316 [ConYemion nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J Siktmbre ‘iras Compte rendu du Bulletin de la Convention (1). Les administrateurs du district de Caen écri¬ vent que conformément aux dispositions de l’article 20 de la section II de la loi du 14 fri¬ maire, le représentant du peuple Laplanche a procédé à l’épurement et au remplacement des autorités constituées de Caen. Charles-Pierre-Marie Aubin fils, procureur syndic du district, a été continué et réélu comme agent national, aux acclamations du peuple. Le représentant du peuple Faure fait passer le détail de la fête qui a été célébrée à Nancy en l’honneur de la raison. Insertion au « Bulletin » (2). Suit le texte du procès-verbal de cette fête d'après l’original qui existe aux Archives na¬ tionales (3). Fête civique du décadi 30 brumaire de l’an II DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, UNE ET INDIVISIBLE, 1er DE LA MORT DU TYRAN, célébrée a Nancy en exécution de l’arrêté du conseil général du dépar¬ tement DE LA MEURTHE, DU 5e JOUR DU 2e MOIS. La veille, la fête a été annoncée au son de la caisse, avec invitation aux citoyens de concourir à sa solennité. Le lendemain, à neuf heures du matin, un groupe de musiciens, suivis d’une masse de citoyens, ont apporté à la salle des séances de la Société populaire la statue de la Liberté, les eorps constitués s’y sont rendus, ainsi que Faure, représentant du peuple. A dix heures, la marche a été dirigée vers le temple de la Raison. Un groupe de tambours et de musiciens pré¬ cédaient la Société populaire en masse, au mi¬ lieu de laquelle flottait le drapeau de la sur¬ veillance. Un chœur de jeunes citoyennes vêtues de blanc et ornées de la ceinture tricolore envi¬ ronnaient la statue de la Liberté portée par huit sans-culottes et chantaient l’hymne chéri de cette déesse. Paraissaient ensuite le représentant du peuple entouré des corps constitués, tous re¬ vêtus de leurs insignes; ils étaient suivis d’un groupe de citoyens et de citoyennes chantant l’hymne des bonnes mœurs. Un piquet d’hommes armés fermait la marche. Le cortège s’est rendu au temple de la Rai¬ son au bruit d’une salve de canons. Arrivés au temple, le drapeau de la surveil¬ lance placé sur l’autel de la patrie, la statue de la Liberté déposée au-dessous de ce dra¬ peau, les corps constitués environnant l’autel, (1) Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 6 nivôse an II (jeudi 26 décembre 1793). (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 103. (3) Archives nationales, carton G 289, dossier 889, pièce 5, Brice, maire de la commune de Nancy, a pro¬ noncé un discours tendant à rendre justice à la franchise des ministres de l’ancien culte à Nancy, qui sont venus eux-mêmes donner au peuple l’exemple du retour aux simples maximes de la religion naturelle, de la saine raison et de la philosophie, en mettant sur l’autel de la patrie tous les riches hochets du despotisme sacerdotal, et abjurant une erreur qu’ils n’avaient eux-mêmes propagée que par ordre du gouvernement en vigueur alors; il a ensuite rendu compte des délibérations majeures prises en conseil général de la commune, depuis la dernière décade. Ensuite le citoyen Faure, représentant du peuple, envoyé dans les départements de la Meurthe, de la Moselle et de la Haute-Marne, s’est adressé au peuple et a dit : « Félicitons-nous, frères et amis, à chaque pas que fait la Révolution, nous la voyons s’avancer avec gloire vers le but triomphant où elle doit écraser à la fois tous ses ennemis et dissiper toutes les erreurs. « Des préjugés gothiques et dangereux sub¬ sistaient encore au milieu de nous, inventés par l’orgueil, caressés par le despotisme, pro¬ pagés par l’ignorance. Ils épouvantaient l’en¬ fant au berceau et ne nous abandonnaient à la fin de notre carrière qu’ après nous