$64 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU VENDREDI 27 MAI 1791. Opinion de M. d’Allarde sur les impôts et sur la répartition de la contribution foncière et mobilière. Messieurs, Appelés par les cris de la philosophie à renverser l'édifice monstrueux des anciennes impositions, vous venez d’y substituer un plan tracé par la modération et la stricte équité. Si je rapproche vos opérations des circonstances où vous vous êtes trouvés, je vois qu’assiégés d’incalculables besoins qui semblaient commander des actes de rigueur, vous n’avez exercé que les actes de bienfaisance. On vendit cher au peuple les maux de l’esclavage, et vous lui faites acquérir à peu de frais tous les biens de l’estimable liberté. Cependant comme le développement des principes d’intérêt général a froissé beaucoup d’intérêts particuliers, les plaintes de l’égoïsme accusent votre nouvel ouvrage : les échos de la malveillance les ont répétées; vos ennemis ont cru saisir des germes de dissension près d’éclore : ils ont calomnié le patriotisme français, et dans leur joie impie ils ont caressé l’espérance de voir le mode d’imposition que vous avez décrété, proscrit de toutes parts, et la force publique ainsi paralysée gisant sans nerf et sans mouvement. Ces circonstances m’ont fait un devoir de rompre le silence. Avide du bonheur de mes semblables, j’ai employé une partie de ma vie à méditer l’impôt, à rapprocher ses bases des principes de la justice. Lorsque chargés de régénérer l’Eropire, vous appelâtes la philosophie, lorsqu’elle put faire entendre sa voix trop longtemps étouffée, je vous soumis un plan dont l’exécution avait été longtemps pour moi un rêve agréable : vous y reconnûtes l’esprit qui bientôt devait vivifier toutes les parties de l’organisation sociale, et vous daignâtes m’associer aux travaux de votre comité de l’imposition. Quel témoin plus fidèle pourrait-on trouver de la pureté de vos opérations, que celui qui plus d’une fois en fut l’instrument et l’organe? Plus d’une fois mes méditations ont obtenu vos suffrages; qu’il me soit donc permis de vous entretenir encore. Si le premier devoir du citoyen est d’acquitter les charges publiques, celui de tout représentant est de lui rendre compte des raisons qui l’ont déterminé à voter pour l’impôt. Mais que dis-je, Messieurs ! Pour justifier vos opérations il suffira de les faire connaître. Avant de donner du mouvement à la machine, chacun [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] N05 est appelé à en visiter l’intérieur, à en reconnaître les rouages, les poids, les ressorts secrets. Cette conduite simple et franche doit mettre le mécanicien à l’abri du reproche. Je rappellerai d’abord le système hideux des* anciennes impositions. J’opposerai à ce tableau celui du nouveau mode d’impôt; ce contraste est de nature à frapper les esprits. Après les avoir en quelque sorte tenus en suspens sur les gouffres que vous venez de fermer, je les conduirai aux résultats dont un avenir plus heureux étale la consolante perspective. Je tâcherai d’en rendre sensibles tous les principes, d’en populariser, pour ainsi dire, l’expression. La raison repoussait depuis longtemps le régime exacteur et oppressif de la fiscalité; l’opinion publique en avait fait justice avant vous. Outre les vices particuliers à chacun des anciens impôts, je remarquerai qu’ils en avaient tous en général, et qui portait sur l’oubli des principes les plus sacrés. Les fantaisies du despotisme avaient travaillé l’impôt de manière que la base en était renversée ; celui qui avait moins payait plus et le fardeau, allégé pour le riche, pesait tout entier sur le pauvre. TABLEAU DES ANCIENNES IMPOSITIONS. EXAMEN DE L’IMPOT DIRECT. Si j’examine l’impôt direct sur les personnes et les propriétés, une institution monstrueuse vient affliger mes regards. La taille asservissait l’agriculteur, le commerçant, enfin les classes industrieuses qu'on nommait roturières. L’oisiveté superbe des privilégiés en était seule exempte. Le plus profond mépris pour la dignité de l’homme semblait l’avoir dictée, puisque, par le plus révoltant des abus, la taille laissait sur le front du contribuable le sceau de la flétrissure. Les vingtièmes présentaient seuls un mode d’uniformité; mais les exceptions étaient si multipliées par des abonnements de faveur arrachés à la faiblesse du ministre, que cet impôt ne conservait aucun des caractères de son institution. Le crédit du riche venait à bout d’en empêcher le nivellement; il obtenait qu’on ménageât ses fermiers sur la taille, -et les vingtièmes étaient communément fort au-dessous de la valeur effective de ses propriétés. Echappant lui-même à tout impôt personnel, il réfugiait sa fortune dans des charges inutiles que la taille ne pouvait atteindre. Ces exemptions tournaient au préjudice des citoyens moins fortunés : alors on additionnait à leur cote celle que l’on remettait au privilégié. Le fisc ne perdait point sa proie. EXAMEN DES IMPOTS INDIRECTS. Des droits de contrôle, d’ insinuations , etc. Je passe aux impôts indirects. L’arbitraire, la plus impolitique iniquité, souillaient l’impôt établi sur les conventions. Il est un principe sacré auquel vous êtes restés fidèles, Messieurs, c’est que s’il est vrai que la société puisse, pour ses besoins, prélever un droit sur les conventions en raison de la protection qu’elle leur accorde, du moins ce droit doit être égal, uniforme pour tous les départements, pour tous les citoyens. Cette considération d’équité était totalement oubliée. Les conventions du pauvre acquittaient seules le droit rigoureusement, tandis que celles du riche étaient beaucoup plus ménagées; elles étaient même affranchies de l’impôt, lorsque l’homme aisé prenait la précaution de passer ses transactions dans la capitale. Vous savez, Messieurs, que le contrôle était fixé à 3/4 0/0 de la valeur sur toutes les conventions de 10,000 livres et au-dessous, il était réduit de 4/5 en faveur des sommes au-delà de 10,000 livres ; ainsi les actes du pauvre supportaient l’impôt dans toute son étendue, les conventions du riche ne devaient que le cinquième de l’impôt. (1) Des impositions sur les consommations. L’impôt sur les consommations présentait le même vice d’inégalité. Les droits imposés au détail atteignaient toujours le pauvre, et presque jamais le riche. Ce dernier prenant en masse ses consommations, bénéficiait : 1° d’une remise; 2° des droits au détail ; 3° des frais que le salaire du détailliste entraîne. L’impôt sur le3 consommations est tellement vicieux de sa nature que, le répartissant d’une manière uniforme sur tous les citoyens, il donnerait cependant un résultat inégal. Je m’explique : supposez qu’un droit de 2 sous sur un objet de consommation soit également acquitté par un riche et par un ouvrier, il se trouvera cependant un résultat que le pauvre aura contribué d’un dixième de son revenu journalier, et que le riche aura peut-être contribué d’un millionième deson revenu. Ainsi ces impôts, en arrachant au pauvre une partie de son nécessaire, exigeaient de sa part une écoaomie sur les consommations de première nécessité ; et cette économie, privant l’agriculture d’une partie de ses débouchés, frappait d’une plaie immense et l’industrie et le commerce. La nature, outragée par le despotisme, le punit par le refus de ses dons; mais tout renait, tout s’avive sous l’heureux accord de la politique et de la morale. De l'impôt sur le sel. Ces considérations, Messieurs, vous ont conduit à penser que la gabelle, impôt excessif pour le pauvre, léger pour le riche, devait être proscrite ; que son nom ne devait être prononcé que pour rappeler à jamais à vos descendants les bienfaits de la nouvelle Constitution ; que le bas prix du sel contribuerait aux progrès de l’agriculture, à l’éducation des bestiaux, qu’il faciliterait les salaisons, qu’il accroitrait la richesse nationale ; et vous avez, par ces motifs, affranchi de tout impôt ce genre de consommation. De l'impôt sur le tabac. Le tabac étant un impôt de prédilection caressé par les anciens agents du fisc, on disait en sa faveur qu’il était purement volontaire, et qu’il n’avait aucun des inconvénients inhérents à la perception de3 autres impôts indirects ; mais en réfléchissant sur ce mode de contribution, votre comité, Messieurs, a reconnu que l’exercice du privilège de la vente du tabac était un tribut énorme sur la jouissance, souvent unique, du (1) Les notaires de Paris s’étaient rachetés du contrôle par un prêt d’un million, dont l’intérêt leur était payé. Cet abus ouvrait aux citoyens les plus aisés un moyen facile d’éluder l’impôt. 