys de Sainte-« Hélène, et Pierre-Joseph Le Borgne. » Je prouve que cette première accusation 'est fausse. G’est moi seul, et je m’en honore, qui ai convoqué l’assemblée, d’après le vœu de mes concitoyens. Mais, pour servir entièrement les projets de M.de Jobal, il fallait qu'il supposât des crimes à ceux qui avaient les plus justes plaintes à porter contre ce commandant. Le sieur Dangleberme, visant à des emplois lucratifs, se ménageait encore, par ce moyen, le comité et MM. les officiers. Au soutien de ma motion, poursuit le sieur Dangleberme, « j’ai remis sur le bureau le nombre « des dépositions des différents soldats en gar-« nison en cette île (1), ayant été prié par « MM. les officiers de faire la présente motion en « leurs noms, et comme-ayant été la cause lég-« time du refus qu’eux et leurs troupes ont fait « de prêter le serment entre les mains du sieur « Grelier, nommé tumultueusement, et sans ap-« probation du plus grand nombre de citoyens ». M. Dangleberme n’est pas plus vrai dans cette assertion, contre M. Grelier, que dans sa première contre moi; M Grelier a été nommé pendant trois fois, par la majorité des suffrages deFassemblée générale, composée de tous tes habitants de Tabago. Assez de personnes, qui se trouvaient à la séance où M. Grelier fut élu président, sont actuellement à Paris, et pourront attester combien cette accusation est fausse, absurde et inique. Qu’avoue néanmoins M. Dangleberme, dans ce chef d’accusation ? Que les officiers militaires se sont rendus coupables envers les officiers municipaux choisis par les citoyens; que ces officiers ont désobéi à leur commandant, et que la haine contre les patriotes leur a suggéré de capter des dépositions de leurs soldats, afin que ces soldats, ayant déjà déposé devant eux, par la crainte du châtiment, ne passent ensuite se dédire de leur témoignage: mais la vérité est une, elle ne peut se cacher; ces témoins, captés ou intimidés, n’ont pu soutenir leurs rôles devant les juges, lorsqu’ils m’ont été confrontés, malgré que les officiers fussent présents à leurs dépositions. Je ne me permettrai pas de suivre la motion de M. Dangleberme dans tous les chefs d’accusation qui me sont indirects; j’observerai néanmoins ue partout elle offre des faussetés et des contra-ictions ridicules. « M. Dangleberme m’accuse aussi d’avoir se-« condé une motion tendant à faire venir M. le « commandant devant l’assemblée, pour y rendre « compte des motifs qui l’avaient porté à insulter « un député de notre assemblée. » Les opinions sont libres, et j’eusse pu seconder cette motion sans être coupable; j’avais voix délibérative à l’assemblée; il m’était donc permis de donner mon avis si les opinions eussent été enchaînées, ce n’aurait été qu’une assemblée d’esclaves. L’accusation est encore fausse; jamais il n’y a eu une pareille motion de faite à l’assemblée; as un témoin qui en dépose, pas même le sieur adeuilbe, qui ne laisse aucun doute nans sa défi) Ces dépositions étant extrajudiciaires, ainsi que celles qui furent reçues par les juges de paix, je ne les ferai point imprimer : mes juges sont instamment suppliés de vouloir les comparera celles qui furent prises à la cour criminelle. Ces dépositions sont à la liasse n° 2. claration, qu’il ne fûtveeu pour exprimer ce qui se disait et se f .isait à l’assemblée. Le dernier chef d’accusation du sieur Dangle-l erme est aus�i contradictoire et aussi faux que les autres. « Il accuse le sieur Pacaud d’avoir c voulu assassiner le sieur Fadeuilhe, le jour que « celui-ci lit la motion de ne point recevoir le « serment civique des militaires, et ce jour était « Je matin du 27 octobre 1789. » Le sieur Fa leuilhe, qui est l’homme cité par le sieur Dangleberme, dépose « que lui, Fadeuilhe, « ayant fait une motion tendant à déclarer l’as-« semblée illegale, elle fut opposée par moi, et « que mon opposition fut si bien soutenue de la « plus grande partie de l’assemblée, qu’une voix « quasi générale s’éleva pour le mettre dehors, « et que le nommé Pacaud se jeta sur lui, et n’au-« rait pas manqué de le mutiler, sans qu’il s’en « doutât si le sieur Bouteille n’eût empêché le « sieur Pacaud; mais enfin que tout s’apaisa, et « l’on fut aux voix. » Mais le jour qu’il fut délibéré sur la légalité de l’assemblée « était le « 25 octobre 1789 après midi ». Voici le fait: le sieur Fadeuilhe niait la légalité de l’assemblée; le sieur Pacaud opinait pour le contraire; les esprits s'échauffent; le sieur Pacaud, près du sieur Fadeuilhe, joint des menaces à ces arguments; le président ramène tout à l’ordre, et l’on est tranquille. « Ici M. Dangleberme prie le comité ministériel, « au nom de MM. les officiers et au sien, de sta-« tuer ce qu’il appartiendrait, sur sa déposition « et celle des soldats. » Mais quel droit avait M. Dangleberme de provoquer l’instruction de mon procès? Et quel droit enfin avaient Messieurs de l’ancien comité ministériel de l'instruire? Aucun assurément. Le juge de paix, d’après une ou plusieurs dépositions faites devant lui sous serment, a le droit, suivant les lois anglaises, de provoquer l’intervention du procureur du roi, pour la vindicte publique ; alors celui-ci demande, si le cas le requiert, la proclamation d’une cour criminelle. Quoique le sieur Dangleberme fût juge de paix, il n’en prit point la qualité dans sa dénonciation, et n’a agi que comme l’agent des officiers qui l’avaient chargé de me dénoncer à Messieurs du comité, sur ries dépositions prises dans l’ombre du mystère; mais le comité n’avait pas plus de droit d’informer que mes premiers accusateurs. L’assemblée ministérielle de Tabago, de qui le comité tient ses pouvoirs, n’a que le droit,, d’après l’ordonnance du 21 octobre 1789, qui la constitue, d’asseoir, de recouvrer et répartir l’imposition de la colonie de Tabago, sous le mode qu’elle jugera convenable, d’après la fixation qui en est déjà faite par Sa Majesté. Après la dénonciation de M. Dangleberme, le comité reçoit des déclarations signées des personnes, et il est ordonné de les déposer. G’est sur des dépositions de cette nature que ce comité demande à M. le commandant, sous le prétexte que la colonie courait des dangers, que la garde fût doublée; et c’est sur cette demande que M. le commandant, qui paraissait avoir donné lieu à mon départ de la colonie, pour me sauver des fureurs de la cabale, se porte à donner des ordres contre moi. Voilà donc ce que voulait M. de Jobal; voilà ce que tramaient les officiers et les membres de l’ancien comité de l’assemblée ministérielle de Tabago, depuis le 28 octobre jusqu’au 3 novembre; voilà donc enfin la conduite de ce commandant [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1T février 1791.J 247 qui se dévoile : tantôt sanctionner l’assemblée patriotique et la désapprouver; tantôt jouer le citoyen et conduire tout avec perfidie. C’est au moment que la colonie paraît une, où les têtes calmées annoncent la paix, que les officiers de la garnison refusent d’obéir à leur commandant; c’est ainsi que, paraissant céder à la force, il consent que les troupes prêtent le serment entre les mains de ceux qui sont intéressés au maintien de l’ancienne Constitution; il ne borne pas là ses cruels desseins; les fêtes sont l’appât trompeur préparé à d’honnêtes citoyens qui, s'ils n’ont pas été immolés à la fureur aristocratique, ne doivent leur vie, j’ose le dire, qu’aux soldats de la garnison. Les cartouches distribuées, la générale battue, les sabres suspendus sur la tête des Français, tout n’annonçait-il pas des ordres inhumains? Le zèle patriotique et l’honnêteté des soldats ne secondèrent pas la bassesse des forcenés qui les excitaient. Quelques âmes viles sont plus faciles à corrompre ou à intimider qu’une garnison. Le 3 novembre est le jour qu’ils croient pouvoir exécuter leurs complots; et c’est le jour que M. le commandant signe une lettre de recommandation (1), qu’il joint à un congé qu’il m’a déjà délivré (2); et c’est ce même jour que, secondant la réquisition du comité ministériel, il lui fait réponse : que lorsqu’il lui fera de pareilles demandes, il sera obéi à la minute (3); et c’est ce jour qu’il donne ordre à un bâtiment anglais de nous arrêter. Celui-ci, assuré de l’impunité, ne respecte ni le pavillon national, ni le droit des nations, arbore son pavillon, l’assure par un coup de feu, et les forcenés anglais qui s’y trouvent sautent à l’abordage, sabre à la main, et se mettnnt en posture d’assassiner des hommes qui n’ont, pour toute défense, qu’un courage vertueux, soutenu par leur patriotisme. Après toutes ces opérations, les membres du comité se ravisent; ils voient qu’ils ont agi illégalement; mais, munis des déclarations qu’ils ont captées, ils se croient sûrs de l’exécution de leurs projets; ils s'adressent à deux juges de paix, qui sont MM. Irvine et Saint-Léger, et deviennent mes accusateurs auprès de ces deux magistrats qui, s’étant rendus au comité ministériel, commencèrent l’instruction de mon procès. Le 4 novembre 1789, je fus conduit devant le comité; et là, le sieur Irvine me demanda si je n’avais rien à dire pour ma décharge : lui ayant répondu que mon accusation me paraissait si frivole, qu'il était inutile de faire de réponse, je fus conduit de nouveau en prison. Cette fois-ci mes (1) Tobago , le 3 novembre 1790. Monsieur et ami, le sieur Bosque, porteur de la présente, a porté le zèle patriotique à l’excès dans cette colonie, il pourrait bien lui en résulter des inconvénients ; et comme notre but est de faire tout oublier par la douceur de notre conduite, nous l’avons engagé à sortir de Plie. Nous vous prions de lui procurer une place à Sainte-Lucie ; et si vous ne pouvez le faire, nous vous prions de le recommander à la Martinique ou à la Guadeloupe. Nous sommes, avec les sentiments que nous vous avons voués dès longtemps, Monsieur et ancien ami, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Signé : le chevalier de Jobal, et Roume de Saint-Laurent. A Monsieur Lequoi de Montgiraud, à Sainte-Lucie. (2) Voyez la liasse n° 2 sous la cote B. (3) Voyez l’extrait des minutes du comité de l’assemblée ministérielle de Tabago, sous la côte G, à la liasse n° 2, fers me sont ôtés; mais trois sentinelles et six assassins, sabre à la main, un sergent et un officier à leur tête, font la garde d’honneur que j’ai à toutes les visites