avoir livrés à 1a fatigue importune de songes puérils et bizarres. « Mais enfin, grâce à l’énergie brûlante de la liberté, grâce aux lumières répandues sur l’horizon de la République, il n’existe plus sur notre sol de ces forêts sombres et soi-disant sacrées dont les druides de tous les temps défendaient l’approche, pour mieux nous abuser, en y contrefaisant la voix de la divinité. « Le siècle de l’ignorance, et par conséquent de l’erreur, est passé. Le Français dégagé de ses chaînes ne connaît plus d’autre enthou¬ siasme que celui de la liberté, d’autre passion que la haine des tyrans, d’autre sentiment dominateur que l’amour de la patrie, d’autre religion que celle de la vertu, d’autre culte que celui de la loi. « Déjà grand nombre de prêtres sages et éclairés ont donné à la France le grand exemple de cette probité ouverte et loyale qui sait s’affranchir du servage de la fausse honte et de la ridicule obstination; ils sont convenus de la véritable valeur des marchandises dont jus¬ qu’alors ils ne nous avaient surfait le prix que parce que leur métier était de les vendre. « Je ne vous parlerai pas de ces deux prêtres belges, à qui il a suffi de toucher le sol de la liberté pour s’écrier, comme après une tra¬ versée périlleuse, qu’ils ne voulaient plus être ce que sont les bouleverseurs fanatiques de leur malheureuse patrie. « Mais qui n’a pas été attendri en appre¬ nant qu’un respectable citoyen, ci-devant vi¬ caire épiscopal, aujourd’hui défenseur de la patrie dans l’armée des Ardennes, en ren¬ voyant les titres oisifs de sa caste de Brahma, sollicite pour la veuve d’un de ses braves frères d’armes tué à ses côtés, la pension ecclésias¬ tique qu’il percevait lui-même? « Un autre vicaire épiscopal, Groscassand, annonce qu’éclairé par la philosophie et guidé j par le patriotisme, il renonce à tout ce qui pourrait lui faire supposer d’autres qualités I que celles d’homme et de citoyen. Plus heu- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | décembre «93 317 reux, quoique pauvre, il me restera, dit-il, un champ que je cultiverai pour vivre et servir la chose publique. « Vous rappellerai-je que le digne et ancien curé de Benos, après quarante années d’exer¬ cice et de travail dans un ministère qu’il ano¬ blissait de ses vertus personnelles, n’a pas hésité de rendre à la vérité l’hommage d’un véritable Nestor; il a fait plus, il s’est borné à demander à la République, pour sa simple nourriture, du pain et du lait, en faisant remise de son salaire en entier. « Prélats opulents de l’ancien régime, con¬ naissez le trait du curé de Benos, et périssez de désespoir et de misère. « C’est avec le même désintéressement que Bernard, un vicaire de Provins, abdique les fonctions du sacerdoce, malgré qu’il n’àit pour subsister, lui et une mère très âgée et très infirme, que la rétribution qu’il retirait de cet état. « Déjà aussi, comme vous l’avez appris, plu¬ sieurs prêtres de la Charente-Inférieure, pro¬ testants et catholiques, se sont fait gloire d’anéantir leurs parchemins et leurs titres pour ne conserver plus que ceux de prédicateurs de morale. « Tous les journaux ont répété les noms des citoyens Desromble, Savard, Renaud, Dussel, Denis, Frideric, Tatil, Renard et de tant d’autres ci-devant curés, vicaires et chanoines, qui ont fait à la patrie l’hommage de leurs titres, de leurs madones, et de leurs burettes. « En quoi donc consistait cette prérogative sacerdotale? Demandez-le à ce prêtre connu de Chalon-sur-Saône, il vous répondra qu’il ne faut rien moins qu’un baptême civique pour en laver la tache, et c’est la grâce qu’il de¬ mande. « Aussi, voyez le vénérable ci-devant évêque de Paris, comme en un instant il se décide et préfère le glorieux titre de citoyen aux vains ornements de sa prélature. Suivi de ses vicaires épiscopaux, il vient à la