506 [Assemblée nationale.] pauvre ; que cet impôt ne pouvait être maintenu sans adopter à son égard un plan d’uniformité qui aurait privé plusieurs grandes provinces d’une branche de commerce et d’une culture très intéressante ; que son exercice exigerait, sur toute la surface de l’Empire, une armée de commis nécessaires pour maintenir la prohibition de culture, qu’il priverait enfin les citoyens du droit de tirer de leurs propriétés les avantages dont elles sont susceptibles : ces motifs ont fait penser à votre comité que cet impôt était inconciliable avec les principes de la Constitution ; sa proscription a donc été déterminée. Des droits de traites perçus à la circulation. Les droits de traites perçus à la circulation sur le commerce national étaient un impôt immoral sur les productions du sol et de l’industrie ; leur produit était dévoré par les agents répandus sur les limites fiscales pour garantir les contraventions et assurer la perception. Depuis deux siècles la nation sollicitait leur abolition, elle avait toujours été promise, toujours différée. Ces droits étaient si mal combinés, qu’ils étaient souvent plus considérables sur les marchandises indigènes que les droits établis sur l’importation de celle de l’étranger. Ils n’existent plus ; vous avez brisé les chaînes du commerce, vous avez rendu des ailes à l’industrie, elle va prendre l’essor, et déjà le mouvement répand la vie dans toutes les parties du vaste corps de la France. Examen des douanes. Mais ce n’était point à la suppression de ces droits impolitiques que devait se borner l’attention des représentants d’une grande nation; il était question de savoir si les relations de la France avec l’étranger devaient être gênées par les droits d’un tarif, tant à l’entrée qu’à la sortie; nos préjugés ont fait croire à cette nécessité, il était donc indispensable de substituer à tous les anciens tarifs de la fiscalité un tarif clair, uniforme, et le moins défavorable aux spéculations du commerce. Dès 1787, M. de Cormeré avait présenté, indiqué, mûri ce travail, et votre comité, Messieurs, en a reproduit les bases. Mais je dois observer que le jour n’est pas loin où l’intérêt du commerce prévaudra sur celui des commerçants, qu’eux-mêmes sentiront que, s’ils gagnent à ce système comme vendeurs, ils y perdent comme acheteurs ; car là où se trouve la liberté, se trouve toujours l’abondance. Ceux qui vous suivront, Messieurs, seront vos héritiers en bienfaisance; ils détermineront, n’en doutez pas, la suppression absolue de tous droits sur les importations et les exportations ; cette opération sage, féconde, inévitable, ne sera pas fort onéreuse au Trésor public. Il est reconnu que les frais de garde et de perception absorberont un tiers, peut-être moitié du produit pour lequel les douanes sont comprises dans les revenus de l’Etat. Elles confirment une vérité dont la politique s’est enrichie : ce qui n’est pas bien en foi, est rarement avantageux. Examen des droits perçus a la farrication SUR LES CUIRS, LES HUILES, LES AMIDONS, CARTES, PAPIERS, ETC. i Les droits perçus à la fabrication sur les cuirs, les huiles, les fers, les amidons, les cartes à jouer, [27 mai 1791.] ceux exigés sur les papiers et surtout aux entrées des lieux y sujets, n’étaient pas moins impolitiques que ceux de circulation : votre comité vous a proposé leur suppression absolue ; ils n’existent plus, la France est à jamais délivrée des vexations inséparables de leur exercice et de leur perception. Vous avez repoussé loin du citoyen tous les tourments de cette inquisition domestique dont ces droits oppresseurs le fatiguaient : son domicile est un sanctuaire dont la liberté garde la porte. Examen des droits d’aides. Enfin, Messieurs, lorsque la considération des produits’conduisait à penser que, dans le moment actuel , il serait peut-être suffisant de modifier les doits d’aides perçus sur les boissons à la fabrication, à l’enlèvement, à la circulation, qu’on pourrait adopter la même mesure pour les droits acquittés aux entrées des villes, tant au profit du Trésor public, qu’à celui des municipalités et de leurs hôpitaux; entraînés par des vues supérieures, vous avez décidé qu’on ne devait point composer avec les abus; que l’existence d’impôts contraires à la liberté des spéculations, disparates avec les fortunes des contribuables, qui par leur nature, armaient les citoyens contre les citoyens, et nécessitaient des frais énormes de perception, était incompatible avec les principes de l’équité, d’une libre Constitution; vous les avez réprouvés sans restriction. Les villes ne feront plus exception à la loi commune : bientôt le bas prix de la main d’œuvre, suite de la suppression des droits d’entrée, y multipliera l’activité de commerce ; l’ouvrier, l’artisan ne seront plus réduits à des privations injustes; la culture des vignobles sera améliorée; cette opération sera bientôt justifiée par l’extension de notre commerce, par l’accroissement de nos exportations, par la diminution des importations de l’étranger. TABLEAU DES NOUVELLES IMPOSITIONS. Examen des circonstances ou s’est trouvée l’assemblée nationale . Mais ce n’était pas assez d’avoir porté la hache dans cette forêt d’abus, ce n’était pas assez d’avoir renversé le colosse horrible des anciennes impotions; il fa lait ensuite déterminer d’une manière précise le mode des contributions publiques. Chacun devant donner à l’Etat pour en recevoir liberté, sûreté, protection, il fallait combiner avec une exactitude rigoureuse et presque mathématique le débet de tout citoyen. Ici les difficultés se pressaient de toutes parts. Un impôt direct sur les terres paraissait seul convenable à quelques bons esprits; mais une considération touchante venait d’abord s’offrir. Les résultats lointains que présentait ce système, les idées intermédiaires dont il se compose, auraient été faiblement sentis du cultivateur; il n’eut vu que l’impôt pesant sur la charrue : cet impôt aurait eu à ses yeux l’effet d’un orage qui désole les campagnes. Des considérations politiques le repoussaient d’ailleurs. Convenait-il, au moment de la vente des biens nationaux, d’effaroucher les acheteurs par l’aspect d’un impôt unique sur les terres? Cependant le gouffre des linances était ouvert devant vous, vous seuls étiez appelés à le fermer. