BAILLIAGE DE DOUAI. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances de l’ordre du clergé de la gouvernance du souverain bailliage de Douai et Or chies, arrêté le 3 avril 1789 (1). Pénétré de reconnaissance des bontés paternelles dont le Roi vient de donner de nouvelles preuves à ses peuples, en les invitant à porter aux pieds du trône leurs vœux et doléances, à concourir au rétablissement d’un ordre invariable dans toutes les parties du gouvernement et d’assurer pour jamais les droits inaliénables des citoyens et le bonheur de ses sujets, le clergé de la gouvernance du souverain bailliage de Douai et Ôrehies a chargé son député aux Etats généraux de demander : 1° La conservation et le maintien de nos constitutions et privilèges, stipulés et jurés par nos Rois. 2° Que la religion catholique, apostolique et romaine continue d’être seule admise dans l’Etat, et qu’elle seule ait des temples et un culte public. 3° L’exécution des lois ecclésiastiques et civiles touchant la sanctification des dimanches et fêtes, et la réforme des abus, trop multipliés à cet égard, abus aussi contraires à l’esprit de la religion que nuisibles aux bonnes mœurs. 4° Que les lois concernant l’impression et la vente des livres contre les bonnes mœurs et la religion, soient remises en vigueur. 5° Que les dignités ecclésiastiques ne soient plus exclusivement le partage de la noblesse , mais des vertus, des talents, des services rendus, en un mot, du mérite. 6° L’exécution des saints canons touchant la pluralité des bénéfices et la résidence des bénéficiers. 7° Réduction du nombre des commensaux de la maison du Roi et des maisons royales, d’où il résultera une économie pour l’Etat et "Davantage de voir plusieurs bénéficiers rendus aux fonctions de leurs bénéfices. 8° Entière abolition des commendes contraires au bien public, et le droit d élection rendu aux abbayes de nos provinces, conformément à nos constitutions, et qu’il ne suit accordé de pensions sur lesdites abbayes qu’aux ecclésiastiques qui rendent des services dans les provinces où elles sont situées. 9° Perfectionner l’éducation et l’enseignement de la jeunesse, et en confier ce soin aux réguliers qui offrent de s’en charger gratuitement. 10° Que, sur les représentations faites par MM. les curés, on établisse dans les grandes villes un hospice, où les femmes enceintes et sans res-11) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. sources trouvent les secours nécessaires à leur situation. 11° Augmentation et fixation des portions congrues, portées à un taux convenable. 12° Que les curés rentrent dans les administrations des biens des pauvres et concurremment avec les décimateurs dans celles des fabriques. 13° Retour périodique des Etats généraux, suivant les modifications qui pourront être apportées par lesdits Etats. 14° Que les impositions et emprunts, qu’ils auront seuls droit de consentir, ne puissent avoir lieu que pour un temps déterminé. 15° Fixité des dépenses de tous les départements du royaume, les comptes desdites dépenses rendus publics chaque année par la voie de l’impression. 16° L’exécution de l’arrêt du conseil du 2 mars 1789, annonçant la nouvelle constitution des Etats auxquels l’administration de la Flandre sera confiée, et qui devront être composés des trois ordres de la province, les curés compris dans celui du clergé. 17° La répartition et perception des deniers publics confiées aux Etats ou administrations de chaque province pour être versés directement et immédiatement dans les coffres du Roi ; en conséquence, suppression des emplois devenus par là inutiles. Les comptes de ces Etats ou administrations provinciales rendus publics tous les ans par la voie d’impression. 18° Dans les villes, les comptes delà commune ne seront clos et arrêtés par les auditeurs , qu’après avoir été par eux contradictoirement vérifiés et coulés sur les pièces justificatives ; ils seront aussi chaque année imprimés et rendus publics. 19° Que les impôts, s’il échoit d’en établir, le soient de préférence sur les objets de luxe. 20° Le maintien et la conservation de toutes les propriétés du clergé, tant séculier que régulier, et l’assurance de la liberté individuelle. 21° Solliciter une loi de l’Etat qui assure efficacement aux cultivateurs le fruit de leurs travaux, en faisant détruire la trop grande quantité de gibier que les seigneurs se plaisent à multiplier dans leurs terres. 22° Suppression de la réserve dans les bois des mainmortes, comme contraire à l’administration en bon père de famille. 23° Subordonnément, suppression de la réserve sur les bois taillis, qui, dans cette province, sont de nature à dépérir après treize à quatorze ans de crue: les réserver plus longtemps, c’est les' perdre. 24° La réforme des abus résultant de la multiplicité des degrés de juridiction, qui ne servent qu’à prolonger les procès et à multiplier les frais de procédure. Réprimer les abus qui se sont glissés dans les justices seigneuriales. 25° Que personne ne soit admis à remplir, dans {Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Bailliage de Douai.{ 475 les cours souveraines, les fonctions de juge, qu’il n’ait acquis la confiance publique par des services distingués dans un siège inférieur ou dans le barreau. 26° Plaintes contre les arrêts rendus du propre mouvement du Roi : Contre l’établissement des commissions parti-ciRières ; Contre les arrêts d’évocation; Contre les cassations trop fréquentes des arrêts des cours souveraines ; Contre la facilité d’obtenir, en chancellerie, lettre de cession misérable, de répit, de surséance; Suppression de la juridiction des intendants. 