Convention nationale faire hommage à la nation de son obéissance, et à la vérité du devoir de la déclarer. « A ces sentiments, Villers, curé de Nantes, ajoute un motif raisonné que peut assigner (sic) aujourd’hui la majorité existante des mi¬ nistres catholiques en place. Il tenait ses chartes de la Constitution civile du clergé, sa mission était de foudroyer le fanatisme des réfractaires, et de ramener leurs dupes au giron de la patrie, aujourd’hui que le fanatisme n’est plus et que les dupes sont éclairées, il rend son brevet de mission, prend son congé et se retire. « Je ne puis taire les noms de mes conci¬ toyens, Boist, Lindet, évêque de l’Eure, Gay-Vernon, évêque de Limoges, Massieu, évêque de Beauvais; celui de Périgueux, ministre pro¬ testant; le curé de Saint-Augustin de Paris et ses vicaires, qui, tous pressés d’une réhabi¬ litation nationale, ne veulent plus annoncer que les saintes lois de cette morale universelle qui part des inspirations de la nature pour fonder la justice éternelle des peuples. « Les évêques de l’Eure et du Lot n’avaient pas attendu le moment de cette régénération civique pour en consacrer d’avance l’initia¬ tion, en étourdissant l’opinion craintive du bruit imposant de leurs mariages. Trop long¬ temps d’anciens préjugés ont été regardés comme respectables, la nature ne transige jamais avec ses droits, et quand elle alluma dans nos cœurs le feu sacré de notre existence, elle s’opposa toujours à ce qu’une opinion fan¬ tastique la couvrît des cendres glacées de la stérilité. Beaucoup d’autres, à l’imitation de ces évêques, ont acquis aux yeux de la Répu¬ blique un degré de civisme de plus en deve¬ nant époux et pères. « Quant à Massieu, vous n’avez point ignoré ses talents, son mérite, quand il exerça au mi¬ lieu de vous une profession savante et labo¬ rieuse dans votre université; peut-être en ce moment plusieurs de ses dignes élèves m’en¬ tendent et m’envient la gloire de rendre jus¬ tice à ses lumières et à ses vertus. « Il en est d’autres encore en grand nombre qui, dans différentes parties de la République, ont fait entendre les aveux de la raison et de la saine morale. « Mais un surtout arrête ici ma pensée, parce qu’il doit être pour vous tous assemblés ici d’un grand et\ salutaire exemple. Dans cette même chaire d’où je vous parle, Lalande, votre ci-devant évêque constitutionnel, vous prêcha comme sage l’amour de la patrie et de la vertu. Eh bien, citoyens, cet homme rare, l’oracle dè l’ancien clergé par sa profonde doctrine, la terreur du fanatisme par ses écrits lumi¬ neux; cet homme dont l’arrivée fut pour vous un jour de fête, et la possession une victoire; cet homme enfin, dont la réputation l’avait précédé comme réunissant les dons de l’esprit à ceux de la simplicité modeste; qu’a-t-il osé révéler? Qu’a-t-il développé au grand jour? Cette grande et terrible vérité, que l’exercice du culte catholique avait perdu la confiance de la nation, et que ses ministres n’avaient plus qu’à se soumettre à leur disgrâce méritée, en remettant d’eux-mêmes au peuple souverain leurs titres, leurs décorations et leurs attri¬ buts. « Venez donc, à son imitation, déposer sur l’autel de la patrie vos hochets, vos chapes et vos rabats. Songez que déjà le bon peuple des campagnes se réveille et vous voit. Ce qu’a fait la vertu, vous le ferez. Ce que vous ins¬ pire le civisme le plus pur, vous le direz. Ce dont le courage de la vérité vous impose l’obli¬ gation sacrée, vous vous y soumettrez. « Ah! qu’il est heureux de pouvoir précéder dans la voie du bien ceux qui n’attendent que le signal du premier pas que nous y ferons pour nous suivre. « Et vous donc aussi, peuple d’Israël, dont le culte était la seule consolation lorsque vous étiez dans l’esclavage et sous le poids de la tyrannie de toutes les passions, qu’il est beau