[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 novembre 1789.] M. le Président. J’invite MM. les députés de la généralité de Tours à s’assembler pour travailler à la division de leur province en départements. L’Assemblée reprend la suite de son ordre du jour, concernant la division nouvelle du royaume dans l’ordre des questions proposées par le comité de constitution. M. Bouche. Je demande : 1° une division moins compliquée que celle du comité ; 2' que les députés des provinces, qui tous n’ont pas été consultés, soient entendus avant de prendre une décision ; 3° que le droit des provinces de faire des observations et de donner des instructions soit réservé. M. Mougins de Roquefort. Je m’élève contre cette motion. Nous sommes députés des Français en général et non des provinces en particulier. Nous devons rechercher avant tout le bien général, qui ne peut être formé que du bonheur de tous. M. Gassendi, curé de Barras. Je suis député de la même province que M. Bouche et je remplis mon devoir en m’opposant à ce que sa motion soit adoptée. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion. M. Rabaud de Saint-Etienne (1). Voici quel est l’état du travail du comité de constitution sur la nouvelle division du royaume. Il y a déjà 40 départements d’établis : 5 en Bretagne, 6 en Normandie, 6 en Languedoc, 3 en Provence, etc. MM. les députés des provinces intérieures communiquent chaque jour leurs observations et dans peu de temps on pourra décréter les 80 départements ou environ. Le ministre de la guerre a bien voulu nous ouvrir ses bureaux ; il nous a donné des cartes et deux ingénieurs habiles; nous nous faisons aider d’un géographe très-capable pour hâter cette grande opération à laquelle, toutefois, nous apportons une extrême prudence. M. Bouche. J’ai l’honneur de soumettre à l’Assemblée nationale une motion qui tient à la fois aux finances, au domaine, à la division du royaume et à la constitution. J’ai ordre de mes commettants de réclamer contre le pape la propriété du Gomtat venaissin et de l’Etat d’Avignon. (Murmures sur divers points.) La motion est ajournée. M. le Président. La première question posée par le comité est la suivante : Chaque grand département sera-t-il divisé en neuf districts ou communes ? M. Malouet (2). Messieurs, la réunion en corps d’Etat, des représentants d’une grande province, vous a paru, comme les grands corps de magistrature, inconciliable avec la constituai Voy. aux annexes de la séance les Nouvelles réflexions de M. Rabaud de Saint-Etienne sur la nouvelle division du royaume. (2) L'opinion de M. Malouet n’a pas été insérée au Moniteur. tion que vous donnez à la France, laquelle ne peut se maintenir que par sa supériorité à tous les moyens de résistance, par une harmonie durable entre toutes les parties de l’empire. Vous avez donc désiré une nouvelle division territoriale du royaume, pour distribuer plus également tous les poids dans la balance de la puissance publique. Tel est le véritable but auquel vous devez tendre : diminuer les grandes masses, renforcer les petites, supprimer toutes les différences de régime, anéantir les prétentions exclusives; lorsque ces conditions essentielles seront remplies, votre division sera bonne; toutes les sous-divisions, toutes les bases de représentation lui seront applicables ; l’esprit de corps, l’esprit de province ne sera plus à craindre ; vous en aurez détruit ce qu’il faut en détruire : mais un système qui tendrait à l’effacer complètement, s’il n’était dangereux, serait au moins d'une impossible exécution ; car l’esprit de province considéré sous le rapport des, habitudes, du sol, du climat, des coutumes, des mœurs locales, du genre d’industrie et de culture, cet esprit se compose d’une multitude de combinaisons qui échappent à l’autorité de la législation, et qu’elle doit même respecter. Deux plans ont occupé principalement votre attention : l’un présente une idée vaste dans ses détails et plaît à l’imagination comme un tableau d’une belle composition ; l’autre, en conservant des formes anciennes, semble s’unir plus facilement aux innovations. Tous les deux, défendus avec une grande supériorité de talents, ne me laisseraient rien à dire, si j’adoptais complètement celui du comité ou celui de M. de Mirabeau ; mais je vous dois compte des motifs qui me déterminent pour une opinion rapprochée de celle de M. Pison du Galand. Je pense, Messieurs, qu’en reconstruisant un édifice avec de vieux matériaux, on est obligé de conserver qqelque chose des anciennes dimensions et il serait peut-être plus facile d’opérer subitement une grande réforme dans nos mœurs, que d’attaquer partiellement toutes les grandes habitudes d’un grand peuple. Je suppose que les lois somptuaires vous parussent nécessaires au maintien de la liberté et pussent se concilier avec le commerce, i’industrie et la situation politique de la France. Je dis que la privation des jouissances du luxe et de l'opulence, rappelant dans tous les esprits de grandes pensées, un grand intérêt moral et politique, nous soumettrait sans commotions à ce nouvel ordre de choses. Mais ordonner dans toutes les parties de l’empire un véritable déplacement, sans que le peuple soit frappé de sa nécessité ; attaquer à la fois l’amour-propre, les relations, les intérêts locaux des villes, bourgs et villages, c’est exciter un grand mouvement, sans qu’il puisse en résulter ni de grands, ni d’utiles effets. Ainsi, Messieurs, multiplier dans une même province les assemblées d’élection et d’administration, au lieu de les réunir en en seul corps d’Etat, et soumettre l’organisation à des règles fixes et proportionnelles au territoire, à la population, à la contribution, c’est une opération vraiment utile au peuple de ces provinces, à l’universalité de l’empire. Mais multiplier inutilement les fractions, lorsque l’objet essentiel est d’obtenir des quantités égales , changer absolument dans tout le royaume le régime municipal, en