27° Réformation du code tant civil que criminel ; suppression du serment qu’on exige de l’accusé, qui l’expose au parjure. 28° Révocation de l’arrêt du conseil d’Etat du Roi du 7 septembre 1785, concernant les formalités trop rigoureuses à observer, pour les constructions et reconstructions des bâtiments appartenant aux gens de mainmorte, hôpitaux généraux et particuliers, maisons et écoles de charité. 29° Confirmation de l’arrêt du 12 juillet 1729, pour les provinces de Flandre, Hainaut et Artois, avec la clause expresse que tous lesbiens que les ens de mainmorte de ces provinces justifieront e posséder avant le 1er janvier 1681, seront respectés, amortis avec finances. 30° L’exemption des droits d’amortissement pour les bâtiments que les mainmortes feront construire sur des fonds amortis avec finances ou réputés tels, à raison de leur possession antérieure au 1er janvier 16R1, ces constructions étant presque toujours à l’avantage du public. 31° Décharger du droit d’amortissement et de nouvel acquêt les maisons abbatiales, prieurales , canoniales, presbytérales, etc., qui ne sont louées que pour un temps, sans que leur destination primitive en soit changée. 32° Rentes constituées, et reconstituées par gens de mainmorte, sur communauté quelconque, tant séculière, régulière que laïque, affranchies de tout amortissement. 33° Exempter du droit d’amortissement toutes fondations de prières et pour rétribution de messes, qui ne doivent pas durer plus de cinquante ans, ces fondations 11’étant pour l’ordinaire qu’un moyen de conscience pour satisfaire à quelques devoirs qu’on aurait négligés pendant la vie. 34° Renonciation aux privilèges pécuniaires accordés au clergé, sauf l’indemnité à ceux qui les ont acquis à titre onéreux ou d’honoraires. 35° Demander la suppression du don gratuit, accordé par le clergé de la Flandre wallonne, confirmé par l’arrêt du conseil du 26 juin 1786. Ainsi fait à l’assemblée des commissaires, le 3 avril 1789. Ont signé D. Alexis, abbé de Marchiennes ; de Verry, prévôt de Saint-Pierre ; J.-J. Ernotte, chanoine de Saint-Ainé ; J.-L. Breuvart, curé de Saint-Pierre ; G.-J.-M. Primat, curé de Saint-Jacques; J.-F. Grand, curé de Bouvignies ; J. Mars, ministre des Trinitaires ; D. Pierre ; Parmentier, religieux de Marchiennes: Gavelles, chanoine de Saint-Ainé, secrétaire de la commission. Lecture faite du cahier qui précède et après approbation générale des articles qu’il contient , il a été arrêté à la demande de quelques membres d’y insérer les articles suivants : Demander : 1° Que sur les deniers provenant des biens situés en France appartenant ci-devant à des maisons religieuses supprimées chez l’Empereur et actuellement mis en séquestre à l’intendance de Flandre, soient acquittées les rentes dues aux mainmortes établies en France ; 2° Qu’il soit accordé aux carmélites, aussi supprimées chez l’Empereur et incorporées en différentes maisons situées dans la province, une pension sur les biens qui leur appartenaient avant leur suppression , et qui sont actuellement séquestrés par ordre du Roi. Signé D. Alexis, abbé de Marchiennes. CAHIER De doléances, plaintes et remontrances de l'ordre de la noblesse du ressort de la gouvernance du souverain bailliage de Douai et Orchies, remis à M. le marquis d’Aoust, président de l'ordre de la noblesse dudit bailliage , et son député aux Etats généraux (1). Nota. Dans la dernière assemblée de l’ordre de la noblesse, du 16 avril, la plupart des membres ont renoncé personnellement à toute espèce d’exemptions pécuniaires. L’ordre de la noblesse du ressort de la gouvernance du souverain bailliage de Douai et Orchies, convoqué par ordre du Roi, pour procéder fidèlement à la rédaction du cahier de ses doléances , plaintes et remontrances , empressé L’é-correspondre aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté et à l’attente de la nation ; animé des sentiments du plus pur patriotisme; pénétré de la nécessité d’affermir à toujours la constitution nationale, sur laquelle reposent la liberté et la propriété des citoyens ; déterminé à tous les sacrifices que peut exiger le bien de l’Etat; chargé de faire connaître les abus, d’en demander la suppression, et d’indiquer tous les moyens qui peuvent, en assurant la félicité publique, régénérer le plus bel empire de l’univers, a déclaré et déclare qu’il regarde comme lois constitutionnelles et maximes fondamentales du royaume, les points et articles suivants : LOIS CONSTITUTIONNELLES. 1° La religion catholique, apostolique et romaine est la seule dominante dans le royaume. 2° La France est une monarchie. 3° La couronne y est héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l’exclusion des filles et de leurs descendants. LIBERTÉ DES PERSONNES. 4° Les Français sont libres en leurs personnes et leurs propriétés, sous la protection des lois. 5° Tout citoyen français, de quelque qualité et condition qu’il soit, ne pourra être privé de sa liberté, de sa propriété et de son état, que par jugement prononcé par juges compétents. 6° Les magistrats seront inviolables en leurs personnes et leurs fonctions, et ne pourront être destitués de leurs charges que par jugement de leurs pairs. 7° Les officiers militaires ne pourront être privés de leurs emplois que par jugement d’un conseil de guerre, présidé par le commandant de la province où le délit dont lesdits officiers seront accusés aura été commis. 8° Les engagements militaires seront libres, et ne pourront être prorogés au delà du terme de (1) Nous publions ce cahier d’après-un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.