de vous voir devenus citoyens, abandonner de vieilles erreurs, que vous voulez remplacer par les lois d’une montagne plus sainte que la vôtre, parce que de celle que la France révère ne sortent que les commandements de la jus¬ tice éternelle et de la nature. Ce sont les Israé¬ lites de Paris qui vous ont donné ce grand exemple. « Qu’il me soit permis ici de faire une com¬ paraison. Si les objets de manufacture anglaise sont prohibés, parce que les Anglais sont les ennemis de notre liberté, pourquoi les parures du culte catholique ne subiraient-elles pas la même interdiction? Elles ont servi à décorer pendant tant de siècles ceux dont la mission politiquée tait de captiver les élans du génie, d’étouffer le courage de la liberté, d’éterniser [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 6 nivôse an II 26 décembre 1793 318 l’enfance des nations et d’assurer la domina¬ tion des aristocrates de tous les temps, par la stupide ignorance des pauvres sans-culottes. « Citoyens prêtres de cette commune et de celles environnantes, ce n’est point à vous que j’adresse ce reproche; vous vous êtes engagés dans des liens alors autorisés par de mauvaises fois ; on vous a vus dans ce temps de révolution combattre ceux des vôtres qui s’étaient dé¬ clarés les ennemis de la liberté; vous avez écrasé le fanatisme du culte par la philosophie du culte; vous avez laissé là les dogmes téné¬ breux pour ne vous occuper que de la propa¬ gation des vertus morales; vous n’avez point avili votre apostolat par les grimaces de la tartuferie, les gestes de l’hypocrisie, les affec¬ tations mensongères du bigotisme; vous n’avez point, comme les rebelles qui vous ont précédés, tâché de vous ressaisir de la crédulité du peuple au moment de votre départ, en suivant la pro¬ cession burlesque d’un crâne qui, suivant l’expression d’un journaliste du temps, haus¬ sait les épaules de la sottise des promeneurs. (Le ci-devant M>'r de la Fare, et son ci-devant clergé, ont fait, dans le temps, une procession ridicule à la suite d’une tête de mort, qu’ils disaient être celle d’un je ne sais quel saint Epvre.) Vos torts n’ont été que ceux du gouvernement lui-même; seulement aujourd’hui que le bal masqué est fini, et qu’il fait jour pour tous, ôtez vos dominos, vos bi¬ garrures et vos livres magiques; les mystiques illusions ne sont que des jeux aux yeux de la raison; il est temps d’être au milieu de nous vrais comme la nature, francs comme de braves sans-culottes. ci Ne vous défiez point de la générosité de la nation, elle sait apprécier votre offrande et vos sacrifices; déjà, par un décret formel, dans la séance du 21 brumaire, le comité des finances est chargé de présenter, sous hui¬ taine, un projet sur la pension à accorder aux prêtres qui renonceront à ce qu’on appelait le mini tère des autels. « Pour ceux d’entre vous tous, citoyens, qui, par de vieilles habitudes de sentiments et d’idées, aimez à persister dans les principes de votre croyance intérieure, ne pensez pas que nous voulions faire saigner vos cœurs par une violence barbare; si la force invincible de la loi assujettit vos actions, elle laisse à l’inti¬ mité de vos pensées, dans votre âme, la liberté qu’y recéla la main de la nature. Souvenez-vous seulement de ne pas vous obstiner sans entendre, de ne pas juger sans voir, et de ne pas vous raidir d’avance contre la douce per¬ suasion de la sagesse; il est un temps pour les ténèbres, il en est un pour la lumière; gardez-vous de fuir cette philosophie sublime à qui nous devons le développement du secret de notre liberté et des lois augustes qui nous en garantissent la possession à jamais. « Quel bel exemple, prêtres de la Meurthe, n’allez-vous pas ajouter aujourd’hui à tous ceux que je viens de vous citer, en renonçant à jamais à l'erreur pour ne suivre que la vérité. , « Venez