qui se font d’heures à autres dans ma prison. ' Les sieurs Irvine et Saint-Léger trouvèrent, d’après les déclarations de différents particuliers, et dépositions, qu’il y avait un chef d’accusation suffisant pour décerner contre moi un décret de prise de corps, comme accusé de mépris contre la personne du roi et du gouvprnement (l). Les autres séances de ce comité ne vous présentent qu’un tableau effrayant contre MM. Gre-lier et Guys; ils captent des déclarations des soldats, les envoient à MM. Irvine, Saint-Léger et Ghancel. Ces magistrats font venir devant eux les témoins désignés et leurs dépositions leur paraissent si contraires à leurs déclarations, que ces magistrats, guidés par leurs devoirs, malgré les vives réclamations au comité, ne peuvent décerner contre ces citoyens aucuns décrets. J'observe que ces déclarations et dépositions présentent néanmoins une contradiction si évidente, que je ne puis me dispenser de supplier mes juges de vouloir bien en faire la comparaison avec celles qui furent faites à la cour crimi-minelle, lorsque ces témoins me furent confrontés. J’observe aussi que les déclarations reçues par le comité, sont extrajudiciaires, que les dénonciations en forme de dépositions, faites contre moi devant les deux juges de paix, ne peuvent servir ni à ma charge ni à ma décharge. Les dépositions sous serment, reçues par des juges de paix en Angleterre, ne donnent lieu qu’à décerner un warrant ou décret de prise de corps contre un accusé, à moins qu’un des témoins ne vînt à décéder avant la tenue de la cour; alors cette déposition est lue, et les juges y ont égard ou non : mais, si ces cas ne se rencontrent pas, il n’y a que les dépositions faites devant la cour criminelle anglaise, où se trouvent les jureurs et et l’accusé, auxquelles on défère. Le 5 novembre, M. de Jobal proclama une cour criminelle pour le 12 du môme mois (2). Voilà encore des fruits du patriotisme de ce commandant. Il est témoin des trames des ennemis de la Constitution ; il me sait en prison, puisqu’il a donné ordre de m'arrêter, il sait que mes accusateurs vont devenir mes juges, et il favorise l’exécution de leurs perfidies ; ii est donc plus coupable que ceux qui s’appuient de leur autorité. Le 12 du même mois, la cour criminelle prit séance (3); et de qui fut-elle composée? Vous frémirez, Messieurs, quand vous saurez que ce même comité, qui m’avait dénoncé à deux juge8 de paix, qui avait provoqué avec tant d’ardeur l’instruction de mon procès, qui avait capté des dépositions ; que lesieur Smiib, un d’entreeux, se trouve, à la fois, mon accusateur prévôt-maréchal, et par conséquent l’être qui choisit les grands et petits jureurs; ce comité, dis-je, fut le même qui osa se présenter pour me juger. A l’exception de MM. Roume de Saint-Laurent et Irvine, tous étaient mes ennemis ou mes dénonciateurs. J’ose dire mes ennemis; car l’on verra, par les dépositions qui furent reçues par cette cour, le sieurFagan, un des juges, récuserun témpin après qu’il a été entendu, parce que ce témoin venait de déposer la vérité. (1) Cette pièce se trouve sous la cote D. (2) Cette pièce se trouve sous la cote E. (3) Voyez la pièce cotée F. 248 [Asiemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n février 1791.) M. de Saint-Laurent qui avait été instruit, par la clameur publique, que le parti de mes ennemis était déridé à me fai? e pendre; qu’il avait éié même dit par les officiers, que si je ne l’étais pas, ils sauraient se rendre justice; que les jours de cet administrateur étaien t aussi menacés ; M. de Suint-Laurent eut assez de courage, en leur donnant des louanges que la force nécessitait, de prononcer un dbcour-, où il leur représente « la « honte de laquelle ils vont se couvrir, en jugeant, « d’après les lois anglaises, des accusations qui « ne pouvaient être considérées que comme une « des choses indispensables à la régénération de « la France; de leur dire qu’il ne leur appaite-« Dait pas de s’ériger en juges d’un fait exécuté « par 25 millions de Français (1) ». Tout cela ne peut arrêter leurs fureurs ; ils en veulent à mon honneur et à ma vie. Les grands jureurs donnent leur verdict, dans lequel je suis accusé : « 1° D’avoir affaibli le gouvernement de Sa « Majesté, et porté atteinte à la discipline mili-« taire, en disant au soldat Garrot que les soldats « devaient aller boire où ils voudraient; « 2° D’avoirdit à plusieurs personnes que j’avais à < mes ordres la compagnie de Cordelier ; « 3° Que le 27 octobre, dans une assemblée « illégale, j’avais reçu le serment de plusieurs « soldats (2) ». Je réponds en deux mots au premier chef d’accusation, que, quand même j’eusse dit à des soldats qu’ils pouvaient aller boireoùils voudraient, sans autre autorité que la mienne, je neleurdonnais aucuns pouvoirs de le faire ;qu’indépendamment de cette raisoo, peu m’importait que les soldats fussent boireà la cantine du régimentou ailleurs, puisque, n’étant ni marchand ne vin, ni agent de ces marchands, je devais considérer l’objet comme m’étant tout à fait indifférent ; fait pour lequel on ne pouvait me supposer un crime, puisqu’il ne présente aucun dessein prémédité, et qui n’est qu’un allégué mis eu avant, au hasard. Comment 24 grands jureurs, sur une délation aussi peu fondée, ont-ils pu m’accuser d’avoir voulu affaiblir le gouvernement de Sa Majesté? C’était d’après les lois anglaises qu’ils devaient porter leur verdict, puisqu’ils ne voulaient prendre aucune part à la nouvelle Constitution française. Examinons donc quel est le cas, selon les lois anglaises, où l’on peut établir ce chef d’accusation. « Si on écrit contre eux, dit la loi, en « parlant des souverains, si on les maudit, si on « leur souhaite du mal, si on rapporte des histoi-« res scandaleuses, auxquelles ils sont intéressés, « et qui peuvent tendre à affaiblir le zèle des « sujets, nuire au gouvernement, ou exciter « contre le souverain la jalousie et la méfiance de « ses peuples. » Voilà les cas, suivant la loi anglaise, où l’on peut être accusé de ce crime. Mais un de ces cas existe-t-il, en disant à un soldat que la troupe pouvait boire où elle voudrait ? Je ne pouvais donc, sous le prononcé de la loi, être accusé de ce crime, et le grand juré se permet ce prononcé, et ose avancer que j’ai voulu méchamment et calomnieusement affaiblir le gouvernement de Sa Majesté. 0 esprit de parti ! 0 indignité ! Le deuxième chef d’accusation porte que j’avais (i) Cette pièce se trouve à la liasse n» 2, sous la cote A. (2) Voyez la pièce sous la cote G. dit avoir la compagnie de Cordelier à mes ordres. Pourquoi euessé-je ditavoir cette compagnie à mes ordres ! Par quels motifs ? Expliquez-vous. jureurs ? Vous voulez que je l’aie dit, hé bien 1 quel mal y aurait-il ? Que supposez-vous de cette phrase qui ne renferme aucun sens? Que j’ai excité des séditions, du trouble? Si je l’ai fait, c’est, sans doute, un crime ; mais alors il y aura eu entre les soldats et moi quelques complots nuisibles à la tranquillité publique. « D’ailleurs, « la garnison de Tabago était composée de cinq « compagnies, dont quatre étaientau fort Castries. « Cetie forteresse domine la ville du Port-Louis, « à une portée de mousquet, et la compagnie de « Cordeliier était casernée en ville. Or, comment « y aurait-il pu avoir un complot avec unecorn-* pagnie isolée, laquelle, composée d’environ « 100 hommes, en avait 400 à combattre, « qui, par l’avantage de leurs positions, en va-« laient 10,000 ? Peut-être ai-je voulu, sui-« vant ces dépositions, gagner toute lagarnison; « mais alors, il y aura eu de l’argent distribué, « des armes données ou promises des munitions, « un signal pour former le ralliement, au mo-« ment et à l’instant que l’exécution du complot « devait produire son effet. » Non, rien de tout cela, serez-vous obligés de dire : les déclarations qu’on nous a remises ne parlent que vaguement de la compag ie de Cordelier, et ne donnent pas même à présumerqu’il y eût aucun dessein de formé avec cette compagnie. Hé quoi 1 vous vous permettez, sur des dépositions aussi déniées de vraisemblance, d’eu former un chef d’accusation au criminel ! vous, grands jureurs ! vous, les gardiens de l’honneur du citoyen, vous osez le compromettre si légèrement 1 Quelles réflexions votre conduite ne fait-elle pas naître I Ou vous êtes gagnés par les membres du comité ministériel, ou vous êtes effrayés des propos menaçants qui se tiennent depuis mon emprisonnement : c’est l’un ou l’autre de ces cas. Le troisième chef d’accusation porte que le 27 octobre, dans une assemblée illégale, j’avais reçu le serment de plusieurs soldats. le réponds que notre assemblée était sanctionnée par les administrateurs de Tabago, et constituée en assemblée patriotique. Mais, qu’à supposer qu’elle n’eût pas été légale, alors la sanction que vous et tous les habitants de la colonie donnâtes avec les représentants du pouvoir exécutif, )e26octobre 1789, à toutes les opérations, lui donnait toutela légalité requise. Or, en m’accusant, nevous corn prenez-vous pasdans cette accusation, puisque voi s avez sanctionné en entier ce qu’elle avait fait? D’ailleurs, j’étais secrétaire de cette assemblée, et ce n’était que d’après son arrêté que j’avais reçu le serment civique des soldats qui se présentaient pour le prêter : instrument des volontés de l’assemblée, je m’en glorifie. C’est donc là mon plus grand crime, c’est celui qui est prouvé, c’est celui que j’avoue; c’est enfin le titre le plus cher à mes vœux, que n’avoir exécuté, comme secrétaire, les volontés d’une assemblée de bons patriotes français. Le 13 du même mois de novembre, je suis conduit devant mes accusateurs et mes juges; il m’est fait lecture des accusations contre moi, ensuite on nomme des petits jureurs, et les témoins sont entendus. Le sieur Fav< aux Ringlet, premier témoin, « dit « que j’ai déclaré avoir, quand je voudrais, Ja « compagnie de Cordelier à mes ordres, mais 249 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] « qu’il ne sait pas pourquoi ; qu’il protesta contre « la légalité de notre assemblée, à moins qu’elle « ne fût sanctionnée par MM. les administrait leurs » . J’observe, sur la déposition de ce témoin, que ce fut un de ceux qui protestèrent contre l’assemblée; mais quelle foi la cour pouvait-elle ajouter à la déposition d’un témoin qui dét lare