718 [CoBventioft nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 4| g fanatisme et de la philosophie tour à tour. Ils ont voulu attaquer les idées religieuses, afin de communiquer un choc {dus violent à l’opi¬ nion publique. Vous seriez étonnés si vous connaissiez quels sont les vils suppôts des rois. Que pensez-vous de la présence de cet homme, de ce vil fédéraliste, de Rabaut-Saint-Etienne en cette ville, et dans le moment d’une grande impulsion ? Oui, 6’ est un des chefs de la coali¬ tion... Je demande qu’il soit défendu à toute auto¬ rité constituée de se mêler de ce qui regarde les idées religieuses ou le culte public. Camhon appuie les observations de Robes¬ pierre et l’Assemblée renvoie à demain, à l’ou¬ verture de la séance, pour statuer sur ces pro¬ positions. III. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1). Robespierre. Vous avez dû apprendre, par la lettre du conspirateur Calonne, que vos enne¬ mis avaient fondé de grandes espérances sur le Midi de la République. Si vous étiez plus instruits des détails particuliers, vous sauriez que ce fait sé lie avec beaucoup d’autres, et qu’ils se prêtent mutuellement la foree propre a chacun, et forment un tel état de choses, que votre attention ne peut s’en distraire aucunement. Vous verriez qu’il n’est plus permis aux législateurs, qui ont juré de sauver la patrie, de laisser flotter les rênes du gouver¬ nement dans des mains, je ne dis pas seule¬ ment inhabiles, mais quelquefois criminelles. Vous vous convaincriez que vous ne devez permettre à qui que ce soit d’imprimer à l’opi¬ nion des mouvements violents, et dont il serait impossible de calculer les conséquences. Vous auriez réfléchi déjà que le peuple français ne peut et ne doit jamais être impunément le jouet de quelques énergumènes qui cachent leurs projets sous les dehors du civisme, et accu¬ sent vaguement tous ceux qui ne partagent pas leur efferverscence astucieuse et criminelle. Qu’ils désespèrent cependant d’élever des soupçons sur notre patriotisme ! Nous sommes, et personne n’en doute, nous sommes du parti des patriotes; nous sommes des patriotes ardents; car il est de l’essence du patriotisme d’être ardent; mais nous ne sommes, nous ne serons jamais les amis de ceux qui n’ont que le masque du patriotisme. Croyez-vous, si vous vouliez raisonner votre situation actuelle, que vous puissiez lutter contre toutes les cours .de l’Europe, les combattre, les vaincre même, sans qu’elles cherchent à in¬ fluencer, par les moyens les plus vils et les plus odieux, les opérations les plus décisives de la liberté, et tout ce qui se passe au milieu de vous ; et que, pour parvenir à leur but, les scélérats qu’elles soudoient ne s’attachent à parler plus éloquemment que nous-mêmes le langage de la liberté, si toutefois il est donné aux r (1) Journal des Débais et des Décreîs (frimaire an II, n° 444, p. 213). esclaves de le parler plus éloquemment que ne le font les hommes libres. Eh bien, cette ré¬ flexion vous conduit naturellement à distinguer deux choses bien importantes : à séparer ce qui appartient au patriotisme pur et naïf qui règne dans l’âme des vrais amis de la liberté, et ce qui est le résultat de l’impulsion des puis¬ sances étrangères. Ce qui appartient au pa¬ triotisme, c’est ce concert d’hommages inspirée par des principes aussi purs que la raison et la vérité, à qui de bons républicains les adressent. Ce qui est l’ouvrage des émissaires de l’étran¬ ger, c’est un plan profondément pervers d’ao-eélérer des mouvements de l’opinion, pour en rendre les effets dangereux; c’est un sys¬ tème d’autant plus redoutable qu’il est revêtu de formes séduisantes, même pour les patriotes qui sont moins politiques qu’ardents, qui com¬ binent moins les effets prochains et ceux du moment, que les suites plus éloignées. Cb qui appartient aux puissances étrangères, c’est de se servir contre nous de l’arme que nous avons vue dans leurs mains à toutes tes épo¬ ques les plus remarquables de notre histoire, et surtout depuis la glorieuse révolution que nous avons faite; c’est-à-dire, de chercher à réveiller le fanatisme dans les lieux où il avait cherché son