tous, prêtres, ministres et rabins, s’il en existe encore dans la République au moment où je parle; voyez devant vous l’ai¬ mable et douce liberté qui vous tend les bras. Avancez, qui peut vous retenir? Ce que d’autres ont fait, ne sauriez-vous le faire? Il est grand de reconnaître son erreur et d’y renoncer. Ah ! qu’il dut être beau de voir, le 24 de ce mois, l’ex-curé de Mouy présenter à la Convention nationale sa jeune épouse, que de barbares parents avaient ci-devant ensevelie dans un cloître. « O liberté sainte et chérie ! Liberté céleste ! toi dont la nature bienfaisante est l’image, viens réchauffer nos cœurs du souffle de ta divinité; et si une erreur de moins sur la terre est pour toi un triomphe, signale avec nous ce jour de fête dans les annales de ta gloire, et que cette commune devienne un de tes plus beaux domaines. » L’assemblée, frappée des grandes vérités répandues dans le discours du représentant du peuple, en a demandé l’impression d’une voix unanime et a fait retentir la voûte du temple des cris de : Vive la République ! Le chœur des musiciens a chanté des hymnes et des chansons patriotiques. Ensuite Nicolas, président de la Commis¬ sion provisoire du département, dit : « Aujourd’hui se confirme une grande vé¬ rité, annoncée par un philosophe qui, par ses ouvrages, a préparé les esprits à la Révolu¬ tion : « Ils viennent vous le déclarer eux -mêmes dans le temple, où naguères, sous prétexte de rendre hommage à l’ Eternel, on l’avilissait en quelque sorte par de vaines et ridicules céré¬ monies. « Cette tribune, qu’ autrefois on appelait la chaire de vérité, n’a jamais été que celle de l’erreur et du mensonge. C’est là qu’on dégra¬ dait la raison humaine par les plus absurdes préjugés; c’est là que le charlatanisme sacer¬ dotal effrayait les âmes timides et préparait à une servile obéissance. Il existait un concert scandaleux entre l’autel et le trône pour river les fers du peuple. Le chrétien n’était en effet qu’un véritable esclave rampant sous les pieds des despotes civils et religieux, quand la phi¬ losophie indignée osa élever la voix pour pro¬ clamer solennellement la liberté. Mais le peuple français ne pouvait être libre avec une reli¬ gion qui prêche la soumission et l’esclavage. Eclairé par les principes de la révolution, il eut honte d’avoir été si longtemps dupe des jongleries ecclésiastiques, et s’indignant de tant de supercheries employées à entretenir son erreur, il est parvenu à secouer les préjugés et à arracher le masque au fanatisme. « Quel triomphe pour la philosophie ! Le temple de la superstition est devenu celui de la vérité; les ministres du culte catholique, renonçant à leurs titres et abjurant leurs erreurs, parlent le langage de la raison et prê¬ chent l’égalité et la fraternité. Le peuple au¬ trefois crédule et superstitieux, détestant le fanatisme, a placé son principal bonheur dans l’amour de la patrie; il dresse des autels à la liberté, et choisit pour sa religion la saine mo¬ rale. « Quel spectacle touchant et sublime ! Etre suprême, protège les efforts de ce peuple phi¬ losophe contre ses ennemis; confond leurs pro¬ jets liberticides, ouvre les yeux aux autres peuples courbés sous le despotisme ; et que tous, en devenant libres, s’unissent pour s’aimer et bénir tes bienfaits. » Après ce discours, les vicaires épiscopaux ont déposé, sur l’autel de la patrie, les instru¬ ments et ornements du culte; et Trailin, l’un d’eux, a dit : « Nous sommes réduits à un petit nombre par l’absence de la plupart des membres [Convention nationale.], ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { ” 3191 du conseil épiscopal qui, en vertu du décret du 21 août dernier, ont été dans le cas d’aller desservir les cures qui manquaient de pasteurs. Mes confrères présents et moi, constamment soumis à la