avoir protesté contre l’assemblée patriotique de Tabago, et qui par conséquent s’était déclaré ouvertement l’ennemi de tous ceux qui la composaient? Que dit ce témoin? Que j’ai déclaré avoir la compagnie de Gordelier à mes ordres. Cette déposition est aussi isolée que le deuxième chef d’accusation contre moi : point d’assertion, pas un mot qui conduise à savoir pourquoi j’avais cette compagnie à mes ordres. Le sieur Dufresnoy, deuxième témoin, dépose du môme fait que le précédent. Ce témoin est encore un des cinq qui protestèrent contre la légalité de notre assemblée; il sera donc inutile de rien ajouter à la réfutation précédente. Le sieur Thèbe, troisième témoin, « dépose du « même fait, et ajoute que je lui avais dit que les « soldats de la compagnie de Gordelier auraient « arboré des cocardes sans la permission du « commandant, et que je leur avais déjà donné « des rubans pour en faire. Ce témoin dit en « outre qu'il seconda une motion contre la léga-« lité de notre ass; mblée, à moins qu’elle ne fût « sanctionnée par les administrateurs». Voilà donc mon crime, suivant ce témoin; c’est d’avoir donné des rubans pour faire des cocardes nationales à des soldats : ce témoin avoue aussi qu’il désapprouvait l’assemblée, à moins qu’elle ne fût sanctionnée par les administrateurs. L’assemblée patriotique a cependant été approuvée par les signatures du commandant et de l’ordonnateur ; néanmoins le sieur Thèbe ne s’y est plus montré. Gomment ce témoin peut-il avancer une pareille assertion, sans démontrer que des vues d’intérêts l’obligeaient à se déclarer mon ennemi, pour faire sa cour à mes juges? Le sieur Bertrand Fadeuilhe, quatrième témoin, dit « qu’étant venu à l’assemblée patriotique, « il y trouva des soldats qui signèrent un ser-« ment en présence du président, du viee-prési-« dent et du secrétaire; que ce serment portait « d’être fidèle à la nation, au roi et à la loi; qu’il « attendit que les soldats fussent sortis avant de « faire sa motion, tendant à empêcher ce serment, « et que je m’opposai à cette motion; mais que « M. Greiier, président, donna son opinion, et « ordonna que le papier sur lequel les soldats et « les autres avaient souscrit, fût déchiré, ce qui « fut approuvé ». Immédiatement après cette déposition, le sieur Fadeuilhe en fait une tout à fait contraire, « et il « observe que les soldats ont signé sous ma di-« rection, sans la connaissance du président et « du vice-président. Il dit aussi qu il désaprouva « l’assemblée, etc Et que tous ceux qui avaient « été présents à la séance précédente furent » obligés de signer le serment, soit qu’ils le vou-« lussent ou non ». Les contradictions qui se trouvent dans cette déposition suffiraient pour prouver que le sieur Fadeuilhe est un faussaire; mais, pour plus grande preuve, je supplie mes juges d’examiner la déclaration du sieur Fadeuilhe, devant les membres de l’ancien comité ministériel de Ta-bago; on y verra ce même témoin dire que M. de Ghancel le jeune, ayant été chargé de faire signer le serment civique par tous ceux qui composaient l’assemblée, « un militaire s’étant présenté «pour le signer», M. de Chancel demanda s’il fallait recevoir sa signature, et « qu’il s'éleva alors « un cri général, oui ». On verra aussi ce même témoin dire, dans cette déclaration, qu’après son opposition par la récepûon du serment civique, « M. le président, M. de Ghancel, et M. Guys « dirent que les soldats étaient des citoyens ». Or, d’après sa première déclaration, c’est d’après le vœu de mes concitoyens que j’ai reçu le serment des soldats, puisqu’étant le secrétaire de l’assemblée patriotique j’étais obligé de suivre ses ordres. Le commencement de sa déposition à la cour criminelle avoue que « ce fut en présence des « président et vice-président que j’avais reçu le « serment des soldats » ; mais, étant placé directement à leurs côtés, pouvais-je recevoir ce serment sans qu’ils en eussent connaissance ? E!t ce même témoin ose dire, quelques instants après, « que je reçus ce serment sans la connaissance « des président et vice-président ». Est-ce les juges qui ont mal entendu ? Est-ce le faux témoin qui a manqué de mémoire ? L’alternative est facile à décider. Cette déposition dit ausd « que je me suis « opposé à ce que l’on déchirât le serment (1) ». Assurément, je m’y opposai, parce que les minutes de notre assemblée devaient toujours rester in statu quo , afin de prouver la légitimité de nos opérations. Aussi, lorsque je fus jugé à cette cour inique, « je ne cessais ae demander les mi-« nutes de notre assemblée, pour prouver la « conduite des patriotes à Tabago ; mais les ju-« ges s’opposèrent à ma demande (2) ». Le sieur Fadeuilhe dit aussi « qu’il fit plusieurs « motions tendant à déclarer rassemblée illé-« gale, etc., etc., etc. » Les mêmes moyens déduits contre les témoins récédents se présentent contre le sieur Fa-euilhe. Le sieur Fadeuilhe dépose, et c’est l’unique témoin qui parle de ce fait, « que l’on força ceux « qui étaient à l’assemblée de signer le serment » ; et c’est ce même Fadeuilhe, qui, le 3 novembre, en parlant de l’admission du serment des mili-taires ou non à l’assemblée, a dit « qu'il s’éleva « un cri général, oui ». D’ailleurs, le sieur Fadeuilhe, ou ceux qui avaient été, suivant lui, forcés de prêter le serment, pourquoi n’ont-ils pas été faire leurs déclarations au greffe public de l’île de Tabago ? A coup sûr, le sieur Fadeuilhe, qui est homme de loi* n’eût pas manqué cette occasion pour seconder les maximes des ennemis de laGonstitution.Quoi ! le soir, le sieur Fadeuilhe est forcé de prêter un serment, et le lendemain, suivant sa déposition, il se permet de venir désapprouver toutes les opérations de l’assemblée ! On l’écoute et sa demande est allouée. Quelles contradictions I N’est-ce pas ici le lieu de lui dire qu’un faux témoin doit avoir bonne mémoire? La déposition du sieur Garnaud,cinqu ème témoin, ne sera point réfutée, d’autant qu’elle m’est indirecte. Le sixième témoin, c’est le sieur Perrein, can-timer de la troupe à Tabago, qui, s’il eût été vrai que j’eusse dit aux soldats d’aller boire où ils (1) Examinez la première déclaration, vous verrez que ce fut le sieur Fadeuilhe qui demanda que la feuille du serment fût déchirée. (2) Ce fait peut être prouvé par plusieurs témoins qui se trouvaient à cette cour, et qui sont actuellement à Paris. 280 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791. voudraient, n’aurait pas manqué, étant animé par des sentiments de vengeance, de me charger ; et c’est cet homme que les juges reçoivent en témoignage contre moi. Hommes abominables 1 rien ne vous arrête : vous voulez venir à votre but ; vous n’y parviendrez cependant pas : ce témoin est honnête ; l’inimitié du commandant, la menace des officiers, vos sollicitations même, ne lui feront rien dire contre la vérité ; et sa déposition, écrite par un de mes accusateurs, mon ennemi et mon juge, quoique affaiblie sur deux faits qui sont avantageux aux Français de Tabago,sera une de celles qui vous fera rougir de honte, s’il est possible que vous en soyiez susceptibles ! Oui, voilà votre condamnation ; lisez 1 Traduction d’une des dépositions en anglais, PRISES LE 3 NOVEMBRE 1789, PAR LE SIEUR Wilson, un des juges. « Sixième témoin, Pierre Perrein, cantinier « de la troupe, dérlare que le 23 octobre 1789, « il se trouva à l’assemblée patriotique ; qu’il a .« signé un papier sur lequel étaient plusieurs « signatures ; qu’il répugnait beaucoup à cela, « la première lois, comme il ne voyait pas le « nom de M. Dangleberme ou quelqmautre qu’il « regardait comme les principaux de la ville ; 59 sous le sceau de nos armes et le contreseing de notre secrétaire, le 23 janvier 1790. Roume de Saint-Laürent. Par M. l’ordonnateur : Wyatt. N. Extrait des minutes à l'assemblée patriotique du 26 octobre 1789. M. le président ayant mis en question : 1° S’il était à propos que les gens de couleur, libres, portassent la cocarde, qui est le signal de la liberté, L’assemblée arrêta qu’ils la porteraient. 2° Si ces mêmes gens de couleur, libres, pouvaient participer à la fête qui se donnera jeudi prochain, c’est-à-dire s’ils pouvaient s’assembler pour manifester, par leur réjouissance, la part qu’ils prennent à la régénération de la nation. Il fut arrêté unanimement que les mulâtres seulement partageraient la joie commune, cedit jour, attendu qu’ils se sont toujours montrés très attachés aux blancs, et que cette privation pourrait aliéner leur esprit, ce qu’en bonne politique il était essentiel de prévenir ; mais que les nègres libres, sur lesquels on ne peut compter, et que l’on pourrait plutôt regarder comme des ennemis secrets, et des agents de leur nation, que comme des sujets français, ils devaient, à la vérité, puisqu’ils sont libres, arborer le signal de la liberté ; mais qu’étant important de veiller sur leurs démarches, l’assemblée croyait qu’il était de sa prudence de leur assigner uq jour différent de celui que M. le commandant a choisi pour célébrer la fête de la colonie. Grelier, président. Guys de Sainte -Hélène, vice-président. G. Bosque, secrétaire. 0. Aujourd’hui 27 du mois d’octobre 1789, en vertu de Doti e mission, en date de ce jour, à nous donnée par l’assemblée patriotique de cette île de Tabago, nous Fadeuilhe et Lafond, nous nous sommes transportés chez M. le commandant en chef de cette colonie, pour lui donner communication de notre arrêté de ia séance de cedit jour, tenue à 10 heures du matin. Lequel nous a reçus de la manière la plus honnête, et nous a dit qu’il allait faire assembler tous les habitants de cette île, pour se joindre à l’as.