464 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES, j 16 brumaire an H 1 J b novembre 1793 Un membre [Corenfustïer (1)] rend compte d’un échange fait par un citoyen, de numéraire contre des assignats, et en demande la mention honorable. Un autre membre [Cambon (2)] s’y oppose; bientôt, dit-il, on se trouvera trop heureux de pouvoir échanger contre nos assignats les faces des tyrans; bientôt nous présenterons une loi somptuaire, la première de ce genre dans la Répu¬ blique, pour poursuivre ce métal vil et odieux que les tyrans sont allés chercher dans l’Amérique pour opprimer les peuples. Sur sa motion, la'Convention nationale passe à l’ordre du jour (3). Compte rendu du Moniteur universel (4). Un membre annonce un échange fait par un citoyen de numéraire contre des assignats, et en demande la mention honorable. Cambon. Je m’oppose à la mention honorable. Bientôt on se trouvera trop heureux de pouvoir (1) D’après le Journal des Débats et des Décrets et le Bulletin de la Convention. (2) D’après les divers journaux de l’époque. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 20. (4) Moniteur universel [n° 48 du 18 brumaire an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 195, col. 2]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 414, p. 219) et les Annales patrio¬ tiques et littéraires [n° 309 du 17 brumaire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 1439, col. 2] et le Sup¬ plément au Bulletin de la Convention du 17e jour du 2e mois de l’an II (jeudi 7 novembre 1793) ren¬ dent compte de cet incident dans les termes sui¬ vants : Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. Corenfustïer dépose sur le bureau une somme de 2,000 livres en argent qui lui a été remise par une citoyenne pour être échangée contre des assi¬ gnats. Il demande l’insertion de ce fait au Bulletin avec mention honorable. Cambon. Non ! non 1 Point de mention honorable. On sera trop heureux que nous voulions échanger la monnaie républicaine pour des faces de tyrans. On s’extasie encore devant l’or et l’argent, et pour moi je m’indigne de cet enthousiasme. Le temps approche où vous signalerez, je l’espère, votre mépris pour ces métaux dits précieux, que les tyrans sont allés cher¬ cher par delà les mers pour nous mieux asservir. Il vous est réservé de traiter l’or et l’argent comme le poison corrupteur des républiques. Plaignez-vous seulement d’avoir été devancés à cet égard par l’opinion publique. Je m’oppose à la mention hono¬ rable et j’annonce que bientôt je présenterai à la Convention un projet de loi somptuaire qui rem¬ plira les vues de tous ceux qui aiment sincèrement la liberté et qui méprisent l’or. (Vifs applaudisse¬ ments.) La Convention passe à l’ordre du jour. IL Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires. Un membre, en présentant à l’Assemblée une somme de 2,000 livres en argent, qui lui a été remise échanger contre nos assignats les faces des ty¬ rans; bientôt nous présenterons une loi somp¬ tuaire, la première de ce genre dans la Répu¬ blique, pour poursuivre ce métal odieux et vil que les tyrans sont allés chercher dans l’Amé¬ rique pour opprimer les peuples. L’or, aux yeux du sans-culotte républicain ne doit être que du fumier. (On applaudit.) Un membre [Merlin (de Thionville ) (1)] annonce que la Vendée n’est plus qu’un monceau de cendres arrosé de sang; que par une lâeheté inconcevable, 10,000 hommes n’ont point fermé le passage de la Loire, et les restes des brigands sont allés porter leur rage et leur désespoir dans les départements environnants; mais que bientôt ils tomberont sous le glaive de la loi, ou sous l’épée des patriotes des départements, qui se sont levés en masse. Un membre [Philippeaux (2)] observe que le département de la Sarthe est dans ce dernier cas; il demande que la Convention déclare que ce dé¬ partement a bien mérité de la patrie. Sur les observations d’un membre [Merlin (de Thionville) (3)1, la Convention nationale ajourne cette proposition jusqu’à la destruction totale des rebelles (4). Compte rendu du Moniteur universel (5). Merlin (de Thionville). Citoyens, la Vendée n’est pas qu’un monceau de cendres arrosé de sang, excepté la ville de Cholet et quelques vil¬ lages. Par une lâcheté inconcevable, 10,000 hom¬ mes n’ont point fermé le passage de la Loire, par une citoyenne pour être changée contre des assi¬ gnats, demande la mention honorable de ce fait. Cambon s’y refuse. Quoi ! dit-il, vous citeriez honorablement une action qui bientôt ne sera qu’une obéissance à la loi? Bientôt les propriétaires de ce vil métal seront trop heureux de recevoir nos assi¬ gnats républicains en échange des monnaies à face de tyrans. Il n’est pas éloigné le jour où vous remporterez la plus grande victoire sur les despotes, en arrachant à la circulation, en vouant à l’ inutilité cet or, cet argent que les rois, pour mieux nous asser¬ vir, allaient chercher au delà des mers. Bientôt vous traiterez ce métal corrupteur comme le poison des républiques. Déjà l’opinion vous a devancés dans cette grande mesure, et je vous annonce que sous peu je présenterai à l’Assemblée un projet de loi somptuaire, qui ne laissera rien à désirer à tous les amis de la liberté et à un véritable républicain. III. Compte rendu du Bulletin de la Convention. Le représentant du peuple Corenfustier annonce u’une citoyenne qui veut contribuer au maintien e la République, en tout ce qui est en son pouvoir, offre à la patrie 2,400 livres en monnaie d’or pour être échangée en assignats. (1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) D’après les divers journaux de l’époque. (3) D’après les divers journaux de l’époque. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 20. (5) Moniteur universel [n° 48 du 18 brumaire an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 195, col. 2]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 2, p. 491, le compte rendu de la même discussion d’après divers journaux. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 6 Novembre6 1793" 465 et les restes des brigands sont allés porter leur rage et leur désespoir dans les départements en¬ vironnants. Mais bientôt ils tomberont ou sous le glaive de la loi, ou sous l’épée des patriotes, des départements qui se lèvent en masse. Philippeaux. Vous avez porté un décret ter¬ rible contre les départements qui donneraient du secours aux brigands. Il est juste de décer¬ ner une récompense à ceux qui marchent pour les écraser. Je demande que la Convention dé¬ crète que le département de la Sarthe, que le comité de Salut public vous a annoncé hier s’être levé en masse pour aller combattre les rebelles, a bien mérité de la patrie. Merlin (de Thionville ). Quand le départe¬ ment de la Sarthe, et les 5 ou 6 autres qui se réunissent à lui, auront exterminé les restes des rebelles, alors il sera temps de décréter la pro¬ position de Philippeaux. Il faut veiller sur ces le¬ vées en masse de la part des villes, et lorsqu’elles auront bien mérité, alors elles recevront la seule récompense due et chère à des républicains; la Convention dira : telle commune a fait son de¬ voir. (On applaudit.) L’ajournement de la proposition de Philip¬ peaux est décrété. Le conseil exécutif adresse à la Convention le compte qu’elle lui a demandé, le 5 brumaire, relativement à l’échange des prisonniers. Renvoyé au comité de Salut public (1). Compte rendu du Journal de Perlet (2). Les ministres de la guerre, de la marine et de l’intérieur rendent compte de ce qu’ils ont fait pour l’exécution du décret relatif à l’échange des prisonniers. Des agents ont été envoyés dans toutes les armées de la République. Ils sont chargés de se concerter avec les représentants du peuple et les généraux pour rendre la liberté à nos braves frères d’armes. L’échange ne peut s’opérer avec les Espagnols, parce