volonté générale du peuple, comme nous l’avons prouvé depuis le commencement de la Révolution, en prêchant l’obéissance aux lois et l’attachement à la République, et en en donnant l’exemple, nous renonçons sincè¬ rement au ministère du culte, pour ne nous occuper désormais qu’à répandre et à propa¬ ger les principes de la liberté et de l’égalité républicaines et ceux de la morale universelle, seuls compatibles avec le gouvernement répu¬ blicain, qui doit faire de tous les Français une famille de frères. Cette douce fraternité, cette union si nécessaires pour le bonheur des hu¬ mains, ils ne pourront jamais en jouir s’ils ne renoncent à ces interminables discussions sur les dogmes religieux qui ont toujours ensan¬ glanté la terre et troublé l’harmonie de l’uni¬ vers. » Aussitôt Jean-Joseph Hantz et Gérard-Paul Trailin ont émis sur l’autel de la patrie leurs titres sacerdotaux et leurs diplômes de vicaires épiscopaux. Jean-Baptiste Millet, supérieur du séminaire et François Hémann l’aîné, directeur, en ont fait de mêm :. Sont venus ensuite les curés de Nancy et eurs vicaires; Charles Richier, curé de Saint-Sébastien a dit : « J’ai été porté à la place que j’occupais par l’enthousiasme de la liberté naissante. Des fonc¬ tions que j’ai exercées en vertu des lois, je n’ai jamais fait qu’un ministère de décence morale, de sagesse politique et de vertu. J’ai prêché l’amour de la patrie et l’obéissance aux lois par sentiment et par devoir; j’ai démasqué le fana¬ tisme par système de raison; J’ai méprisé la calomnie, par fierté de caractère; j’ai secouru le pauvre, consolé l’affligé, rendu service aux malheureux, par le besoin le plus pressant de mon cœur; je n’ai aucun reproche à m » faire; voilà mon compte rendu. » Aujourd’hui que l’esprit national, précurseur des lois, frappe de mort le culte catholique, je rends au peuple ce que je tenais du peuple; je quitte sans regret ce que je n’ai point accepté sans peine. Déjà tous les ornements de mon église sont déposés sur l’autel de la patrie. Mes lettres de prêtrise, les voilà ; mes institutions de curé, les voilà encore. Mais le titre d’homme libre qui me reste, mais le désir d’être citoyen franc et vertueux républicain, voilà ce que je n’abandonnerai que lorsqu’on m’arrachera le cœur et là vie. Charles Robin, curé de Saint-Nicolas; Sain-tin (Georges), curé de Saint-Fiacre; Sébastien Leclerc, curé de Saint-Pierre, ont fait la même protestation et abdication de leurs fonctions, ainsi que Remi-Dominique Rémy, vicaire épis¬ copal du département des Vosges; Quirin Deshayes, professeur de physique; Ignace Spitz, professeur de mathématiques; Pierre Queuche, soldat de la République, ci-devant secrétaire de l’évêché. Les vicaires de Saint-Nicolas, Dominique Belley, et Nicolas Voinant. Les vicaires de Saint-Sébastien, François-Ni¬ colas Neveu, Joseph Petit-Colas, j Charles JHé-mann le jeune. Les vicaire® de Saint-Pierre, Guillaume-Fran¬ çois Curia, Charles Vincent et Alexandre Fery; Pierre-Joseph Joly, vieaire de Saint-Epvre; Bousval, ci-devant curé à l’île Saint-Domingue. Les curés des environs -de Nancy, Joseph Laugier, curé de Rosières; Nicolas Mauvais, curé de Leyr; François-Xavier Masson, curé d’Essey et Tomblaine; Joseph-François Gervais, curé de Remerévülê; N. Bourcier, curé de Laxou; Joseph Pays, vicaire à Saint-Max; en outre, deux religieux, l’un nommé François Lamoureux, l’autre François Harnepont, de¬ meurant sur la paroisse Saint-Sébastien, ont déposé leurs lettres de prêtrise. Ont été remises aussi sur l’autel de la patrie les patentes d’Isaac Schweich, rabbin de la synagogue des juifs de Nancy. Dans ce moment se sont présentés presque tous les curés du district de Vézelise, district faisant partie du département de la Meurthe; l’un d’eux, Sébastien Bottin, ministre du culte à Favières a dit : « Frères, depuis trois ans, j’étais prêtre, victime de mon inexpérience qui, à 21 ans, m’avait engagé dans des liens alors indissolubles ; je rongeais en gémissant la chaîne qui me tenait éloigné des devoirs sacrés de la nature; grâce à la raison, elle est enfin brisée, cette chaîne, et j’en dépose avec transport les anneaux aux pieds de l’image de la liberté, pour être brûlés. Je vais me-marier; depuis deux ans, je pense à faire cette réparation aux moeurs. Depuis trois mois, j’en presse le moment qui n’a été retardé que par quelques considérations de famille. » Ensuite, il a remis ses lettres de prê¬ trise sur l’autel de la patrie, ainsi que Jean-Baptiste Coffin, curé de Sauxerottë; Charles-Adrien Perin, curé du Ménil devant Bayon, François Roquin, curé de Tanton ville; Nicolas Roquin, curé de Clairet; Nicolas Malhorti, curé de Gerbécourt; François-Benoît Moine, curé de Maxtemont; Jean-Népomucène Pagnot, curé de Pierreville; Jean-Nicolas Lallemand, curé d’Houldemont; Léopold Richard, vicaire de Colombey; Claude Rémy, curé de Diarville; Claude-Nicolas Lucas, curé de Gripport; Mau¬ rice Girot, curé de Vézelise; François-Léopold Gillot, vicaire de Vézelise; Jean-Antoine Ménil, curé de Saint-Firmin; Claude Queuche, curé de Lébeuville; François-Victor Cunin, curé de Bainville-aux-Miroira; François Buzenot, vicaire de Dognéville; Nicolas-François Garnier, curé de Forcelles; Claude-Nicolas Henry, curé de Selaincourt; Etienne-Garnier, vicaire de Ger-miny; Jean-Charles Bourlier, curé d’Haroué; Nicolas Préantoine, vicaire de Cintrey; Jean-Claude Voirin, vicaire à Affroicourt; Jacques-Joseph Mourot, curé de Viterne; Pierre-Nicolas Dumaire, curé de Roville devant Rayon; Jean-Baptiste Nicolas, vicaire de Voinemont; Lau¬ rent Serrières, curé de Saint -Remimont; Char¬ les-Hyacinthe Richard, curé d’Ormes; Nicolas Husson, curé de la Leuve; François-Antoine Houillon, vicaire de Crépey; N. Letonné, vicaire d’Allain; N. Briquel, curé de Giviller; C.-N.Cour-tois, de Crévéehamps; Jean-Nicolas Henrion, vicaire à Autrey; Jean-Baptiste Billiet, curé de Champenoux; Pierre-Lazare Brocard, curé de Neuviller; N. VignereUe, curé d’Agincourt; An¬ toine Daille, curé de Faulx. Tous ont donné leur abdication du ministère du culte catholique, et ont remis leurs lettres de prêtrise. Le représentant du peuple a fait faire un monceau de toutes ces lettres, y a mis le feu lui-même, aux grands applaudissements de tout le peuple, qui a vu avec plaisir réduits ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { * 320 [Convention nationale.] en cendres ces titres de l’ignorance et de la superstition. Parmi les dépouilles du culte se trouvaient des calices et ciboires. Le représentant du peuple Faure s’est saisi du calice du ci-devant évêque, l’a fait remplir de vin, et a bu à la République; les membres des corps constitués en ont fait autant, ce qui a été imité par la plus grande partie de l’Assemblée, aux cris répétés de : Vive la République/ A l’instant, un chœur de citoyens, accompa-, gné de la musique, a chanté l’hymne des sans-culottes, dont le refrain était répété par tous les citoyens. Après lequel hymne, le cortège a pris sa marche, en répétant l’hymne de la ' liberté. La statue était entourée, au sortir du temple de la Raison, de citoyens qui portaient les vases d’or et d’argent et autres instruments du culte aboli, jusqu’au lieu des séances du département où ces dépouilles du culte ont été déposées et procès-verbal rédigé de leur dépôt par la Commission nommée à cet effet. (Cette Commission, dans ce moment, a déposé dans le magasin désigné par le département, quinze cents marcs d’argent provenant des objets du culte). De là, le cortège s’est transporté à la Société populaire où la statue de la Liberté a été remise et où le peuple a été invité de se rendre à trois heures de