-emblée générale, qui sera convoquée mercredi prochain, 28 du présent mois, et qu'au sujet de notre arrêté, il avait déjà donné des ordres our que toute la troupe fût libre. Fait au Port-oms, l’assemblée tenante, lesdits jours et an que dessus. E. Lafond. B. Fadeuilhe. Liasse AT° II. A. Cette pièce a été soumise à MM. les commissaires des sections, ainsi que toutes celles qui sont citées ou imprimées. Voyez la note n° 1. B. TABAGO. Congé pour la Martinique. Il est permis à MM. Blondel et Bosque, habitants de la ville du Port-Louis de Tabago, de passer à la Martinique avec M118 Pally, ainsi que 2 petites négrites, à elle appartenant, et un nègre domestique. Donné à Tabago, le 2 novembre 1789. Bon pour jours. Signé : Le chevalier de Jobal. Collationné sur le congé original, remis de suite à M. Bosque, qui l’a rendu à Pacaud, maître de bateau. Ë. Lafond, notaire royal. Nous, Philippe-Rose Roume de Saint-Laurent, commissaire général ordonnateur de l’île Tabago et dépendances, certifions et attestons à tous qu’il appartiendra , que M° Lafond , qui a signé ci-dessus, est notaire en cette île, au seing duquel foi doit être ajoutée, tant en jugement que hors; en témoin de quoi nous avons signé les présentes, contresignées par notre secrétaire, et à icelles fait apposer le sceau de nos armes. Donné en notre hôtel, le 1er janvier 1790, en la ville du Port-Louis Tabago. Roume de Saint-Laurent. Par M. l’ordonnateur : Wyatt. C. Extrait de la sianee du comité tenue au Port-Louis, depuis le 3 novembre 1789, jusqu’ aul dudit mois. Présents : MM. Pétrie, doyen ; Thomas Wilson, William Smith, Thomas Currie, Nathaniel Stewart, Robert Paterson. Les minutes de la dernière séance furent lues. Le doyen observa alors que l’objet le plus essentiel de la séance actuelle du comité intermédiaire était de prendre en considération des rapports d’une nature très alarmante, relativement à la sûreté de cette colonie, et de délibérer sur les moyens les plus efficaces pour la conservation de la paix et la sûreté de cette île, d’après les informations qui pourraient être mises sous ses yeux. La susdite minute ayant été lue devant uu auditoire nombreux, le doyen requit que si quelqu’un pouvait donner des informations concernant le danger, dont il a couru le bruit que la colonie est menacée, il les communique au comité. Sur quoi M. Dangleberme, l’un des juges de la cour de commission, déposa sur le bureau la déclaration suivante : « Ma motion a tendu à mettre sous les yeux du comité, ici assemblé, les justes motifs de crainte du danger où toute l’île a été, par une ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {17 février 1791. J 260 (Assemblée nationale.] assemblée illégale et illicite, convoquée par un certain Bosque, Grelier et Guys de Sainte-Hélène, Pierre-Joseph Le Borgne, au soutien de laquelle motion « j’ai remis sur le bureau nombre de défi positions des différents soldats en garnison en « cette île, ayant été prié par MM. les officiers « de faire la présente motion en leurs noms, et « comme ayant été la cause légitime du refus « qu’eux et leurs troupes ont fait (1) de prêter « serment entre les mains du sieur Grelier, nommé « tumultueusement, et sans approbation du plus « grand nombre des citoyens (2) », qui avaient été comme eux convaincus de l’espèce de sédition qui se tramait dans rassemblée où ledit sieur Grelier prenait indécemment la qualité de président. Cette prétendue assemblée, croyant avoir la plus grande partie des troupes à sa dévotion, se croyait tout permis; elle envoya vers M. le commandant en chef, M. Le Borgne, son greffier, en qualité de député (3); mon dit sieur le commandant ayant mal reçu la députation, le sieur Le Borgne revint à l’assemblée, se plaignit beaucoup, et fit une motion, par laquelle il priait MM. de l’assemblée de prendre en considération les affaires avec le commandant, « qu’il la priait « de faire à ce sujet un mémoire, pour être en-« voyé à l’Assemblée nationale à Paris, et défi mander justice (4) ». Le même jour, ou le lendemain, l’Assemblée envoya M. de Chancel le jeune en députation vers M. le commandant; il fut mal reçu; et, revenu à l’assemblée, il fit son rapport; alors M. Guys de Sainte-Hélène, commissaire de guerre, fit une motion, par laquelle il proposa de mander mon dit sieur le commandant devant l’assemblée, pour rendre compte des motifs qui l’avaient porté à recevoir durement un membre de leur assemblée, et il y eut des opposants à cette motion ; et contre l’avis des sieurs Grelier et Bosque la motion n’eut pas lieu. M. Fadeuilhe, membre de l’assemblée, ayant représenté combien ils seraient répréhensibles en recevant le serment des soldats, qui, ayant vendu leur liberté au roi et à la nation, en s’engageant, ne pouvaient plus le prêter une seconde fois, à moins qu’ils ne fussent relevés de leur serment par la nation en France (5). Cette motion attira au sieur Fadeuilhe les plus vifs reproches par ses chefs. Il y eut même un nommé Pacaud, maître de bâteau, qui pensa l’assassiner devant toute l’assemblée; cependant on fit droit sur la motion, et le cahier où les soldats avaient signé fut déchiré. Je prie ce respectable comité de prendre en considération ces présentes, ainsi que les diffé-(1) La troupe u’a refusé que d’après l’ordre de ses officiers ; et encore, pour que les soldais prêtassent le serment entre les mains de l’ancien comité de l’assemblée ministérielle, on fit placer devant eux M. Roume de Saint-Laurent. Les soldats, qui avaient une grande confiance en cet administrateur, ont cru qu’il avait été nommé président de l’assemblée patriotique et que les autres personnes étaient les membres de son comité. (2) Ceux que désigne M. Dangleberme, pour le plus grand nombre des citoyens, étaient la trentième partie qui formait le parti d’opposition. (3) M. Le Borgne n’était pas greffier de l’assemblée patriotique ; il a été élu, par le comité de l’assemblée générale, le 28 octobre, secrétaire dudit comité. (4) Quel crime! (5) Le sieur Fadeuilhe ne parla pas de la nation ; sa motion, tel que je l’ai dit, et ainsi qu’il a été prouvé, contre mon avis, eut sou exécution. rentes dépositions des soldats, que j’ai mises sur le bureau, de la part de MM. les officiers du régiment de la Guadeloupe, pour, par vous, Messieurs, statuer ce qu’il appartiendra, tant contre ledit Bosque, que contre ses complices, fauteurs ou adhérents. Au Port-Louis-Tabago, ce 3 novembre 1789. Signé : DANGLEBERME. Des délibérations, signées par des personnes, furent aussi mises sous les yeux du comité, et ordonné qu’elles seraient déposées. Le comité arrêta que la lettre suivante serait envoyée à M. le commandant en chef : « Monsieur, en conséquence des informations « authentiques, et sous serment, qui nous ont été « données, etc. (1). Le secrétaire, ayant eu ordre de remettre la susdite lettre, rapporta pour réponse que M. le commandant faisait dire au doyen que toutes les fois que le comité ferait des demandes semblables, il serait obéi à la minute. M. Fadeuilhe, avocat, remit au comité une déclaration sous serment, en conséquence de laquelle la lettre suivante fut envoyée à M. le commandant (2). « Monsieur, etc., etc. Le comité, en conséquence, arrêta d’envoyer la lettre suivante à MM. lrvine et Saint-Léger, juges de paix. Le comité de l’assemblée coloniale ayant reçu des dépositions et autres informations relatives à la conduite criminelle de Charles Bosque et autres personnes, il croit qu’il est de son devoir de mettre sous vos yeux les pièces suivantes, que contient cette information; et il vous prie, en votre qualité de magistrat, de les prendre en considération immédiatement, et d’employer les voies de la loi pour administrer la justice, et assurer la paix et la tranquillité publiques. Peu de temps après, ces Messieurs parurent, et commencèrent leur enquête ou procédure. Sur quoi, etc., etc. (3). Pour copie conforme, certifiée par moi secrétaire de l’assemblée coloniale. WlGHTMAN. D Tabago, Mitimus contre Bosque. Edmond Saint-Léger et Christophe-Guillaume lrvine, juge de paix de l’île de Tabago, susdite, nommés pour la conservation de la paix du roi dans ladite île. (1) Voyez l’original sous la cote G, à la liasse n° 2; elle suppose du danger dans la colonie et demande que la garde soit doublée. (2) Voyez la même cote et la même liasse. (3) Voyez la suite des séances du comité, aux mêmes cote et liasse, ainsi que les déclarations déjà préparées et remises aux juges de paix à la même liasse. Toutes ces pièces étant utiles pour démontrer des contradictions et des nullités dans la forme de procéder de tout genre, seront remises à l’Assemblée nationale. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] Au prévôt-maréchal de ladite lie. Nous vous délivrons, avec ces présentes, le corps de Charles Bosque, ci-devant pratiquant la loi dans ladite île, accusé de mépris, ou mépris-sion contre le gouvernement et la personne du roi, en tâchant de séduire ses soldats de leur devoir; c’est pourquoi, de la part du roi, nous vous ordonnons que vous receviez ledit Charles Bosque immédiatement, et que vous le gardiez en sûreté dans votre geôle, jusqu’à ce qu’il en soit délivré par le cours de la loi, et vous ne manquerez pas, à votre risque et péril. Donné sous nos signatures et sceaux, au Port-Louis de Tabago, susdit, ce 4 novembre 1789. Signé : D. Edmond de Saint-Léger et G. -G. Irvine. Pour copie véritable : W. Smith, prévôt-maréchal. Nous, commissaire général ordonnateur de l’île de Tabago et dépendances, certifions que le sieur William Smith, qui a signé la présente copie, est réellement prévôt-maréchal, et que foi doit être ajoutée à sa signature, tant en jugement que hors. Donné sous le sceau de nos armes et le contreseing de notre secrétaire, à Tabago, le 23 janvier 1790. Roume de Saint-Laurent. Par M. l’ordonnateur : Wyatt. G. Indictement contre Bosque. Les jurés de notre seigneur le roi de France et de Navarre présentent, sous leur serment, que Charles Bosque, ci-devant pratiquant la loi dans la ville du Port-Louis, île susdite, du 20 au 28e jour d’octobre de l’année de notre seigneur Jésus-Christ 1789, dans la ville et île susdite, méchamment, malicieusement et contre son devoir, comme sujet de notre souverain seigneur le roi, d’affaiblir le gouvernement de ladite Majesté en cette île, en portant atteinte à la discipline des troupes de ladite Majesté, et avec cette même intention, déclara les même jour, an, et à l’endroit susdit, méchamment et malicieusement, à Garrot, soldat, « que les soldats doivent être libres d’al-« 1er boire où ils voudraient, qu’il en avait fait « signer à cet effet plusieurs, et proposa de faire « chez lui un dîner pour la compagnie de M. Cor-ci delier. >. Ce que ledit Charles Bosque a fait méchamment et malicieusement à l’insu des officiers commissionnés par ladite Majesté, pour le maintien et soutien de la discipline parmi les soldats. Les jurés, pour notre seigneur le roi, présentent de plus, sous leur serment, que ledit Charles Bosque déclara du 22 au 28 