que le général Ricardos a refusé de se soumettre au décret qui en excepte les émigrés faits prisonniers. Renvoi au comité de Salut public. La commune de Mennecy, département de Seine-et-Oise, est introduite à la barre; elle apporte l’argenterie et les ornements de son église, et demande l’abolition d’une paroisse dans son arrondissement. La Convention nationale passe à l’ordre du jour (3) motivé sur le droit qu’ont tous les ci¬ toyens d’adopter le culte qui leur convient, et de supprimer les cérémonies religieuses qui leur déplaisent; décrète l’insertion de la proposition des habitants de la commune de Mennecy, et des motifs de sa détermination, au « Bulletin ». Les pétitionnaires sont admis à la séance (4). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 21. (2) Journal de Perlel [n° 411 du 17 brumaire an II (jeudi 7 novembre 1793), p. 299). (3) Sur la motion de Basire, d’après Y Auditeur national et le Journal de Perlel. (4J Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 21. lre SÉRIE, t. lxxvïii, Suit la pétition de la Société populaire de Men¬ necy (1). La Société populaire de Mennecy, département de Seine-et-Oise, district de Corbeil, à leurs lé¬ gislateurs. « Républicains, « Les sans-culottes de la commune de Men¬ necy, composant la Société populaire, félicitent la Convention nationale de ses travaux, et ap¬ plaudissent aux journées des 31 mai, 1er et 2 juin derniers, ainsi qu’aux mesures vigoureuses qu’elle prend pour consolider la liberté et l’éga-hté, et l’invitent à rester à son poste jusqu’à ce que la République soit purgée de ses tyrans et de leurs satellites, et que l’aristocratie se soit brisée aux pieds de cette sainte montagne. « Comptant nos jours par vos bienfaits, nous venons vous offrir le tribut de notre reconnais¬ sance. « La Société populaire de Mennecy connaît l’abus des préjugés et la nécessité que le peuple ne soit plus guidé que par la saine morale de la liberté et de l’ égalité qui atterre le fanatisme dont les prêtres se servaient pour séduire le ci¬ toyen peu éclairé. « Le nom d’un ci-devant et la présence d’un curé sont deux êtres que la société désire mettre dans l’oubh; d’après ce principe, la société s’en¬ gage de protéger l’opprimé, de soulager l’indi¬ gent et de consoler le moribond. « Elle vous demande qu’il vous plaise, légis¬ lateurs, décréter : « 1° Qu’à compter de ce jour la commune de Mennecy n’ait plus de curé; « 2° Que le presbytère soit incessamment mis en vente comme bien national, ainsi que les terres de la cure qui ne sont pas encore vendues ; « 3° Que le bâtiment servant ci-devant d’é¬ glise, devienne le heu des séances de la Société populaire; en conséquence que les bustes de Ma¬ rat et Le Pelletier remplacent les statues de Saint-Pierre et de Saint-Denis, leurs vieux pa¬ trons; que sur le milieu de l’autel il soit placé la statue de la liberté, enfin, que tout signe du fanatisme disparaisse devant celui de la liberté; « 4° Et que la commune de Mennecy-Viheroy soit dorénavant nommée commune de Mennecy-Marat. « Nous venons au nom de la Société popu¬ laire, vous offrir les 1,500 livres de traitement que la nation faisait à notre curé, toute sa dé¬ froque, l’argenterie pour être mise au creuset de la liberté, les cuivres pour faire des canons qui, secondant le courage de nos jeunes répu¬ blicains, feront mordre la poussière à nos tyrans et le linge pour servir à bander les plaies de nos braves sans-culottes. (Suivent 56 signatures.) « Nous venions en grand nombre, présenter à la Convention, tous les débris du fanatisme, quelle a été notre surprise, Législateurs, c’est que par des ordres que nous ne pouvons re¬ garder que comme arbitraires, nous avons ap-(1) Archives nationales, carton F” 1008% dos¬ sier 1371. Le Bulletin de la Convention du 16 bru¬ maire ah II (mercredi 6 novembre 1793) reproduit l’adresse de la Société populaire de Mennecy avec quelques légères variantes, 30