l’après-midi. Un banquet civique a réuni à la maison com¬ mune le représentant du peuple, les autorités constituées avec les citoyens qui venaient d’ab¬ diquer les fonctions du culte catholique; dans ce banquet, on a porté plusieurs fois les toasts à la prospérité de la République et au règne de la Raison. A trois heures après-midi, une salve d’artil¬ lerie a annoncé la promenade civique, et toutes les autorités constituées réunies en la salle de la Société populaire, une foule considérable rem¬ plissant les tribunes, l’hymne à l’adolescence a <■ été chanté. Elle a été le signal de la promenade civique, qui s’est faite par différentes rues de la commune, en chantant des couplets et des hymnes sur les mœurs, sur l’amour de la patrie,' la reconnaissance due à ses défenseurs et sur la haine que tout républicain doit porter au fanatisme; on s’est arrêté à l’arbre de la liberté, où l’on a chanté l’hymne qui lui est con¬ sacré. La séance de la Société populaire a terminé cette fête civique. Les administrateurs du district de Senlis an¬ noncent qu’ils ont déposé à la Monnaie toutes les dépouilles du fanatisme qu’ils ont assemblées dans l’étendue de leur district. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1) . La section révolutionnaire, ci-devant du Pont-Neuf, écrit qu’elle a versé, dans les magasins de la République, 490 chemises, 100 paires de bas, 46 paires de souliers et des guêtres. Mention honorable, insertion au «Bulletin » (2). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 103. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 104. Suit la lettre du citoyen Sterly, secrétaire-gref¬ fier de la section du Pont-Neuf (1). « Paris, le 6 nivôse, l’an II de la République. « Citoyen Président, « La section révolutionnaire, ci-devant du Pont-Neuf, instruit la Convention que 490 che¬ mises, 100 paires de bas, 46 paires de souliers, des guêtres ont été versées dans les magasins de l’habillement et équipement des défenseurs de la République; d’autres vont bientôt les suivre, et la section, malgré son peu d’étendue et sa faible population, ne sera jamais en arrière pour secourir ses braves frères et républicains qui se sacrifient pour cimenter notre liberté. « Salut et fraternité. « Le secrétaire-greffier, « J. Steelt, secrétaire-greffier. » La section de Brutus est venue féliciter la Con¬ vention sur le triomphe des armes de la Répu¬ blique, et la remercier de ce qu’elle n’avait pas adopté la proposition qui lui avait été faite de renouveler le comité de Salut public, proposition à laquelle les modérés souriaient déjà. Le Président a répondu en ces termes : « La Convention nationale n’a investi son co¬ mité de Salut public d’un grand pouvoir que parce qu’elle l’a cru digne d’elle, et capable de répondre à sa confiance. Il y a répondu, en effet, et c’est avec la plus vive satisfaction que la Con¬ vention nationale voit à sa barre la section de Brutus, cette section si digne du nom qu’elle porte, la féliciter sur ses travaux, se réjouir du succès de nos armes, et rendre justice au comité de Salut public. » La Convention ordonne qu’il sera fait mention honorable de l’adresse au procès-verbal, et qu’elle sera insérée, ainsi que la réponse, au « Bulle¬ tin » (2). Suit V adresse de la section Brutus (3). Adresse de la section de Brutus à la Convention nationale. « 6 nivôse an II de la République une et indivisible. « Législateurs, « C’est au moment où les armes de la Répu¬ blique triomphent partout des satellites du des¬ potisme, qu’il importe à la section de Brutus de faire part à la Convention nationale des sen¬ timents qui animent les sans-culottes qui la composent. (1) Archives nationales, carton G 287, dossier 865, ièce 13. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 104. (3) Archives nationales, carton G 289, dossier 889, pièce 6.