octobre de l’année de notre Seigneur Jésus-Christ 1789, dans la ville et île susdite, méchamment, malicieusement et contre son devoir, étant sujet de notre seigneur le roi, à plusieurs personnes aussi sujettes de sa majesté, « que la compagnie de M. Cordelier était « à ses ordres, et qu’il pouvait en disposer quand « bon lui semblerait », ladite compagnie de soldats appartenant au régiment de la Guadeloupe, étant alors, comme elle est encore en cette île, au service et à la solde de ladite Majesté. Les jurés, pour notre seigneur le roi, présentent de plus, sous leur serment, que ledit Charles Bosque, le 27 du mois d’octobre de l’année de notre seigneur Jésus-Christ 1789, étant, avec beaucoup d’autres personnes inconnues aux jurés, dans une assemblée illégale, qui fut tenue dans cette ville du Port-Louis de Tabago, méchamment, malicieusement et contre son devoir, étant sujet de Sa Majesté, « écouta deux soldats, qui étant « entrés au lieu où se tenait ladite assemblée, « vinrent lui parler à l’oreille, et leur fit signer « un serment ». Lesdits soldats étant alors dans ladite île à la solde et au service de Sa Majesté. Et ledit Charles Bosque n’ayant aucune autorité légale pour faire prêter ledit serment. Et les jurés de notre seigneur le roi disent, sous leur serment, que les faits susdits sont au détriment de la discipline militaire des troupes de Sa Majesté, et qu'ils ont été commis par ledit Gharles Bosque, les jour, an et lieux susdits, méchamment, malicieusement et illégalement contre la paix de notredit seigneur le roi actuel, sa couronne et dignité. Signé à l’original, déposé au greffe, de Chancel, procureur général. Pour copie collationnée sur celle déposée en ce greffe, et délivrée à monsieur l’ordonnateur, ce jourd’hui 3 décembre 1789. C. Wightman, secrétaire de la Couronne. Nous, commissaire général ordonnateur de Pile de Tabago et dépendances, certifions, à tous ceux qu’il appartiendra, que le sieur Gharles Wightman, qui a signé la présente copie , est réellement secrétaire de la Couronne, et que foi doit être ajoutée à sa signature, tant en jugement que hors. Donné sous le sceau de nos armes, le contreseing de notre secrétaire, à Tabago, le 23 janvier 1790. Roume de Saint-Laurent. Par M. l’Ordonnateur : Wyatt. Indictement. A. True bill, John Hamil-ton With his felfows. We ûnd the prisonner guilti of the facts witbiu mentio-ned, Archd, Moore Lyon with his fellows. Pour copie : Vrai bill, signé Jean Ha-milton et ses compagnons. Nous trouvons le prisonnier coupable des faits ci dessus mentionnés. Signé : Archd, Moore Lyon et ses compagnons. G. Wightman, secrétaire de la Couronne. H. Substance des dépositions qui ont été entendues , contre le sieur Charles Bosque, à la séance de la cour d’Oier et Terminer , tenue à la ville du Port-Louis de Tabago, le vendredi 13 novembre 1789, et certifiées par M. Roume de Saint-Laurent, ordonnateur; M. de Chancel, procureur général et MM. W. Irvine, P. A. Uu-faur, et Saint-Léger, juges de paix , siégeant à cette cour. Premier témoin. Favaux Ringlet, directeur général du domaine 262 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.1 par intérim. Il a entendu dire au sieur Bosque, dans le bureau du domaine, qu’il avait à ses ordres la compagnie de M. Cordelier, et qu'il ouvait en disposer quand il voudrait. Le sieur osque lui dit ces choses deux ou trois jours avant la première tenue de l’assemblée patriotique, et cela en parlant de l’assemblée qui devait se tenir quelques jours apiès : le sieur Bosque ne lui a pas dit pourquoi la compagnie de Cor. i elier était à ses ordres; Bosque panait de sang-froid; le déposant ne se rappelle point si c’était le matin ou le soir. Deuxième témoin, Dufresnoy, visiteur du domaine. Il a entendu dire au bureau, par le sieur Bosque, que ledit Bosque avait à ses ordres la compagnie de M. Cor-delùr, et qu’il pouvait en disposer quand il voudrait; cela trois ou quatre jours avant la première assemblée patriotique; c’était vers les dix heures du matin, et Bosque paraissait de sang-froid. Le déposant a été une fois à l’assemblée patriotique; il y a vu le sieur Bosque, et n’y a point vu des soldats. Troisième témoin, Thèbe, négociant. Le sieur Bosque a dit, dans son' magasin, qu’il avait la compagnie de M. Gor-delier; que si M. le chevalier de Jobal n’avait pas pris la cocarde, la compagnie de M. Cordelier l’avait prise, que cela ferait voir à un tas de lâches qu’ils avaient tort de ne pas revenir à l’assemblée patriotique : Bosque dit en outre au déposant quai avait fourni des faveurs pour faire les cocardes. Quatrième témoin. Bertrand Fadeuilhe, notaire royal. Il a vu, le 27, à Rassemblée patriotique, deux soldats qui, ayant parlé à l’oreille de Bosque, prirent un serment qui avait été rédigé la veille : Bosque lut le serment et les soldats le signèrent. « Le serment portait d’être fidèle à la nation, au roi et à la loi », et d’être traître, si on trahissait l’assemblée. Le déposant, après que les soldats fussent sortis, observa à M. Grelier (président de l’assemblée) l’impropriété de cette inconduite, et qu’il paraissait que la troupe était attirée : le président répondit que l’on avait pris, la veille, le serment d’un soldat, après quelques débats; le serment fut déchiré. Si le déposant ne lit pas la même observation la veille, c’est parce qu’il ne s’y trouvait point en sûreté la nuit, après avoir été menacé d’être jeté par la fenêtre. Les soldats s'adressèrent à Bosque, qui les lit signer, sans même en avoir prévenu le président. Il n’a été question de la compagnie de M. Cordelier, dans l’assemblée patriotique, que pour demander à M. le commandant de ne pas faire monter cette compagnie au fort. Ce que le déposant observa de plus mal dans rassemblée, c’est le serment, et deux hommes qui gardaient la porte pour empêcher de sortir. Un jeune homme fut ramené dans l’assemblée à coups de poing : le serment fut pris par MM. Crelier, président, Guys, vice-président, et Bosque, secrétaire, en levant la main, et l’on convint qu’il suffirait pour les autres de le signer. Cinquième témoin. Garnaud, négociant (l’un des membres du petit juré). Le déposant n'est allé qu’une fois à rassemblée patriotique, le lendemain du jour qu’il arriva. Il fit quelques observations relatives à l’assemblée de la Martinique. On ne voulut pas les suivre; il se retira. Le sieur Le Borgne voulut proposer que les délibérations auraient force de loi; mais le sieur Fadeuilhe lui ayant fait entendre que cela n’était pas bien, le sieur Le Borgne ne fît pas la motion. Sixième témoin-, Perrein, cantinier des troupes (le 23 octobre 1789 au soir). Il se trouva à l’assemblée patriotique; il ne voulait pas signer, parce qu'il ne voyait que les noms de M. Dangleberme et des administrateurs; mais on l’engagea de le faire; il le fit. La deuxième fois qu’il se rendit à l’assemblée, l’on en discuta la légalité. Il y vit entrer, le soir, un militaire en veste blanche, qui signa le serment. « Ce serment portait d’être fidèle à « la nation, au roi et à la loi; que l’on suivrait « les lois établies dans l’île jusqu’à ce que la « France en donnât d’autres et que ceux qui « y manqueraient seraient punis par l’assemblée « générale de la colonie, et que l’on ne manque-« rait ni aux chefs, nia personne. La légalité de « cette assemblée fut prononcée par une majo-« rite de 43 contre 27. «M. de Chance! (le cadet) proposa d’établir 4 comte missaires pour empêcher que la liberté ne « se changeât en licence. Loin d’y avoir fait de « mauvais projets, le président avait recom-* mandé de rejeter toutes les motions contraires « au bien public. » Les président, vice-président et secrétaire firent serment, et les autres le signèrent. Ge serment portait que celui qui abandonnerait l’assemblée serait indigne d’être Français. Bosque écrivit le serment par le désir de î’assemblée; le déposant n’a point dit à M. La Goste que ce serait dommage qu’il fût tué; et il n’en a jamais entendu parler. Septième témoin, Garrot, soldat du second bataillon de la Guadeloupe. Bosque lui a dit qu’il n’y aurait point de cantine et que les soldats pourraient boire où ils voudraient. Bosque lui a dit avoir fait signer beaucoup d’autres soldats au même effet; Bosque lui a dit qu’il se préparait à donner un dîner à la compagnie de M. Cordelier pour avoir mis un pavillon à sa porte. Bosque n’a proposé ni à lui, ni à d’autres, à sa connaissance, de venir à l’assemblée. Le déposant est allé une fois à l’assemblée; on ne lui proposa point de signer le serment. N. B. Le même témoin reparaîtra sous le n° 16. Huitième témoin. Potrinot, soldat du même bataillon. Il a mis sa marque ordinaire au bas d’un papier où on lui disait qu’il s’agissait d’être « fidèle à la nation « au roi et à la loi ». Le lendemain, voyant que « c’était une bévue », il rendit compte à son 263 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] capitaine; on ne lui a point parlé d’être fidèle à l’assemblée. Neuvième témoin. Galinier, idem. Il se rendit à l’assemblée avec trois chasseurs, et Bosque mit leurs marques ordinaires au bas d’un papier qu’on lui lut et dont il ne se rappelle pas; le lendemain, il en avertit son commandant; « ce n’est pas Bosque « qui l’a invité; il y fut, ainsi que trois autres « chasseurs, de lui-même; il n’avait jamais auparavant parlé à Bosque. » Dixième témoin. Gilbert Dupont, idem. Il descendait du fort, rencontra deux bourgeois qu’il ne connaît pas et qui l’engagèrent d’aller dans une maison où ses camarades avaient été. Il y alla; Bosque lui lut un papier où il s’agissait « d’être fidèle à la nation, au roi et à la loi * ; Bosque lui dit qu’il serait libre, « mais ne lui dit pas que cela le dispensait de ses obligations ». Onzième témoin. Morin, soldat du second bataillon de la Guadeloupe. Il n’a « jamais eu de communication avec Bosque ». Il alla, le 27 octobre 1789, à l’assemblée patriotique où il signa un serment à peu près semblable à celui qui fut prêté le 28 (le lendemain); il s’agissait « d’être fidèle à la nation, au roi et à la loi ». Le déposant, ayant ensuite eu peur d’avoir mal fait, en avertit son capitaine. Douzième témoin. Beauvais, idem. Il signa un papier où il s’agissait d’être « fidèle à la nation, à la loi », et d’autres mots bien placés, dont il ne se rappelle pas, et fidèle au roi; on l’invita