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] 567 Il fallait atteindre les besoins de l’Etat. Un seul moyen s’est offert : il consistait à faire concourir avec l’impôt direct les différents rameaux des impositions indirectes compatibles avec les principes d’une Constitution libre. Examen du droit d’enregistrement. Telles ont été, Messieurs, lès vues que vous avez adoptées pour la perception du droit d’en-gistrement sur les conventions et les transactions. Ce droit n'aura plus les inégalités de ceux qu’il remplace; sa perception, uniforme dans tous les départements, sera proportionnelle à la nature des conventions et des transactions; il ne formera qu’un tribut léger, toujours subordonné aux facultés. Les frais de sa perception seront peu coûteux, elle ne contrariera point les principes de la liberté individuelle : son produit néanmoins sera très important. Dü DROIT DE TIMBRE. Sur quels principes il est fondé. Le droit de timbre est également un impôt proportionnel aux opérations commerciales de tous les citoyens ; il est juste : car l’équité veut que les capitalistes et les particuliers qui n’ont qu’une fortune mobilière, qui ne contribuent point à l’impôt de propriété, subviennent à la dépense commune; et votre comité a pensé qu’ils ne pourraient être atteints que par un impôt modéré sur leurs opérations; cette légère rétribution sur leurs bénéfices les mettra dans le cas de contribuer à des charges à peu près égales à celles qui seront imposées sur les propriétés. DU DROIT DE PATENTES. Enfin, le droit de patentes, en remplaçant le privilège exclusif des maîtrises et jurandes, les droits sur les boissons, ceux perçus aux entrées des villes, sont un véritable impôt de consommation, dont le fabricant, le marcband, l’artisan feront les avances, mais dont ils se rembourseront sur les consommateurs par un accroissement insensible sur la valeur des marchandises ; d’ailleurs, la -perception de cet impôt n’exigera qu’une surveillance soutenue de la part des municipalités; ses frais seront peu considérables. Ainsi, d’un côté, cette foule d’impositions impolitiques, vexatoires et barbares, créées par les ressources fécondes du génie fiscal, n’existent plus. Ces impôts effrayants dont il fallait défalquer toujours un cinquième pour les frais énormes de perception, et qu’atténuait encore la concurrence de la contrebande, réjouissent par leur chute, l’agricuture, le commerce, l’industrie. La suppression de ce régime désastreux n’afflige sincèrement que la ferme, les galères, les geôliers. Les seuls impôts indirects qui subsistent ont le caractère de l’équité. Leur perception est simple, facile et peu coûteuse; ils ne prêtent point à l’arbitraire; leur produit ne peut être atténué par la concurrence de la fraude; ils sont modérés, et ne seront acquittés que par celui qui possède; ils ne portent aucune atteinte aux facultés bornées du pauvre et de l’indigent. Ce nouveau système de contributions indirectes, Messieurs, n’a pas besoin d’apologie ; il suffit de le comparer à l’ancien pour en reconnaître tous les avantages. DE LA FIXATION DES ' CONTRIBUTIONS, SOIT FONCIERE, SOIT MOBILIERE. � Mais une tâche plus difficile à remplir était la fixation des contributions que la masse entière des citoyens doit à l’Etat proportionnellement à ses facultés, soit mobilières , soit immobilières. Vous avez décidé, Messieurs, que ces contributions devaient être divisées en deux parties, l’une consistant dans la rétribution que chacun doit sur le produit effectif de sa propriété; l’autre sur les facultés et les richesses qui ne dérivent point des propriétés foncières. L’équité dictait ces bases ; mais en même temps vous avez prescrit une mesure qui garantit les effets de l’arbitraire, qui ne laisse aucune inquiétude sur la résurrection des vices, des abus de l’ancien régime : la part que chaque citoyen doit à l’Etat sur le produit net de sa propriété, est irrévocablement fixée, pour l'Etat, au sixième produit; pour les dépenses locales des départements , aux 4 sols pour livre de ce sixième; ce qui forme, au total, le cinquième, du revenu net. Il n’est personne qui puisse élever des réclamations contre une pareille disposition. Elle n’admet aucune exception de faveur ; et si l’on fait attention aux bénéfices que les propriétaires retireront de l’abolition de la dîme, des droits féodaux , de ceux de péage, minage et autres supprimés sans indemnité, comme monuments de la servitude sous laquelle la France avait si longtemps gémi ; il n’est aucun propriétaire qui ne doive s’estimer heureux d’avoir la pleine et libre jouissance des 4 cinquièmes du produit de sa propriété, lorsque surtout il ne sera plus inquiété, recherché par des impôts vexatoires sur les consommations. Cette contribution sur les propriétés n’est susceptible ni d’arbitraire ni d’injustice; mais il n’était pas aussi facile de déterminer la taxe des fortunes mobilières indépendantes des richesses du sol. Vous ne vous êtes point fait illusion, Messieurs, sur cette difficulté; et après avoir cherché tous les moyens possibles de soumettre à une taxe correspondante aux facultés les citoyens non propriétaires, vous avez estimé que la moins imparfaite serait de déterminer cette taxe d’après les fortunes présumées par le loyer des habitations:; en même temps vous avez déterminé des proportions graduelles, et qui se rapprochent le plus des vraisemblances. Mais cette taxe personnelle n’étant assise que sur les facultés inconnues et d’industrie, votre comité vous a proposé de faire à chacun, sur la somme de sa contribution mobilière], une réduction équivalente à la somme du revenu foncier; en sorte que, par cette seconde contribution, le Trésor public ne recevra réellement que la taxe effective des richesses mobilières, sans exiger une nouvelle contribution des propriétés foncières. Vous avez, Messieurs, déterminé la fixation de cette seconde taxe à la somme de 60 millions, indépendamment des 4 sols pour livre affectés aux dépenses locales des départements, et de 2 sols pour livre destinés à subvenir aux non-valeurs, décharges et modérations. Cette fixation est modique, surtout si on fait attention que la taxe universelle d’habitation fixée aux 3 centièmes du revenu présumé, celle de citoyen actif, celle des domestiques des deux sexes, celle des chevaux et mulets de selle et de voiture, et l’imposition des fonctionnaires pu- 568 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [â7 mai 1791.] blics, qui ne seront point admis à la compensation de leur revenu foncier , absorberont le quart au moins de celte contribution. Cependant vous avez voulu que cette taxe ne s’élevât point au delà des bornes facultatives de chaque citoyen; vous avez en conséquence déterminé son maximum au dix-huitième du revenu présumé, et vous avez décrété que dans le cas où le dix-huitième ne compléterait pas la somme de contribution mobilière déterminée pour chaque municipalité, le déficit serait reporté par addition sur la cote d’habitation qui n’est susceptible d’aucune compensation. Il est à présumer, Messieurs, que ce rejet de la contribution mobilière sur la taxe d’habitation sera nul ou très peu considérable; néanmoins votre sagesse a voulu donner à la nation une sauvegarde positive contre l’extension absolue de ce rejet; et ce motif vous a déterminés à fixer son maximum au quarantième du revenu présumé de l’habitation. Ainsi les propriétés ne peuvent jamais contribuer aux charges de l’Etat que jusqu’à concurrence du cinquième du revenu effectif; tandis que les fortunes mobilières n’y contribueront que dans la proportion du vingtième ou du dix-huitième, et que le rejet est fixé au quarantième du revenu présumé de l’habitation, en sorte que la somme totale des contributions sera toujours proportionnée aux facultés réelles, soit foncières, soit mobilières, de chaque département. DE LA RÉPARTITION ENTRE LES DÉPARTEMENTS. Cette opération étant délicate, embarrassante, elle a principalement fixé votre attention. L’étendue du territoire, la population ne présentaient que des bases fautives, qui auraient ménagé les départements les plus riches et surchargé les pauvres; il a donc été nécessaire d’en rechercher une plus satisfaisante. Les impositions indirectes de toute nature n’offraient pas des résultats plus favorables. Les départements assez heureux pour être affranchis de l'impôt désastreux de la gabelle, pour ne point être accablés par la régie vexatoire des aides, payaient des impositions directes excessives; et si ces contributions avaient formé la seule base de répartition, ces départements auraient éprouvé la surcharge la plus effrayante, tandis que ceux où le génie fiscal exerçait son empire de la manière la plus tyrannique, n’auraient été soumis qu’à une taxe modique et fort au-dessous du cinquième, taux auquel vous avez pensé que les propriétés devaient être imposées. De cette fausse combinaison, Messieurs, il serait nécessairement résulté que les départements ménagés auraient gardé le silence, tandis que ceux qui auraient été taxés au delà de la proportion décrétée, auraient réclamé une modération qui n’aurait pu leur être refusée, et qui aurait diminué peut-être d’un quart la masse principale des deux contributions. Bases de cette