dernier asile; c’est d’armer l’homme qui n’est point un ennemi de son pays, qui n’est point un ennemi de la liberté, mais qui est attaché à un culte, et qui tient à des opi¬ nions religieuses; de l’armer, dis-je, contre un autre patriote, contre un autre ami de la liberté, qui, sur la religion, a des opinions différentes; c’est de vouloir dénaturer la Révolution, avant que ses créateurs l’ayent consolidée; et, quand le peuple entier doit veiller pour le salut public ; quand il doit prêter une oreille attentive à la voix de ses représentants, qui sont comme les premières sentinelles de la liberté, de le détour¬ ner de la vigilance et de l’attention auxquelles tient rétablissement de la République, pour lui inspirer des opinions opposées, et mettre dans ses mains les torches de la discorde. Voici en peu de mots comment ont calculé les puissances étrangères. Elles ont dit à leurs émissaires : « Vous pouvez tout avec le peuple français. Il ne faut que vous en emparer. Il est sensible. Il aime la liberté. Sous cet appât, cachez le piège que nous vous chargeons de lui tendre. Il y donnera infailliblement. » Voulez-vous savoir encore ce qui dévoile à mes yeux une grande partie de cette conspi¬ ration, et ce qui, je pense, frappera aussi vos esprits? c’est la découverte du traître que vous aviez mis hors la loi. Savez-vous que ce Rabaùt était à Paris? que de là, ce ministre protestant attisait les brandons de la guerre civile dans les départements? la présence d’un tel homme, d’un homme qui vient braver la loi, j’oserais presque dire sous les yeux des législateurs, sa présence ne vous annonce-t-elle pas qu’un grand complot était prêt d’éclater? Je reviens au plan des puissances étrangères. Voici comment elles raisonnent. Réunisson snos efforts pour attaquer le culte catholique, là où ses impressions sont encore restées profondes, là où la philosophie éclaire moins le peuple. Nous y recruterons la Vendée avec succès; nous y développerons toute la puissance du fana¬ tisme; nous détournerons enfin l’énergie du peuple en faveur de la liberté, et nous en étouf¬ ferons l’enthousiasme dans des disputes de religion. Ensuite, comme la philosophie n’a pas [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J-�bre 1793 719 fait autant de progrès en Europe que dans la France, tous les peuples se trouveront néces¬ sairement en opposition avec le peuple fran¬ çais, et nous trouverons plus facilement des esclaves qui s’armeront pour la tyrannie. Ainsi le tyran de l’Autriche ferait, en effet, d’abondantes recrues dans la Belgique, où la liberté n’est pas absolument étrangère; mais où la religion exeroe une grande puissance ; et la France y perdrait, non seulement les points par où elle s’en rapproche, mais encore il naîtrait, entre elles deux, des motifs puissants d’opposition. Ainsi les cantons catholiques nous seraient aliénés, par des différences d’opinions reli¬ gieuses, lorsque sous d’autres rapports nous ne serions pas étrangers les uns envers les autres. Enfin les intrigants qui cherchent à tout brouiller pour renverser la liberté, et établir leur usurpation, pourraient peut-être, par ce moyen, exécuter leurs complots sacrilèges. C’est une chose remarquable, en effet, dans l’intérieur. Depuis que ce mouvement a été imprimé, il s’est fait une émigration considé¬ rable du Midi dans la Suisse. Plusieurs com¬ munes, où le fanatisme n’exerce pas son affreux despotisme, mais où cependant on trouve mau¬ vais que des autorités, que la force armée viennent commander de déserter les autels, et mettre des ministres du culte en arrestation, à cause de la qualité dont ils sont revêtus; ces communes ont fait entendre des réclamations. Il en a été formé aussi par quelques hommes, qui, les premiers, ont déposé les instruments du culte; par des curés qui ont étouffé, dans les premiers moments, leurs plaintes par amour pour la paix et par zèle pour la philosophie. Je ne doute pas que tous ne sacrifiassent sans regret leur culte à la liberté; mais enfin ils ré¬ clament. Le mouvement que l’on a imprimé sur le culte catholique a donc eu deux grands objets : le premier, de recruter la Vendée, d’aliéner