d’engager ses camarades à venir; on lui dit qu’il était question de la liberté. Treizième témoin. Le Moine, idem. Un bourgeois l’engagea de venir à l’assemblée nationale (patriotique), lui dit qu’il serait libre, qu’il n’y aurait plus de cantine; il signa un papier, qui portait d’être « fidèle à la nation, au roi et à la loi ». Le bourgeois qui l’a invité se nomme Balade, et est tailleur. Quatorzième témoin. Devaux, idem. Bosque lui lut un papier qu’il n’a pas trop compris, lui dit que c’était pour sa liberté, pour la sienne et pour celle de la nation; Bosque lui: dit que l’on pourrait signer aussi bien le papier chez lui qu’à l’assemblée. Quinzième témoin. M. le baron de Widerspach, officier au régiment de la Guadeloupe. Le soldat Garrot lâcha des propos chez M. Tibeaux, entre autres que les soldats de la compagnie de M. Cordelier se proposaient de demander leur liberté le jour de la fête. Seizième témoin. Garrot (le même qui avait paru sous le n° 7.) Il a dit ce que vient de déposer M. le baron. « Mais ce n’est point à l’instigation de Bosque, « et c’était d’après ce qu’ils avaient ouï dire qui « s’était passé en France. » Dix-septième témoin. Damelet, soldat au second bataillon de la Guadeloupe. Bosque lui a dit que les soldats seraient libres d’aller où ils voudraient, sans lui parler de boire. Le déposant signa un papier à l’assemblée patriotique, entre les mains de Bosque, où il promettait d’être « fidèle à la nation, au roi et à la loi », de ne point « abandonner leurs drapeaux, ni le roi ». U fut invité par des bourgeois, et Bosque lui donna la plume pour signer. Dix-huitième témoin, Ghapp, tailleur, au Port-Louis. « Bosque lui « proposa de faire une souscription à l’effet de « donner des rubans pour faire des cocardes et « une fête à la troupe, avec 4 barriques de vin « et un bal. Bosque voulait régaler la compagnie « de M. Cordelier, la première. Il dit qu’il y « aurait bonne intelligence entre les bourgeois « et le militaire. Il chargea le déposant de faire « un drapeau national. Le serment de l’assem-« blée patriotique était de contenir le bon ordre « dans l’assemblée, le bien public, et que celui « qui y manquerait serait indigne d’être Français. « Demandé par l’accusé Bosque s’il ne lui « avait pas dit « que la cocarde se présenterait « d’abord à MM. les chefs ? » Oui. « N’a-t-on pas agité dans l’assemblée d’envoyer « les invitations aux habitants? Oui; mais il « fut défendu, par M. le commandant, de les « imprimer. « L’intention de l’assemblée patriotique n’était-elle pas d’adresser des remerciements à l’Assemblée nationale, et une bourse pour les veuves et les orphelins? » Oui. « Les habitants devaient-ils être invités au « dîner? » Oui. « Y a-t-il eu des imprimés envoyés à ce sujet?» Oui. « Demandé par M. Pétrie, l’un des juges : « A-t-il été question de nommer des commissaires dans l’assemblée patriotique? » Oui, 4 pour la police de l’assemblée. N.-B. M. le major Fagan, l’un des juges, récusa le témoignage de Cbapp, par des raisons qu’il déduisit; de sorte que ce témoignage a été annulé et que MM. du petit juré ont été requis de n’y avoir aucun égard. Dix-neuvième témoin. Bonnafond, soldat au second bataillon de la Guadeloupe. Il signa un serment à l’assemblée patriotique dont il ne se rappelle pas en entier, mais qui portait d’être fidèle -< à la nation, au roi et à la loi ». 264 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 février 1791.] Vingtième témoin . Chinsot, soldat au second bataillon de la Guadeloupe. Il entra par curiosité à l’assemblée patriotique, n’y resta que quelques minutes. Quelques jours après, il revint, engagé par deux bourgeois, et invité par le petit homme de la maréchaussée; il signa un papier qui portait que « tout bon Français devait être fidèle à la « nation, au roi et à la loi », et que c’était pour la liberté des uns comme des autres . Vingt et unième témoin. Beaulieu, soldat au même bataillon. Il n’a fait qu’entrer une fois dans l’assemblée patriotique, dont il ressortit au bout de dix minutes; étant en présence de M. Smith, Bosque lui dit : « Vous voyez ce que nous venons de faire pour vous; vous ferez la même chose pour nous. » Le déposant lui répondit que oui, si c’était à propos. Vingt-deuxième témoin. M. Smith, prévôt-maréchal. Le soldat Beaulieu, qui est perruquier, le peignait; Bosque entra d’un air riant et dit à Beaulieu : « Ha çà, vous savez ce que nous venons de faire pour vous; j’espère que dans l’occasion vous ne nous manquerez pas. » Les 22 témoins qui précèdent, ayant été présentés et entendus contre l’accusé Bosque, celui-ci fit entendre en sa faveur les sieurs Wyatt, Lafond, Blanchard et Sauveur, qui expliquèrent différentes particularités, mais qui ne dirent rien de contraire aux faits rapportés par les témoins contre l’accusé. Nous, commissaire général ordonnateur et président des cours ayant juridiction criminelle àTabago, certifions que les substances des dépositions ci-dessus sont conformes aux notes que j’ai prises à la cour d’Oïer et Terminer, le 13 de ce mois, et que je lus au petit juré, en lui donnant ma charge sur l’accusation contre Charles Bosque. Fait au Port-Louis-Tabago, le 18 novembre 1789. Roume de Saint-Laurent. Nous soussigné, chevalier, conseiller du roi, son procureur général aux cours ayant juridiction en l’île de Tabago, certifions, autant que notre mémoire peut nous le permettre, que l’extrait ci-dessus transcrit, renferme la substance des dépositions qui ont été reçues le 13 novembre 1789, à la cour d’Oïeret Terminer, contre le sieur Charles Bosque, accusé. Nous pouvons d’autant mieux certifier la fidélité de cet extrait, qu’en notre qualité de procureur général nous avons traduit ledit Bosque devant la cour d’Oïer et Terminer, à laquelle nous avons présenté les témoins ci-dessus dénommés, lesquels nous avons interrogés publiquement sur les faits expliqués en leurs dépositions. Nous certifions aussi que, par un usage que nous ne pouvons approuver, les cours d’Oïer et Terminer ne font pas rédiger légalement, par écrit, les dépositions des témoins qu’elles entendent. Les juges attentifs et scrupuleux en prennent ordinairement des notes, mais qui, n’ayant rien de légal, présentent peu de sûreté à l’ordre public et à l’accusé. Au Port-Louis de Tabago, le 28 janvier 1790. De Chancel, procureur général. Je soussigné, l’un des juges de la cour d’Oïer et Terminer, certifie que les dépositions ci-dessus sont la substance de celles faites devant la cour. P.-A. Dufaur. Je soussigné, certifie, autant que ma mémoire peut me le permettre, que les dépositions ci-dessus sont telles qu’elles furent faites devant la cour. W. Irvine. Je soussigné, l’un des juges de paix du quorum de cette île, et interprète général, ayant rempli les fonctions de cette dernière place à la cour d’Oïer et Terminer, certifie que les dépositions ci-dessus sont la substance et conformes à celles faites devant ladite cour. Au Port-Louis-Tabago, le 5 février 1790. Edmond Saint-Léger. H. Traduction littérale des mêmes dépositions , rédigées en anglais et certifiées par le sieur Thomas Wilson , un des juges de paix et accusateur. Premier témoin. Favaux du Ringlet, directeur du domaine par intérim, dit que le prisonnier avait déclaré dans son bureau, en présence de M. Dufresnoy, qu’il avait la compagnie de M. Gordelier à ses ordres, toutes les fois qu’il en voudrait faire usage; que cela se passa trois jours avant la tenue de l’assemblée patriotique du 23 octobre 1789, où ledit déposant se trouva, et que ledit déposant protesta contre la légalité, à moins qu’elle ne fût sanctionnée par MM. les administrateurs. Deuxième témoin. Dufresnoy, un des visiteurs du domaine, a entendu le prisonnier faire la même déclaration, en ce qui concerne la compagnie de M. Gordelier, comme le précédent témoin ; que cela se passa vers les dix heures du matin et que le prisonnier paraissait de sang-froid et réfléchi; que le déposant ne lui a pas entendu dire pourquoi il avait à ses ordres la compagnie de Gordelier; que le déposant s’est trouvé une fois à l’assemblée patriotique, mais qu’il ne s’y passa rien dans le temps qu’il y fut, si ce n’est l’élection du président, du vice-président et du secrétaire. Troisième témoin. M. Thèbe, marchand au Port-Louis, a entendu le prisonnier déclarer, dans sa boutique, qu’il avait la compagnie du capitaine Gordelier à ses ordres et que, si le commandant n’avait pas pris la cocarde dans le temps, la compagnie de Cor-delier l’aurait prise sans sa permission; et que tous ceux qui ne voudraient pas devenir membres de l’assemblée patriotique seraient regardés comme des poltrons, et que lui, Bosque, avait fourni des rubans à la compagnie du sieur Gordelier, pour faire des cocardes. Que le déposant fut deux fois à l’assemblée patriotique; la première, « lorsque les députés fu- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] 265 « rent envoyés vers les administrateurs pour les « requérir de légaliser leurs séances, et la se-« conde fois, lorsqu’il se joignit à la motion pour « déclarer leur séance illégale, à moins qu’ils « n’eussent obtenu la sanction de MM. les admi-« nistrateurs ». Quatrième témoin. Bertrand Fadeuilhe, notaire public, dit que le mardi 27 octobre, à midi, ayant appris que les soldats avaient été admis aux séances de l’assemblée patriotique, il s’y transporta avec MM. Gauthier, avocat, et Sornet. Qu’à son arrivée, il y « trouva plusieurs sol-« dats, qui signèrent un serment én présence du « président, du vice-président et du secrétaire ; « que ce serment portait d’être fidèle à la nation « au roi et à la loi (1) »; qu’il attendit que les soldats fussent sortis avant de faire sa motion, portant que l’assemblée n’avait pas de pouvoir de recevoir le serment des troupes sans la permission de MM. les administrateurs; « queM. Bos-« que fit une grande opposition à sa motion; » mais que M. Grelier, président, immédiatement après, donna son opinion et ordonna que le papier sur lequel les soldats et les autres avaient souscrit fut déchiré, ce qui fut approuvé. Le déposant observe « que les soldats ont signé « sous la direction de M. Bosque, sans la con-« naissance du président et du vice-président », et qu’il seconda la motion pour que toutes les séances de la présente assemblée fussent réputées illégales, n’étant pas sanctionnées par