répartition. Votre comité, dès lors, a pensé que les bases élémentaires de la répartition des deux contributions foncière et mobilière devaient être composées de la totalité des anciennes impositions directes ou indirectes. En prenant ce parti, en appliquant à chaque département la somme des impositions de toutes sortes qu’il supportait dans l’ancien régime, eu égard aux impôts indirects, dont les diverses parties qui le composent étaient grevées, votre comité s’est formé le tableau exact des bases élémentaires de répartition propres à chaque département. Cette opération aurait été parfaitement juste, s’il eût été possible de déterminer, par localité, la somme de toutes les anciennes perceptions. Les impôts indirects étaient dè deux sortes. Les impôts sur le sel et le tabac, les droits perçus sur les boissons, les fers et les huiles, à la fabrication ou à l’enlèvement, ceux établis sur la vente en détail des boissons, ceux de contrôle, centième denier et insinuation, une partie de ceux perçus aux entrées des villes, tant au profit du Trésor public qu’à celui des municipalités et des hôpitaux, étaient évidemment une charge des départements où ces perceptions étaient effectuées ; ainsi la somme de ces perceptions a dû former partie des bases élémentaires de répartition de chaque département. Mais comme ces contributions étaient irrégulières, comme elles étaient équivalentes, même supérieures à l’impôt direct, dans les départements où le génie de la fiscalité avait atteint le maximum, votre comité, Messieurs, a pensé que le montant de ces impôts ne devait être employé que pour le principal, et que les 10 sols pour livre devaient être rejetés de3 bases élémentaires propres à ces mêmes départements: il a adopté cette mesure par une considération de justice et sans réplique. Ces sortes d’impôts dans les provinces qui en étaient affranchies avaient été compensés, originairement , par une fixation plus élevée de la taille et accessoires : mais depuis le commencement du siècle, et notamment depuis 1760, des sous pour livre, successivement établis, avaient augmenté de moitié les droits principaux; ainsi les provinces qui en étaient grevées avaient éprouvé une surcharge qui n’avait point eu d’effet à l’égard des provinces affranchies de ces impôts, par un accroissement sur les impositions directes; comme si l’accablant fardeau dont l’exacteur grevait des citoyens approuvés, créait, dans ses mains un titre, pour en augmenter le poids. Il était d’autres impôts indirects, tels que les droits de petit scel, contrôle des exploits et autres sur les procédures, les droits perçus à la circulation sur la production du sol et ae l’industrie, ceux perçus à l’importation sur les marchandises étrangères et les droits de consommation sur les marchandises coloniales, qui étaient une charge commune pour tout le royaume, à l’exception de quelques provinces qui n’y étaient pas assujetties; votre comité, Messieurs, a pensé que la perception de ces impôts devait entrer dans les bases de répartition des départements où ces droits étaient établis au marc la livre de leurs impositions directes, et sans avoir égard aux lieux de perception, parce que leur objet n’était point une charge particulière des départements où les perceptions étaient effectuées, mais était remboursé par les consommateurs des départements pour lesquels étaient les destinations ; cependant, pour éviter des hases injustes, votre comité, Messieurs, a pensé qu’on devait rejeter du marc la livre générale le montant des 10 sols pour livre créés depuis le commencement du siècle, et n’employer le produit de ces impôts que pour le principal. En même temps, il a paru convenable d’employer, à l’égard des départements affranchis de ces impôts, le montant total des 569 [Assemblée nationale,! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] droits locaux auxquels ils étaient assujettis ; cètte mesure a été adoptée comme un moyen de corriger les abus et les inconvénients de l’ancienne inégalité, quant à l’existence de ces impôts. Enfin, il subsistait divers impôts dont l’exercice et la perception étaient communs à toutes les parties de l’Empire, tels que les droits perçus à la circulation sur les boissons, qui, se confondant avec les valeurs originaires, étaient supportés par tous les départements, suivant le lieu de la destination. Les droits sur les cuirs, les amidons, les cartes à jouer, la marque d’or et d’argent, les droits d’aubaine, bâtardise, déshérences, ceux d’échange, de franc-fief et autres sur les propriétés, votre comité, Messieurs, a pensé que ces impôts communs devaient faire une seule masse, pour être compris (sur le pied effectif des perceptions) dans les bases élémentaires de répartition de tous les départements, au marc la livre des impositions directes auxquelles ils étaient assujettis : il a compris au nombre de ces impôts, la moitié des droits principaux acquittés aux entrées des villes, et les 10 sols pour livre de Ja totalité de ces droits principaux : il s’y est déterminé par un motif d'équité. Ces sortes de droits, en effet, n’étaient point une charge spéciale pour les départements et les villes où les perceptions étaient effectuées : ils amenaient la vitalité des prix; ils restreignaient les consommations, et les productions destinées pour les villes augmenteront considérablement la valeur, par la suppression des droits perçus à leur entrée. Ces diverses opérations, Messieurs, ont donné l’approximation la plus juste de la somme des anciennes impositions indirectes qui étaient à la charge de chaque département, et leur ensemble, joint aux contributions directes , y compris les accroissements résultant des nouvelles matières imposables par l’abolition de tous les privilèges, a formé une masse de 487,391,000 livres, qui a donné une proportion de 12 s. 3 d. 11/15, avec la fixation principale de 300 millions, décrétée pour les contributions foncières et mobilières : dès lors, la part afférente à chaque département dans cette fixation, a été déterminée à raison de 12 s. 3 d. 11/15 delà somme qu’il supportait dans la masse générale de 487,391,000 livres. Les résultats de ces opérations, Messieurs, offrent pour tous les départements, sans exception, un soulagement effectif et très considérable sur la somme de leurs anciennes contributions. Elles sont telles que les départements, dont les contributions consistaient principalement en impositions directes, éprouveront une réduction sur ces mêmes contributions, et gagneront la totalité de leurs impositions indirectes, tandis que les départements dont les contributions directes étaient moins élevées, mais qui étaient sujets à des impôts de consommation très lourds et très fatigants, obtiennent une modération plus sensible, quoique leur part afférente dans la somme de 300 millions excède de beaucoup leurs anciennes contributions directes, y compris l’accroissement des nouvelles matières imposables. Votre comité, Messieurs, n’a pu adopter une mesure plus conforme aux règles de l’équité. Pour établir ce mode de répartition, il s’est entouré de toutes les lumières, s’est éclairé surtout des connaissances et de l’expérience de MM. Tarbé et de Cormeré, et ne l’a soumis à votre délibération que discuté, examiné par les députés de tous les départements; il a été revêtu de leurs lumières et de leur assentiment. On peut donc lra Série, T. XXVI. regarder ce mode comme celui même qu’auraient proposé les départements appelés à juger dans leur propre cause. C’est un partage égal entre les frères d’une même famille. Il était question ensuite de déterminer le départ de la part afférente à chaque département, dans la somme de 300 millions; il s’agissait de savoir combien chacun devait employer de cette part en contribution foncière, combien en contribution mobilière. Moyens de déterminer combien chacun devra en contribution foncière , combien en contribution mobilière. Après avoir étudié tous les modes d’opérer cette division, votre comité a pensé que les vingtièmes devaient être prélevés sur la somme totale de 300 millions qu’ils devaient faire entrer dans la fixation de la contribution foncière. Ce prélèvement sur la somme de 300 millions étant de 75 millions (montant des vingtièmes, y compris ceux des biens ci-devant ecclesiastiques et des privilégiés), il n’est plus resté à départir que la somme de 225 millions. 