368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE égarés, pourquoi faut-il que vous ayez rejeté la lumière qui vous étoit offerte pour ne saisir qu’un fantôme cruel? Pourquoi faut-il que vous ayez préféré des maîtres à des frères, et les torches du fanatisme au flambeau de la raison ? Que vos yeux se désilent enfin, n’est-il pas temps de mettre un terme à tant de calamités ? Affoiblis par des pertes multiples, désunis, errant par bandes éparses, sans aucune ressource que celle du désespoir, il vous reste encore un asyle dans la générosité nationale. Oui, vos frères, le peuple français tout entièr veut vous croire plus égarés que coupables ; ses bras vous sont tendus, et la Convention nationale vous pardonne en son nom si vous posez les armes, si le repentir, si l’amitié sincère vous ramènent à lui. Sa parole est sacrée ; et si d’infidèles délégués ont abusé de sa confiance et de la vôtre, il en sera fait justice. Ainsi la République, terrible envers ses ennemis du dedans comme elle l’est envers ceux du dehors se plait à ralher ses enfans égarés ; profitez de sa clémence, hâtez-vous de rentrer au sein de la patrie ; les auteurs de tous nos maux sont ceux qui vous ont séduits ; il est tems que les ennemis de la France cessent de repaître leur yeux du spectacle de nos dissensions intestines, eux seuls, sourient à nos malheurs, eux seuls en profitent, il faut tourner contr’eux les armes qu’ils ont apportées chez vous pour notre destruction. Français n’appartenez-vous donc plus à ce peuple généreux? Les liens de la nature se sont-ils brisés entre nous ? et le sang des Anglais a-t-il passé dans vos veines? Massacrerez-vous les familles de vos frères vainqueurs de l’Europe ; plutôt que de vous unir pour partager leur gloire ? Non, l’éclair de la vérité a frappé vos regards ; déjà plusieurs d’entre vous sont rentrés, et la sécurité a été le prix de leur confiance. Revenez tous; que les foyers de chacun de vous deviennent sûrs et paisibles ; que l’abondance renaisse, que les champs se cultivent, que les communications se rétablissent. Ne songeons plus qu’à nous venger ensemble de l’ennemi commun, de cette nation implacable et jalouse, qui a lancé parmi nous les brandons de la discorde, que l’énergie républicaine se dirige toute entière contre ces violateurs des droits de tous les peuples; que tout s’anime dans nos ports, que l’Océan se couvre de corsaires, et qu’une guerre à mort passe enfin avec tous ses fléaux des bords de la Loire aux bords de la Tamise. LOFFICIAL: Sans doute, il est nécessaire d’accorder une amnistie aux habitants des bords de la Loire ; mais je ne crois pas que la proclamation qu’on vous propose soit suffisante. Les représentants du peuple de ces départements se sont réunis pour concerter des mesures que je crois pouvoir être très utiles. Je demande l’ajournement à demain, parce que dans cet intervalle mes collègues et moi nous présenterons au comité de Salut public, les plans qui nous avons concertés. CARNOT : Le comité s’empressera toujours de profiter des lumières qu’on lui communiquera. La proclamation qu’il vous propose en ce moment a été rédigée d’après les renseignements donnés dans la Vendée, et d’après le modèle fourni par une proclamation faite par Boursault, et qui obtient les plus heureux succès. Charles DELACROIX: Je crois qu’outre la proclamation, il faut un décret positif ; le rapport lui-même en a démontré la nécessité. La proclamation tend bien à réveiller des sentiments qui n’auraient jamais dû s’éteindre dans des cœurs français ; mais elle ne prouve rien de positif, rien de précis. Il faut surtout mitiger les lois trop sévères portées contre les rebelles qui ne sont qu’égarés. DELAUNAY : Les députés des départements de l’Ouest se sont réunis depuis quelque temps pour présenter les moyens de ramener l’ordre et la soumission aux lois dans ces départements ; ils ignoraient qu’il serait donné lecture aujourd’hui d’une proclamation. J’appuie l’ajournement demandé par Lofficial. La Convention ordonne l’ajournement à demain, et charge le comité de Salut public de présenter un projet de décret à la suite de la proclamation (105). La séance est levée à quatre heures (106). Signé , CLAUZEL, président, J. S. ROVÈRE, secrétaire. En vertu de la loi du 7 fructidor, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, T. BERLIER, président ; GARRAN [-COULON], GOURDAN, J. POISSON, SOULIGNAC, DERAZEY, secrétaires (107). (105) Moniteur, XXII, 644. Rép., n° 72 ; Débats, n° 799, 1025 ; J. Fr., n° 797. Voir Archives Parlementaires, CII, 12 frim., 30. (106) P.-V., L, 233. Moniteur, XXII, 644. (107) P.-V., L, 233.