les administrateurs. Le déposant déclare qu’à la séance précédente tous ceux qui étaient présents furent obligés de signer le serment, soit qu’ils le voulussent ou non, et qu'il ne fût permis à personne de sortir sans l’avoir fait. « Le prisonnier a demandé au déposant s’il « n’avait pas secondé la motion qu’il avait faite « pour faire déchirer le papier sur lequel était « écrit le serment. Le déposant a répondu que « non. » Cinquième témoin. Garnaud, marchand dans la ville du Port-Louis et un des petits jurés, déclare qu’il est allé une fois seulement à l’assemblée , avec MM. Gauthier, Fadeuilhe et Saint-Léger; qu’il ne faisait que d’arriver à la Martinique, et qu’il proposa quelques motions semblables à celles qui avaient passé à la Martinique, lesquelles furent rejetées; qu’une motioa fut faite par M. Le Borgne, portant que toutes les délibérations qui étaient passées et qui passeraient dans la suite, seraient regardées comme lois du pays; que lui, déposant, argumenta avec force contre cette motion, ce qui fit qu elle fut rejetée. Sixième témoin . Pierre Perrein, cantinier de la troupe, déclare que, le 23 octobre 1789, il se trouva à rassemblée patriotique; qu’il a signé un papier sur lequel étaient plusieurs signatures ; qu’il répu-(1) Observez les contradictions qui se rencontrent dans cette déposition. gnait beaucoup à cela, la première fois, comme il ne voyait pas le nom de M. Dangleberme ou quelques autres qu’il regardait comme les principaux de la ville; que M. Bosque, le prisonnier, était là et était dit en qualité de secrétaire de l’assemblée; que, la deuxième fois qu’il se trouva à cette assemblée, une motion fut faite si elle était légale ou illégale, « et qu’elle fut déclarée « légale par 47 voix contre 23 ; qu’il y a paru un « soldat qui portait une veste blanche, qui se pré-« senta pour signer le serment, et que M. de « Ghancel le jeune se leva et demanda si on devait « permettre à cet homme de signer le serment « ou non; on consentit, et il fut permis au soldat « de signer le serment; qu’en addition à ce ser-« ment, autant que le déposant peut se rappeler, « les anciennes lois doivent être observées jus-« qu’après l’assemblée de toute l’île, qui devait « être convoquée le jeudi suivant », et que ceux qui manqueraient, recevraient une punition corporelle pour leur désobéissance; «que le serment « fut dressé par le président, le vice-président « et le prisonnier, comme secrétaire, et était « d’être fidèle à la nation, au roi, à la loi et à « l’assemblée patriotique, et que ceux qui aban-« donneraient ladite assemblée patriotique, se-« raient regardés comme des poltrons. Le dépo-« sant fut rencontré par M. La Goste, officier du « régiment de la Guadeloupe, qui lui demanda « s’il était encore résolu de se tenir au serment « qu’il avait pris dans cette assemblée ; ils doivent « être punis, et que lui et les autres membres « honnêtes devaient être distingués. Le déposant « fut interrogé s’il n’avait pas dit à M. La Goste « qu’il serait bien fâcheux qu’on le tuât ; à quoi « il a répondu que c’était la première fois qu’il « entendait un pareil discours. » Septième témoin. Garrot, barbier et soldat, déclare que le prisonnier Bosque lui dit qu’il n’y aurait plus de cantine; que les soldats seraient maintenant libres d’aller boire où il leur plairait, et qu’il payerait un dîner pour les soldats de la compagnie de Gordelier, pour les peines qu’ils avaient prises en plantant un mât de pavillon pour élever la couleur patriotique devant sa maison ; qu’il est allé à l’assemblée patriotique, mais qu’il n’a signé ni papier, ni pris le serment. Nota. — Le sieur Wilson rapporte, immédiatement après cette déposition, celle que lit le vingtième témoin. Pour ne laisser aucune ambi-uité sur cette transposition, nous la rapporterons ans son ordre naturel. Huitième témoin. Jean-François Potrinot, soldat du régiment de la Guadeloupe, déclare qu’en passant dans la rue, M. Bosque, le prisonnier, lui fit signe de monter à rassemblée patriotique; qu’il fit sa marque à un serment qu’il lui lut, et qui était d’être « fidèle à la nation, au roi et à la loi » . Neuvième témoin » Louis Galinier, soldat dito, déclare que lui et trois de ses camarades, se trouvant à l’assemblée patriotique, et M. Bosque, le prisonnier, leur présenta le serment pour signer, ce qu’ils firent, et 266 JAssemblée nationale,! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] que lorsqu’ils s’en furent, quelques membres leur dirent de faire leurs efforts pour engager le plus de leurs camarades à venir signer le serment. Dixième témoin, Gilbert Dupont, soldat dito, déclare qu’il a été rencontré, dans les rues de Port-Louis, par quelques citoyens, qui lui demandèrent s’il n’irait pas à une certaine maison où ses camarades étaient, et ne ferait pas ce qu’ils avaient fait, et que conformément à cela, il vint à l’assemblée, et on lui dit de signer un papier, qui était d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi » ; à quoi il voulut faire quelques objections; mais que M. Bosque, le prisonnier, lui dit qu’il n’y avait rien de mal là pour lui, qu’il était maintenant libre, et pourrait faire ce qui lui plairait; d’après quoi il fut décidé à signer le serment, il ajouta qu’il n’avait jamais entendu parler du repas que le prisonnier avait intention de donner à la compagnie deCordelier. Onzième témoin . Morin, soldat dans le même régiment, déclare que jamais il n’a entendu parler du repas que M. Bosque se proposait de donner aux soldats; qu’il fut à l’assemblée patriotique, où il vit M. Bosque, et signa le serment « d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi » ; qu’il n’y fut point engagé par quelqu'un et qu’il n’a point entendu M, Bosque inviter quelqu’un de ses camarades. Douzième témoin. Beauvais, soldat au même régiment, dit que lui et plusieurs de ses camarades furent invités par un citoyen de le suivre à la comédie (1), signifiant l’assemblée patriotique ; qu’ils y virent M. Bosque, M. Guys et le président, qui leur dirent designer un papier, ou un serment était écrit « d’être fidèle à la nation et à la loi », et quelques autres mots avec, dont il ne se rappelle pas, mais qu’il pense que c’était « d’être fidèle aussi au roi » ; qu’ils leur dirent qu’ils seraient maintenantlibres, et d’engager le plus de leurs camarades qu’ils pourraient à venir signer le même serment; qu’il n’y avait rien de mal là, car ils étaient une assemblée d’hommes libres. Treizième témoin, Le Moine, soldat du même régiment, déclare que M. Bosque lui avait dit que les soldats étaient maintenant libres et pouvaient aller boire où il leur plairait; qu’il a été engagé par un citoyen nommé Balade, tailleur, d’aller à l’assemblée patriotique, où il se trouva avee plusieurs de ses camarades; que M. Bosque lui présenta à signer un papier, eu présence du président et du vice-président, qui portait d’être « fidèle à la nation, au roi et à la loi ». (1) Le vulgaire nommait la maison où l’assemblée patriotique tenait ses séances, la comédie, parce que deux mois auparavant il y avait eu un théâtre élevé dans cette maison, sur lequel ou se proposait de jouer la comédie, Quatorzième témoin. Devaux, soldat du même régiment, déclare que M. Bosque lui dit que le papier, qu’on lui faisait signer, était pour lui donner sa liberté, et en même temps pour assurer la liberté de tons les citoyens, et qu’il lui dit de le signer, ce qu’il fit, et M. Bosque lui dit alors s’il trouvait quelqu’un qui voulût signer le même papier, il ie trouverait à sa maison. Quinzième témoin, M. le baron de Widerspacb, officier dans le même régiment, déclare qu’un soldat de la compagnie deCordelier, nommé Garrot, disait, dans la maison de M. Tibeaux, et en sa présence, que M. Bosque avait dit à ses camarades qu’ils étaient libres, et qu’ils se proposaient d’aller un beau jour chez le commandant pour lui demander leur congé. Que le déposant dit alors à ce soldat de ne pas croire de telles folies, car iis seraient certainement punis, s’ils le faisaient. Garrot, septième témoin, fut alors appelé; « que ce n’était pas M. Bosque qui leur avait « suggéré de demander leur liberté, mais que « cette idée leur venait de ce qu’ils avaient « entendu dire ce qui s’était passé en France. » Seizième témoin. Damelet, soldat dans le même régiment, déclare que M. Bosque lui a dit que les soldats étaient maintenant libres d’aller où il leur plairait; que, passant devant la maison où l’assemblée patriotique se tenait, il fut appelé pour siguer un papier qui lui fut présenté par M. Bosque, ce qu’il fit, et jura « d’être fidèle à la nation, au roi et à loi » et de ne jamais abandonner son roi ni ses drapeaux. Dix-septième témoin. Chapp, tailleur dans la ville de Port-Louis, déclare que le prisonnier, M. Bosque, vint à lui avec un papier « contenant une liste de plusieurs «. personnes, et dit qu’ils étaient peu de Français, « qu’ils devaient se soutenir » ; qu’il désirerait faire une bourse, afin d’acheter des rubans pour la troupe, et qu’ii désirait donner un dîner et quaire barriques de vin pour la compagnie de Gordelier, et un bal le soir, et qu’il devait y avoir un pavillon national et parades dans les rues avec cela. Le déposant, ayant été interrogé s’il connaissait le serment, dit : <• qu’il était d’ob-« server un bon ordre dans l’assemblée, et la « sûreté publique de la nation et de l’assemblée « patriotique; il dit aussi que les cocardes de-« vaient d’abord être présentées aux chefs de « l’administration, et demander leur consente-« ment pour donner la fête; qu’ils devaient « encore faire une bourse pour l’envoyer pour « soulager ies veuves et les enfants de ceux qui « étaient morts en défendant la glorieuse cause « de la liberté; qu’ils devaient aussi faire une « lettre de remerciements à l’Assemblée natio-nale, par leurs députés, auquel emploi M. Bosque « espérait d’être nommé; que l’intention de l’as~ « semblée patriotique était d’inviter tous les « habitants do cette île à cette fête, et de nommer 267 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.J « quatre commissaires de police pour la ville « de Port-Louis, afin de maintenir le bon ordre « dans l’assemblée. <> Dix-huitième témoin. Bonnafond, soldat dans le même régiment, déclare qu’il s’est trouvé, avec quelques-uns de ses camarades, à l’assemblée