les peuples de la nation française, et d’employer la philosophie à la destruction de la liberté; le second de troubler dans l’intérieur la tran¬ quillité publique, et de distraire tous les esprits, quand ü est nécessaire de les recueillir pour asseoir les fondements inébranlables de la Révo¬ lution. Je pourrais démontrer jusqu’à l’évidence le plan dont je viens de vous faire apercevoir les principales bases, si je voulais mettre à nu ici ceux qui en ont été les premiers moteurs. Je me contenterai de vous déclarer qu’à la tête, il y a des étrangers, des émissaires de l’An¬ gleterre et de la Prusse, et des ministres pro¬ testants : dans ces circonstances, quelle doit être votre marche? C’est en législateurs, en politiques que vous devez vous montrer : pro¬ téger le patriotisme contre tous ses ennemis, l’éclairer sur les pièges qu’on lui tend, se garder d’inquiéter les patriotes qui auraient été trompés par des insinuations perfides, et conserver ce qui a été fait par un libre consentement du peu¬ ple français, voilà votre premier devoir. Vous devez encore prendre des mesures pour empêcher ces extravagances réfléchies, ces folies combinées avec maturité, et parfaite¬ ment coïncidentes avec des plans de contre-ré¬ volution; vous devez dire à l’aristocrate : Tu ne te prévaudras pas des succès que ta scéléra¬ tesse t’avait promis; la liberté et l’égalité triom¬ pheront. Je vous demande d’abord de défendre aux autorités particulières de fomenter, par des mesures irréfléchies, la guerre civile, et de seconder par là les complots de nos ennemis. Une autre mesure à prendre est de défendre expressément à aucune force armée de se mêler aucunement de ce qui appartient aux opinions religieuses, et de renfermer l’exercice de' leur puissance dans les simples mesures de police pour lesquelles elles seront requises. Enfin, je vous propose une mesure digne de la Convention nationale et des législateurs qui la composent; c’est de rappeler solennellement tous les citoyens à l’intérêt public; de les éclairer par vos principes, comme vous les excitez par votre exemple, et de les inviter ins¬ tamment à se départir de toutes les disputes oiseuses et dangereuses dont on voudrait jeter le germe entre eux, pour s’appliquer absolu¬ ment aux grands intérêts de la patrie. Le projet qui vous a été soumis, au nom du comité de Salut public, présentait ces mêmes vues, et reposait sur les motifs que je viens de dénoncer. Vous l’avez renvoyé. En y réfléchis¬ sant, vous sentirez la nécessité d’adopter lès mesures que nous vous proposons : si vous ne le faites pas, comptez que les émissaires de l’étranger se prévaudront de votre silence pour consommer leurs desseins criminels. Je renou¬ velle les propositions que j’ai énoncées, et j’insiste pour que vous poursuiviez ceüx qui se serviraient du prétexte de religion pour tour¬ menter, Cambon. Vous avez été témoins du mouve¬ ment qui s’est opéré dans les opinions reli¬ gieuses, et vous avez dit : Nous ne nous mêle¬ rons de rien à cet égard; le peuple est seul son maître. Eh bien ! vous n’avez pas voulu pronon¬ cer votre opinion à cet égard : permettriez-vous. donc aujourd’hui, toléreriez-vous que d’autres le fissent, réunis en autorités constituées? Non, ce serait déplacer la représentation. nationale. Vous pouviez, en qualité de repré¬ sentants du peuple, énoncer son ojSfnion; vous-ne l’avez pas fait, nulle autre puissance n’en a le droit. Défendez donc aux autorités consti¬ tuées, aux communes, à qui que ce soit, de déter¬ miner aucun mouvement pour tout ce qui tient aux religions. La Révolution se trouve cependant liée à un. fait que vous devez considérer; c’est celui qui a rapport aux prêtres réfractaires : ceux-là ne peuvent, sans danger pour la révolution, exercer le culte pendant qu’elle durera. Il faut faire mention de l’exception, mais je ne vois aucun inconvénient à adopter les principes établis par Robespierre. Philippeaux. Vous avez renvoyé au comité de Salut public le plan qu’il vous avait fait pré¬ senter; il profitera de la discussion qui vient d’avoir lieu pour la perfectionner. Je demande� que demain il vous en fasse le rapport. (Décrété.)