60 millions, fixation de la contribution mobilière, forment les 4/15 de la somme de 225 millions; ainsi votre comité a pensé que le départ serait juste en donnant à chaque département, pour contribution foncière : 1° les vingtièmes tant anciens que nouveaux; 2° les 11/15 du restant de la portion contributive, et en fixant sa contribution mobilière aux 4/15 de sa part, contributive, distraction faite des vingtièmes. Ces combinaisons se sont trouvées dans un rapport correspondant aux fortunes présumées de chaque département, soit foncières, soit mobilières : cependant, en l’examinant dans le plus grand détail, votre comité a reconnu qu’elle élèverait trop haut, dans quelques départements, la contribution mobilière, et que cette même contribution serait trop faible dans les départements de Paris, Rhône-et-Loire , Seine-Inférieure, Gironde, Bouches-du-Rhône et Loire-Inférieure, où les fortunes mobilières sont évidemment beaucoup plus considérables que dans les autres départements, et que la contribution foncière dans ces mêmes départements excéderait notoirement la proportion commune, décrétée pour cette sorte de contribution. Votre comité, Messieurs, a trouvé le remède dans le vice même de l’opération. Il a reconnu que la contribution mobilière, dans ces 6 départements, pouvait être augmentée du montant de la capitation des villes principales de ces départements, et leur contribution foncière diminuée dans la proportion de l’exhaussement de leur contribution mobilière. Cette opération donnant à ces départements 7,500,000 livres en contribution mobilière, au delà de la proportion commune, et pareille somme en contribution foncière, au-dessous de la même proportion, il ne s’est plus trouvé à répartir que 52,500,000 livres en contributiou mobilière. Dès lors, la proportion générale de cette contribution a été des 7/8 de la somme de 225 millions; ainsi la contribution foncière de tous les départements a été composée : 1° de leurs vingtièmes, tant anciens que nouveaux; 2° des 7/30 de leur part contributive dans la somme de 300 raillions, prélèvement fait des vingtièmes 36 §7# [Assemblée nationale.} qu’ils suppôrtaient, et leur contribution mobilière a été déterminée à raison dé 7/30 de leur part contributive dans la somme de 300millions, déduction faite de leurs vingtièmes. A l’égard des 6 départements qui ont fait exception à la . loi générale, on a retranché de leur contribution foncière/ 5,200,000 livres pour le département de Paris ; 500,000 livres pour chacun des départements de la Gironde et des Bouches-du-Rhône; 450,000 livres pour chacun des départements du Rhôn&et-Loire et Seine-Inférieure ; et 400,000 livres pour le département de la Loire-Inférieure; et ces mêmes .sommes ont été ajoutées à la contribution mobilière qu’ils devaient supporter d’après la loi commune, Vous reconnaîtrez aisément, Messieurs, toute lâT mai 179i.| la justice de l’opération : elte sera sensible à tous les départements, et je ne doute pas qu’elle n’excite la reconnaissance individuelle de tous les citoyens. Tous s’empresseront à faire le parallèle de l’ancien et du nouveau régime des contributions, et cette comparaison suffira pour assurer les effets de la Constitution, pour déterminer att payement exact des contributions, sur la foi desquelles repose incontestablement la fortune de I État. Qu’il me soit permisv Messieurs, de vous esquisser le tableau de cette comparaison; il n’offre point des résultats problématiques ; il est fondé sur des bases incontestables. COMPARATIF TABLEAU DE L’ANCIEN ET DU NOUVEAU RÉGIME D'IMPOSITIONS. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, Dans l'ancien régime. 1° L’arbitraire dominait seul ; au lieu de la loi voguaient les caprices du despotisme, la vénalité du ministre, l’influence des boudoirs, l’intrigue, la corruption. De là les exemptions, les remises, les modérations de faveur; dè là ce renversement de l’échelle des impôts; le collecteur s’arrêtant à la porte du riche, et renversant celle du pauvre. Nulle égalité dans la répartition de la contribution foncière, Il semblait que l’espèce humaine fut divisée en deux castes, l’une de despotes, l’autre d’esclaves ; ici des privilèges, l’orgueil, la mollesse; là des pleurs, les travaux, la misère. Dans l’assiette de la contribution mobilière, même arbitraire, même iniquité ; quiconque avait l’âme bien dure , bien vénale, inaccessible à tout sentiment humain, allouait ses, talents au fisc. Une impitoyable rapacité caractérisait les collecteurs, et ils étaient pour les campagnes un fléau dévastateur, comme la grêle, les chenilles, les ouragans. L’industrie épouvantée n’ôsait prendre l’essor et rétenait captives les spéculations ; une fatale expérience lui avait appris qu’elle ne travaillait que pour le lise. Abreuvés d’humiliations, d’injustice, de découragement, les citoyens renonçaient à aceroitre des biens qui n’auraient point été pour eux, 2° Dans les impôts sur les consommations ; des violences, des visites domiciliaires et inquisitoriales, des interrogations insultantes, des exactions brutales. Voilà pour les percepteurs. Des droits particuliers, des privilèges prodigués sans mesure. Voilà pour la perception. Un code pénal, la honte de l’humanité, ou les plus grandes peines punissaient les fautes les plus légères. Les galères, l’infamie, la prison, le fouet, la marque, la mort !... voilà pour les malheureux contribuables. Le fisc avait tout acheté, jusqu’à la justice ; lorsque la loi elle-même assassine, on est parvenu au dernier degré du despotisme : la ferme disposait des jugements en disposant des places, de juges. Elle avait des tribunaux salariés par elle ; ces tribunaux placés de distance en distance sur la surface de l’Empire étaient l’antre où les monstres épiaient, attiraient, égorgeaient leurs victimes . Ainsi furent établies des commissions particulières à Valence, Reims, Saumur, etc., elles étaient investies de l'autorité des cours suprêmes, leurs arrêts souverains répandaient d’un bout de la France à l’autre la désolation, la ruine ètla mort. La régie des droits d’aides était aussi vexatoire. On retrouverait le tableau des mêmes hprreurs dans les droits exigés à la fabrication sur les cuirs, les huiles, les amidons, les cartes à jouer. Tel fut ausssi le régime des droits aüx entrées des villes. Les Impôts sur les boissons excédaient communément Dans le nouveau régime 1° La loi pour tous, égale, uniforme. Point d’exemptions. Nul ne peut être imposé au delà de la proportion du cinquième de son revenu effectif. Précise, mais bienfaisante, la loi donne les moyens faciles dé connaître et de réparer les surcharges, s'il y a lieu. Tous les citoyens également appelés aux charges, consentent, répartissent, dirigent et surveillent par eux-mêmes un impôt qui n’est établi que pour eux, Les mêmes principes ont établi la contribution mobilière. La loi est évidente, formelle, nulle contestation â craindre; le fléau de l’arbitraire en est sagement écarté; point de fausses interprétations. Le dernier caractère de cette taxe équitable est d’être tempéré. Chaque citoyen, reposant en paix sous une loi bien faisante, s’abandonnera sans crainte à toutes les spéculations qui pourront améliorer sa propriété, il cultivera enfin pour lui-même. 2? Les impôts attentatoires à la liberté du citoyen sont proscrits. Son domicile est un temple sacré, impénétrable aux exactions, à la violence. La loi, sévère, mais juste, ne punira que le refus formel de payer l’impôt; mais quand l’impôt est équitable, égal, modéré, le crime du refus n’est pas à craindre. Ainsi nous devons présumer que la loi ne punira jamais. La justice est enfin impartiale, parce que, par un choix public, éclairé, le peuple nomme lui-même ses juges. Tous les objets de nécessité absolue sont francs de l’impôt, Le pauvre mesurera sa consommation sur ses besoins. Un aliment plus doux, et que la cherté du prix lui [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.