patriotique, où un papier lui fut présenté à signer, ce qu’il fit, et jura « d’être fidèle à la nation, au roi et à la loi ». Dix-neuvième témoin. Beaulieu (1), soldat dans le même régiment, déclare qu’il n’a jamais eu aucune conversation avec M. Bosque, et que la première fois qu’il se trouva à l’assemblée patriotique, il y vit un grand nombre de personnes, et que, comme il avait plus de faim que de curiosité, il s’en fut souper; et qu’une autre fois qu’il s’y trouva, il vit plusieurs citoyens arrêtés dans la rue, qui lui demandèrent s’il n’avait pas signé le serment; il leur répondit que non : que, passant la maison, le petit homme de la maréchaussée lui fit signe, de la fenêtre, de venir, et qu’étant là, on lui présenta un papier, qui était sa liberté pour lui et toute la nation, lequel il signa, et jura « d'être fidèle à la nation, au roi et à la loi (2) ». O déposant fut appelé une seconde fois, après le dix-neuvième témoin, et dit qu’il ne connaissait rien de ce que le prisonnier Bosque a dit aux soldats; qu’il s’est trouvé une fois à rassemblée patriotique environ dix minutes, ruais qu’il n’a jamais signé de papier ni prêté serment; mais que M. Bosque lui dit : Vous voyez ce que nous avons fait pour vous, et nous espérons que vous en ferez autant pour nous. N. B. Ce témoin n’a paru qu’une fois. Vingtième témoin. William Smith, prévôt-maréchal, déclare qu’un jour étant dans la galerie de M. Fullerton, à se faire peigner par un nommé Gauthier, soldat dans le régiment de la Guadeloupe, il entendit M. Bosque dire à ce soldat : Vous savez ce que nous avons fait pour vous, j’espère que, dans l’occasion, vous ne nous manquerez pas. Total des témoins entendus contre le prisonnier. Extrait des dépositions prises contre MM. Grelier et Guys, le 14 novembre 1789, et certifiées par MM. Roume de Saint-Laurent , de Chance!, , P.-A. Dufaur, W. lvrine et Edmond Saint-Léger. Septième témoin. Tourtier, de la compagnie de M. Cordelier. Il y a cinq semaines qu’il dîna chez Bosque, Bosque lui fit la lecture d’un écrit sur les Caraïbes. Quelques jours après, le sieur Bosque lui lut la (1) Ce n’est point Beaulieu qui a fait cette déposition, c’est Chinsot : inexactitude de M. Wilson. (2) Celle qui suit est celle de Beaulieu, que M. Wilson a mis dans la bouche de Garrot, qui, s’il est vrai, aurait déposé trois fois à la môme séance ; c’est pourquoi nous la rapportons ici dans son ordre naturel, pour ne faire aucune équivoque. gazette de Sainte-Lucie, « lui fit valoir la géné-« rosité des habitants de cette île, et lui proposa « de signer une souscription en faveur des « veuves et des orphelins de ceux qui ont été « tués en France ». Le déposant répondit qu’il ne pouvait le faire, étant subordonné à ses officiers , mais qu’il contribuerait à cette bonne œuvre, autant qu’il en aurait le moyen. Le sieur Bosque « lui proposa de copier deux lettres cir-« culaires d invitation, pour engager le public à f s’assembler », il les copia. Bosque, ne les trouvant pas assez bien écrites, les déchira. Le déposant fut une fois à l’assemblée patriotique ; il y vit une grande cohue de bourgeois et de militaires. Le commis du sieur Bosque lui présenta un papier pour signer, ce qu’il refusa. Etant un soir chez le sieur Bosque, celui-ci lui proposa de faire prendre la cocarde à la compagnie de Cordelier, ce qu’il refusa, comme étant contraire à ses devoirs, et cessa d’avoir ensuite des communications avec le sieur Bosque... M. le maire lui ayant dit que M. Bosque s’était vanté d’avoir la compagnie de M. Cordelier à ses ordres, il fut en prévenir son capitaine, qui traita cela comme ‘une gazette. Excepté la proposition de prendre la cocarde, Bosque ne lui a jamais rien proposé qui fut mal. Témoignage pris de la part du prisonnier Bosque. Premier témoin, M. Wyatt, commis dans le bureau de l’ordonnateur, « déclare qu’il a connaissance d’une « lettre circulaire, invitant tous les habitants de « l’île à se trouver un certain jour à la maison « de Langouëran, pour former une assemblée « patriotique, laquelle était signée par Charles c Bosque » ; mais s’ils la reçurent ou non, il n’en « sait rien. Un jour, après dîner, il se trouva « à la maison « du prisonnier, où étaient plusieurs personnes, « et M. Bosque lui dit que le matin il avait été « mis aux arrêts par le procureur général, mais « qu’il en avait été relevé par M. le comman-« dant ». Que le déposant se trouva le soir avec le prisonnier et une autre personne à l’assemblée, où il vit plusieurs personnes, comme MM. Grelier, Fremin ; qu’il ne se passa rien, si ce n’est le choix du president, vice-président et du secrétaire. « Qu’ils signèrent une demande c à MM. les administrateurs d’approuver l’as-- semblée et de la protéger. Que « M. Bosque fit « plusieurs motions à l’assemblée, toutes ten-« dant au maintien de la paix et du bon ordre, « et au bien général m Quatre membres furent « nommés pour présenter leur demande à MM. les « administrateurs, qui, étant de retour, décla-« rèrent que le commandant avait refusé de les « voir ». « Qu’on fit une motion de faire imprimer « une lettre circulaire, pour envoyer aux habi-« tants de la colonie, pour les inviter de se « joindre à l’assemblée ; qu’il a été présent à « plusieurs de leurs assemblées, et qu’il n’a ja-« mais rien vu qui ne fût décent et honnête « dans la conduite de M. Bosque. » Deuxième témoin . M, Lafond, commis-greffier de l’amirauté, « fit la même déposition que M. Wyatt ». 268 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.J Troisième témoin. M. Blanchard, marchand de rhum, par permission du gouvernement, déclare que la première fois qu'il entendit parler de l’assemblée patriotique, M. Bosque, le prisonnier, lui dit qu’il avait intention d’assembler les citoyens du Port-Louis, de la manière qu’ils l’avaient été dans l’île de Sainte-Lucie, et qu’il n’y avait pas d’autres intentions. Qu’il n’a jamais entendu dire que leur intention était de s’arroger quelques autorités législatives et de changer les lois existant dans la colonie. Quatrième témoin. M. Sauveur, dito , déclare la même chose que le témoin précédent, et que M. Fadeuilhe désapprouva que l’on eût permis aux soldats de signer le serment, mais qu’il ne se rappelle pas si M. Bosque seconda M. Fadeuilhe ou non. Je certihe que les minutes ci-dessus étaient prises par moi, un des juges du banc du roi. Tho : Wilson. L. Jugement contre le sieur Bosque. Extrait de la séance de la cour d'O'ier et Terminer, tenue au Port-Louis-Tabago , le 16 novembre 1789. Présents : MM. Roume de Saint-Laurent, Hue de Fagan, Thomas Wilson, Gilbert Pétrie, Paul-Antoine Dufaur, Christophe W. Irvine, Natha-niel Stewart. La cour ayant été proclamée, etc., etc. Ledit Charles Bosque ayant été amené à la barre, la cour a prononcé jugement contre lui, que ledit Charles Bosque, ayant été trouve: coupable des faits énoncés dans le susdit indicte-ment, « sera emprisonné pendant l’espace de « six mois de ce jour, sera mis et restera au « carcan depuis midi jusqu’à une heure, le « 16 du mois de mai prochain; à moins qu’à «< l’expiration des six semaines, à dater de ce « jour, il ne signiGe, à deux juges quelconques « de cette cour, qu’il est consentant de partir de « cette colonie et de n’y jamais revenir; et ce « sous son serment; auquel cas », lesdits juges feront enregistrer ledit serment et ladite requête sur les registres de cette cour, et ils demanderont à M. le commandant en chef la permission pour que ledit Bosque parte, sans préjudicier à ses créanciers. Collationné par moi, secrétaire de la Couronne. G. Wightman. M. Tabago. De la séance de la cour de chancellerie, tenue le 16 novembre, en a é é extrait ce qui suit : Présents : MM. le chevalier de Jobal, commandant en chef, Roume de Saint-Laurent, commissaire général ordonnateur; Gilbert Pétrie, conseiller. La cour ayant pris séance, Me Fadeuilhe, avocat, au nom de plusieurs de ses clients, créanciers du sieur Charles Bosque, prie la cour, pour la conservation des biens dudit sieur Bosque et pour la sûreté de ses créanciers, de nommer pour séquestre à ses biens, meubles et immeubles, telle personne qu’elle jugera capable. La cour, prenant en considération la demande, a nommé M. Gauthier, avocat en cette cour, séquestre des biens dudit sieur Bosque. La cour fut ajournée à mardi 24 du présent mois (1). Certifié par Charles Wightman, secrétaire, pour copie conforme. C. Wightman, secrétaire de chancellerie. Saint-Pierre-Martinique, le 24 avril 1790. Nous, les soussignés volontaires de la colonie de Tabago, actuellement en cette île, Déclarons et attestons, par ces présentes, que le sieur Charles Bosque, avocat en l’île de Tabago, s’y est conduit avec intégrité, désintéressement et zèle pour ses clients, en sa qualité d’homme public; et qu’en qualité de citoyen français, il y a donné les plus grands exemples de son patriotisme et de l’empressement avec lequel il s’est employé pour former, à Tabago, une assemblée patriotique. Nous déclarons, en outre, que plusieurs d’entre nous avons été membres de ladite assemblée, ou y avons assisté, et qu’il ne s’y est rien passé qui ne fasse honneur aux citoyens français de Tabago. En foi de quoi nous avons signé : Segain, E. Lafond, Bigé, J. Cbapp? Dumont, Gocquenet, Blanchard, Laneau, Foulimé, Marchand, porte-drapeau ; Stofbach, Barbin, Guenon, Fouquet, Perrein, Baïeu, Auguste Fiot, Jean Mignac, G. Audibert, Têtard, Gaspard, Roedelberg, Vrignault aîné. N’étant pas à Tabago dans le temps où M. Bosque y a exercé les fonctions d’avocat, je ne puis cependant m’empêcher de dire que l’on me l’a toujours cité comme un galant et parfait honnête homme. Saint-Pierre-Martinique, ce 26 avril 1790. Mont-Louis, lieutenant. Nous, commissaires nommés par l’assemblée générale, section de la bibliothèque (ci-devaut des filles Saint-Thomas), à l’effet de collationna r les pièces justiGcatives ci-dessus et des autres parts, certifions qu’elles sont conformes aux originaux qui nous ont été présentés par le sieur Bosque. A Paris, le 25 novembre 1790. J. Hugou, J. C. Magol, Lavallée, Vitry, notable adjoint, L. Milly. (1) N. B. Il y avait 16 jours que ma maison était à l’abandon, mes domestiques en prison, point de scellés apposés, aucun gardien, et ce fut sur une simple demande du sieur Fadeuilhe que le sieur Gauthier fut nommé séquestre.