} 57 1 Dans V ancien régime-Dans le nouveau régime. lqur valeur originaire ; une inquisition raffipée en assurait la perçeption. Une inventive barbarie s’était complue âen trader le code infernal. * Dans l'ancien régiméi le pauvre, l’indigent même étaient forcés de contribuer à l’impôt, dans une proportion qui ne gardait aucune mesure avec ses faibles ressources. Un journalier, vivant du prix de ses sueurs et de son travail, payait en impôt de consommation, au moins 42 à 15 livres par année ; si le tabac était devenu pour lui une espèce de jouissance unique, nécessaire, consolante, il ne pouvait se la procurer que par la privation de l’absolu nécessaire : ont exigeait de sa part un sacrifice de 45 à 20 livres par année : ces taxes exorbitantes n’étaient comptées pour rien lorsqu’il s’agissait de faire partie de la société : l’impôt indirect ne conférait pas le droit de citoyen actif. L’impôt exigeait des armées de commis sur toutes les barrières locales de la fiscalité; ces barrières redoutables étaient multipliées à l’excès, elles se répétaient à presque toutes les entrées des villes. Des combats sanglants et journaliers étaient livrés entre les préposés du fisc et les malheureux pressés par le besoin ou séduits par f appât du gain. La société perdait 50 à 60,000 citoyens occupés, les uns à faire la contrebande, les autres à la réprimer. L’impôt était fixé dans des proportions correspondantes au revenu fixe que les perceptions procuraient au Trésor public; ainsi, les frais énormes de ces perceptions, les traitements scandaleux des fermiers et des régisseurs, les bénéfices de la contrebande étaient, pour le peuple, une surcharge accablante, sans aucune utilité pour le Trésor public. Les frais de garde et de perception, pour l’impôt du sel, s’élevaient environ à ............. 10,000,000 liv. Ceux de l’impôt du tabac, y compris les bénéfices accordés aux débitants exclusifs du fermier, surpassaient ..... 12,000,000 Ceux des droits de circulation formaient un objet de .................. 3,000,000 Ceux de la régie générale s’élevaient à plus de 15 0/0 sur une perception de 63 à 64 millions de livres, ci. _ _______ 10,000,000 Ceux des entrées de la ville de Paris et les droits perçus dans les autres villes au profit des municipalités et des hôpitaux, coûtaient au moins ......... 6,000,000 Les bénéfices et traitements des fermiers s’élevaient environ à ........... 10,000,000 Les profits de la contrebande sur le sel, le tabac, les droits de traites, et ceux de la régie générale, montaient au moins à ............................ 24,000,000 Ainsi, la mauvaise combinaison des anciens impôts constituait les peuples dans une surchargé évidente de. . . . . 15,080,000 liv. On doit y ajouter les pertes que l’a-. griculture et l’industrie éprouvaient à l’influence de ces impôts sur tes consommations, on so contentera de les évaluer à. . . . ........ .... y. ........ . 25,000,000 rendait inaccessible, pourra enfin consoler, charmer Ses loqgs et durs travaux. Les pages du code barbare sous lequel il gémissait spnt déchirées ; des familles innombrables qu’engloutissaient les prisons, les galères, von l renclre au commerce leurs bras, leur industrie, Les jouissances, les besoins du pauvre, sont affranchis de l’impôt; la contribution ne s’étend qarà celui qui possède; toujours elle est proportionnelle aux facultés soit foncières, soit mobilières; les taxes sont uniformes, et; donnent à, chacun le droit de voter les impôts : ce droit est lé premier apanage fie Fhomme libre ; il était injuste et barbare de ne compter pour bien les contributions arrachées à l’indigent, et de le soumettre tyranniquement au despotisme dti fiche et de l’hommo aisé, corrompu par ses richesses: mômes. Le nouveau régime est up traité de paix solennel et durable, les barrières de la fiscalité n’existent plus, même aux. entrées des villes, ; la liberté règne dans l’universalité des départements, les impositions déguisées, inconnues, sont, à jamais proscrites : la fraude n’a plus d’aliment,, les employés et les; contrebandiers sont rendus 4 1$ société, à l'agriculture, à l’industpe. Les traitements des régisseurs sont limités à la juste récompense du travail; ils sont honnêtes mais modérés ; la contrebande ne trouve point à exercer ses talents,, et les voies de corruption, les frais de régie (si Ton en excepte les douanes; qui ne peuvent longtemps subsister) sont peu dispendieux, et ne coûteront pas au delà de 5 à 6 0/0; les contributions nouvelles, enfin, ne portent aucune atteinte aux extensions, aux progrès de l’agriculture, du commerce et de l’industrie;. Conséquemment, l’impôt excédait le» secours. destinés Trésor publie; de. . 1OQ,OQO;OQ0 liv., Les peuples éprouvaient donc une surcharge effective de 100 millions de livres, pour des impôts qui procuraient au Tréspr public une ressource réelle au. plus de 180 millions dé livres. Les accroissenfienty Successifs des contributions, imaginées par lé génie dé la fisedfetè, avaiétft toUjirars été auMiessouS désbésôiiis cfo ’Trésbû le&'pèUpleS gémissaient sous le poids, d'impositions bizarres, immorales, dæspuçajfg* çi*iaeu»ejb,$t effets. Les revenus et lés contributions publiques, dans unô proportion correspondante aui‘ besoins de l’Etat, même en y compre'naat les dépense» dés departements et de l’ordre, judiciaire, Consisteront dans les objets suivants : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 127 mai 1791.] Dans l'ancien régime. Dans le nouveau régime. nistres les plus habiles dans la science de l’impôt, avaient échoué dans l’entreprise de rétablir la balance entre la recette et la dépense. La nation n’avait point d’autre espoir que dans la prorogation de l’erreur et de l’illusion ; il y fallait un terme, il était nécessairement prochain. On ne pouvait plus se dissimuler l’impossibilité de satisfaire aux engagements promis et convenus : la banqueroute était inévitable. L’Assemblée nationale a sondé la profondeur du mal ; elle en a reconnu l’immensité. Il était grand sans doute, mais son courage a été plus grand encore. Elle a pris la résolution ferme et constante de rétablir l’équilibre, d’assurer la fidelité des engagements, de proportionner les recettes aux dépenses : ses comités ont été chargés de réprimer tous les abus, de porter une économie sévère dans toqtes les parties de la dépense des diverses branches de l’administration; et votre comité des contributions publiques a eu la lâche pénible d’asseoir des contributions équivalentes aux besoins connus de l’Etat. Il l’a remplie, Messieurs, avec zèle, avec scrupule ; et je prouverai sans peine qu’en rétablissant la balance entre la recette et la dépense, la nation éprouve un soulagement effective plus de 200 millions sur la masse des contributions, non compris les bénéfices de la contrebande et les améliorations de revenus qui seront le fruit constant du nouveau mode d’impositions. • En effet, Messieurs, les anciennes contributions exigeaient en perceptions comprises dans les bases élémentaires de répartition conformément au n° 10, une somme de ................ 487,391,000 liv. Les sols pour livre non employés dans ces mêmes bases formaient suivant le même tableau un objet de .......... 64,793,000 Les dîmes formaient un impôt réel de .................................. 133,000,000 Les milices étaient évaluées à ...... 600,000 Les droits de péage, minage et autres droits féodaux supprimés sans indemnité, les frais de justice, les capitaineries et d’autres charges réelles, mais non susceptibles de preuves positives, et dont les détails ont été donnés dans le tableau mis sous vos yeux par votre comité le 6 décembre 1790, montaient au moins à .......................... 30,000,000 Les loteries donnaient un produit net de .............................. 10,000,000 Les postes et messageries .......... 12,000,000 Les poudres et salpêtres .......... 1,000,000 Les salins et salines ............... 3,000,000 Les forêts nationales ......... . ..... 15,000,000 Ainsi la totalité des perceptions en revenus destinés pour les besoins de l’Etat, insuffisants pour ces mêmes besoins, était de ............... . ...... 762,784,000 liv. 1° Produit des forêts nationales.... 15,000,000 liv 2° Salins et salines ............. . .. 3,000,000 3° Poudres et salpêtres ...... k ..... 1,000,000 4° Loteries ........................ 10,000,000 5® Postes et messageries ........... 12,000,000 6® Produit brut des douanes.. ..... 28,01)0,000 7° Produit brut du droit d’enregistrement et des hypothèques ............ 58,000,000 8® Produit brut du droit de timbre. 24,000,000 9® Produit du droit des patentes. . . . 24,000,000 10° Contribution foncière ........... 240,000,000 11° Contribution mobilière ......... 60,000,000 12° 4 sols pour livre additionnels des contributions foncières et mobilières, pour la dépense des départements .... 60,000,000 13° Frais de perception et fonds de non-valeur dans l’assiette des contributions foncière et mobilière ......... 26,000,000 561,000,000 liv. Et cette somme, concurremment avec le produit des biens nationaux, ou les extinctions d’arrérages qui résulteront des remboursements, suffira à toutes fes dépenses dont l’Etat est grevé, à l’acquittement fidèle de tous les engagements promis et convenus. Ces résultats, Messieurs, ne sont nullement problématiques, nullement équivoques ; ils justifient complètement les travaux de voire comité; ils assurent à jamais le crédit public, et l’altération qu'il paraît éprouver dans le moment actuel cessera bientôt, lorsque l’assiette et le recouvrement des anciennes contributions seront mis en pleine activité. Projet d’adresse aux Français, sur l’impôt. Français, il n’est plus d’autorité que celle de la raison ; il n’est plus de joug que celui de la loi, ce joug salutaire et doux que les têtes les plus fières portent d’autant plus docilement qu’elles sont faites pour n’en porter aucun autre. Ces expressions appartiennent à l’ami de la liberté, à Rousseau. Le premier devoir du citoyen est d’obéir aux lois. Les lois relatives à l’impôt sont les plus sacrées de toutes. Qu’est-ce en effet que l’impôt? C’est une dette acquittée par chaque citoyen pour les besoins de l’Etat, et dans un gouvernement libre, les besoins de l’Etat consistant dans le bonheur de tous, il suit de là que chacun donne pour soi-même. C’est un échange véritable : ce que l’Etat reçoit des particuliers, il le leur rend en surveillance, en sûreté, en liberté, en bonheur, en biens inappréciables remboursant une avance infiniment modique. Pour élever le temple de la féjicité publique, il faut que chacun apporte une pierre. Quel est le fluide actif qui entretient la force et le mouvement dans toutes les parties du vaste corps de l’Empire? L’impôt. Qui couvre la mer de nos vaisseaux, et la terre de nos soldats? L’impôt. Quiconque refuse de l’acquitter, détruit, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mai 1791.] 573 autant qu’il est en lui, la force publique ; il arrache la clef de la voûte. Le vrai patriote ne vit que dans l’intérêt général. Mais pourquoi vous parler de devoir? Ne consultez que votre intérêt même. Que devient l’arbre naissant de la liberté, que deviennent ses bienfaits, si les fruits en sont foulés aux pieds dans leur germe, si chacun veut recueillir sans semer? Que devient la foi des engagements? L’Etat n’a-t-il pas des dettes immenses et sacrées ? N’ont-elles pas été mises sous la sauvegarde de la loyauté française? Qui voudrait précipiter ses frères dans un gouffre d’infortunes? Qui voudrait être pour eux plus cruel que les despotes? Les despotes avaient tenté la banqueroute : appartiendrait-il à des hommes libres de remplir leur odieux projet! Eh ! ne voyez-vous pas que l’impôt est rappui, la sauvegarde de toutes les propriétés. C’est les attaquer que d’en renverser les appuis, c’est rappeler l’orage que l’Assemblée nationale avait conjuré de dessus nos têtes. O vous dont le patriotisme épuré ne descendit jamais dans les calculs de l’intérêt personnel, dignes enfants de la liberté, compteriez-vous pour quelque chose le sacrifice d’un peu d’or, quand vous avez compté pour rien celui de votre vie? Réchauffez de vos sublimes exemples ces cœurs glacés par l’égoïsme, qui s’isolent de la cause commune. Prouvez-leur que l’intérêt même particulier ne se trouve que dans l’intérêt général ; dites-leur que ce n’est point en détendant le ressort de la force sociale qu’ils pourront espérer d’être protégés contre la violence; dites-leur que les racines des engagements s’étendant au loin, s’ils frustrent l’Etat d’une; dette légitime, ils se frustrent eux-mêmes de celles qu’ils ont droit de recueillir; dites-leur que dans le bouleversement de la fortune publique, et par conséquent des fortunes particulières, le contre-coup du choc arriverait jusqu’au dernier anneau de la chaîne sociale. Placez ces &mes vulgaires et viles sur les hauteurs de l’avenir; de là faites leur jeter un regard sur les maux incalculables qu’entraînerait le refus de se soumettre à l’impôt. Peignez-leur les arts éperdus et brisant leurs pinceaux; les canaux du commerce taris ; les richesses de l’agriculture dispersées ; la liberté éteignant son flambeau; les ïfieurtres, l’incendie, le carnage étendant sur ce riche Empire les crêpes de la désolation et le deuil de la mort : asseyez-Ies sur ces vastes ruines ; alors demandez-leur s’il ne leur importe point de prévenir cet immense naufrage, et si lorsque chacun court à la poupe pour empêcher le vaisseau de faire eau de toutes parts, ils doivent rester spectateurs oisifs et tranquilles. Une contribution pèserait-elle plus que le salut de l’Empire? Ce n’est point assez d’avoir conquis la liberté, il faut savoir la conserver; la générosité doit achever ce que le courage a commencé. Il n’est point de Constitution sans fortune publique; il n’est point de fortune publique sans l’impôt. Vous avez vu, Français, quelles étaient les armes de nos ennemis : la trahison, la perfidie. Votre valeur est plus grande que les dangers extérieurs; ceux de l’intérieur sontseuls à craindre. Avec quel arthomicide on promène des suggestions empoisonnées ! Voyt zcorame ne pouvant attaquer de front la force publique, on cherche à en paralyser le nerf, en versant la défaveur sur le nouveau mode d’imposition 1 Voyez comme on entoure la basé de la Constitution de reproches immérités, pour parvenir à en ébranler les fondements! Voyez avec quelle astuce insidieuse on jette sur les manœuvres les plus coupables, le voile perfide de l’intérêt! Les Jérémies du despotisme ne manquent point de répéter que l’on payera davantage sous le bouveau régime que l’on ne payait sous l’ancien. Français, nous avons mis sous vos yeux le parallèle exact et mathématique de ces 2 régimes. Il en résulte qu’avec les besoins légués par l’ancien ordre de choses, et commandés par le nouveau, qu’avec des dettes immenses la masse de l’impôt actuel est cependant moindre de 200 millions que la masse des anciennes impositions. Nous vous prévenons d’avance contre les cris de ceux qui vous prouveront qu’ils ont en effet plus payé qu’autrefois. Ces cris seront ceux des riches. Il a été juste de faire cesser leur longue injustice envers le pauvre et de leur faire partager te fardeau commun ; ils ont été imposés d’aprè3 ce principe naturel et sacré pour tous les honnêtes gens : qui a plus, paye plus ; qui a moins, doit payer moins. Les riches regretteront la logique consciencieuse du despotisme : la prison prouvait alors que celui qui a plus, doit donner moins, et que celui qui a moins doit donner plus. Des gens nourris de ces systèmes ne s’apprivoisent pas avec les principes : on sent qu’ils doivent frémir à l’aspect de la morale; l’égalité est pour eux un tourment, le droit naturel un supplice, et la justice une oppression. Sachez reconnaître alors la voix mal déguisée d’un sordide égoïsme. L’impôt est la pierre de touche où vous reconnaîtrez les bons citoyens. Quiconque aime la patrie, se hâtera de porter sa dette sur l’autel : le mauvais citoyen, l’homme indifférent à la chose publique s’en éloignera seul en murmurant. Amis de la liberté, dénoncez-les alors comme traîtres à leur pays, et faites descendre l’opprobre et la condamnation sur leurs têtes criminelles. Toute excuse est ôtée à la malveillance : rien ne peut colorer le refus. Les principes des impositions actuelles sont : justice, modération, égalité. Ils ont été assis sur ceux de la Constitution; ils ne sont, pour ain-i dire, que le commentaire du texte de la déclaration de droits de l’homme. C’est à ce trône inébranlable et respecté qu’aboutissent toutes les ramifications : pour atteindre dans leurs différentes sources les fortunes qui devaient toutes contribuer, il a fallu combiner différents moyens d’impôts. Ces impôts divers n’ont eu qœune seule et même base, et sur cette basse l’Assemblée a gravé : liberté , protection à l'industrie. Tout a été rattaché, lié fortement à ce principe régénérateur et fécond des grandes choses. Les idées morales ont brisé dans leur vaste déploiement tous les ressorts inventés par la fiscalité qui fatiguaient, entravaient le commerce : l’inquisition domiciliaire, semblable à la sangsue qui marche en se repliant et ne quitte sa proie que lorsqu’elle regorge de sang, convertissait en or celui qu’elle avait sucé sur les peuples; ses anneaux sont rompus, et la liberté ne demande en tribut qu’une légère part dans les bienfaits qui sont l’ouvrage de ses mains. Si les terres se couvrent d’une moisson plus abondante, si des animaux destructeurs n’en dévorent plus les fruits, si les prés sont fertilisés 674 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 mai 1791.] et les bestiaux améliorés, si le sol devenu peu coûteux répand sa fécondité sur un sol affranchi, rend les moyens de vivre plus faciles, et concourt à abaisser le prix des objets de consommation, c’est à la liberté que vous devez ces biens. Ah I quand elle n’en promettrait pas de nouveaux, on devrait s’acquitter envers elle par reconnaissance. Agriculteurs, vous devez à la liberté les richesses dont le sol va se couvrir, l’affranchissement de la glèbe et de la personne, les droits de l’homme. Commerçants, vous devez à la liberté, l’essort, l’encouragement de l’industrie ; vous n’avez d’autre terme que celui mis par la nature à vos talents : froissés par l’état présent des choses, élancez vos espérances dans un riche avenir, n’oubliez jamais que l’intérêt du commerce n’est pas celui de quelques commerçants; et puisant une consolation dans l’intérêt de tous, rappelez-vous qu’un privilège exclusif était un attentat contre les droits naturels, un crime de lèse-humanité; pénétrez-vous surtout de cette vérité, que quiconque perd à cela comme vendeur, gagne alors comme acheteur. Créanciers de l’Etat, vous devez à la liberté l’assurance, la conservation de vos droits, l’acquittement sacré de la foi des engagements. Habitants des villes, vous devez à la liberté la suppression des droits aux entrées ; et si elle a épuré, agrandi pour vous les moyens d’existence physique, habitants des campagnes, vous devez à la liberté l’abolition des dîmes, de la féodalité et de tous les droits mis sur les objets de nécessité première; votre état est autant adouci qu’honoré. Citoyens, c’est à la liberté que vous devez ce nom, et la chute des bastilles et la mort du despotisme. C’est pour conserver ces biens inestimables que vous acquittez l’impôt. G’ést à l’impôt que sont attachés tous les liens de la chose publique, l’armée, la flotte, les subsistances, le commerce, les arts, l’agriculture, la dette nationale. G’est l’impôt qui fait circuler le mouvement dans toutes les parties, et qui fait vibrer tous les ressorts quand dans le corps humain le sang s’arrête, l’individu expire. Il en est de même du grand corps de l’Etat; l’impôt en est le sang : quand il cesse d’y circuler, le corps politique meurt. Alors les lumières de la Révolution iraient s’éteindre dans le chaos de l’anarchie, et la nuit de l’esclavage couvrirait encore ce vaste Empire. O Français, vous serez vous-mêmes. Vous ne souffrirez pas que le tombeau dévore le berceau de la Constitution. On a accusé le caractère français de n’être capable que d’un premier et violent effort; démentez cet adage injurieux : continuez l’héroïsme, montrez qu’une suite de sacrifices est digne de la hauteur de votre courage. Mais vous brûlez de secourir la patrie. L’une de vos mains verse l’or sur son autel, l’autre est armée d’un fer qui la protège. J’entends des voix généreuses s’écrier : non, ce n’est point un sacrifice, c’est un devoir sacré ; qu’il soit rejeté du sein des français l’être dégradé qui préférera un métal vil à la précieuse liberté : ou plutôt que le cri de son intérêt le réveille, qu’il écoute la nécessité ; sa voix dit à l’égoïste : il faut donner pour conserver ton or; la liberté dit aux patriotes : O mes fils 1 Voyez ce qu’il en a coûté à tous les peuples de la terre pour m’obtenir : le désintéressement est la première des vertus que j’inspire; si l’apprentissage de mon culte est difficile, la récompense en est douce; parcourez, égalez, surpassez les exemples que vous ont laissés les Grecs, les Romains, les Anglais, les Suisses, les Etats-Unis de l’Amérique : l’univers à les yeux sur vous; l’histoire s’apprête à vous juger, à immortaliser votre gloire* attendez poqr vous reposer sous l’arbre, que la sève ait couru dans les rameaux, et qu’ils donnent de l’ombrage. Oui, refuser de concourir à la chose publique, est un crime d’esclave. Ne point acquitter l’impôt, c’est renoncer aux secours de l’Etat, c’est se déposséder de la protection tutélaire qui veille sur tous : retirer sa mise de la force générale, c’est perdre le gage de sa sûreté particulière ; enfin ne point contribuer aux charges de la nation, c’est moins trahir la nation que se trahir soi-même, ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PÜSY. Séance du samedi 28 mai 1791, au matin ( t). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de jeudi, 26 mai, au soir, qui est adopté. M. Bécherel, évêque et député du département de la Manche, qui était absent par congé, annonce son retour à l’Assemblée. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, 27 mai, qui est adopté. M. "Vernier. Messieurs, je vous demande la permission de présenter une courte observation au sujet du décret quê vous avez rendu hier relativement à la répartition des contributions. Tout en applaudissant au zèle infatigable de votre comité d’imposition, je crois qu’il est impossible que dans des calculs aussi immenses que ceux qu’a nécessités un tel travail, il ne se soit glissé quelques erreurs : ces erreurs de calcul doivent être exceptées de plein droit du décret. J’en ai reconnu pour ma part dans les articles concernant l’ancienne province de Franche-Comté, et notamment dans les fractions relatives au département du Jura; je les ai désignées au comité, qui s’est aussitôt occupé à les vérifier. Je crois, toutefois, que pour ûe point touchera des calculs infinis, les erreurs qui pourront être reconnues, devront être mises en dégrèvement sur les sols pour livres destinés à cet effet. M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, pendant la distribution des tableaux et du rapport sur la répartition des contributions, votre comité s’est occupé très activement de la quatrième vérification de tous les calculs nécessaires à une si importante opération ; mais je dois vous dire qu’en raison de là nouvelle division du royaume, quelques départements sont composés de cinq paroisses, et même de six, des anciennes provinces; il a donc fallu faire des opérations de calcul très multipliées sur chacune de ces portions, en procédant paroisse par paroisse. Les différences de régime d’impôts et la multiplicité de quelques-uns dans certaines parties du royaume ont exigé plus de 100,000 opérations de calcul et vous pensez bien que les (!) Cette séanee est incomplète au Moniteur.